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POURQUOI APPRENDRE LA PHILOSOPHIE ?

Michel Larroque

Cet article est un extrait du livre suivant :
La philosophie au lycée


Date de publication : mai 2007

Version mise à jour régulièrement de l'article actuel : Sur le site personnel de l'auteur

Cet article introduit au livre de Michel Larroque : La philosophie au lycée, l'Harmattan, 2007.

L'enseignement obligatoire de la philosophie, dans l'enseignement secondaire, est une spécificité française. Elle a donné lieu à des appréciations contrastées. Pour les uns, cette ouverture de l'esprit aux grands problèmes philosophiques, au sortir de l'adolescence, couronne l'étude des autres disciplines et en accomplit la visée. Les pays étrangers envieraient cette originalité culturelle et certains seraient prêts à l'imiter. Mais pour d'autres, la plupart des élèves de 18 ans manquent de la maturité indispensable pour se risquer à une réflexion de cette envergure. Le discours philosophique, au lycée, serait une semence gaspillée dans des terres provisoirement ingrates : il ne porterait qu'exceptionnellement ses fruits.



L'opinion des élèves qui ont reçu un enseignement philosophique traduit une ambiguïté analogue. Pour quelques-uns, le cours de philosophie a été une révélation : il a ouvert des perspectives insoupçonnées. L'ancien élève en parle avec émotion, surtout lorsque la modestie de son origine sociale le tenait éloigné de grands problèmes dont il ne soupçonnait pas l'existence. Parfois même, surtout s'il n'exerce pas un métier intellectuel, il s'y référera avec nostalgie. Mais d'autres ne conservent de cet enseignement que le souvenir d'échanges, intéressants ou oiseux, mais qui n'a laissé aucune trace. Presque tous confondent l'éveil philosophique avec le succès en dissertation qui a pris, verrons-nous, une importance démesurée.

Souvent, c'est la personnalité du professeur, ou plus précisément son accord avec la personnalité de l'élève qui conditionne le succès de l'enseignement. Sans doute, est-ce le cas pour toutes les disciplines : en effet, bien qu'ayant vocation à l'universalité, le discours de l'enseignant émane d'une personne singulière qui plaît ou ne plaît pas. On sait que souvent, l'élève progresse avec un maître qu'il aime, ou quelquefois... qu'il hait. Toutefois, ce paramètre subjectif semble largement majoré dans l'enseignement philosophique. Il est généralement admis. Mais c'est à tort qu'on le considère comme allant de soi. L'enseignement philosophique doit pouvoir s'imposer par sa nature même. C'est un alibi douteux que d'en faire dépendre le succès ou l'échec de la seule personnalité du professeur. Il faut donc déterminer ce que doit être un enseignement philosophique authentique pour fixer sa place dans l'enseignement secondaire.

Ne craignons pas de commencer par une évidence : le professeur de philosophie doit enseigner la philosophie. [1] Pour comprendre son rôle, il faut donc définir celle-ci. Nous n'ignorons pas que cette entreprise suscitera l'ironie de bien des spécialistes. La détermination de la philosophie serait la question à ne jamais poser à un philosophe, du moins au début de sa recherche. [2] Pourtant, il nous semble possible de donner de la philosophie une caractérisation simple bien que négative : la réflexion philosophique est la recherche de la vérité, sur des problèmes généraux, [3] qui ne relèvent pas de la science. Pour éclairer cette définition, un bref rappel historique est nécessaire.

L'antiquité grecque ignore la distinction de la science et de la philosophie. Au temps de Socrate, le clivage des disciplines oppose surtout la philosophie à la rhétorique. La philosophie était une recherche désintéressée de la vérité ; la rhétorique au contraire ne se souciait pas de vérité : c'était une technique d'avocat dont le seul but était d'emporter l'adhésion de l'interlocuteur. Les dialogues de Platon opposent continuellement à l'avocat, dont le but est seulement de convaincre, au besoin en utilisant des raisons fausses mais prestigieuses, le philosophe, qui, lui, se propose de connaître.

Dans cette perspective, ce que nous différencions actuellement comme science et philosophie se trouvent confondu dans les textes des philosophes grecs. Ainsi, on trouve dans la République, à côté de spéculations métaphysiques et politiques une véritable théorie de la science. De même, Aristote [4] ne fait pas de distinction entre la science et la philosophie. Une expression du XVIIIe siècle témoigne de cette identité originaire : la philosophie naturelle, était un concept communément employé pour désigner la physique.

Ce n'est que progressivement que les sciences vont se former en disciplines autonomes, ayant leur méthode originale. Dès l'antiquité, Euclide avait ordonné les propositions géométriques en un système hiérarchisé et, par là même, consacré la déduction comme la méthode des mathématiques. Mais il fallut attendre le XVIe siècle pour que Galilée, faisant rouler une bille sur un plan incliné, note les corrélations entre les degrés d'inclinaison du plan et la vitesse de la bille. Tout en découvrant la loi de la chute des corps, il donne à la physique sa méthode propre. Après la physique, c'est la biologie qui va conquérir son autonomie. Dans L'introduction à la médecine expérimentale, Claude Bernard définit les règles strictes de la recherche sur le vivant.

