L'INSTRUCTION MORALE À L'ÉCOLE

Michel Larroque

Date de publication : juin 2013

L'instruction morale n'est pas un prêche destiné à implanter artificiellement quelque surmoi dans l'esprit de l'enfant. Elle répond, au contraire, à une exigence essentielle : l'interrogation sur les fins de la conduite. Cette réflexion accomplit l'autonomie et son absence mutile l'éducation.

Tout le monde agit en vue d'une fin ultime

Tout le monde agit en vue d'une fin. Le but immédiat, le plus souvent, n'est qu'un moyen pour une fin ultérieure et ainsi de suite jusqu'aux fins dernières de la conduite. Ainsi montre Platon, 1 le commerçant ne navigue pas pour naviguer mais pour faire des affaires. Son négoce vise le profit et l'argent gagné permettra d'acheter du plaisir. Celui-ci n'est pas le moyen d'autre chose : il constitue une fin en soi. La philosophie antique a réfléchi sur ces fins dernières pour déterminer leur valeur. 2 Mais le problème ne concerne pas le seul spécialiste des idées. Le choix de ces fins oriente, en effet, toute existence et tisse, le plus souvent à notre insu, la trame du quotidien. La mère de Péguy "a rempaillé des chaises dans l'esprit des bâtisseurs des cathédrales". Mais un autre, pour gagner plus, bâcle un travail ou le facture indûment. Tous deux visent une fin dernière même s'ils n'en prennent pas une conscience nette. Il en est de même de nos rapports à l'autre. Spontanément, celui-ci nous apparaît comme un obstacle à écarter, une occasion de profit, une personne à respecter, un moyen d'être reconnu, un prochain à aider. Ces attitudes impliquent un choix de valeurs auquel nul n'échappe, par action ou par omission : la passivité du peuple allemand devant les premiers excès du nazisme révèle, sinon l'approbation de son idéologie, au moins un privilège consenti à la sécurité personnelle c'est-à-dire en dernier ressort au bonheur posé comme fin suprême.

Le bonheur est une fin universelle

Celui-ci en effet constitue la fin de tout être vivant. Chez l'animal, il prend la forme élémentaire du plaisir. À travers lui, la nature le guide vers sa conservation propre et celle de l'espèce. L'homme comme l'animal recherche d'abord le plaisir. Mais capable de réfléchir et de prévoir, il peut renoncer à un plaisir immédiat ou accepter une souffrance momentanée pour davantage de plaisirs et moins de peines dans l'avenir. Cette "arithmétique des plaisirs" cherche à satisfaire un maximum de tendances. Elle est donc le moyen du bonheur. Son acquisition durable exige la maîtrise d'un art difficile, apanage du sage, modèle des anciens philosophes. 3 Mais si la sagesse est ardue, la fin qu'elle poursuit est évidente pour tous : "tout le monde veut être heureux" écrit Pascal "même celui qui va se pendre". Ainsi, toute vie poursuit des fins ultimes, plus ou moins explicitées. Le bonheur est une fin naturelle et par là-même universelle.

Le conformisme de la jeunesse

La société est le contexte de cette recherche du bonheur : l'individu doit prendre en compte les lois multiples qui régissent les rapports humains, naviguer habilement entre les interdits pour trouver les meilleurs moyens du plaisir et éviter la sanction, source de peines. Mais cette compétition codifiée, entre des individus originaux, est le propre des sociétés modernes. Durkheim a montré que dans les premiers groupes l'individualisme n'a pas sa place car la ressemblance est le ciment social essentiel. Seule, la communauté des croyances permet de souder entre eux les membres du clan. Elle s'exprime dans des jugements imposés par le groupe, les "représentations collectives", qui ont un caractère coercitif. Toute déviance est punie par le blâme diffus de l'opinion, la mise en quarantaine, la moquerie ou la sanction pénale. 4

