Collège International de Philosophie Dirigée par Paolo Quintili
Pourquoi une nouvelle collection de philosophie intitulée "Rationalismes", au pluriels? c'est vite dit, et ce que c'est qu'un philosophe rationaliste, c'est D. Diderot qui nous l'apprend, à l'article "Eclectisme" de son Encyclopédie, un vrai manifeste des philosophies rationalistes modernes :
"L'éclectique est un philosophe qui foulant aux pieds le préjugé, la tradition, l'ancienneté, le consentement universel, l'autorité, en un mot tout ce qui subjuge la foule des esprits, ose penser de lui-même, remonter aux principes généraux les plus clairs, les examiner, les discuter, n'admettre rien que sur le témoignage de son expérience et de sa raison; et de toutes les philosophies qu'il a analysées sans égard et sans partialité, s'en faire une particulière et domestique qui lui appartienne...".
Mais la raison - lògos, ratio, reason, Vernunft, ragione et al. - ne jouit pas d'un bon titre aujourd'hui. Elle appartient à ce domaine opaque et intransparent des concepts-clé de l'histoire de la pensée occidentale sur lesquels ni le philosophe ni l'homme de la rue ne semblent plus devoir s'interroger. Par synonymes et antonymes, "la raison" va de soi, en tant qu'elle est, de fait, réductible au titre d'arrière-plan, désormais acquis, de toute doctrine philosophique contemporaine qui ambitionne à un rôle quelconque sur la scène de la pensée humaine. Et pourtant, dans son sens le plus général, "raison" est saisissable sous le titre reconnu de procédure spécifique de connaissance du monde des faits, de méthode d'évaluation des situations individuelles et de guide de la (bonne) conduite, qui passe par l'entremise du langage. Sous ce triple titre - de procédure, méthode et guide -, les traits historiques et la spécificité de la ratio occidentale ont été diversement repérés, sous plusieurs modes de manifestation qui échappent à une définition commune. Le propos de cette collection est ainsi celui de mettre en cause les rationalismes d'aujourd'hui, et ceux du passé, dans ce qu'ils ont de commun pour la construction d'une théorie historique générale de la rationalité. Ce qui n'est, en fin de comptes, autre chose que la découverte, toujours renouvelée, du noyau le plus original de la pensée occidentale.