Le réseau des rues comme composante du patrimoine
Version française de l'article (en anglais) présenté au
First International Symposium "Environment - Heritage - Urban Planning" Hangzhou 9-19 nov 2O13
- DOUADY Clement-Noel, AUS LAVUE Université Paris 8, atelier.douady@wanadoo.fr
- LI Jun, Université de Wuhan School of Urban Design, wudalijun@yahoo.com.cn
Résumé
Le réseau des rues est un élément urbain durable, participant à la personnalité de la ville et renforçant le patrimoine bâti dans le paysage urbain. La ville se développant et se transformant à travers les siècles, le réseau des rues change lui aussi, avec pour effet de préserver, modifier ou compromettre la personnalité historique de la ville et sa richesse patrimoniale.
L'impact de la croissance de la ville sur la qualité patrimoniale du réseau des rues dépend du mode de transformation de la ville, et de la manière dont les rues pré-existantes sont modifiées ou non et de nouvelles voies ouvertes.
Ceci a également un impact important sur le possible développement durable de la ville : un changement radical de la structure urbaine implique un renouvellement complet du domaine bâti, supprimant la valeur d'usage d'un grand nombre de parties restantes, et obligeant à d'inutiles dépenses. Au contraire une évolution de la structure des rues prenant en compte le réseau de rues existant est une démarche économique permettant une évolution sociale progressive de la cité.
Mots clefs : ville, réseau des rues, patrimoine, développement durable
1. Introduction
Cet article se rapporte à une recherche en cours sur la morphogenèse viaire, développée par une équipe de Paris (http://www.morphocity.fr/),en liaison avec une équipe chinoise de l'Université de Wuhan. L'idée centrale est que le réseau des rues est la structure la plus durable d'une ville, alors que les bâtiments construits le long des voies peuvent être remplacés à chaque siècle (voire plus souvent) le long d'une trame viaire maintenue.
Le réseau des rues se développe et se modifie au long des siècles : comment la personnalité de la ville se maintient, se corrompt ou vient à disparaître dans ce processus ? Quel impact en termes de développement durable ?
2. Le réseau des rues comme patrimoine
2.1. Réseau des rues et personnalité de la ville
La structure de la trame urbaine est une part importante de la personnalité de la ville : Paris avec son réseau complexe des avenues Haussmanniennes, Pékin et Xi'an (toutes deux actuelle ou ancienne capitales de la Chine) avec leur trame régulière, Shanghai avec sa juxtaposition de plusieurs quartiers reflétant ses étapes historiques de développement, le squelette des voies de chaque ville organise aussi "l'image de la cité" pour les visiteurs et les habitants.
2.2. Grandes familles de structure urbaine : régulière ou organique
La structure urbaine peut être classée en plusieurs catégories, principalement selon deux grands types : régulière ou organique (fig. 1 & 2) La littérature relative à la ville privilégie souvent la structure régulière, résultant d'un schéma général préliminaire, décidé par un fort pouvoir militaire ou politique agissant sur un terrain plat. Cependant la plupart des villes du monde présentent en fait une structure organique, développée au cours du temps en tenant compte du site naturel (collines et cours d'eau), par auto-organisation. En Chine les capitales du nord (Xi'an, Beijing, etc.) présentent une structure régulière, prescrite par le Kaogongji ; les "villes d'eau du sud" (Shanghai-Nanshi, Wuxi, Hanyang) ont d'origine une structure organique.
Il est tentant de rattacher la structure régulière au Confucianisme (hiérarchie sociale), et la structure organique au Taoïsme (harmonie avec la nature). Le Confucianisme n'organise pas seulement la hiérarchie sociale, mais aussi le pouvoir de l'homme sur la nature, et nous découvrons aujourd'hui que l'homme ne se contente pas d'en user, mais aussi en abuse, jusqu'aux limites et même au delà. Le Taoïsme prend mieux soin de la nature, mais s'intéresse plutôt à l'homme isolé dans la nature (souvent dans les montagnes) et n'a guère de proposition pour l'organisation urbaine.
