Aujourd'hui, au Brésil, la guerre aux drogues se présente comme une lutte militarisée où le trafiquant est envisagé par le système judiciaire comme ennemi de la nation, au même titre que le terroriste et le tortionnaire. Le crime de trafic de stupéfiants est ainsi associé, dans la constitution fédérale de 1988, aux crimes "énormes", non-susceptibles de grâce, d'amnistie ou de caution1. Cette constitution, en vigueur aujourd'hui, a été élaborée à la fin de la dictature militaire qui a régné au Brésil de 1964 à 1985, et se présente comme en rupture par rapport à elle. Mais elle garde néanmoins une certaine continuité avec la dictature : cette catégorie de crime énorme, qui désigne dans le droit brésilien une qualification juridique précise, a le statut de crime de lèse-nation ; statut hérité de la loi de sécurité nationale promulguée pendant la dictature. Si la qualification de la torture comme crime énorme est une nouveauté intégrée pour faire rupture avec la dictature, l'alignement du trafic de drogues et du terrorisme, présentés tous deux comme des menaces à la sécurité nationale, s'inscrit au contraire en pleine continuité avec elle. Cela donne au trafiquant un statut d'ennemi intérieur, radicalement distinct des autres acteurs de la chaîne de la circulation de drogues, en particulier le consommateur.
