Âme des Chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Alfred de Vigny (1797-1863)
Ouvre en grand la porte, laisse entrer les ombres.
Mon soleil brûle cette nuit de renards verts. C'est l'heure où les ombres se promènent, et nous passons, ― comme cet ombrage. J'ai un rameau d'or, ma main est celle d'un enfant qui l'a cueilli. Que grondent les armes pour une paix, là, ― en plein soleil. L'ombre du grand Roland est enfin consolée.
― Où sont les Chevaliers ? ― Se sont-ils exilés au ciel impérissable ? J'entends leurs cris de victoire, je vois briller l'éclat de leurs armes, j'écoute le gémissement des mutilés.
Les ombres ont recouvert de sang même les nuages. Ce crépuscule d'horreur dévoile un pâle silence empli de la fumée des carnages. Ces malheureux fantômes qui les consolera ?
Les blancs asphodèles vibrent sur leur tige. Un frais parfum de nuit flotte sur le champ des luttes. Ces transparentes ombres, sont-elles celles des fugitifs ? Le bruit de leur pas lent n'a pas d'écho, une odeur fugace de jasmin frise mes narines.
N'est-ce point le son sourd d'un olifant d'ivoire ?
Quelle est cette lumière cachée, pour qui sont ces flèches sifflantes vers l'obscur ? ― Donne-moi ce miroir d'obsidienne.