Il convient de souligner que ces sciences neuves, assujetties à une méthode déterminée, se constituaient en réaction contre la philosophie, qui restait une libre réflexion. Cette opposition est d'autant plus nette que la science est de constitution récente et par conséquent davantage menacée par les spéculations philosophiques qui avaient inauguré la recherche. C'est ainsi que Durkheim, dans Les règles de la méthode sociologique, souligne que les faits sociaux doivent "être traités comme des choses". Pour lui, la chose est un fait, relevant du déterminisme et par conséquent soumise à une loi qu'il convient de découvrir et de vérifier par les méthodes convenables. Elle s'oppose à l'idée, fruit d'une pure réflexion, indépendante des procédures scientifiques de preuve.

C'est donc en s'opposant à la philosophie, que les sciences particulières parviennent à s'en distinguer et à conquérir leur autonomie. Sans doute, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la connaissance de la matière, cette prétention à constituer un savoir autonome, fondé sur des lois, objectivement vérifiées ou du moins ayant subi avec succès l'épreuve de la "falsification", [5] apparaît moins légitime. Nul ne conteste, de nos jours, l'autonomie de la physique, discipline philosophique à l'époque d'Aristote. Mais, celle de la psychologie, une des dernières nées parmi les sciences actuelles, fait davantage problème.[6] Cependant, quoi qu'il en soit, les sciences particulières sont toutes nées du souci d'accéder à la vérité, dans un domaine particulier, par une procédure objective que chacun peut reprendre à son propre compte. Elle s'opposent, par là, à la philosophie conçue comme une réflexion libre, c'est-à-dire non assujettie à des règles contraignantes d'investigation et de vérification. L'avènement des sciences particulières a donc cantonné, par le fait même, la philosophie en une recherche de vérité, en dehors de la science.

À première vue, cette définition de la philosophie semble la reléguer dans le domaine des vaines spéculations. Il n'en est rien cependant et cela pour deux raisons.

Passons rapidement sur la première qui intéresse surtout le spécialiste. Ce serait, en effet, une naïveté de fonder sur la réussite de la science l'espoir qu'elle peut nous révéler le secret du monde. La science ne confisque pas le savoir à son seul profit ; elle constitue seulement, dans le monde moderne, un type de savoir incontournable en fonction duquel tout projet de connaître c'est-à-dire toute philosophie devra être défini. Mais, même une pensée qui l'institue comme seule connaissance valable s'en distingue pour la peser : le jugement qui ratifie la science seule n'est pas un jugement scientifique. Et, il faudra, dans cette perspective, décider si la science n'est que relative ou atteint l'absolu : cet examen de la portée de la science est en dehors de son domaine et relève de la philosophie comme en témoignent, entre autres, les spéculations de Kant et de Comte.

Mais la légitimité d'une pensée philosophique spécifique s'impose plus encore si la réflexion autorise une approche du réel autre que la science. Ainsi, on peut penser avec Platon ou Leibniz que si la science nous révèle les causes, elle se tait sur les raisons qu'il appartient au philosophe d'élucider ; ou bien, avec Bergson, qu'elle est incapable d'appréhender la durée, étoffe de l'esprit, saisie seulement par l'intuition ; ou encore, comme l'affirme Heidegger, que cantonnée dans les régions de l'étant, elle "ne pense pas" car elle n'appréhende pas l'être. Bref, le succès de la science ne démode pas la philosophie mais situe dans une perspective nouvelle le problème de la connaissance, question éternelle de la philosophie.

Toutefois, il s'agit là d'une problématique ardue, peu accessible à une réflexion novice. On pourrait en prendre prétexte pour réserver la philosophie à des spécialistes et circonscrire son enseignement à la seule université ; ou du moins, pour le réduire, dans les lycées, à une simple option pour quelques esprits intéressés par ces débats.

Mais il y a une deuxième raison qui plaide en faveur d'un enseignement philosophique pour tous les lycéens : les questions qu'il pose ne peuvent pas être esquivées par l'adolescent car elles structurent nécessairement sa vie concrète. Il les rencontre inévitablement et doit y répondre, d'une manière ou d'une autre. L'interrogation philosophique, en effet, n'est pas la chasse gardée des penseurs professionnels : elle est inhérente à la nature de l'homme ou, plus exactement, elle s'impose à lui dans la mesure où, verrons-nous, il ne s'identifie jamais à une nature. Précisons ce fait par quelques exemples. Nous en chercherons ensuite la raison.

