Il est très rare qu’un psychanalyste accepte de discuter de sa pratique et de ses convictions. Aussi, je suis très reconnaissant à Michel Pouquet d’avoir accepté et même initié cette correspondance très polémique où nous ne nous sommes ménagés ni l’un ni l’autre.
Elle porte d’abord sur la violence éducative, Michel Pouquet ayant répondu à une interview qui m’avait été demandée par une journaliste de Var-Matin après la publication de mon livre La Fessée. Alors que je suis partisan d’une interdiction de la violence éducative, Michel Pouquet refuse toute idée d’interdiction et considère même que certaines formes de violence éducative sont utiles et recommandables.
Elle porte ensuite sur la psychanalyse. Michel Pouquet, qui en est praticien, se réfère à Freud, Mélanie Klein et Lacan. La lecture des ouvrages d’Alice Miller, ex-psychanalyste qui a rompu avec la psychanalyse, et d’autres auteurs également critiques à l’égard du freudisme, m’a convaincu qu’une grande partie de la psychanalyse est construite sur des bases erronées. Alors que Freud avait d’abord bien vu la nature de quelques-uns des traumatismes subis par les enfants, il a préféré ensuite, pour ne pas avoir à accuser son père, considérer que l’origine du mal était dans l’enfant qu’il considérait comme un “pervers polymorphe”. Ce qui amène aujourd’hui encore nombre de psychanalystes à justifier la violence éducative ou, en tout cas, à en refuser l’interdiction.
Elle porte enfin sur l’origine de la violence humaine. Faut-il la voir dans les “pulsions” de l’enfant, et notamment dans la “pulsion de mort”? Ou bien dans les diverses violences que subissent les enfants soit au moment de la naissance, soit “in utero”, soit, plus fréquemment encore de la main même de leurs parents qui les punissent “pour leur bien”. Sans compter toutes les formes d’abus sexuels, beaucoup plus fréquents qu’on ne le croit. Le fait, mis en lumière par Alice Miller, que les principaux potentats du XXe siècle, Hitler, Staline, Mao, Ceaucescu, Saddam Hussein, Amin Dada, aient tous eu une enfance ravagée par la violence parentale, montre à quel point il serait faux de considérer la violence éducative comme ne pouvant en aucune façon influer sur l’extrême violence des adultes et sur les phénomènes massifs de massacres et de génocides.

Olivier Maurel
décembre 2003