Quoi qu'il en soit, la plupart des villes présentent en fait une juxtaposition ou un mélange de structures régulière et organique, les deux systèmes intervenant successivement à travers les siècles, ou à des échelles différentes.
2.3. Réseau des rues et patrimoine bâti
Les monuments ne sont pas des éléments bâtis isolés : ils apparaissent dans le paysage urbain selon la manière dont on peut les voir depuis les voies, le plus souvent depuis un élément majeur de la structure du réseau de voirie. D'ailleurs la localisation des monuments et l'organisation générale de la voirie urbaine sont souvent planifiés ensemble, dans une conception globale du paysage urbain (fig.3).
Le schéma original de Washington est clairement établi dans cette perspective. À Paris les percées haussmanniennes offrent de nombreux exemples : ainsi l'avenue de l'Opéra et le fameux bâtiment de l'Opéra de Charles Garnier ont été conçus ensemble (et l'architecte a exigé que les arbres le long de l'avenue soient supprimés, pour permettre une vue complète sur son œuvre). Même dans les capitales chinoises, dont les avenues ouvrent en général sur une perspective ouverte, l'avenue Qianmen à Beijing ouvre sur l'entrée de la Cité Interdite, et à Xi'an la Tour de la Cloche s'élève à la croise de deux avenues majeures.
2.4. Le réseau des rues change à travers les siècles
Cependant le réseau des voies urbaines se modifie au cours du temps, selon la croissance urbaine et l'évolution technique, socio-économique et sociale. L'impact de ce changement dépend de la structure préalable de la ville, et du mode de changement de la trame urbaine et de la connexion des voies nouvelles avec celles pré-existantes.
3. Transformations urbaines à travers les siècles
L'évolution du réseau des rues ne peut pas être considéré seule, mais comme un résultat du développement urbain, en prenant en compte no seulement les données spatiales, mais aussi les facteurs socio-économiques et culturels.
3.1. Sites statiques témoins du patrimoine
Quelques sites urbains restent comme ils étaient il y a des siècles : ils sont considérés comme des sites témoins, principalement pour leurs bâtiments, mais on peut aussi les considérer comme témoins du patrimoine en termes de réseau des rues.
On trouve en France plusieurs type d'ancienne cités ayant perdu leur fonction historique : sites religieux fortifiés comme La Couvertoirade ; forteresses stratégiques de Vauban comme Neuf-Brisach ; politiques comme la ville de Richelieu, crée pour des courtisans le long du passage du premier ministre de l'époque.
En Chine, quelques village de l'Anhui comme Xidi et Hungcun, ou des villes d'eau autour du lac Tai comme Zhouzhuang sont en tout ou partie considérés comme témoignages historiques urbains.
3.2. Villes à croissance centrée
Paris est typiquement une ville à croissance centrée, ses développements successifs conservant la même île sur la Seine comme centre de croissance. Bien des villes de Chine présentent aussi une croissance centrée au long des siècles, comme Beijing ou Chengdu, même si la structure de chaque étape de croissance peut différer dan le détail (fig. 4).
3.3. Villes à croissance latérale
D'autres villes croissent sur le côté de leur centre initial (fig. 5), comme l'extension médiévale à côté de la ville romaine comme Troyes, ou les quartiers successifs chinois, étrangers, républicain et moderne de Shanghai (Nanshi, concessions, quartier de Jiangwan, Pudong...). La proposition de Liang Sicheng pour un nouveau centre administratif sur le côté ouest de l'ancienne ville fortifiée développait la même perspective, mais n'a pas été acceptée.
3.4. Rassembler plusieurs villes dans une même métropole
Parfois une nouvelle métropole résulte de la connexion de plusieurs villes proches, comme Lille-Roubaix-Tourcoing dans le nord de la France, ou Wuchang-Hanyang-Hankou rassemblées sous le nom de Wuhan au centre de la Chine(fig.6). Dans de tels cas la question est à la fois de maintenir la personnalité de chaque unité pré-existante et de développer une identité commune à l'ensemble.
