Articles de presse

Enfants maltraités : les propositions d'une psy

Livre - Elle suggère aux professionnels l'utilisation du "roman de la grossesse"

Besançon. Souad Ben Hamed, psychologue et psychanalyste, a beaucoup travaillé dans le cadre de l'AEMO (Action éducative en milieu ouvert). Elle a côtoyé de nombreux enfants victimes de maltraitance et leurs parents maltraitants envoyés par l'institution judiciaire. "Les familles que nous recevons n'ont pas toujours envie de participer à ces entretiens vécus comme des obligations. Il est donc difficile de les faire parler des gestes maltraitants. Or, je me suis aperçue que les parents pouvaient parler d'autres choses que l'acte qui les met face à nous. Leur parentalité ne se résume pas à ce comportement maltraitant. Je les ai donc invités à dire quels enfants ils étaient ; j'ai demandé aux mères de décrire leurs grossesses, leurs projets d'enfants. C'est ces entretiens que j'appelle le roman de la grossesse. Ils changent l'ambiance, créent les conditions d'une rencontre, d'une adhésion à un travail en commun."

Quand les enfants sont présents aux entretiens, ils entendent, parfois pour la première fois leur propre histoire. De la même façon, Souad Ben Hamed questionne donc l'enfant sur "le roman de sa naissance", car, dit-elle, "il a besoin, pour se construire, de savoir, de sentir, qu'il est le fruit d'un amour".

Dans son essai, "Les troubles relationnels mère enfant, une psychothérapie en milieu judiciaire", elle montre comment ce roman de la grossesse permet aux affects de retrouver une place dans la relation, permet à la mère de reconnaître ses origines et celles de ses enfants. La mère, en étant ainsi invitée à parler d'elle et son histoire, trouve une identité nouvelle. Elle parle et revit sa maternité autrement qu'en terme de grossesse et d'accouchement. Elle ne se confond plus avec ses enfants, ne confond plus ses enfants en un seul. "Car cette indifférenciation psychologique est déjà une forme de maltraitance, elle n'est certes pas repérée par la justice,mais se retrouve de façon massive dans les familles suivies sur ordre de la justice."

La question de l'incestuel
Ce roman de grossesse renseigne aussi le thérapeute sur deux conflits fondamentaux, le conflit de deuil imaginaire et le conflit oedipien. "Là se trouve la clef de la prévention des difficultés relationnelles mère-enfant. Là commencent les''raisons'' de la maltraitance et celles de sa récidive", prévient l'auteur.

Souad Ben Hamed avait d'abord écrit une thèse de doctorat ; ici, elle s'adresse aux professionnels. "J'ai illustré la théorie et les concepts de cas concrets pour les aider à écouter les parents autrement, les aider à repérer ce qui doit changer."

La clinicienne développe aussi une notion essentielle du processus de maltraitance, "la place de l'incestuel, c'est-à-dire les situations intrusives de la part d'une mère. C'est une mère qui empêche l'enfant d'être lui-même, ne lui donne pas la possibilité de s'éloigner d'elle… On considère toujours que l'inceste, c'est d'avoir un rapport sexuel avec son enfant. Or l'inceste, c'est aussi de contraindre l'enfant à avoir un rapport exclusif avec son parent." Souad Ben Hamed s'alerte de cette phrase a priori anodine, "je ne vis que pour mes enfants" qui, souvent, revient dans le discours des mères accusées de maltraitances.

En parallèle, elle crée une association, "Tu parles Charles", dont le but est de venir en aide aux victimes d'erreurs judiciaires, non pour refaire justice mais pour les aider à admettre psychiquement ce qu'elles considèrent comme une erreur. Les deux sujets sont étroitement liés.

Catherine CHAILLET

L'EST REPUBLICAIN - 11/01/2013, janvier 2013


"Les troubles relationnels mère-enfant", éditions de L'Harmattan, 28 €.

Auteur concerné