Considérez l'autorité : le primitif obéissait sans hésiter au chef ou au prêtre. La tradition parlait en lui d'une voix trop puissante pour autoriser les velléités de révolte. Un jeune banlieusard français pourra au contraire récuser l'autorité du policier : elle l'agresse car il la croit injuste. Mais, toute autorité est-elle injuste ? Même fâcheuse, n'est-elle pas un mal nécessaire ? Une société peut-elle subsister sans elle ? Et si on la reconnaît indispensable, à quelles conditions est-elle légitime et quand devient-elle abusive ? Ces problèmes philosophiques classiques sont naturellement impliqués dans la révolte contre l'autorité tout comme dans l'exigence d'une autorité forte. Les réactions naturelles sont, à cet égard, des conséquences coupées de leurs prémisses philosophiques. On peut déjà l'entrevoir pas le constat que, toujours, ces réactions prétendent se justifier par des raisons, même spécieuses. L'autorité, n'est pas rejetée au nom d'une exigence de confort, comme on souhaite, s'il fait trop chaud, se libérer d'un vêtement encombrant ; sa dénonciation veut se légitimer et, par là même, inaugure une réflexion.

La philosophie, en effet, n'est pas un exercice intellectuel, en dehors de l'existence ordinaire, apanage de quelques spécialistes comme, par exemple, le jeu d'échecs. Les problèmes qu'elle pose constituent, au contraire, la trame du concret. Il serait difficile, sinon impossible, de trouver un seul aléa de vie qui ne l'implique pas. Est-il acceptable que l'obtention d'un emploi, d'un logement soit conditionnée par la couleur de la peau, qu'à égalité de compétence, une femme soit moins payée qu'un homme ? On dénoncera ces discriminations comme injustes. Mais qu'est-ce à dire ? En Inde, le régime des castes n'officialisait-t-il pas des rapports inégalitaires entre les membres du groupe ? On invoquera l'égalité des personnes. Mais quel est le fondement de cette égalité, et d'ailleurs, qu'est-ce au juste qu'une personne ? Ici encore, la conviction qui anime la protestation est la conséquence de prémisses philosophiques inaperçues.

Même dans la sphère du quotidien, mes rapports avec l'autre impliquent une référence philosophique inconsciente. Dans le vestiaire d'un club sportif, nous étions témoin de l'indignation générale à cause d'un portefeuille dérobé. Pourtant, les mêmes protestataires n'auraient pas blâmé le chat ayant chapardé le bifteck des convives. Implicitement, ils pensent donc que l'homme est libre, donc responsable, alors que chat ne l'est pas. Mais cette idée de liberté est une notion philosophique ; elle est loin de couler de source. Certains, excusaient partiellement le coupable à cause de son extrême jeunesse ; d'autres non. On aurait bien étonné les plus sévères en leur révélant, qu'au fond, ils pensaient avec Descartes que la liberté est infinie et la responsabilité totale. Les autres, plus indulgents, aurait été également surpris de se retrouver en compagnie de Malebranche pour qui la liberté, et par conséquent la responsabilité, sont susceptibles de degrés. Quant à ceux qui exonéraient l'auteur du larcin de toute culpabilité, à cause de ses carences éducatives, ils retrouvaient par là même, sans le savoir, l'intuition socratique qui devait se perpétuer de siècles en siècles : nul n'est méchant volontairement et la faute se réduit à une erreur.

Ainsi, nos enthousiasmes, nos indignations, nos débats se déroulent sur un arrière fond philosophique ; mais nous ne l'apercevons pas. Une démarche, dite citoyenne, s'interdira certains comportements et justifiera cette discipline en se référant à la formule : "si tout le monde en faisait autant". Elle retrouve, par là même, la définition kantienne de l'impératif catégorique. [7] Elle constitue un début d'ouverture à la réflexion sur le devoir. Or cette notion n'est pas l'apanage de spécialistes, comme par exemple le calcul infinitésimal. Elle est sous-jacente à la plupart de nos rapports avec autrui. Chacun en rencontre l'exigence, dans sa vie professionnelle ou privée, même s'il ne sait pas le désigner comme il convient. Le sacrifice qu'il consent, ou la fuite devant l'obligation morale sont des options philosophiques, même s'il n'en a pas conscience.

Même l'homme le moins spéculatif éprouvera, un jour ou l'autre, sinon de l'angoisse, à tout le moins quelque inquiétude devant le fait de vivre. Quelle est la raison de l'existence, quel est le sens de l'aventure humaine ? La religion formule ces questions, incontournables pour tout esprit adulte. Mais les réponses qu'elle propose pourront apparaître insuffisamment fondées à l'intelligence critique qui lui réclame ses lettres de crédit. A celui qui ne parvient pas à croire à la révélation du Livre, une réflexion libre pourra proposer le Dieu des philosophes, accessible au raisonnement ou à l'intuition mystique qui transcende les dogmatismes ; ou encore, étayer son scepticisme par les critiques classiques contre la religion. Elle lui épargnera, quelles que soient ses options définitives, les sectarismes, religieux ou athées.

