Je voudrais en tout premier lieu remercier Chantal Maillet de
m'avoir invité à vous parler, sous un titre qui a pu paraître
quelque peu sibyllin, d'un ouvrage de La Boétie, l'ami
légendaire de Montaigne et qui ne fut pas seulement l'ami de
Montaigne - et quel ami! - mais qui fut aussi l'auteur du
Discours de la servitude volontaire, oeuvre singulière dont le
titre à lui seul est assurément tout un programme. J'aimerais
ensuite, avant de commencer, rendre hommage à Claude Lefort
dont le travail rigoureux et inspiré sur cette oeuvre1 l'a
véritablement, à mon sens, ouverte à la lecture, ne serait-ce
qu'en y reconnaissant un texte à lire et à s'efforcer d'entendre à
travers toute sa complexité, alors qu'il était plutôt tenu
jusqu'alors pour un pamphlet vigoureux, à l'éloquence juvénile,
à la fois saisissante et passablement creuse, dont on ne se faisait
pas faute d'extraire et d'exploiter à l'occasion quelques formules
percutantes ou quelques passages particulièrement entraînants,
sans trop s'inquiéter du sens et de la portée que pouvaient
prendre ces formules ou ces passages dans le fil sinueux du
travail de l'oeuvre et, à vrai dire, sans seulement soupçonner ce
travail ni qu'il y'eût là une oeuvre