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Un livre pédagogique sur la guerre postélectorale en Côte d'Ivoire

Comment faire comprendre le fond de la crise qui continue de déchirer le pays des Eléphants à un étranger n'ayant pas de grandes connaissances sur le sujet, et s'il s'agit d'un "jeune public" de surcroît ? C'est à cette question que Sylvie Bocquet N'guessan a brillamment répondu dans son livre "Côte d'Ivoire, le pays déchiré de mon grand-père". En se servant du personnage de Marguerite, 14 ans, qui vit à Neuville-les-Ronses, dans le nord de la France. "Quand on me voit avec ma peau aussi blanche que du lait et mes cheveux bouclés noir d'ébène, personne ne peut se douter que j'ai un grand-père africain. Mon papy Yao est Ivoirien et fier de l'être. Il a parcouru le monde entier, il a d'abord été envoyé en France par l'administration de l'époque", raconte Marguerite. Qui nous donne à lire comment sa mère, d'origine Ivoirienne donc, son père et elle-même ont vécu, de Neuville-les-Ronses, des moments-clés comme la polémique sur "qui a gagné les élections ?", dont l'ultimatum insultant de Nicolas Sarkozy au président Laurent Gbagbo a été une étape importante, l'asphyxie économique, l'embargo insensé qui a touché jusqu'aux médicaments, les communications pleines d'angoisse avec "Papy Yao", les achats de cartes de recharge par Internet pour contourner l'impossibilité de s'approvisionner dans un Abidjan livré à la folie des "bombes démocratiques", la difficulté de s'alimenter face à la réalité des supermarchés pillés par les FRCI, l'indignation de sa maman face au parti pris flagrant des médias français que ses arguments de bon sens contredisent pourtant… Grâce aux contacts quotidiens de sa mère avec "le pays", Marguerite en sait beaucoup sur les nombreuses violations des droits de l'homme qui accompagnent la prise de pouvoir de Ouattara, et sur le vaste exode de ceux qui ont défendu, à travers Gbagbo, une certaine idée de la souveraineté de leur pays. Parmi eux, "papy Yao", qui s'est enfui au Ghana pour sauver sa vie.
A travers Marguerite, Sylvie Bocquet N'guessan donne à lire l'histoire des vaincus du moment, niée par le vacarme de ceux qui "gagnent sans avoir raison". Elle permet également que le débat s'ouvre, au moins au sein d'une petite partie de la société française - ses lecteurs ! "Ce récit est d'abord destiné aux lecteurs vierges de toute vraie information sur l'actualité africaine (…) D'après les premiers retours que j'en ai, les gens découvrent ce qu'il s'est passé : le but est atteint", a confié l'auteur, enseignante de formation, qui a bénéficié d'une critique plutôt élogieuse dans La Voix du Nord, un des deux grands quotidiens de la région de la France où elle vit.

Théophile Kouamouo

LE NOUVEAU COURRIER, septembre 2012

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