UNE MÉTHODE SIMPLE DE RELAXATION : LA RÉPÉTITION PASSIVE

Michel Larroque

Date de publication : janvier 2018

Les deux méthodes classiques de relaxation, le training autogène et la méthode de Jacobson, peuvent présenter des difficultés d'apprentissage. La répétition passive d'un mantra ouvre à tous un accès plus facile à la détente. Elle reprend, sans faire appel à l'hétéro suggestion, le processus générateur de l'hypnose. Ce procédé s'est d'abord incarné dans les diverses formes de prière ; mais on le retrouve aussi en dehors de la vie religieuse comme dans la méthode Coué ou la méditation transcendantale.

Mots clés

Relaxation, hypnose, suggestion, training autogène, méditation transcendantale, prière, Jacobson, Coué.



Les inconvénients des méthodes classiques de relaxation

Il existe deux méthodes classiques de relaxation : la méthode de Jacobson et le training autogène. 1 La technique de Jacobson repose sur un affinement du sens musculaire : on apprend au patient à discerner, par un entraînement progressif, des tensions initialement inaperçues. Pour l'exercer à les repérer, il faut aiguiser son discernement proprioceptif par des exercices gradués. C'est ainsi que le sujet est invité à contracter un muscle, puis à prendre conscience de la tension corrélative de cet effort. Il devra ensuite produire des contractions de plus en plus légères pour s'habituer à percevoir des tensions de plus en plus ténues. Il est ainsi conduit à affiner peu à peu son sens musculaire jusqu'à percevoir le tonus résiduel d'un muscle apparemment en repos. Lorsque cette tension est décelée, il est facile de la supprimer. Jacobson planifie une procédure afin de détendre de la sorte chaque partie du corps. Les derniers exercices consistent à repérer et à réduire les contractions musculaires concernant les muscles des yeux et de l'appareil phonatoire, toujours solidaire de nos pensées. En les supprimant, on abolit par la même l'activité mentale. Au terme de cet entraînement, le sujet apte à déceler puis à abolir la moindre tension est capable de réaliser une détente complète du corps et de l'esprit.

La méthode de Jacobson a fait ses preuves et a donné lieu à de nombreuses applications dans les domaines les plus variés. 2 On peut cependant lui reprocher la longueur de son apprentissage. Le sujet en quête de relaxation est généralement stressé, fatigué, parfois débordé par les tâches quotidiennes. Le plus souvent, il n'est pas en mesure de s'imposer régulièrement un entraînement contraignant pour un bénéfice à long terme. Il faut donc lui proposer un chemin plus court.

Le training autogène semble, à première vue, d'un abord plus facile. 3 Il est, fondamentalement, une autosuggestion. L'abolition du tonus résiduel, cause physiologique de la sensation de détente, se traduit par une sensation de lourdeur des membres. L'aspirant à la détente est invité à se concentrer sur l'image de cette sensation : il se représente que son bras devient lourd. Il pourra, par exemple, évoquer un être cher répandant sur lui, par jeu, du sable chaud, alors qu'il se repose paisiblement sur une plage. Au fur et à mesure de l'entraînement, l'image se transforme progressivement en sensation : le sujet finit par éprouver réellement la lourdeur dans son bras alors qu'initialement il ne faisait que l'imaginer. Au bout de quelques temps la sensation de pesanteur irradie à l'autre bras, puis au reste du corps. Corrélativement à l'instauration de la sensation de lourdeur le tonus musculaire de fond diminue, d'abord dans le bras, puis dans tout le corps, sans qu'il soit besoin comme dans la méthode Jacobson de procéder muscle par muscle.

Les modifications physiologiques, en effet, sont liées aux sensations qui les traduisent à la conscience. Ordinairement, ces dernières n'en sont que la conséquence. Nos sensations élémentaires sont des épiphénomènes du corps : leurs variations expriment les changements d'état de l'organe. Le training autogène se propose, dans un certain domaine, d'inverser ce processus. Il s'agit d'agir sur l'organe par le moyen de la sensation. Schultz retrouve par là une ancienne technique de l'hypnose. Celle-ci est capable de produire des changements somatiques, hors de portée de la volonté ordinaire. Mais il faut pour cela que le sujet hypnotisé parvienne à imaginer la sensation liée à cette modification organique. Ainsi, c'est l'image d'une démangeaison ou d'une brûlure de la peau qui suscitera érythème ou phlyctène. C'est probablement par cette concentration sur l'image que certains yogis ont réussi à accomplir de véritables prouesses psychophysiologiques. Le training autogène est donc une autosuggestion qui transforme l'image en sensation pour agir sur le corps par la médiation de cette sensation. Il utilise ce procédé pour supprimer le tonus résiduel et instaurer la détente. 4

Le training autogène, dont l'efficacité n'est plus à démontrer, constitue donc, pour certains, une voie plus facile vers la relaxation. Mais pas pour tous. La suggestion en effet, dont l'autosuggestion n'est qu'une spécification, ne réussit pas de la même manière avec tout le monde. On sait depuis longtemps qu'elle échoue avec les obsessionnels. Dans la mesure où les dispositions psychiatriques se retrouvent, atténuées, dans la normalité, une personnalité réfléchie, distante à l'égard de ses projets et d'elle-même, accédera mal au training autogène malgré et même à cause de sa bonne volonté. C'est pourquoi il faut ouvrir une voie vers la relaxation à la fois facile et accessible à tous. C'est le propre de la répétition en état de lâcher prise.

