Jamais je ne pourrai écrire : "Je suis morte le… … 20 xy, à z heures, en tel
endroit." Vous non plus. Personne. L'écriture signe là son ultime limite, que
l'histoire expérientielle de nos vies ne peut couvrir en première personne (sauf à
ré-inventer, au sens propre, les Mémoires d'Outre-Tombe29). Et pourtant, cette
mort asymptotique est présente en tous points de nos dits "récits de vie".
Car on ne peut passer, pour cet impossible dire, que par des biais plus ou moins
proches, plus ou moins décalés - ouvrant par là le placard des morts des autres
en nous. C'est ainsi que je peux écrire en deuxième personne : "Tu es morte le
25 septembre 2008, à 15 heures 10, dans une petite ville de province où tu n'as
vécu que pour mourir. Seule ou presque. En tout cas sans tes proches, sur le
moment. Mais tu ne pourras jamais lire ce texte, jamais y réagir, témoigner de
son écho en toi." Parce que le temps humain est irréversible. Et il n'est pas,
comme on le voudrait du "développement", "durable". Il est et restera
infiniment transitoir