"More cum'è nasce u ghjornu
À l'usciu di a vita vera…"
Patrizia Gattaceca, Sextine III
"Mourir ainsi que naît le jour
À la porte de la vraie vie…"
Personne. Non, il n'y a personne. Outis aurait répondu Ulysse. Un vrai désert minéral, végétal, marin, glaciaire. Comme une banquise craquelante avec un vieil ours dessus, affamé, amaigri. Là où je suis, il n'y a personne. Je ne suis nulle part. Nulle part où je suis de trop, rien ne me pèse, je suis plus léger que la brise. Je ne me compte nulle part, ― je suis de tous les siècles.
Ma voix, mais qu'importe ma voix ! Ne l'entendez-vous pas dans le vent noir qui crie ? Je suis de par les mondes, le monde visible et le monde invisible. ― Je suis transvisible. Je vole sur la face des vivants et des morts, je suis sur toutes les lèvres frémissantes, la parole bruissante, la parole tremblée, où même les oiseaux viennent y boire pour mieux chanter, comme mon frère le rossignol enamouré.
Je suis là à vos côtés, mais vous ne voyez pas. Peut-être avez-vous fermé les yeux. Vous m'avez croisé pourtant. N'ayez le cœur endurci. Vous ne m'entendez plus. Peut-être vos oreilles sont-elles encombrées par d'autres paroles ? Il y a trop de bruit dites-vous ! ― Revenez donc au silence.
― Ah ! Le silence…
Venez écouter personne. Outis, Outis… Ne cherchez pas sur vos petits écrans, je n'ai plus droit de cité ! Même dans les colonnes de vos journaux, je suis porté pâle, ― porté disparu. Peut-être lancera-t-on une armée pour me sauver. Il faut sauver le… La suite de ce propos a été caviardée. Trop dangereux, semble-t-il. Voyez en prison, vous m'y trouverez à coup sûr !
― Peut-être aurez-vous plus de chance chez un fleuriste ! murmure une femme. Pourquoi ? ― Pour la Rose, la Rose de Personne. Les fleurs maintenant sont sans parfum, vous ne risquez rien, surtout les roses. Pour l'instant, elles ont encore des épines, mais certains ont déjà pensé à les supprimer.
― Qu'importent les épines ! ajoutent-ils.
Paris, le 11 novembre 2007