La répétition passive

Elle consiste à répéter, pendant une vingtaine de minutes, une suite de sons, éventuellement une phrase, en respectant un certain nombre de conditions. La plus importante est l'abolition de l'effort. Coué recommandait de réciter sa formule 5 "d'une façon aussi simple, aussi enfantine aussi machinale que possible, par conséquent sans le moindre effort… sur le ton employé pour réciter des litanies". 6 Et c'est pour éviter l'effort qu'il recommande de ne pas fixer l'attention sur son propos et de le prononcer "avec les lèvres assez haut pour entendre ses propres paroles" : en effet, la concentration sur une parole intérieure génère plus de tension qu'une simple audition. Dans ce contexte de lâcher prise, il importe peu que ce support sonore ait ou non une signification. Et c'est pourquoi dans des méthodes orientales comme le japa yoga ou dans la moderne méditation transcendantale, le mantra répété est dénué de sens et se réduit à une pure suite sonore. Il importe toutefois que cette suite constitue une unité mélodique, une Gestalt sonore comme une phrase musicale où les notes perdent leur individualité au profit d'un rythme : le pratiquant ne perçoit pas le mantra comme une succession de sons séparés mais comme le refrain d'une chanson par laquelle il se laisse bercer. Après quelques temps d'exercice doit se produire "le réflexe de relaxation". 7 Il est essentiellement caractérisé par un double bénéfice : le repos et le calme.

Le premier avantage de l'exercice est, en effet, une possibilité de récupération rapide dans des circonstances de surcharge de travail, de problèmes professionnels ou personnels, d'insomnie.

Cette impression de repos est confirmée par des données objectives. L'électromyogramme montre un abaissement très net du tonus résiduel de repos, vécu par le sujet comme une impression de lourdeur et de chaleur dans les membres. L'hypotonie musculaire s'accompagne d'un état hypométabolique corrélatif d'un apaisement du système sympathique. De plus, au cours de la détente, la consommation d'oxygène diminue : le rythme de la respiration est deux fois plus long qu'au repos. Mais le sujet n'est cependant pas essoufflé car il s'agit d'un phénomène naturel qui résulte de la réduction de l'activité métabolique cellulaire. On note également une diminution du débit cardiaque ainsi que du rythme du cœur : cette conséquence de la réduction de la consommation d'oxygène est le signe d'un profond repos métabolique. On constate aussi une diminution de la tension artérielle. La température centrale chute d'environ 0,3°c, comme dans le sommeil ce qui est encore un signe d'hypométabolisme. Et la diminution du taux d'acide lactique dans le sang est plus rapide au cours de la relaxation que dans le repos normal ou même le sommeil. Ainsi l'impression de repos profond éprouvé par le pratiquant de la répétition passive est objectivement confirmée par les données physiologiques. 8 Sur le plan du vécu, le bénéfice d'une vingtaine de minutes de relaxation authentique est comparable aux effets d'une substance ou d'un médicament relaxant et euphorisant sans en présenter les inconvénients et les dangers.

L'autre bienfait de l'exercice est l'obtention du calme : le stress, en effet, est toujours liée à des crispations corporelles. L'anxiété, ou même une simple inquiétude, suscite toujours des réactions musculaires de défense. Il est donc normal que des états fondamentalement caractérisés par un abaissement du tonus résiduel soient des expériences de calme intérieur. C'est ce que confirme le tracé électroencéphalographique. On remarque chez le pratiquant l'apparition d'ondes alpha. Au fur et à mesure des progrès de la détente, l'amplitude de ces ondes augmente et leur fréquence diminue ; parfois apparaissent aussi des séries d'ondes thêta. Ces données constituent le signe objectif de calme car il n'y a pas d'alpha (ou très peu) dans les états anxieux. Dans la plupart des états profonds de relaxation, l'alpha persiste après l'ouverture des yeux, contrairement à ce qui se produit habituellement dans le sommeil. On note également au cours de l'exercice une augmentation de la résistance galvanique de la peau (RGP) comme dans le sommeil profond. La RGP diminue au contraire régulièrement dans les états d'anxiété et de stress. 9 Mais, au cours de la pratique de la méthode, ce signe objectif du calme augmente bien davantage et beaucoup plus rapidement que dans le sommeil. 10 Il semblerait donc que la relaxation constitue la parfaite antithèse des mécanismes du stress et de l'anxiété : "L'état de relaxation est avant tout un état anti émotion, c'en est sa meilleure définition". 11 Elle constitue donc l'arme la plus efficace pour faire face à des situations anxiogènes. Elle peut être d'un grand secours pour l'orateur, l'acteur, le professeur, le sportif en situation de compétition ou encore lors d'un examen médical pénible, avant une intervention chirurgicale redoutée ou une rencontre décisive. En effet ses bénéfices se prolongent plusieurs heures après l'entraînement. Il est donc possible de se préparer à une situation stressante pour l'affronter avec calme.