Si dans une société mondialisée les représentations collectives entrent en concurrence et perdent de leur importance, il en subsiste néanmoins des rémanences vivaces dans des groupes spécifiés, particulièrement dans la jeunesse. Le conformisme est l'un de ses traits essentiels. Sans doute l'imprégnation par les valeurs familiales, qu'elles soient assumées ou au contraire servent de repoussoir, est de nos jours plus rare. Mais la loi du groupe, qu'il s'agisse des copains d'une cour de récréation, de la bande d'une banlieue, de la tradition d'une grande école, ou plus généralement d'un style de vie uniforme entretenue par les réseaux sociaux constitue la référence ultime, parfois unique. Tout jeune est d'abord l'enfant de son temps. Et c'est pourquoi chez lui, le refus du conformisme, s'il est authentique, est rarissime : il peut inaugurer une vie d'exception, quelquefois supra normale et plus souvent anormale.

Ainsi, toute vie, à ses débuts, semble déjà orientée vers deux fins : la recherche du bonheur et l'obéissance à la communauté. Mais puisque c'est la peur de souffrir de marginalisation et de rejet qui motive la soumission au groupe, toute existence, à ses débuts, ne poursuit en réalité qu'un seul but : le bonheur. C'est dans ce contexte que se pose le problème d'un enseignement de la morale à l'école. Croire qu'en ce qui concerne les fins de la conduite, l'esprit de l'enfant est vierge et qu'il suffit de préserver son libre choix est une naïveté. La nature l'a déjà instruit et proclame à chaque instant que le bonheur est le but suprême

L'éducateur doit enseigner la distinction du bonheur et du bien

Or, c'est là un verdict contestable. On peut penser qu'un bonheur est mauvais s'il est acquis aux dépens de l'autre. Il est possible, au contraire, de juger infondée cette référence à autrui et de soutenir que seul est bon le bonheur propre. Quelle que soit la conclusion arrêtée, la distinction du bonheur et du bien est un préalable qui s'impose. Elle inaugure la réflexion sur les fins de la conduite qui, chez un être raisonnable, ne doivent pas être imposées par la nature mais ratifiées par le jugement. L'éducateur doit donc élargir le point de vue primitif de l'enfant. Celui-ci, en effet, déjà embarqué dans la vie est amené à choisir. Refuser d'éclairer son choix, c'est confirmer la sentence de la nature et entériner sa conséquence : si le bonheur est le seul bien tout est permis pour l'obtenir ; conviction qui autorise bien des dérives et, au mieux, tolère la vulgarité spirituelle.

Le problème se pose donc dès l'école primaire. À ce niveau, l'éducation du choix des fins doit revêtir la forme simple d'une ouverture à des valeurs autres que le bonheur. Quelles valeurs et quelle ouverture ?

La morale universelle

Il faut, dès l'école primaire, ouvrir l'enfant aux valeurs universelles. Il existe en effet une universalité de fait des valeurs morales : tout le monde, ou presque, estime le courage du bien, le souci de l'autre ou le respect de la vérité. 5 Si cette universalité apparaît contestable, c'est que l'on confond la valeur avec des déterminations limitées qui prétendent indûment la confisquer à leur profit. Ce sont, le plus souvent, des formes sociales situées, datées, donc relatives. Ainsi, les avis divergent sur la famille ou la patrie : mais, bien qu'elles puissent être porteuses de valeurs, elles ne sont pas, à proprement parler, des valeurs. En fait, il existe un accord sur les valeurs morales si l'on s'en tient au sens strict du terme.

Pour un important courant de la pensée philosophique, cet accord de fait traduit une universalité de droit. L'unanimité morale n'est pas simple ressemblance d'opinion mais l'expression d'une exigence de raison que tout homme, même inculte, ressent en son for intérieur : chacun, de même qu'il sait intuitivement que deux droites ne peuvent enclore un espace comprend que le fort n'a pas le droit d'opprimer le faible. C'est ainsi que Rousseau a décrit dans La profession de foi du vicaire savoyard "l'immortelle et céleste voix" de la conscience. Pour Kant le devoir est "un fait de raison", 6 évident pour tous : même "un enfant de sept ans" est capable d'en ressentir l'appel. Le philosophe n'aurait donc pas à le révéler, mais seulement à l'expliciter pour en favoriser la prise de conscience.

