Formulé dès la fin des années 1950 par Gustav Metzger à travers une série de manifestes, l'art autodestructif est initialement pensé comme une forme d'art public adaptée aux sociétés industrielles, où les oeuvres se désintègrent dans le processus même de leur création. Résolument anticapitaliste et antinucléaire, cette pratique est défendue par l'artiste comme étant la seule susceptible de convenir au monde contemporain, du moins avec son corollaire direct, l'art autocréatif. Mais ses préoccupations semblent dépasser leur seul contexte sociohistorique et être tout aussi valables aujourd'hui. Si la logique des destructions propres aux modes de vie d'une société perdure, l'art autodestructif s'en fera à chaque fois la critique actualisée : "Look at the destruction taking place around you." Cette remise en cause sociétale doit également, selon l'artiste, s'accompagner d'un travail d'un autre type pour être pleinement opérante. En effet, la critique portée par l'art autodestructif s'adresse aussi, et peut-être en premier lieu, à l'artiste lui-même, afin de l'entraîner dans un processus de désubjectivation à même de le défaire de son assujettissement à une figure du sujet telle qu'elle a été historiquement produite par le capitalisme. Cet article souhaite revenir sur la notion d'art autodestructif élaborée par Metzger, afin de saisir ses enjeux et les transformations qu'il suppose dans nos rapports à l'art et à la société.