Hypnose et relaxation

La répétition passive est une autohypnose et c'est la raison pour laquelle elle induit la relaxation. On avait observé depuis longtemps la parfaite détente d'un sujet en état d'hypnose. Dans l'échelle de Davis et Husband, la relaxation physique complète caractérise le degré 5 du premier stade de l'hypnose : l'état hypnoïde. 12 Weitzenhoffer note que : "Généralement… l'apparence du sujet dès le début de l'hypnose est celle d'une personne endormie. La plupart du temps, la relaxation est si complète que le sujet s'effondre sur le sol, comme s'il s'évanouissait". 13 Mais, c'est Schultz qui a établi le caractère déterminant de la détente musculaire dans l'hypnose. L'inventeur du training autogène constate chez tout patient en état d'hypnose une importante baisse du tonus résiduel et une augmentation du calibre des vaisseaux sanguins périphériques. Cette relaxation musculaire et vasculaire exprime l'essence de l'hypnose qui est, fondamentalement, un état de repos. Et c'est pourquoi, comme on l'a vu, le training autogène cherche à reproduire par autosuggestion les caractéristiques somatiques de l'hypnose : la détente musculaire et vasculaire.

Mais il y a un moyen plus facile d'accéder à ses avantages : appliquer sur soi-même la méthode qui la produit. À première vue, cette entreprise semble impossible puisque l'hypnose se pratique à deux. Mais l'hétéro suggestion n'est pas indispensable pour accéder aux premiers degrés de l'hypnose. Elle est seulement plus commode. Précisons ce point essentiel.

La contradiction inhérente à l'hypnose : nécessité de lâcher prise

Pour cela il faut déterminer quel est l'apport de l'hypnotiseur dans l'hypnose. Bien évidemment il ne dispose d'aucun pouvoir magique pour agir sur l'esprit de son patient. C'est à juste titre qu'Erickson a condamné comme ridicule le mythe de l'hypnotiseur tout-puissant imposant sa volonté à l'hypnotisé. Il apporte seulement une solution au problème central de l'hypnose : concilier deux exigences difficilement compatibles : un abandon total et une fixation mentale.

Le lâcher prise est essentiel à l'hypnose. Les procédés pour la produire ont été codifiés par les premiers expérimentateurs ; ils n'ont guère été modifiés par la suite et, comme le note Chertok "les principes n'ont pas changé depuis quatre-vingts ans". Leur dénominateur commun est une consigne de renonciation à l'effort, une invitation à l'abandon. Cela est d'abord manifeste dans les indications relatives à la position physique du candidat à l'hypnose. On sait que celui-ci est généralement couché ou du moins confortablement installé. On lui prescrit de se laisser aller, de se détendre. Cette détente doit être à la fois physique et morale. Le sujet est invité à n'opposer aucune résistance, à faire taire son sens critique, à s'abandonner, bref à dormir. Cette suggestion de sommeil se retrouve constamment dans les procédés d'induction hypnotique. Sous l'effet des suggestions de l'hypnotiseur, le patient réalise l'idée qu'il se fait sommeil. 14 Or, ainsi envisagée, dans ses seules résonances subjectives, l'idée de sommeil a une signification claire et universelle : elle implique la renonciation à l'effort, l'abandon, bref le contraire de la volonté.

La contradiction inhérente à l'hypnose : nécessité de l'effort

Mais le vrai sommeil produirait une perte de conscience ou un vagabondage onirique. Ce n'est pas le cas dans l'hypnose ou l'esprit du patient reste braqué sur des représentations déterminées, par exemple les suggestions de son hypnotiseur. Or, tout état conscient implique un effort. Il n'est pas possible d'entendre distinctement sans écouter, de voir clairement sans regarder. Je n'ai pas conscience des sensations tactiles produites par les habits que je porte. Par contre, je discrimine avec précision le degré de dureté et de mollesse des corps que je palpe puisque les variations des sensations sont corrélatives des mouvements que je produis. Les degrés variables d'une résistance, cédant plus ou moins à la pression des doigts sont pour nous les signes de la dureté, de l'impénétrabilité ou de la malléabilité des corps. Et naïvement, je réalise l'effort conférant le statut de qualités en soi au rapport de mon activité à la résistance qu'elle rencontre : je crois que c'est en elle-même que la pierre est dure et la pâte molle alors que la dureté en soi ou la mollesse en soi sont des non-sens. C'est Maine de Biran 15 qui a montré que tout état conscient enveloppe un effort et que lorsque l'effort cesse, la sensation devient inconsciente même si l'organe sensoriel est normalement impressionné.

