Les lucioles et les vers luisants
Trouaient la nuit
De mystères insondables
Et dans cette vie de plein air
On venait à mon père
Emprunter sa lampe
Celle de l'inventeur Titus Titolandi
Un mélange de cuivre et de verre
De technique et de rusticité
Elle ressemblait plus aux lanternes des phares
Dans l'écume fragile des avants-mer
Qu'aux objets de compagnie
Tranquilles et pratiques
Qu'on astique par devoir
Et par sympathie
Le manchon de tulle fragile
Etait l'objet
De toutes les précautions paternelles
Il fallait de temps à autre le renouveller
L'opération était coûteuse
Et délicate
Lorsqu'on emplissait la belle
Elle sentait fort
La liqueur industrielle
Interdite à nous les filles
Et réservée aux hommes
Alccol essence pétrole
Qu'importait
Puisque c'était à eux qu'en incombait
L'office
Les lucioles et les vers luisants
Trouaient la nuit
Et les soirs d'Assemblée
On venait demander à mon père
Qui seul en possédait
De prêter sa lampe
La lampe Tito comme ils disaient
Déesse redoutable et vénérée
Qui à l'approche de l'allumette
S'enflammait
Dans un bruit sourd d'explosion
Comme la main aventureuse
Mais néanmoins décidée
Se retirait prestement
Tout à coup intimidée
D'avoir ainsi violentée la nature
Illuminant la cérémonie
Du surgissement de la lumière
Comme l'officiant lui même
Heureux
Après avoir tourné la molette
Permettant d'augmenter l'intensité
Demeurait pétrifié d'avoir osé
Le sacrilège sacré
Et moi dans les Années Cinquante
Dans cette vie de plein air qui m'exaltait
Car j'étais libre
Entre les bois et le glacier
Les lézards et les sauterelles
Les framboises et les fraises
Toute progéniture de ma mère la nature
Déchirée entre ma génitrice la nuit
Et cette splendeur incandescente
Fille d'Apollon
Amoureuse de Promethée
Je tournai alternativement la tête
Vers le signe absolu de la puissance paternelle
Et l'obscurité plus sombre encore
Scrutant dans la zone interdite
Les points pâles
Rampant et volatiles
Auxquels je savais
Malheur
Qu'il me faudrait un jour
Renoncer