On pourrait indéfiniment allonger la liste des expériences essentielles qui enveloppent une interrogation philosophique. Ainsi, le choix d'une profession, pour ceux qui ont le privilège de choisir, implique toujours, en définitive, une option sur les fins de la vie : plaisir ou réalisation d'un idéal. [8] Une liaison, un mariage, un divorce supposent quelque opinion sur l'amour qui oriente la décision : la sexualité humaine, en effet, n'obéit pas à un déterminisme physiologique strict, comme chez l'animal. Elle aussi s'exprime dans des choix. Sans doute, si on met à part les questions scientifiques et les problèmes techniques, il n'est pas d'activité humaine qui n'exige une libre réflexion. Le plus souvent, on l'ignore car les solutions imposées par l'habitude, le préjugé ou les circonstances masquent les questions sous-jacentes. Elles sont les conclusions conscientes de prémisses inaperçues. La philosophie consiste en une prise de conscience de ces prémisses. Elle est comparable, d'une certaine manière, à la psychanalyse qui se propose de dégager la signification cachée de nos vécus. Toutefois, contrairement à la psychanalyse, le sens dégagé ne renvoie pas à des éléments accidentels de l'histoire individuelle, mais à une problématique universelle. Le bénéfice de cette prise de conscience, est d'éclairer et de justifier nos décisions. Bref, la prise de conscience philosophique fonde la liberté.

On objectera peut-être que cette réflexion, contrairement à la science, n'aboutit pas à des conclusions certaines ; elle serait une vaine entreprise et une perte de temps. C'est oublier que, sur ce point, l'homme n'a pas le choix : le recul qu'il prend à l'égard de son existence pour la juger et éventuellement, en orienter le cours n'est pas un luxe dont il pourrait se dispenser, mais une nécessité inéluctable.

Originellement, en effet, la réflexion n'est jamais gratuite. [9] On ne réfléchit que pour résoudre un problème dont la vie nous refuse la solution immédiate. L'animal ne réfléchit pas, où réfléchit peu, car la nature l'a pourvu des savoir-faire indispensables à sa survie. Le chaton est génétiquement programmé pour grimper aux arbres et attraper les souris. La nature l'a doté d'instincts pour mener une parfaite vie de chat. Il n'a pas à en apprendre les gestes essentiels ; ou du moins, son apprentissage consiste seulement à actualiser des potentialités précises, à repasser en traits pleins sur les comportements que la nature a déjà dessinés pour lui en pointillés. Le chat, n'a donc pas un besoin fondamental de réflexion... ni a fortiori, de philosophie !

Il en allait probablement de même pour l'homme primitif. Sans doute, ne disposait-il pas d'instincts programmateurs de conduites précises comme ceux du chat. Il devait apprendre du groupe les gestes efficaces qui assuraient sa survie et son progrès. Le groupe doit achever l'enfant par l'éducation ; c'est l'imprégnation culturelle qui le constitue en homme à part entière. C'est ce que fait toute société.

Toutefois, dans une société primitive, la part laissée à la réflexion était également restreinte. Non seulement l'adolescent recevait du groupe les techniques de chasse, de pêche, d'agriculture qui assuraient sa survie, mais aussi, un guide de conduite strict, incarné dans des coutumes contraignantes. La société lui donnait aussi, à travers la religion, une vision du monde et de sa destinée. Dans ce contexte, pas plus que le chat, il n'avait besoin de philosophie pour vivre. Tout au contraire, si un malin... et très mal inspiré génie l'avait initié à la pensée philosophique, il l'aurait dangereusement marginalisé dans un groupe dont la cohésion était fondée sur la ressemblance. Dans La division du travail social, Durkheim montre que les premières sociétés, dites à solidarité mécanique, ne laissent que très peu de place à l'originalité individuelle. Tous les individus d'un même groupe se ressemblent : non seulement les mœurs et les croyances sont identiques, mais il en est ainsi des joies et des peines, des espoirs et des craintes, des enthousiasmes et des colères. La vie mentale de chacun est majoritairement une participation à la vie mentale de tous, comme on l'observe encore de nos jours, exceptionnellement, à l'occasion de la peur ou de l'enthousiasme d'une foule. Cette ressemblance était le ciment du groupe et c'est pourquoi les représentations collectives qui l'exprimaient avaient toutes un caractère coercitif. L'originalité n'était pas tolérée : elle était toujours sanctionnée, au minimum, par le blâme diffus de l'opinion, la mise à l'écart ou le rire.

Durkheim montre que cette ressemblance s'effrite progressivement au fur et à mesure de l'évolution des sociétés. [10] D'une part, la société augmente de volume. Cet accroissement entraîne un brassage des traditions, une confrontation de représentations collectives différentes, et par là même une perte de leur influence. D'autre part, la nature du lien social se modifie. Dans la société à solidarité organique, c'est la complémentarité des fonctions exercées, chacune étant indispensable aux autres, qui soude les membres du groupe. La ressemblance n'est plus indispensable. D'ailleurs, la diversité des professions la rend de plus en plus difficile s'il est vrai que la personnalité de l'homme se forge, en partie, autour des obligations, des espérances et des craintes, des joies et des peines du métier exercé. Bref, le passage d'une société fondée sur la solidarité mécanique à une société à solidarité organique autorise l'émergence de comportements originaux.

Sans doute, cette évolution s'est-elle faite très progressivement. La société athénienne du IVe siècle avant notre ère n'était certes pas une société à solidarité mécanique comme le groupe primitif. Le conformisme n'y était pas moins très contraignant : un des chefs d'accusation porté contre Socrate était qu'il ne croyait pas aux dieux de la cité. Dans une société primitive, son aventure spirituelle aurait certainement duré moins longtemps. Dans ce contexte, l'effort pour atteindre le vrai, en marge du groupe et éventuellement contre lui était une entreprise aristocratique : elle exigeait une envergure intellectuelle et un courage exceptionnel. La plupart pouvaient s'en dispenser : la société les guidait de la naissance à la mort par des voies assurées.