Son analyse philosophique a été confirmée par les données modernes de la physiologie. L'effort agit, en général, sur les muscles striés. Ils sont, comme l'écrit Jacobson, "les lieux de la volonté et de la liberté de l'homme". 16 Or les investigations électro-physiologiques indiquent que toute perception est accompagnée par une contraction de ces muscles. La conscience que nous prenons d'un son, d'une sensation visuelle, naît d'un double mouvement : un mouvement centripète de l'organe au cerveau mais également un mouvement inverse centrifuge. "Il est clairement établi, écrit Livingston, que, quoiqu'il puisse y contribuer par des impulsions d'origine sensorielle ascendantes, le système nerveux central possède un important mécanisme de contrôle sensoriel descendant, qui contribue aussi indubitablement au contenu de la perception" 17 Un sujet bien entraîné parvient à déceler ces tensions musculaires, en particulier au niveau des muscles oculaires ; s'il les élimine, il perd en même temps la perception. 18 Cette dernière implique donc "un schème de réponse neuro-musculaire hautement orienté". 19 Et ajoute Jacobson, "la perception est toujours un effort…". 20 L'anatomie apporte d'ailleurs une confirmation à ces expériences. On a découvert qu'un important organe sensoriel, le fuseau neuro-musculaire, était contrôlé par le système nerveux central. 21

Mais il faut aller plus loin. L'effort est solidaire non seulement de toute perception consciente, mais aussi de toute image et de toute pensée. Jacobson a montré que les muscles oculaires agissent, lors de la visualisation imaginaire, de la même façon que lorsque la personne voit l'objet. 22 Plus généralement, on note toujours des contractions musculaires lors d'une activité mentale quelle qu'elle soit. Ces contractions ont fait l'objet de mesures précises par des appareils adéquats ; on a pu vérifier que les activités mentales diminuent, et vont jusqu'à disparaître avec la décontraction, notamment celle de la musculature de l'œil et de la parole. 23 Ainsi la physiologie moderne vérifie la pensée de Maine de Biran : tout état de conscience suppose un effort.

L'hétéro suggestion comme solution à la contradiction inhérente à l'hypnose. L'erreur de la psychanalyse.

Il est donc difficile à un sujet seul de se concentrer sur une pensée tout en lâchant prise. Mais l'hétérosuggestion apporte une solution à cette difficulté puisque ce n'est pas la même personne qui se détend et qui maintient la représentation dans l'esprit : le patient peut rester complètement relâché pendant que son hypnotiseur lui suggère une pensée et la maintient dans son esprit par la répétition. Il n'a pas à assumer simultanément, comme dans l'autosuggestion, deux taches contraires. C'est en raison de cette facilité, due au partage des tâches, que l'hétéro suggestion a pu être considérée comme le prototype de la suggestion.

Bien évidemment, ce contexte favorise les remous affectifs décrits par la psychanalyse. 24 Le patient est passif, totalement dépendant de son hypnotiseur auquel il obéit sans réticence puisque le sens critique est aboli. Il est normal que ce contexte psychologique évoque dans son esprit sa situation antérieure d'enfant devant le père. Il est donc plausible que l'hypnose s'accompagne, comme l'ont soutenu les psychanalystes, de transfert et de régression. Et d'ailleurs, ces phénomènes induits par la passivité de l'hypnotisé, peuvent, à leur tour, la renforcer. Si le patient voit inconsciemment le père ou la mère dans la personne de son hypnotiseur il peut plus facilement obéir à ses directives. L'abandon prescrit n'est plus alors une pure consigne intellectuelle mais devient en quelque sorte une inclination naturelle. Le transfert et la régression, nés de la passivité, peuvent donc, par une sorte de choc en retour, la favoriser. L'hypnose peut donc, indéniablement, être associée à des réminiscences affectives.

