Après des travaux sur Port-au-Prince, Verrettes, et Little Haïti, Georges Eddy Lucien fait paraître aux Éditions L'Harmattan, dans la collection Documentation haïtienne, un livre sur Le Nord-Est d'Haïti, "La perle d'un monde fini : Entre illusions et réalités", préfacé par Roger Petit-frère où il cherche à comprendre et à signaler la formation de l'opinion publique sur le Nord-Est d'Haïti.
Un livre n'est jamais assez pour tout contenir d'un lieu, tout décrire d'un espace puisque tout état des faits n'est jamais définitif et clos. Avant qu'il n'entame la suite de ses idées dans un deuxième volume, indique-t-il, sur les déplacements des paysans du Nord-Est au moment des dépossessions par les Yankees comme le décrit John Steinbeck dans son roman : les raisins de la Colère. Mais, pour le coup de ce que cela prévaut, le dernier livre de Georges Eddy Lucien sur "Le Nord- Est" est un document d'une extrême importance, pour les universitaires, les chercheurs quant à la qualité du travail, la revue de littérature portant sur le sujet et les moyens d'analyse donnés à l'argumentation de ce qui est identifié comme problème : Nord-Est, une vérité donnée comme disponible sur une zone par les médias, vérité fabriquée pour la zone par des décideurs politiques afin d'y faire venir des investisseurs. Le Nord-Est open for business.
"Le Nord-Est d'Haïti" sous-titré ¨la perle d'un monde fini : Entre illusions et réalités¨. Il convient d'y analyser d'abord les méthodes de la fabrication de l'opinion publique sur un lieu dit ouvert à l'investissement en faisant le rapport au passé de la région et les problèmes pratiques qui sont liés à sa formation sociale.
Divisé en trois parties chacune d'entre elles cherche à rendre compte du contenu unifié de ce discours fabriqué par les médias, pour les oligarchies de l'argent et contre vraiment les desiderata des habitants qui y vivent. La première partie, Le Nord-Est open for business, est divisée en trois chapitres : Discours sur le Nord-est : paroles des Médias ; Nord-Est Open for business, une nécessité pour les investisseurs ; la décapitalisation du Nord-Est, une fabrication sur le long terme. À partir d'une revue de littérature d'un ensemble articles publiés depuis 2012 dans des quotidiens frères qui constituent des sources primaires sur le département et la place de la figure de l'intellectuel, de celui à qui on concède le titre homme de science dans le champ de la production des idées. Il suffit de citer le nom d'un scientifique ayant fait un travail remarquable dans un domaine quelconque pour justifier ou donner une véracité à un propos tenu dans un article. Dans les journaux, c'est la grande méthode montre-t-il. En effet, ce sont les moyens qui servent de cadre discursif à la construction de l'opinion sur le Nord-Est. Ainsi, se trouve-t-il que petit à petit tout ramène ces articles publiés sur le Nord-Est à un lexique du néolibéralisme.
La deuxième partie titrée, la perle d'un monde colonisé et post-colonisé, comprend trois chapitres : La période coloniale et nationale : entre fabrications de produits agricoles et des biens de consommation ; L'occupation américaine d'Haïti : de l'implantation des compagnies à la main basse sur le département du Nord-Est ; Usine sucrière citadelle. Pendant la période coloniale, le Nord du pays n'était voué qu'à la production du sucre, du café, de coton et de l'indigo. Il y avait en 1769, avec les efforts de Paul Belin de Villeneuve, un homme de science, et propriétaire dans la région de Limbé, tous les mécanismes de modernisation d'une économie esclavagiste. Par contre, c'était un lieu mal en point laissé aux colons ruinés ou ceux qui cherchaient à se donner une dernière chance dans le négoce colonial. Ce cas est illustré dans le livre en la figure de la famille Hecquet-Duval. Aussi, était-il pour les révolutionnaires un lieu stratégique et déterminant (Padre Jean, en 1679 l'insurrection des esclaves en août 1791 sur l'habitation Choiseul. Le nombre de Fugitifs de cette région, sur une année, était un peu plus élevé que les autres régions, de 1500 fugitifs en 1791 à 25 000 fugitifs en 1792). C'est avec l'occupation américaine que commence la transformation du Nord.
La volonté des Yankees d'y implanter des entreprises américaines (le projet Marc Donald, Le HADC, Haitian American Development Corporation en 1926 pour la culture du Sisal dans les localités de Phaéton, Dérac, Paulette, Ferrier et Maribaroux), le besoin d'aménagement d'un territoire pouvant servir à l'exploitation des lieux avaient favorisé la dépossession des paysans de leurs habitations (habitation Fleury, habitation Moreau, habitation Lombard). C'est à partir de ce moment historique que le Nord commence à devenir un lieu inclusif des zones stratégiques des modes de production capitaliste et un territoire parmi d'autres de l'implantation de la mondialisation.
La troisième partie, le mode productif du Nord-Est face au néolibéralisme, est étalée sur quatre chapitres : Une région marquée par une frontière ; CODEVI au-dessus de toute frontière ; Le parc Caracol, une initiative étrangère à la commune de Caracol et à sa population ; Agritans, entre une culture d'exportation et une culture délocalisée. Devenu un département séparé du Nord à partir de 1971, Le Nord-Est est un pôle de circulation de marchandises et d'un capital considérable via le commerce frontalier. Tout concourt à donner à cette région du pays une place dans le procès de la production, celle du capitalisme, et les modes de rapport de celle-ci supposent une image qui n'est pas vraiment sienne. En dehors de ce que représente le Nord-Est par rapport à l'histoire, au développement du tourisme, et les problèmes pratiques de ses habitants, ce lieu, définit comme espace open for business, reste une fabrication des médias et des décideurs politiques.
Lorvens Aurélien
LE NATIONAL (, mai 2018
http://www.lenational.org/une-ethnographie-sur-...