Mais à l'époque actuelle, à l'heure de la mondialisation, chacun de nous, même à son corps défendant, est appelé à reprendre le projet de Socrate. En effet, d'une part, les repères naturels qui guident la vie de l'animal nous sont refusés. Mais nous ne disposons pas, non plus, des critères sociaux incontestés qui balisaient la vie du primitif. Dans la société moderne, les visions du monde, les conceptions de l'homme, les règles ou la fantaisie des comportements s'affrontent et se contredisent. Or chacun, avec les moyens actuels de communication, prend conscience de ces divergences. La totalité du monde tend à remplacer la tribu primitive. Mais la société perd en cohésion ce qu'elle gagne en richesse : le conformisme rassurant cède la place à la contradiction.

Qu'il nous soit permis, ici, d'évoquer un souvenir personnel. Au cours d'un voyage au Maroc, notre guide nous avait surpris par la modernité de ses références de vie. Elles inspiraient un style d'existence comparable à celui des étudiants occidentaux : il donnait l'impression de faire partie de cette communauté de jeunes ayant accédé au savoir, enfants privilégiés de la modernité, dont la personnalité de base [11] transcende les frontières géographiques. Toutefois, il s'imposait le ramadan. La tradition religieuse à laquelle il se rattachait s'harmonisait mal avec son enracinement dans la modernité. Il se trouvait écartelé entre deux conformismes ; mais cette contradiction l'éveillait à la réflexion et au projet d'un choix authentique. Nous en sommes tous là car la société moderne est divisée contre elle-même. L'intériorisation des représentations collectives n'est plus un havre de paix qui nous épargnerait les conflits douloureux : elle introduit la contradiction à l'intérieur de l'homme.

Il faut évidemment s'en réjouir. L'entreprise de penser vrai et d'agir juste n'est plus l'apanage de quelques personnalités exceptionnelles, soucieuses de s'arracher à la médiocrité. Chacun y est appelé, qu'il le veuille ou non, car il se trouve embarqué, sans repères fixes. L'homme, tel que l'ont constitué la nature et l'évolution des sociétés est désormais une puissance de recul. Il n'adhère pas à son désir, comme l'animal, ou à sa croyance comme le primitif. Il inaugure au contraire une distance à l'égard de son vécu : ce recul instaure la réflexion. Elle introduit l'altérité dans l'esprit : à l'inverse de l'harmonieuse unité des êtres naturels, l'homme, comme on l'a dit, est l'animal malade. La pensée, en effet, doit épouser des points de vue différents qu'il s'agit de concilier : elle naît de la contradiction, même si sa vocation est de la résoudre et de restaurer l'unité.

On peut le déplorer et garder la nostalgie de quelque innocence réflexive. Mais ce sont là de vains regrets. L'homme irréfléchi est un mythe comme le fut, en d'autres temps, le concept d'un homme naturel. En découvrant Victor, élevé par des loups, Pinel prend conscience que la privation de tout apport social ne restitue pas la nature authentique de l'homme, mais en fait au contraire, une sorte de monstre. [12] De même, à l'époque actuelle, un homme privé de réflexion, élevé dans le champ clos de quelque sectarisme, ou bien soumis aux seules obligations de rentabilité des sociétés industrielles, est, comme "le sauvage de l'Aveyron" un être dénaturé et en quelque sorte perverti. La réflexion philosophique n'est donc pas un luxe intellectuel pour privilégiés, mais un accomplissement indispensable à chacun.

Ce caractère essentiel explique qu'elle déborde les limites d'une discipline particulière dans laquelle une tradition scolaire et universitaire tend à l'enfermer. En dehors de l'impérieuse nécessité d'une formation professionnelle qualifiée, l'enjeu philosophique est, en dernier ressort, la justification éducative de toutes les matières d'enseignement. [13] Considérez les mathématiques : exception faite de leurs applications pratiques, elles évoquent un jeu intellectuel gratuit, comme par exemple le jeu d'échecs ou le bridge qui n'ont d'intérêt que pour quelques spécialistes. Mais, comme l'a montré Platon, la géométrie classique est un exemple parfait d'essences éternelles ; elle constitue par là une introduction nécessaire à la recherche de la vérité. [14] Descartes remarque de même que si, considérées en elles-mêmes, les mathématiques apparaissent négligeables, elles revêtent pourtant, pour le philosophe, une importance capitale. Elles constituent, en effet, une expression parfaite de la méthode et acquièrent, par là, une portée universelle. L'intérêt éducatif des mathématiques est donc de promouvoir un modèle général de réflexion.

