Maurice Barrès, né en Lorraine, gardant de son enfance le sentiment d'une France offensée par la défaite de 1870, consacre sa double carrière politique et littéraire à la reconquête de l'Alsace-Lorraine comme l'illustrent Les Déracinés qui, chronique des années 1880, entretiennent un lien particulier avec l'Histoire, à la fois moteur de l'écriture et argument de démonstration. Malgré son appartenance au genre dénigré du roman à thèse qui prospère dans des conditions historiques et nationales particulières, l'œuvre s'inscrit dans les réflexions du roman historique notamment dans son rapport à l'Histoire, sa réécriture et sa réinterprétation de l'Histoire, sa présentation du passé comme explication du présent mais aussi son intégration de personnages historiques dans le récit. La différence majeure réside dans la finalité de l'œuvre; l'histoire ne se cantonne plus à une fonction réaliste, didactique et ornementale permettant l'exotisme temporel, elle devient véritablement un instrument de propagande, si bien que le roman national se révèle être un dérivé en temps de crise du roman historique. Tout y concorde pour relever la France "déchue" au lendemain de la défaite de 1870. Dans un premier temps, Les Déracinés se présentent comme une réécriture de l'Histoire des années 1880 mais la réinvention de l'histoire et l'usage de la fiction n'y sont pas au seul service de l'imaginaire et du divertissement, elles ont un véritable enjeu idéologique, elles donnent à voir l'Histoire et le Bien politique selon un nationaliste.