Mais l'erreur de la psychanalyse a été de confondre cet accompagnement avec l'essence du phénomène. L'hétéro-hypnose peut se déployer dans un contexte passionnel, mais son essence n'est pas passionnelle. De même, il n'est pas rare qu'un élève éprouve l'égard de son maître une ambivalence sentimentale qui colore la relation pédagogique. Mais celle-ci, dans son essence, reste étrangère à ces émois. La théorie psychanalytique de l'hypnose a donc confondu l'essence et l'accident ; elle a égaré la recherche dans une voie sans issue. 25

La prière, forme ancestrale d'auto hypnose

Dans ces conditions, le recours à l'autre n'est pas essentiel à l'hypnose, il est seulement commode pour concilier la fixation mentale et l'abolition de l'effort. Mais l'autohypnose peut y parvenir, plus difficilement, par d'autres moyens. C'est le cas de la prière : elle constitue une forme ancestrale d'autohypnose. 26 En effet, elle est, par essence, un lâcher-prise car elle implique une attitude d'abandon au pouvoir de l'autre. Madame Guyon, évoquant ses débuts dans la vie religieuse, exprime bien cette exigence :

"Je tâchais" écrit-elle "à force de tête et de pensées de me donner une présence de Dieu continuelle ; mais je me donnais bien de la peine et je n'avançais guère. Je voulais avoir, par effort, ce que je ne pouvais acquérir qu'en cessant tout effort". 27 Cet abandon à la volonté de Dieu, essence psychologique de la prière, est exactement l'analogue de la soumission de l'hypnotisé à l'initiative de son hypnotiseur.

Cependant, le débutant adresse sa prière à un Dieu invisible et, souvent, inaudible. Le maintien de la concentration, dans ces conditions, pourrait entraîner une tension néfaste à l'abandon. L'oraison a donc besoin d'un support qui en facilite l'exercice. L'orant s'appuiera, le plus souvent, sur des sons : la prière revêt, sous sa forme la plus simple, l'aspect d'une demande indéfiniment réitérée. Cette répétition passive estompe peu à peu le contenu intellectuel de la prière et la diversité des paroles au profit de l'unité qualitative d'un rythme musical par lequel il se laisse bercer, en état d'abandon. Dans le silence de l'église, les humbles croyantes qui égrènent en chœur leur chapelet comme le chant toujours recommencé d'un même refrain vivent une expérience parente de l'hypnose. C'est pourquoi, elles accèdent à la paix de l'âme, ou, si l'on préfère, parviennent à déclencher le "réflexe de relaxation".

On retrouve un procédé analogue dans toutes les cultures et à toutes les époques. C'est ainsi que la répétition du nom de Jésus, en état de lâcher prise, rythmée sur les battements du cœur, a été systématiquement exploité par l'hesychasme. On trouve aussi dans l'islam la répétition du nom de Dieu, parfois associée, comme dans l'hesychasme à des exercices respiratoires. C'est le dhikr qui est, dans la spiritualité musulmane, l'analogue de la "prière du cœur". Le dhikr du cœur est la répétition intérieure du nom de Dieu ; il peut accompagner silencieusement le croyant tout au long de sa vie quotidienne. Le dhikr de la langue est prononcée à haute voix ; il est souvent psalmodié et parfois associé à de la musique ou à la danse. Cet accompagnement souligne le rythme musical de la prière vocale qui participe, comme on l'a vu, à son essence psychologique.

On retrouve en Orient le même procédé de répétition d'une suite sonore en état de lâcher prise. C'est le cas du japa yoga. L'actuelle méditation transcendantale en constitue une version modernisée. Mais le bouddhisme a connu également une forme de prière : le nemboutsou.

Dans un contexte agnostique, son but explicite est d'obtenir la grâce du Bouddha en répétant une invocation : "gloire au Bouddha de lumière infinie". Les paroles étaient comprises en Inde où le nemboutsou a vu le jour. Mais l'exercice n'était qu'une répétition mécanique pour les chinois et les japonais qui l'adoptèrent ensuite car ils ignoraient le sens des termes sanskrits. L'essentiel était ailleurs : un total abandon. L'école dite du "Pays Pur" a particulièrement insisté sur cette consigne. L'adepte devait renoncer à tout dessein, s'abstenir de l'effort, ne pas s'inquiéter sur l'issue de sa prière. Aussi longtemps qu'il restait disposé, en esprit, à se fier à sa volonté propre, il n'avait aucune chance de renaître dans le Pays Pur. Il devait attendre le salut de la seule grâce du Bouddha, confiant dans son vœu "…de recevoir tous les êtres dans sa terre de pureté pourvu seulement qu'ils récitent son nom et désirent être sauvés par lui". 28 C'est pourquoi cette voie a été désignée comme celle "du pouvoir de l'autre".

La plupart de ces techniques de prière visent un but plus ambitieux que la seule détente de l'esprit et du corps : elles se veulent une introduction à l'expérience mystique. 29 Mais bien que celle-ci la dépasse infiniment, elle implique cependant un lâcher prise identique. Son premier degré, l'extase, est vécue comme une grâce octroyée à un sujet purement réceptif. Dans le mysticisme accompli, 29 l'activité déployée n'a aucun rapport avec l'exercice de la volonté propre : l'âme se sent l'instrument d'une puissance qui l'absorbe. Elle est, tout à la fois, agissante et "agie". 31 On retrouve donc dans ces états, exorbitants de la normale, l'abandon propre à la prière élémentaire. Ils constituent tous, sous cet aspect particulier, des expériences parentes de l'hypnose.