Il en est de même pour les autres sciences. Les lois physiques suscitent l'intérêt d'un esprit curieux : mais cette curiosité n'instruit pas lorsqu'elle reste cantonnée à un objet particulier : qu'importe, au fond, que dans la réfraction, l'angle d'incidence soit lié à l'angle de réfraction par la loi des sinus ? Mais cette loi a valeur de formation lorsqu'on comprend qu'elle manifeste la structure mathématique du monde. Elle arrache le néophyte à sa naïveté en lui révélant un ordre, sous-jacent à l'apparente incohérence des phénomènes. De même, la méthode par laquelle une loi est établie, n'a valeur éducative que si elle déborde la simple application d'une recette et introduit à une problématique générale : quelle est l'exacte portée de la preuve, la vérification d'une théorie est-elle définitive ou bien, seulement, provisoire, en attendant de futures épreuves de "falsification" ? Et à quels autres domaines peut-on étendre la procédure expérimentale du physicien ? De même, l'enjeu spéculatif des grandes théories de la physique est en dernier ressort philosophique. Quel crédit doit-on accorder à certaines conséquences paradoxales de la théorie de la relativité ? [15] Le physicien, dans ses équations, traite-t-il de la durée réelle ou confond-t-il le temps avec l'espace comme l'a soutenu Bergson ? Quelle est l'exacte portée de la théorie atomique ? Nous révèle-t-elle le secret de la matière ou n'est-elle qu'un formalisme mathématique complexe pour systématiser les faits ? Le physicien découvre-t-il l'en soi des choses ou seulement l'ordre des phénomènes ? Il s'agit bien là de problèmes philosophiques ; le physicien ne les résout pas mais ils prolongent naturellement son investigation. Ils sont pour tous d'une importance essentielle puisqu'il s'agit, en fait, de connaître la nature de l'univers où se déroule l'aventure humaine.

La biologie dévoile les processus physico-chimiques de la vie mais un regard philosophique découvre l'extraordinaire convergence de ces mécanismes : l'organisme apparaît comme une unité, harmonieusement hiérarchisée, tel un texte constitué de paragraphes, formés eux-mêmes de phrases, chaque phrase étant composée de mots, chaque mot fait de lettres. Et de même que chaque élément du discours doit se situer à une place précise pour qu'il ait un sens, chaque pièce de l'organisme semble s'inscrire dans un plan. Faut-il supposer quelque intelligence à l'origine du vivant, ou peut-on en faire l'économie en faisant appel au hasard et à des considérations statistiques ? L'intérêt éducatif de la biologie est d'ouvrir l'esprit à cette problématique générale dont l'enjeu final est le sens du monde qui nous intègre.

On pourrait étendre ces conclusions à toutes les disciplines. Ainsi, l'histoire n'a valeur de formation que par les problèmes qu'elle pose sur les conditions du devenir des sociétés, les motivations et les passions de l'homme, son aptitude ou son impuissance à orienter le cours de son destin. En dehors de cette problématique générale, l'événement historique reste une anecdote sans valeur éducative. Lors d'un voyage en Égypte, notre guide nous apprit que le pharaon Akhenaton voulut privilégier le culte du dieu Soleil et s'opposa au clergé de l'époque qui le taxait d'hérésie. Il ne s'agissait là, à première vue, que d'un élément d'érudition insignifiant. Mais, nous fit-on observer, Akhenaton pouvait être un mystique, soucieux d'opposer aux religions particulières un dieu universel, intérieurement éprouvé. Il se rattacherait ainsi, aux mystiques de tous les temps qui, peut-être, communient dans une même expérience, au-delà des dogmes. Le fait dépasse alors l'anecdote et revêt un sens par le problème philosophique qu'il pose : l'expérience mystique transcende-t-elle les différences de civilisation et d'époque ? Y a-t-il un homme éternel ou sommes-nous, ici, dupes d'un anachronisme ?

Retranchez, par imagination, tout enjeu philosophique des disciplines enseignées au lycée. Que reste-t-il ? Dans une optique purement spéculative, des curiosités singulières qui n'instruisent pas. Hâtons-nous d'ajouter que sur un plan pratique, ces connaissances, surtout dans les sciences, sont fondamentales puisqu'elles conditionnent le travail. On sait en effet que contrairement à l'animal, doté par la nature des savoir-faire nécessaires à sa survie, l'homme a du inventer les gestes qui lui permettront de se nourrir, de se vêtir, de s'abriter : le déficit instinctif initial rend inéluctable l'acquisition de la technique. En transmettant les savoirs indispensables, la société remplit pour l'homme le rôle, assumé par la nature, pour l'animal. Dans cette perspective, l'élève, qu'il apprenne les rudiments d'un métier ou les savoirs complexes d'une profession difficile se prépare au travail qui est la vocation de l'homme. Il pourra, ensuite, participer au développement des techniques qui constituent le principal moteur d'évolution des sociétés. C'est dire l'importance éducative, absolument essentielle, des connaissances particulières.

