Critiques

A propos de Vagabondages psy...

Étonnant bouquin ! Comme le souligne R.Palem dans son avant-propos, il n'est guère possible d'en faire un résumé, même si une certaine unité d'orientations permet d'en dégager ses trois parties : la première dans un axe plus spécifiquement « psychiatrique », une seconde plus « politique », et la dernière faite de considérations critiques diverses d'ordre « culturel ». On peut ainsi passer de considérations sur la fonction psychothérapique, l'élaboration du concept clinique, la souffrance morale, la psychopathologie, la psychose, à une critique des positions politiques de la prévention, assortie de réflexions sur la dépendance et la séduction, sans oublier la question du Mal. Dans la dernière partie, le processus pédagogique est finement analysé, et nous apprenons ensuite beaucoup sur le folklore breton du Père Noël ; la vie sexuelle de Catherine M., dont l'ouvrage a suscité bien des tollés, est commentée de façon savoureuse. Le livre se termine par une vision assez sombre de l'évolution contemporaine des arts plastiques, débouchant sur une dissolution de la créativité dans un monde où la subjectivité perd son sens. Cela dit, chaque article dans son domaine peut être lu indépendamment. Dans chacun des domaines abordés, A. Le Dorze témoigne d'une érudition peu commune : en tenant compte des op.cit. on frôle les quatre cents références (en bas de pages, sans récapitulatif en fin d'ouvrage, ce qui est un peu regrettable pour le lecteur), avec citations dans le texte ! Mais de certitudes point, ni de théorisation péremptoire. A. Le Dorze laisse cela aux autres, à ceux qu'il cite par exemple. Lui, il promène son regard clinique, il vagabonde allègrement, et nous livre ses réflexions, les idées qui lui viennent, dénonce et dissèque les contradictions, les incohérences, et surtout les dangers, pour le « psy » comme pour tous, des fameuses certitudes nourries de préjugés inconscients. Il le fait souvent avec humour, et avec une verve que ses collègues de l'AFPEP connaissent bien. C'est parfois dérangeant, voire irritant, mais c'est généralement bien stimulant pour relancer un débat. Serait-ce cet esprit critique, cette remise en question incessante, qui serait le « plus Petit Dénominateur Commun du psychiatre », évoqué en quatrième de couverture ? Et le seul espoir de certitude ? La voie est tentante… Sur ces bases, la magie visionnaire du Grand Albert ne pourrait-elle être toujours efficace ?

M.L. Lacas

REVUE PSYCHIATRIES, N°147, mars 2007


LE DORZE Albert
Vagabondages psy…
Il importe pourtant d'avoir des certitudes
L'Harmattan, Paris 2006, 329 p.

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