On peut contester cette revendication de la morale commune à l'universalité de droit et un esprit libre doit juger le bien-fondé de cette prétention. C'est le rôle, en terminale, du cours de philosophie : il conduira l'adolescent à s'interroger sur les fondements de la morale, ou, si on la soupçonne d'être une illusion, son éventuelle généalogie. 7 C'est un espace de liberté où toutes les hypothèses, même les plus extrêmes, devront être pesées. Il constitue la conclusion de l'éducation morale. Mais celle-ci s'impose bien en amont, dès l'école primaire, où l'enfant n'est pas mûr pour une remise en question de cette envergure. Or, comme on l'a vu, se taire, c'est déjà choisir. Il faut donc l'ouvrir à la morale universelle en attendant qu'il soit en mesure d'examiner ses lettres de crédit.

Morale laïque et morale confessionnelle

La morale enseignée à l'école doit être laïque. Qu'est-ce à dire ? Une morale confessionnelle part de Dieu, prétendument révélé, et en déduit l'obligation. La morale laïque, au contraire, prend pour point de départ la conscience du devoir comme "fait de raison". À partir de là, elle pourra, éventuellement, s'élever jusqu'à Dieu, conçu comme objet d'une foi rationnelle. Considérons, tour à tour, ce point de départ et ce point d'arrivée.

L'obligation morale n'est pas soumission à une prescription extérieure mais à une exigence intime reconnue légitime. Elle n'entrave pas la liberté, mais au contraire l'accomplit. Cette obéissance à soi-même, ou à la meilleure partie de soi-même, définit la morale laïque. Elle est, chez un enfant, la seule forme de spiritualité authentique. Pour l'instaurer, le curé ou le pasteur ne remplaceront jamais l'instituteur. Leur référence ultime en effet n'est pas la sincérité d'une conviction mais le Livre qui, en dépit de sa majesté, offense l'autonomie. 8 Leur engagement, quel que soit sa sincérité, procède d'une source incertaine : cette fragilité suffit à polluer leur dévouement. C'est parce que l'école de la république a déserté une mission essentielle qu'ils apparaissent aujourd'hui comme un recours.

Mais, bien que la morale ne procède pas de Dieu, elle peut, d'une certaine manière y conduire. Le malheur du juste, montre Kant offense la raison qui réclame l'accord de la vertu et du bonheur. Il y a, en effet, entre ces deux concepts, un lien "synthétique à priori". Bien qu'il s'agisse de notions radicalement distinctes, la raison exige leur union : tout comme, dans un autre domaine, l'idée purement qualitative de droite, bien que différente de la notion quantitative de plus court chemin, l'implique nécessairement. Au fond, Kant a voulu dire que l'exigence populaire qui réclame l'accord de la vertu et du bonheur n'est pas le fruit illusoire d'un rêve de compensation mais est rationnellement fondée. Puisque le monde déçoit cette requête, il faut qu'elle puisse être satisfaite ailleurs, sous l'égide de Dieu. Ce postulat de la raison, dans son usage pratique, n'est pas une preuve : mais il ouvre une espérance et autorise une foi. Celle-ci, dans la morale laïque, conclut la réflexion sur l'action bonne alors que dans la morale confessionnelle elle l'inaugure.

On ne peut enseigner la morale par des procédures objectives

Comment enseigner la morale ? Le raisonnement n'a pas sa place dans cette éducation car les principes ne se démontrent pas puisqu'ils sont premiers. Ils ressemblent, sur ce point, aux postulats de la géométrie euclidienne : points de départ de la démonstration des théorèmes, ils servent à les déduire, mais eux-mêmes ne sont pas déductibles. Sans doute, peut-on prouver qu'une conduite est bonne ou mauvaise selon son accord avec une norme. Mais la vérité de celle-ci ne peut être démontrée.