Il n'en reste pas moins qu'une formation, qui s'en tiendrait là reste une instruction mutilée. Sans doute l'excellence dans un métier permet-elle de gagner sa vie, ce qui est loin d'être négligeable. Elle est aussi une condition nécessaire d'accomplissement pour un être naturellement inachevé, appelé à se construire en même temps qu'il modifie son milieu. Toutefois elle n'est pas sa condition suffisante. La mère de Péguy, "qui a rempaillé des chaises dans l'esprit des bâtisseurs des cathédrales" a accédé à une sorte d'aristocratie morale par sa compétence et sa conscience. Mais l'apprentissage et l'exercice de sa profession ne lui révélait pas le sens de son activité et de son existence. La modestie de la tâche exercée n'est pas en cause. On pourrait en dire autant, pour le chirurgien, l'ingénieur ou l'avocat. Parfois même, les contraintes du métier pourront faire oublier cette quête du sens, pourtant essentielle à l'homme : le travail, facteur d'accomplissement, peut aussi être un risque de divertissement. On voit par là que la formation professionnelle, bien que primordiale, n'est cependant pas une finalité éducative suffisante. Elle doit être complétée par une réflexion générale sur l'homme et sa situation dans le monde. Toutes les disciplines l'impliquent, à un certain degré d'approfondissement. Elles constituent donc une propédeutique à la philosophie ; mais celle-ci accomplit leur visée.

Elle participe aussi, de façon essentielle, à la formation du citoyen dans une république. Un vote, en effet, est fonction de paramètres multiples. Or la plupart d'entre eux ne relèvent pas de critères scientifiques stricts ; ils expriment une certaine vision de l'homme et des rapports sociaux. Faut-il favoriser la liberté et la responsabilité individuelle quitte à assumer les conséquences moralement choquantes de la concurrence instaurée en principe moteur des sociétés ? Doit-on au contraire privilégier la solidarité et prendre le risque de freiner les initiatives créatrices ? Convient-t-il d'apporter aux pays du tiers monde une aide autre que symbolique ou ne doit-on se soucier que des seuls nationaux ? Mais qu'est-ce, au juste, qu'une nation, quel en est le fondement, quelle est sa valeur au regard de l'idée d'humanité concrétisée par la mondialisation croissante ? Ce sont des interrogations philosophiques sous-jacentes aux enjeux électoraux. Il en va de même pour l'appréciation du contexte international, indissociable des problèmes du pays. Peut-on parler, à propos de l'effervescence du monde musulman, d'un choc de civilisation ? Ou l'antagonisme des idéaux de vie n'est-t-il que l'expression sublimée des disparités économiques entre les pays riches et le reste du monde ? Faut-il penser, avec Marx, que de même qu'on ne juge pas un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, il est illusoire d'interpréter une crise mondiale sur la conscience qu'en prennent ceux qui la vivent ?

Sans doute, de nos jours, l'énorme développement des média met à la portée de presque tous les données susceptibles d'éclairer un choix politique. Mais c'est leur quantité même qui pose problème : comment sélectionner dans leur masse les informations authentiques sans un jugement exercé ?

D'autre part, il ne suffit pas que le citoyen soit éclairé sur les fins à atteindre et les moyens d'y parvenir. La démocratie authentique exige que celui qui vote fasse abstraction de son intérêt propre et veuille accéder au plan de la raison. "La volonté générale" écrit Diderot "est dans chaque individu un acte pur de l'entendement qui raisonne dans le silence des passions sur ce que l'homme peut exiger de son semblable et sur ce que son semblable est en droit d'exiger de lui". Si chaque citoyen, détaché dans son vote des groupes de pression et des consignes partisanes, exprime sa vision du bien commun, on peut espérer, avec Rousseau, que les différences individuelles se neutraliseront et qu'un choix raisonnable procédera des urnes. [16] Mais cette promotion du particulier à l'universel n'est pas naturelle. Elle implique un effort pour s'arracher aux prestiges de l'affectif et aux sollicitations de l'intérêt ; il doit être fondé. C'est un acte philosophique que doit instaurer l'éducation. Il est difficile, mais pourtant indispensable dans une démocratie : la vertu, a montré Montesquieu, est le ressort du régime républicain. Sans cette éducation de l'intelligence et de la volonté pour hausser l'individu au rang de citoyen, la somme des préférences particulières ne donnera jamais un choix raisonnable. Comme dans la parabole de Platon, le médecin sera condamné et le confiseur encensé par le tribunal d'enfants ! [17]

Cette double exigence, intellectuelle et morale, n'est indispensable que dans une république. N'importe quel régime autoritaire peut s'en dispenser puisque le peuple n'y est pas détenteur de la souveraineté. Mais elle conditionne l'exercice de la démocratie. Idéal moral ou utopie, celle-ci est un pari sur l'homme. Seule, l'éducation de la réflexion et de la volonté permet de le soutenir avec quelque vraisemblance.

