De la scène politique à la désignation des savoirs
En 1958, les jeunes intellectuels français étaient plus attentifs au putsch
du 13 mai déclenché par l'alliance entre officiers supérieurs d'active et
pieds noirs — nous ne savions pas combien elle était noyautée par le clan
gaulliste — que par les décisions du ministère de l'Éducation nationale
concernant l'enseignement universitaire. La condition d'élève professeur
m'avait permis d'échapper provisoirement au service militaire : je ne pouvais
savoir que j'arriverais en fin de sursis, à l'automne 1957, au plus
mauvais moment, la "bataille d'Alger", dans une armée qui, avec la complicité
des derniers gouvernements de la IVe République, pratiquait systématiquement
la torture. Au printemps 1958, j'étais soldat de 2e classe
enseignant à Strasbourg dans une école de l'armée lorsque j'entendais les
jeunes aspirants, élèves au peloton préparatoire à l'École militaire supérieure
interarmes, se vanter d'astiquer les tanks en rêvant de marcher sur
Paris ; il m'était difficile de comprendre