Elle ne s'impose pas, non plus, par des caractères objectifs qu'il suffirait de préciser à l'enfant. Kant a soutenu qu'on reconnaît la moralité d'un acte lorsque l'agent peut constituer la maxime de son action en loi, c'est-à-dire vouloir pour tous ce qu'il choisit pour lui. Cette possibilité d'universalisation est, indéniablement, le critère de la sincérité morale. Elle permet, en effet, de distinguer la conscience d'une valeur d'un simple goût : la conviction qui dicte la décision d'un juge impartial implique l'exigence que tout juge, dans la même occurrence, décide comme lui. Par contre, ma préférence des brunes ou de la montagne n'enveloppe pas cette prétention. Cependant, au moins dans les devoirs "imparfaits ou non stricts", 9 la règle kantienne ne permet pas de choisir entre des sincérités différentes. Ainsi, par exemple, l'un s'oblige à aider autrui car, sur un plan universel, il veut un monde solidaire. Mais un autre pourra, au contraire, refuser tout secours en vertu du principe que chacun doit se suffire et que personne ne doit aider personne. Comment les départager ? La loi est la traduction quantitative d'une épreuve de valeur qui la précède ; elle en est l'expression mais non pas la justification.

À première vue, il existe, au contraire, un critère objectif des "devoirs stricts ou parfaits" puisque l'universalisation de la maxime immorale enveloppe une incohérence : celui qui fait une promesse avec l'intention de ne pas la tenir, se contredit, puisque la notion même de promesse implique qu'elle sera tenue. Mais que répondre à celui qui rétorque qu'il n'a cure de logique et assume la fausse promesse comme une arme dans l'affrontement des intérêts ? Taxer d'incohérence celui qui se rit de la cohérence n'est pas un argument mais une pétition de principe.

Un argument semblable vaut contre toute définition de l'éducation morale comme l'apprentissage des règles permettant le "vivre ensemble". Cette conception enveloppe déjà un postulat moral : la réciprocité des devoirs et des droits fondée sur l'égalité des personnes. Que répondre à Calliclès 10 qui la dénonce comme contraire au droit naturel et réduit les rapports entre les hommes à des rapports de force ?

Ainsi toute prescription morale se fonde sur une épreuve de valeur qui la précède. Certes, cette expérience n'est pas exorbitante de la normale : la compassion, par exemple, est sans doute, comme le bon sens, la chose du monde la mieux partagée. Mais son bien-fondé est indémontrable et aucun signe objectif n'en ouvre l'accès. On peut dire de la valeur morale ce que Kant affirmait du beau : "elle suscite l'adhésion universelle, sans concept". 11 La valeur en effet est "atmosphérique". 12 Elle imprègne les déterminations mais reste elle-même indéterminée. De même qu'il n'y a pas de définition du beau, il n'y a pas de détermination du bien qui reste "au-delà de l'essence". Comment donc transmettre la valeur puisqu'elle échappe au discours ?

Les valeurs peuvent être transmises par l'étude de grands textes

Le problème est de créer un sentiment, il vaut mieux dire une épreuve intime, chez celui qui, de prime abord, lui est étranger. Ceux qui assimilent cette entreprise à un prêche en travestissent les données et, au lieu d'affronter le problème, stigmatisent une caricature. Il serait, en effet, aussi absurde d'inciter l'enfant à respecter l'autre que de l'exhorter à choisir la ligne droite pour atteindre au plus vite un but ou à préférer une œuvre classique à la télé réalité : il ne s'agit pas d'édifier mais d'instruire, en transmettant une intuition transcendante à la logique et au discours. Ce n'est que lorsque cette transmission échoue qu'elle est reçue comme un prêche et provoque la moquerie au lieu de susciter l'éveil.