3.5 Quand une ville explose
Parfois aussi un ville semble exploser, répandant autour d'elle des cités satellites (fig. 7). Il peut s'agir de petites villes existantes croissant soudain sous l'influence de la métropole voisin, ou de villes nouvelles créées délibérément pour absorber une part de la croissance de la ville-centre.
4. Le réseau des rues se transforme en fonction du le mode de croissance de la ville
Le réseau des rues se développe et change en fonction du mode de croissance de la ville, de la structure et du contexte géographique de la ville préexistant, mais aussi de l'attitude des responsable en termes de personnalité de la ville, de patrimoine et de développement durable.
4.1. Élargissement des avenues existantes
Un effet de la croissance urbaine est souvent d'élargir les avenues existantes pour une circulation accrue. Cela renforce l'image et la personnalité de la ville, même si les bâtiments le long de ces voies doivent être démolis et reconstruits en arrière de l'alignement initial, et dans un nouveau style architectural. Ceci se produit dans de nombreuses villes à travers le monde, en France comme en Chine.
4.2. Impact du réseau rural sur les voies urbaines dans la zone d'extension
Les grandes routes pré-existantes reliant la ville à d'autres sites ont en général un impact structural sur le réseau des rues. Ce mécanismes se poursuit dans la croissance urbaine, le voies extérieures traversant la campagne alentour devenant des avenues majeures.
Même si le réseau des rues de l'extension urbaine vise principalement à donner accès aux nouvelles zones constructibles et produire une structure urbaine bien organisée, les voies rurales, qui précédemment donnaient accès à des champs, des prairies ou des bois, en cohérence avec les données naturelles, peuvent se retrouver en partie dans le nouveau réseau de rues, car la structure foncière influe sur les opérations de construction.
Certains développements nouveaux, comme la ville nouvelle française de Cergy-Pontoise près de Paris, sont délibérément tracés selon la structure foncière pré-existante, facilitant l'achat des terrains en harmonie avec le contexte géographique naturel.
4.3. Démolition des murailles et nouveaux boulevards de ceinture, canaux transformés en avenues
La croissance urbaine intervient dans un contexte de paix, où les murailles deviennent inutiles et le plus souvent démolies. Leur emplacement est généralement utilisé pour créer un boulevard de ceinture autour du centre urbain(fig. 8). Ce nouvel élément de structure, cohérent avec l'histoire de la ville (même si l'ouverture succède à l'enclosure) peut être considéré comme cohérent avec la personnalité de la ville et son héritage structural. Ceci s'est produit à plusieurs reprises dans la croissance de Paris au delà de ses enceintes successives, et clairement le cas pour Nanshi, l'ancienne ville chinoise de Shanghai, où les canaux ont aussi fait place à des avenues structurantes au sein de l'ancienne ville fortifiée.
4.4. Percées à travers des villes centrées
La structure initiale d'une ville centrée consiste principalement en une succession de voies et d e zones bâties concentriques. Si de nouvelles avenues sont ouvertes à partir du même centre, l'ancien système d'enclosure et le nouveau système d'ouverture sont centrés sur le même point, avec des croisements à angle droit (fig. 9). L'ancien patrimoine construit le long le long des voies circulaires peut être préservé si les nouvelles avenues radiales sont ouvertes en évitant les secteurs les plus sensibles. La ville française de Brive est un bon exemple d'un tel processus.
Cependant dans une plus grande ville comme Paris, certaines percées sont cohérentes avec le réseau pré-existant, comme le boulevard de Sébastopol, et d'autres ont été ouvertes en diagonale, comme l'avenue de l'Opéra. Dans de tels cas, il est important de limiter la démolition des immeubles et la reconstruction à la voie nouvelle et à ses abords immédiats, de bien connecter à la voie nouvelle les voies pré-existantes du le quartier traversé, et de préserver tous les immeubles de qualité le long des voies maintenues.