La méthode Coué

Ce serait, cependant, une erreur de confondre le lâcher prise hypnotique avec les formes élémentaires de la vie religieuse. L'abandon confiant de la prière est psychologiquement dissociable du système notionnel dans lequel il s'est primitivement investi. Ainsi la méthode Coué peut être considérée comme une prière laïcisée, ou, si l'on préfère, la prière comme une autosuggestion travestie.

Son procédé fondamental, répétition d'une formule en état de lâcher prise, est l'analogue de l'oraison vocale. D'ailleurs, comme on l'a vu, Coué l'assimile à la récitation des litanies. Et la corde à nœuds dont il recommande l'usage est évidemment un chapelet laïque. Son emploi a pour but d'abolir l'effort pour compter les répétitions. Chez le pratiquant de la méthode comme chez l'humble croyante qui récite le chapelet, il s'agit, avant tout, de s'abandonner à la grâce de l'exercice.

Cet abandon confiant est le fond commun de la prière et de la démarche de Coué. Une même attitude mentale s'investit dans des contenus conceptuels évidemment très éloignés. De même que le croyant se confie à Dieu, Coué, dans des formules apparemment naïves, recommande de s'en remettre à l'inconscient pour atteindre des objectifs de santé en lui faisant confiance sur le choix des moyens. L'intention sous-jacente est l'abolition du souci volontaire de prendre en main la réalisation des objectifs. Elle implique la croyance que les choses s'accompliront d'elles-mêmes en dehors de l'effort.

Notons enfin que la méthode Coué utilise, en fait, deux procédés que son auteur ne dissocie pas mais qu'il convient de distinguer : la répétition passive, et la suggestion. Sans doute sont-ils liés : le "ternos logos" 32 déclenche le réflexe de relaxation, et le sujet ainsi détendu devient perméable aux suggestions. Celles-ci peuvent avoir des effets spectaculaires sur l'esprit et le corps, comme en témoigne l'immense littérature sur les pouvoirs de l'hypnose. Et d'ailleurs, les praticiens du training autogène utilisent la relaxation pour des suggestions médicales dans les domaines les plus variés. 33 Plus généralement, l'effet placebo confirme l'intuition de Coué sur la puissance de nos croyances.

Cependant il est préférable de distinguer ces deux moments de la détente. En effet, comme on l'a vu, il peut y avoir relaxation sans suggestion puisque certaines méthodes privilégient la répétition passive d'une suite sonore sans signification. La suggestion peut apporter un complément précieux à la relaxation mais n'est pas indispensable pour la produire.

* *

*

On peut s'interroger, pour terminer, sur les raisons du pouvoir relaxant de la récitation d'une suite sonore. La "prière du cœur", le japa yoga, la méditation transcendantale ont donné lieu à de multiples interprétations, métaphysiques, théologiques, ou même magiques. Dans une étude à visée essentiellement pratique, nous nous contenterons de suggérer brièvement une piste.

Constatons d'abord que la nature même du mantra est sans importance : n'importe quelle suite sonore peut convenir. Si sa matière est accessoire, il n'agit donc que par sa forme c'est-à-dire l'organisation temporelle de ses éléments constitutifs. La séquence sonore doit, comme on l'a vu, être perçue comme une Gestalt où les parties perdent leur individualité au profit d'un rythme d'ensemble. Le pratiquant ne la récite pas comme une succession de sons séparés mais comme un refrain qui le berce progressivement. Bref la répétition passive n'est efficace qu'à la condition de promouvoir un certain vécu temporel. C'est uniquement cette épreuve du temps qui conditionne la réussite de l'exercice.

Elle correspond à l'expérience de la durée décrite par Bergson. 34 Lorsque j'entends une phrase musicale, son début n'est pas aboli lorsque j'en perçois la fin. Passé et présent fusionnent pour former un bloc qualitatif unifié. Dans l'épreuve de la durée, le passé est présentifié : il n'est pas visé comme passé, projeté au loin dans un en deçà du présent. Tout au contraire il se mêle à lui pour constituer mon vécu actuel : je vis mon passé au présent ou, plus précisément, mon expérience se situe en deçà de la distinction passé, présent, avenir et ce n'est que rétrospectivement que la conscience réfléchie pourra la qualifier comme un présent. D'autre part, dans la durée vécue, nous coïncidons avec la mouvance même du temps : nous coulons avec lui au lieu de de le considérer de l'extérieur pour s'en donner une représentation panoramique et figée. Cette expérience, facile à vérifier dans le paradigme bergsonien de la phrase musicale, peut se retrouver en dehors de la musique, par exemple dans l'accomplissement de tout geste maîtrisé. La durée est le temps de la spontanéité.

