Symptôme de la modernité, la ville est d'emblée un topos littéraire, tant son
incontrôlable expansion fascine l'écrivain. Mais si la ville de Rastignac est
encore le lieu d'une possible ascension sociale, un nouveau protagoniste de la
modernité fait rapidement son apparition dans la figure, non plus du parvenu,
mais du vagabond, échoué dans une ville qui l'abrite sans s'offrir. L'aventure
individuelle - monter à la ville - s'est changée en phéno-mène de société -
occuper les marges de la ville. La réalité de l'immigration urbaine se mêle à
celle de l'exclusion dans le désenchantement qui affecte ces "métropoles crues
modernes", pour reprendre les termes de Rimbaud.
La modernité industrielle est aujourd'hui déjà historique et fait place à un
excès de modernité, que le sociologue Marc Augé désigne par le terme de
"surmodernité"215, une modernité superlative dont il faudra déterminer les
formes. Pour en appréhender les modalités, c'est aux scripteurs de la nouvelle
mythologie urbaine que nous faisons appel. Bernard-Marie Koltès fait ainsi
advenir au théâtre une dimension essentielle du contemporain, à savoir
l'exclusion, la marginalisation, réalité de l'immigration et de la paupérisation.
Chez cet auteur qui se plaçait du côté des condamnés, le thème de l'exclusion
est récurrent. Nous nous attacherons à l'observer dans une pièce en particulier,
Quai Ouest. Le contemporain y sera appréhendé dans sa manifestation spatiale ;
la sur-modernité sera approchée à travers les lieux qu'elle a produits. Nous
chercherons à comprendre le renouvellement du rapport de l'homme à son
espace de vie, une évolution qui nous mèn