Dans d'autres cas, l'ouverture de percées à travers une ville ancienne (souvent par des voies nouvelles en trame rectangulaire au travers d'une ville ancienne de structure organique) est la première étape d'un abandon général de l'ancien patrimoine bâti, en vue d'éliminer le passé et de créer une nouvelle organisation radicalement nouvelle. Ceci se produit à Wuhan pour le centre ancien de Hanyang, et dans le Gansu pour Qingyang. Ces deux villes n'ont jamais prétendu au titre de capitale de la Chine, ayant une structure organique appréciable, mais sont délibérément mises au carré dans l'esprit du Kaogongji, en opposition avec leur personnalité urbaine. En France comme en Chine, un certain nombre de centres historiques ont été délibérément détruits en vue de développer un centre urbain moderne.
4.5. Percées au travers d'une ville quadrillée
La trame quadrillée des villes régulières favorise l'accroissement du trafic en élargissant des voies existantes (ou éventuellement en ouvrant de nouvelles voies parallèles au travers des îlots), plutôt que par l'ouverture de percées diagonales. Certains schémas de villes quadrillées comportent cependant d'origine des voies délibérément en diagonale, comme en Espagne ave le plan Cerda pour l'extension de Barcelone à côté du centre ancien, ou dans le plan original du Major L'Enfant pour Washington, produisant un paysage urbain jonché de monuments. De tels concepts prévoyants ne demandent pas de grands changements lors de la croissance de la ville.
Dans une ville purement quadrillée, l'ouverture de percées diagonales pourra utilement réduire la longueur des parcours, sans dommage pour l'image urbaine et la valeur patrimoniale, puisque de telles diagonales apparaissent dans des villes réputée.
4.6. Le réseau des rues en cas de développement latéral
En cas de développement latéral, chaque quartier développe on propre réseau urbain ; cependant un réseau général de voie principales peut se révéler utile, symbole de la personnalité globale au delà de celle ce chacun des quartiers.
4.7. Réseau des rues en cas de rassemblement de plusieurs villes
Quand plusieurs villes se rassemblent, créant une grande métropole, chaque bourg pré-existant conserve son propre réseau de rues et son propre mode de développement, mais un réseau commun de grandes avenues et grands boulevards est nécessaires pour connecter les bourgs entre eux ou pour envelopper l'ensemble, comme à Wuhan actuellement.
4.8. Réseau des rues d'une métropole en explosion
L'explosion d'une métropole est le signe d'une croissance dynamique : la ville-centre aura certainement sa propre croissance et sa propre solution. En complément du pré-existant ou nouveau développement de chaque satellite, apparaissent des voies de connexion, reliant la ville-centre à chacun des satellites, mais aussi reliant les satellites entre eux sous forme de ceinture circulaire. Ceci se produit à Paris, à et Shanghai comme dans le Grand Beijing.
Le nouveau concept chinois de grande région urbaine (ou groupe de villes), comme le delta du Yangzi (autour de Shanghai) ou le 1+8 (autour de Wuhan) ouvre la même problématique à plus grande échelle. L'une des propositions pour le Grand Paris, joignant la capitale française à Rouen, préfecture régionale et le port du Havre reprend la même idée, mais sans la même nécessité de croissance urbaine nationale.
5. Impact du changement du réseau des rues sur sa fonction patrimoniale
5.1. Sites endormis immobiles
Certaines villes restent dans la même situation architecturale et de voirie qu'il y a des siècles : elles conservent leur qualité patrimoniale, mais n'ont plus de vie urbaine authentique : souvent les visiteurs doivent payer pour entrer, et ne trouvent plus à l'intérieur que des boutiques pour touristes et des restaurants. Si l'héritage matériel des bâtiments et des voies a été préservé, on n'y trouve plus la vie urbaine historique, ni l'authentique usage et atmosphère de l'environnement urbain contemporain.
