Critiques

Note de lecture sur "La Psychiatrie est-elle encore un humanisme ?"

Voici un débat d'actualité en ces temps de grande agitation
politico-sociale ! Et qui donc oserait affirmer des positions contre
l'humanisme ? Personne, bien sûr : nous sommes tous des humanistes convaincus, comme nous sommes tous des schizophrènes, (pour la division dissociative hypocrite des opinions), ou des juifs allemands, (pour la persécution d'une politique imbécile de rentabilité comptable). Et pour ce qui est de l'humain, ce ne sont pas les avis qui manquent : philosophes et scientifiques, psychiatres et psychanalystes, sociologues ou anthropologues, et j'en passe, ont pratiquement tous, depuis l'Antiquité, débattu du sujet.
Tout un chacun peut invoquer à loisir leur autorité pour étayerS des positions plutôt éclectiques promues au rang de Vérité. L'ami Palem se lance, avec son ouvrage, dans une saine opération de ménage parmi ce foisonnement de doctes énoncés. Du nettoyage "au Karcher" - selon une formule devenue célèbre ­ dont le style vif et alerte est parfois virulent.
Tout cela s'ordonne selon un plan rigoureux visant d'abord à situer la place de la psychiatrie, (et de la psychanalyse), dans le courant général des considérations philosophiques et éthico-morales, puis à examiner le discours "psy" pour y débusquer les crypto-nazis. Le lecteur est convié à un grand procès où Freud est acquitté, mais dont les grandes vedettes restent, sans surprise pour qui connaît l'auteur, J.Lacan et H.Ey. Leur confrontation prend des allures de tragédie grecque, quasi mythologique. J.Lacan y endosse le rôle de "Maître de la Mort", (désigné comme tel par un graffiti à son domicile), assisté de Heidegger, Althusser, Foucault, entre autres. H.Ey est entouré de P.Ricoeur, G.Lantéri-Laura, E.Amado Levy-Valensis et bien d'autres. Les citations (à comparaître) sont nombreuses : plus de quatre cents références bibliographiques. L'érudition de R.M.Palem est impressionnante ! Et c'est très instructif de le suivre dans l'argumentation serrée de sa défense d'une psychiatrie qui respecte la nature humaine en tenant compte de tous ses aspects, sans sombrer dans un matérialisme abject ni s'évaporer dans un nihilisme sectaire. H.Ey apparaît bien là comme un modèle, un guide, un défenseur des libertés. Ce qui ressort bien de la lecture de cet ouvrage, c'est aussi une vigoureuse mise en garde contre les séductions mystificatrices de discours dont la brillance médiatisée instille insidieusement des courants de pensée totalitaire. Cela ne peut qu'engendrer une dégénérescence des pratiques, avec la psychiatrie en première ligne.

Marie-Lise Lacas

REVUE PSYCHIATRIES