Pour le favoriser, l'exemple joue un rôle essentiel. Certes, il ne fonde pas la moralité puisque pour le reconnaître bon il doit être confronté à une norme qui le dépasse. Mais, chez un enfant, il peut jouer le rôle d'un catalyseur en incarnant la valeur dans l'expérience. Sans doute, l'exemple personnel du maître a-t-il une portée réduite puisque ses rapports avec l'élève se situent dans un contexte limité. Mais l'éducateur pourra faire appel à des exemples imaginaires en proposant de grands textes à la réflexion des élèves. Il amorcera par là une discussion. C'était la méthode choisie, en général, par les maîtres du primaire lorsque l'enseignement de la morale était obligatoire dans leur classe. Et souvent, elle portait ses fruits. Ainsi, dans un tout autre domaine, celui qui ignore l'amour pourra rire de moi si je lui en parle, mais il sera plus facilement touché par un texte de Racine ou certaines chansons de Brel. C'est, en effet, le propre de l'art de véhiculer les valeurs sans les trahir.

L'éducateur pourra aussi s'appuyer sur des exemples négatifs en exploitant les réactions spontanées qu'ils provoquent chez l'enfant. Ainsi, à partir de son indignation devant une injustice particulière, il favorisera la prise de conscience de la valeur qu'elle implique et l'aidera à s'élever du cas singulier qui l'émeut à la règle universelle. Mais, sans doute, pour éviter la complaisance malsaine dans le fait divers, vaut-il mieux, là encore, emprunter ces exemples à des œuvres littéraires ou à des textes historiques.

Il ne s'agit là que de quelques pistes : notre but était de montrer pourquoi le problème de l'instruction morale se pose nécessairement et comment il doit être posé, sans prétendre en proposer la solution pratique définitive. Celle-ci, en effet, ne peut être que le fruit d'un travail de longue haleine. S'il n'est pas un simple gadget médiatique, le projet ministériel exige une mise en chantier patiente et méthodique. Il pourrait être d'abord expérimenté à l'école primaire. Il devrait, au terme d'une certaine période, faire l'objet d'une évaluation afin de d'être rectifié, progressivement étendu ou abandonné. Mais, quoi qu'il en soit, il vaut mieux que le dédain du marchand, le calcul du politique, ou le sarcasme du clerc.

Article publié dans L'Enseignement Philosophique, mars-mai 2013.

     
  • 1 Gorgias.
    2 Cicéron : De finibus.
    3 L'acquisition du bonheur est, chez les philosophes de l'Antiquité, le but de la sagesse. Victor Brochard a pu soutenir qu'ils ne proposaient pas d'autres fins et que la notion de devoir leur était inconnue.
    4 Durkheim : La division du travail social.
    5 Rousseau développe ce thème dans sa critique du relativisme de Montaigne :
    "… dis-moi s'il est quelque pays sur la terre où ce soit un crime de garder sa foi, d'être clément, bienfaisant, généreux ; ou l'homme de bien soit méprisable, et le perfide honoré." Profession de foi du vicaire savoyard. Livre 4 de Émile.
    6 Kant : Fondements de la métaphysique des mœurs.
    7 Nietzsche : Généalogie de la morale.
    8 A l'inverse des propos de Nicolas Sarkozy dans son discours du Latran : "Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance. [...]"
    9 Kant établit une distinction entre les devoirs stricts ou parfaits et les devoirs non stricts ou imparfaits. Dans le premier cas, par exemple être fidèle à sa promesse, l'immoralité enveloppe une contradiction logique : la promesse en tant que telle implique l'intention de la tenir, mais l'immoralité dément cette intention. Dans les devoirs non stricts, il n'y a pas de contradiction logique mais opposition entre ma volonté générale et mon vouloir particulier : par exemple, malgré mon approbation de la solidarité universelle, je refuse mon aide à quelqu'un pour ne pas me gêner.
    10 Platon, Gorgias.
    11 Pour Kant, "le beau est ce qui plaît universellement sans concept". Il va de soi que Kant n'a jamais assimilé le jugement moral au jugement esthétique.
    12 On peut consulter sur ce point : Obstacle et valeur, chapitre 4, de René le Senne.
  • juin 2013