5.2. Villes à croissance centrée
La croissance centrée maintient l'image d'une ville centrée et la fonction sociale du centre urbain, au moins pour les activités pouvant se contenter d'un espace limité. La qualité patrimoniale dépend de la conservation de l'échelle des bâtiments et des rues : une rénovation brutale du centre urbain maintient le dynamisme de la ville mais porte atteinte à sa valeur patrimoniale. Il vaut mieux sélectionner les activités susceptibles de survivre dans le centre historique et l'échelle limitée de ses bâtiments et de ses rues, et localiser dans la périphérie en développement celles qui nécessitent plus d'espace et de meilleures conditions d'accès. Le tracé des nouvelles voies périphériques peut utilement faire écho à la structure pré-existante de la ville : ainsi les périphériques successif de Beijing rappellent la structure orthogonale de la capitale chinoise, et renforcent sa qualité patrimoniale.
Au sein de la partie historique de la ville, la structure du réseau de rues doit être approchée avec précaution : élargir les voies maintient la structure mais détruit les bâtiments riverains ; les percées modifient la structure urbaine. Quelques exemples indiquent qu'il peut s'agir d'une solution positive, comme les avenues et boulevards de Haussmann à Paris : même si l'ouverture à travers des îlots historiques s'y fait en partie en diagonale, elle se fait en connectant d'importants nœuds urbains ou de nouveaux monuments, et la connexion avec les rues pré-existantes est assurée. Ceci renforce le patrimoine, ajoutant une belle nouvelle structure aux anciens trésors architecturaux conservés.
À l'opposé, certaines rénovations modernes considèrent que les anciennes cités n'ont pas de valeur, et les nouvelles voies sont ouverts dans la perspective d'une destruction totale du passé : dans ces conditions il n'est pas surprenant que toutes les villes en viennent à se ressembler(fig. 10). Ceci s'est produit en France au cours du XXe siècle en application d'une politique de rénovation aux concepts modernistes. La Chine en présente aussi quelques exemples, accentués par l'influence sur l'esprit des urbanistes du Kaogongji, prescription historique d'une trame orthogonale proposée à l'origine pour les seules capitales, mais appliquée sans discrimination même sur des cités à structure historique organique, très différente d'une trame orthogonale de capitale. Dans ces conditions la valeur historique de patrimoine matériel de la ville disparaît, même si l'on peut dire que la ville a mille ans d'histoire (dans la mesure où, dans la culture chinoise, l'histoire et les textes écrits peuvent l'emporter sur la valeur du patrimoine matériel).
5.3. Villes à croissance latérale ; métropoles par connexion ou explosives
Lorsque la ville croît par quartiers successifs juxtaposés, le besoin d'évolution de la voirie est limité à chaque quartier. Quelques nouvelles voies de connexion d'ensemble peuvent être tracées sans s'opposer à la structure de chaque quartier, renforçant le patrimoine global par appoint d'une nouvelle valeur d'ensemble à la valeur locale maintenue.
Cette approche peut être étendue aux métropoles formées par la connexion de plusieurs villes, ou aux métropoles en explosion : chaque partie a sa propre problématique, et l'ensemble peut être considéré comme une occasion de créer une personnalité globale, offrant une nouvelle valeur patrimoniale pour les générations futures.
6. Impact de la modification du réseau de rues en termes de développement durable
La modification du réseau des rues peut avoir des effets très différents selon le tracé technique, mais aussi selon l'idée que les opérateurs se font de la valeur du passé au regard de l'avenir.
6.1 Voies nouvelles cohérentes avec le réseau de rues pré-existant, ou bien connecté
Le développement durable est préservé si la nouvelle structure reste en harmonie avec la précédente, car elle ne conduit pas à détruire les quartiers existant. Bien sûr élargie les avenues existantes conduit à détruire et reconstruire les bâtiments riverains ; ouvrir des percées à travers les îlots conduit aussi à détruire et des bâtiments et à en construire de nouveaux le long de la voie nouvelle. Mais les voies alentour sont maintenues avec leurs immeubles riverains.