Ainsi, le progrès des sciences est loin de rendre caduc l'enseignement philosophique dans les lycées. Affirmer qu'il reste important est trop peu dire : dans notre république laïque il est l'essence même de l'éducation. Pourtant, il souffre de la concurrence des disciplines scientifiques. Ce n'est pas seulement, comme on le répète parfois avec quelque complaisance, parce que, dans un siècle voué au profit, elles sont, à court terme, source de rentabilité. Principalement, les sciences sont restées des modèles de rigueur intellectuelle. Il n'en est pas toujours ainsi de la philosophie. Celle-ci, comme on l'a vu, n'a pas donné lieu à une méthode déterminée, sans quoi elle serait devenue une science : elle reste une libre réflexion. Mais cette liberté autorise des dérives. Elles constituent un risque normal, dans le débat d'idées entre adultes, et c'est un sain exercice de maturité intellectuelle de distinguer, dans le discours, les pensées authentiques des passions masquées ou de la logomachie. Mais il n'en est pas de même dans l'enseignement qui s'adresse à des esprits en voie de formation et par là même fragiles. L'institution doit à l'élève les garde-fous que les disciplines scientifiques trouvent dans la stricte observance de leur méthode. Ce n'est malheureusement pas le cas. Enivré par l'idée de liberté, l'enseignement philosophique entraîne les élèves dans des voies incertaines, quelquefois pour le meilleur, mais souvent aussi, pour le pire.

     
  • [1] Ce n'est pas une évidence pour tous. Certains réduisent l'enseignement philosophique à la seule formation de l'esprit critique, qualité certes précieuse, mais qui n'est pas le monopole de la philosophie.

    [2] On avait demandé à Jules Lachelier, jeune professeur à Toulouse, de définir la philosophie. Le futur maître, un moment perplexe, s'était contenté de répondre : "je ne sais pas".

    [3] Ainsi : l'homme est-il absolument responsable de ses actes est un problème philosophique ; Robespierre est-il totalement responsable de la terreur ne l'est pas. D'autre part, nous excluons de notre définition les vérités "techniques" qui découvrent les moyens adéquats pour obtenir une fin déterminée.

    [4] Cependant, Aristote distingue des sciences particulières, qui étudient un certain secteur de l'être, la philosophie première, science de l'être en tant qu'être et de ses attributs essentiels. Comme elle se situe, dans les traités d'Aristote, après la physique, il l'intitulera : la métaphysique.

    [5] Popper a montré que le propre d'une théorie, authentiquement scientifique, est de pouvoir être définitivement réfutée, (Popper dit "falsifiée"). La bonne théorie est celle qui a résisté, jusque-là, à toutes les tentatives de falsification.

    [6] On sait que ses fondateurs, comme Pieron, l'ont séparé de la philosophie : la pratique universitaire a entériné ce divorce. Toutefois, pour s'en tenir à deux exemples, on peut se demander comment le psychologue peut s'interroger sur la mémoire sans réfléchir sur le temps ou sur l'action sans considérer la liberté. Or ce sont là des problèmes qui ne ressortissent pas de la science mais relèvent de la philosophie. On peut craindre que la psychologie des psychologues, sous couvert de science, ne propose aux étudiants qu'une approche de l'homme, mutilée de l'essentiel, et doctrinalement orientée.

    [7] "Agis en sorte que tu puisses constituer la maxime de ton action en une loi universelle".

    [8] Ainsi, certains étudiants sortant de grandes écoles, choisissent de sacrifier le confort financier pour travailler dans l'humanitaire.

    [9] C'est pourquoi Socrate, pour amener à réfléchir des interlocuteurs qui croient savoir, commence par les troubler, en leur faisant prendre conscience que leur opinion implique une contradiction.

    [10] Il justifie cette conclusion par la diminution d'importance du droit pénal. Le droit pénal sanctionne un crime. Or dans les sociétés à solidarité mécanique, l'habit, la coiffure, la nourriture etc. étaient matières à crime car la loi imposait un conformisme strict dans des domaines qui relèvent aujourd'hui de la vie privée. La progressive disparition de ces catégories criminologiques atteste l'affaiblissement de la ressemblance lorsque la société se modernise.

    [11] Pour l'anthropologie culturelle, la personnalité de base désigne les traits psychologiques essentiels, communs à tous les individus d'une même culture. Elle naît de la rencontre des besoins fondamentaux et des institutions propres un groupe donné.

    [12] Les psychiatres avaient assimilé Victor à l'"idiot constitutionnel".

    [13] Cela ne signifie, évidemment pas, que le professeur de philosophie soit le seul habilité à dégager les implications philosophiques d'une discipline particulière. Les professeurs de ces disciplines, lorsqu'ils sont des maîtres authentiques, le font très bien dans le cadre de leur spécialité.

    [14] "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre", écrit Platon.

    [15] Par exemple, le "paradoxe des jumeaux". Soit deux jumeaux, Pierre et Paul. Pierre quitte la terre dans une fusée rapide et après un trajet rectiligne, fait demi-tour pour regagner son point de départ. Pendant ce temps, Paul reste sur la terre. Dans le cadre de la théorie de la relativité, le vieillissement de Pierre, jumeau voyageur serait inférieur à celui de Paul, jumeau sédentaire.

    [16] "Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun ; l'autre regarde à l'intérêt privé, et n'est qu'une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s'entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale". Rousseau, Du contrat social, chapitre 3.

    [17] Platon, Gorgias, 521 d.
  • Suite : Comment apprendre la philosophie ?
  • ISBN : 978-2-296-03207-1 • mai 2007
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