Elle est généralement occultée par l'objectivation du temps, ordre figé des instants immobiles, fruit de la pensée rationnelle. Celle-ci s'étend comme un voile sur la donnée immédiate de la conscience et la masque au regard introspectif. Mais la durée coule pourtant en nous comme le lieu de nos racines. Elle constitue donc un inconscient essentiel à l'inverse de l'inconscient freudien lié aux seuls aléas de l'histoire personnelle. Les expériences d'hypnose et d'auto hypnose sont des plongés dans la durée : elles ne consistent pas à créer un pouvoir artificiel par une gymnastique mentale mais à retrouver notre fond naturel. 35 La répétition passive permet d'opérer ce retour aux sources par un procédé simple et accessible à tous.



Bibliographie

H. Benson et M. Z. Klipper, Réagir par la détente, traduction P. Basso, Tchou 1976.

H.Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF 155é édition Paris1982, ch. 2.

H. Bloomfied, M.P. Cain, D.T. Jaffe, La M.T. méditation transcendantale ou comment atteindre l'énergie intérieure, Tchou, 1976.

P. Brenot, La relaxation, Que sais-je ? ; PUF, Paris 1998.

E. Coué, La maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente, Oliven 1956.

C. Cungi et S. Limousin, Savoir se relaxer, Retz, Paris 2004.

P. Geissmann et R. Durand de Bousingen, Les méthodes de relaxation, C. Dessart, Bruxelles 1968.

J. Gouillard, Petite Philocalie de la prière du cœur, Seuil, Paris 1979.

E. Jacobson, Biologie des émotions, ESF, Paris 1974.

E. Jacobson, Savoir relaxer pour combattre le stress, traduction Y. Styeenhout, les éditions de l'homme, 1980.

J. Laloy, Récits d'un pèlerin russe, Baconnière/Seuil, 1978.

M. Larroque, Volonté et involonté dans la pensée occidentale et orientale, L'Harmattan, Paris 1994.

M. Larroque, Hypnose et autohypnose, L'Harmattan, Paris 2011.

M.Larroque, Les procédés de relaxation hier et aujourd'hui, l'Information psychiatrique, novembre 2013.

J. G. Lemaire, La relaxation, Petite Bibliothèque Payot, Paris 1964.

Maine de Biran, Essai sur les fondements de la psychologie, Vrin, Paris 2001.

J. H.Schultz, Le training autogène, PUF, Paris 2000.

Société française de médecine psychosomatique, La relaxation aspects théorique et pratiques, Expansion scientifique française, 1959.

D. T. Suzuki, Essais sur le bouddhisme zen, Albin-Michel, Paris 1972.

Weitzenhoffer A. Hypnose et suggestion, traduit par le Dr Métadier J, Payot, Paris 1967.

J. Wolpe, Pratique de la thérapie comportementale, traduction J. Rognant, Masson, Paris 1975.

Article publié dans "Psychothérapies", juin 2018.

     
  • 1 La sophrologie n'est pas une méthode mais plutôt un cocktail de méthodes diverses.
    2 En particulier, dans la préparation à la compétition des athlètes de haut niveau.
    3 Le training autogène est la méthode de relaxation la plus répandue en Europe. Elle a donné lieu à d'innombrables travaux.
    4 On procède de même pour le deuxième exercice fondamental du training autogène : l'expérience de la chaleur. L'étudiant imagine que son bras est chaud et la sensation de chaleur, d'abord localisée au bras, s'étend peu à peu. Elle correspond à une détente vasculaire qui accroît le calibre des vaisseaux périphériques et augmente ainsi la circulation sanguine dans ces vaisseaux.
    5 "Tous les jours, à tous les points de vue, je vais de mieux en mieux".
    6 La maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente. Édition J. Oliven, p. 26.
    7 C'est un concept élaboré par Benson. Dans son ouvrage, ce professeur de cardiologie de Harvard se réfère, sans la nommer explicitement, à la méditation transcendantale. Voir : Benson H, Klipper MZ. Réagir par la détente, traduction
    Basso P, Tchou, 1976
    8 Nous empruntons la plupart de ces données à l'ouvrage de : Bloomfied H, Cain MP, Jaffe DT. La M.T. méditation transcendantale ou comment atteindre l'énergie intérieure,Tchou, 1976.
    9 On place des électrodes sur la peau et on mesure la résistance à un léger courant électrique. La diminution de la résistance électrique de la peau dans l'anxiété et le stress est à l'origine du test dit "de détection du mensonge.".
    Voir, sur ces corrélations physiologiques de l'impression de calme : La MT méditation transcendantale ou comment atteindre l'énergie intérieure, opuscule cité, chapitre 4.

