Au cours des dix dernières années qui ont constitué la décennie de la Femme déclarée par l'ONU, les recherches entreprises en sciences humaines ont permis de donner une certaine visibilité au travail des femmes paysannes, jusqu'ici ignorées, sous-estimées ou encore masquées sous le concept d' "aides familiales", ou de "femmes au foyer". Cette sous-estimation, cette invisibilité étaient particulièrement choquantes dans les statistiques de population active aussi bien de chaque pays que des organisations internationales et, d'une façon générale, dans les indicateurs de la science économique. C'est que la statistique comme la science économique se sont constituées à partir d'une rationalité qui, loin d'être universelle, épousait les postulats les plus ancrés d'une classe dominante qui, pour des raisons que l'on exposera ci-dessous, avait réussi à occulter le travail des femmes mariées, urbaines d'abord, paysannes ensuite. "La rationalité est avant tout le privilège de ceux qui détiennent le pouvoir". Il s'ensuivait qu'un discours dominant consistant à déclarer "femmes au foyer" ou "inactives" des paysannes qui dépensaient dix à quinze heures par jour à travailler dans les champs, autour ou dans la maison, tenait lieu d'évidence au lieu de faire l'objet d'une interrogation ou d'une problématique. [...]