6.2 Voies nouvelles en opposition avec la structure pré-existante
Lorsque l'ensemble des voies nouvelles est tracé en opposition avec la structure pré-existante de la ville, le projet des intervenants est de détruire la cité existante, à court ou moyen terme. Une telle attitude est contraire au développement durable, puisqu'elle implique d'inutiles dépenses de démolition et de reconstruction du bâti, le long de nouvelles et coûteuses voies locales.
6.3. Concepts d'urbanisme et développement durable
Les conceptions en matière d'urbanisme ont aussi d'autres implications en matière de développement durable ou non durable. Le dogme européen du XXe siècle du "zoning", conduisant à séparer les secteurs d'habitat et de travail, oblige à de longs, coûteux et fatigants trajets du domicile au travail et retour, avec consommation de carburant et pollution de l'air. Cette idée perverse a hélas gagné l'Asie ; heureusement le meilleur concept de quartiers à fonctions mixtes se développe ici et là.
6.4. Voies motorisées et réseau de transport en commun
Quoi qu'il en soit le réseau des rues, objet du présent article, n'est plus la seule structure de déplacement en ville : le réseau de transports en commun prend une importance accrue, décisive en termes de développement durable. Nous devons désormais réfléchir non plus en termes de réseau de voirie seul, mais ensemble transports en commun, voies motorisées et circulations douces (piétons, bicyclette, roulettes...). Le réseau de rues lui-même ne doit plus être considéré seulement pour les seuls véhicules individuels, mais aussi pour les autobus, taxis, autolib', auto partagée, co-voiturage, motos, etc. Afin de faciliter la circulation douce, les trottoirs peuvent être élargis et améliorés, de nouveaux passages ouverts avec aires de repos, etc. Un nouveau réseau de transports en commun est à développer en cohérence (entre autobus, métro, train...) et entre le réseau de transports en commun et celui de la voirie.
6.5. Retour à l'échelle humaine
À travers les siècle, l'échelle architecturale et urbaine s'est agrandie (fig. 11) : une jeune architecte chinoise a dit à propos de Shanghai : à Puxi je me sens bien, à Pudong je me sens trop petite. Et de fait la distance à pied entre deux points d'une ville est bien plus longue si la trame des rues est distendue que si elle est serrée. Durant le siècle passé l'échelle urbaine s'est distendue de l'échelle humaine à l'échelle mécanique : il nous faut maintenant retrouver l'échelle humaine, au moins pour l'environnement de l'habitat et du travail.
7. Conclusion : une question qui reste ouverte
Le réseau des rues comme composante du patrimoine reste une question ouverte, en liaison avec la structure et la personnalité de la ville, le développement urbain au cours des siècles, les références culturelles et les concepts d'urbanisme. L'émergence de la nécessité du développement durable ouvre de nouvelles questions, mais aussi de nouvelles solutions, en termes de réseaux de déplacement de technique des véhicules, mais aussi de mode de vie.
8. Références
[1] Choay Françoise, Urbanisme utopies et réalités (Urbanism utopias and realities), Seuil, Paris 1966.
[2] Douady CN, Lire la ville chinoise (read the Chinese city), l'Harmattan, Paris 2011.
[3] Douady CN, "Des villes Yin et Yang" (Yin and Yang Chinese cities), La Jaune et la Rouge (La Chine), no 684 pp. 34-35, Paris 2013.
[4] Douady CN, "道家思想, 可持续发展的源泉" (Le Taoïsme, source pour le développement durable) 2013 (en annexe du livre de Mme LI Jun ci-dessous).
[5] Li Jun, 基于生态理念的城市规划研究 (Recherches pour le développement durabe) Hubei Press Wuhan 2013.
[6] Lynch Kevin, The image of the city (L'image de la cité), MIT Press, Boston 1960
[7] Zhang Liang, La naissance du concept de patrimoine en Chine, Editions Recherches, Paris 2003.
CN DOUADY Mme LIJUN
UNIVERSITÉ DE HANGZHOU CHINE, novembre 2013