    10 Le nombre de changements spontanés de la RGP constitue un bon indice du degré d'anxiété. On note en moyenne, sur une période de 10 minutes, seulement 10 changements pour le sujet en état de méditation contre 34 changements pour un sujet normal. Mais ce dernier, après seulement 15 jours d'exercice, parvient à réduire de moitié les changements spontanés de la RGP.
    11 Brenot Philippe, La relaxation, PUF, Que sais-je ? Page 24.
    12 Chertok L. L'hypnose, Masson, Paris 1963, 3e partie, p. 136.
    13 Weitzenhoffer A. Hypnose et suggestion, traduit par le Dr Métadier J, Payot, Paris 1967, Chap. VII, p. 95.
    14 Objectivement, "le sommeil" hypnotique est très différent du sommeil réel.
    15 Maine de Biran, Essai sur les fondements de la psychologie, Vrin, Paris 2001.

    16 Edmond Jacobson, Biologie des émotions. Trad. Mucchielli. Ed. ESF, Paris 1974, Introduction, p. 14.

    17 Cité par Jacobson. Ibid., chap. II, p. 32.
    18 C'est un exercice de la méthode de Jacobson en vue d'obtenir une relaxation totale.
    19 Jacobson, Ibid., chap. II, p. 35.
    20 Jacobson, Biologie des Emotion, chap. II, p. 35.

    21 Jacobson, Ibid., chap. V, p. 63.
    22 Jacobson, Biologie des Emotions, chap. II, p. 38.
    23 Jacobson, Ibid., Chap. VII, p. 82.

    24 La psychanalyse veut expliquer l'hypnose à partir des concepts de transfert et de régression. Le praticien éveillerait dans l'inconscient du sujet hypnotisé des images de l'enfance à lourde charge affective. Freud a soutenu que l'hypnotiseur jouerait pour l'hypnotisé le rôle du père tout-puissant. Ce schéma explicatif a été repris et développé par ses disciples.
    25 Nous avons critiqué, ailleurs, les théories psychanalytiques de l'hypnose. Ici, nous donnons seulement la conclusion de cet examen. Voir :
    M.Larroque, Hypnose et autohypnose, l'Harmattan, Paris 2011, Ch. 5.

    26 Cette parenté de la prière avec l'hypnose n'autorise pas sa réduction à un pur phénomène psychologique.
    27 Cité par Delacroix : Les grands mystiques chrétiens, Alcan, Paris 1938, CH 4, p. 122.
    28 D. T. Suzuki, Essais sur le bouddhisme zen, Albin-Michel, Paris 1972, 2e série, chapitre 13, p. 302. Le nemboutsou s'est développé en Orient parallèlement et parfois en concurrence avec le zen. Voir dans le livre de Suzuki page 179 et suivantes et page 301 et suivantes.

    29 L'exercice, en effet, est poursuivi beaucoup plus longtemps que dans l'oraison ordinaire. Ainsi, un pèlerin russe récite la prière du cœur d'abord trois mille fois dans la journée, puis six mille fois, ensuite douze mille fois. Au bout d'un certain temps la prière se fait d'elle-même sans aucune intention volontaire de la part de l'orant. Elle jaillit spontanément même pendant le sommeil.
    Récits d'un pèlerin russe, édition Baconnière Seuil, 1978.


    30 Le mysticisme achevé n'est plus contemplation mais action : "Le fond de l'intuition mystique est activité ; elle est moins la puissance de représenter Dieu que la puissance d'actualiser Dieu ; au lieu de représenter Dieu, l'accomplir : être soi-même la spontanéité obscure origine des choses".
    H. Delacroix, Les grands mystiques chrétiens, Alcan, Paris 1938, Ch. 12, p. 418.
    31 "L'effort reste pourtant indispensable, et aussi l'endurance et la persévérance. Mais ils viennent tout seuls, ils se déploie d'eux-mêmes dans une âme à la fois agissante et "agie" dont la liberté coïncide avec l'activité divine". H. Bergson, Les deux sources de la morale de la religion, PUF, Paris 1955, 76e édition, Ch. 3, p. 246.
    32 Le "ternos logos" ou discours doux est une expression de Caycedo, fondateur de la sophrologie, pour désigner le ton monocorde employé par le praticien pour induire l'état hypnotique.
    33 On peut consulter, sur ce point, le chapitre 3, section 2 du Training autogène : Possibilités cliniques du cycle inférieur ainsi que dans l'addendum à la 3ème édition, le chapitre 2, applications médicales (P. Geissmann).
    34 La référence essentielle sur ce point est : Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, ch. 2.
    35 Nous reprenons ici les conclusions de notre ouvrage : Hypnose et autohypnose.
  • janvier 2018