Martin Freud raconte que son père, confronté à l'antisémitisme, n'essayait pas de discuter. Il brandissait sa canne, prêt à taper dans le tasl. Devant un tribunal, cela pourrait s'appeler "voies de fait". Cependant, et quoi qu'il en soit de la psychologie des personnages, une telle colère brute et sans phrase a quelque chose de judicieux, parce qu'elle répond en acte à quelque chose qui n'est qu'en acte, bien plus souterrain qu'il n'y paraît alors même que des paroles affleurent, voire des gestes. Ces choses-là sont faites pour rester cachées et ne s'extériorisent qu'en actes. Elles expriment, semble-t-il, une haine aveugle; aveugle au sens où elle n'est sensible à aucun argument, ce qui ne l'empêche pas d'être clairvoyante, comme le soulignait Lacan, clairvoyante quant à son objet, mais inconsidérée, sourde aux raisons et aux conséquences.
