Paru dans la revue Urbanisme, mars 2012
sous la signature de Sylvain Allemand
Dans Lectures de villes, publié en 2002 (aux éditions Parenthèses), le géographe et urbaniste Marcel Roncayolo rassemblait des textes écrits au cours de sa longue carrière, dont certains devenus introuvables. l'ensemble donnait à comprendre l'évolution du spécialiste, mais aussi les processus de destruction/construction qui renouvellent en permanence la ville métropolitaine. L'auteur de Lire la ville chinoise avait-il cette référence en tête ? Toujours est-il que son livre fonctionne selon le même principe : il réunit des textes très divers, dont certains inédits, avec des croquis et des photos en prime, tout en explicitant l'évolution de la ville (en fait des villes) chinoise(s), tout comme la sienne.
Certes Clément-Noël Douady, "[chercheur] associé à Paris" et professeur invité à l'université de Wuhan, est loin d'avoir la notoriété de son illustre aîné. Et sans lui faire injure, il n'est pas le premier auquel on pense dans la cohorte des sinologues patentés. Son livre ne s'en lit pas moins avec un vif intérêt, et le sourire aux lèvres. Avec une confondante modestie - au point d'avoir confié la préface à une jeune étudiante chinoise -, il fait profiter de sa connaissance, mieux, de son expérience intime de Beijing, Shanghai et autres grandes villes chinoises, acquise au fil de ses pérégrinations entamées en 1995 (alors que la Chine était loin d'être aussi ouverte qu'aujourd'hui) et de ses échanges avec des spécialistes de l'urbanisme et de l'architecture, chinois ou d'autres nationalités.
L'ensemble évite un double écueil dans lequel tombent trop souvent des sinologues autoproclamés. D'abord, celui de se montrer plus chinois que les Chinois. Son portrait, figurant en quatrième de couverture, pourrait le laisser craindre, tant il évoque un lettré de l'empire du Milieu. Tout comme les remarques de ses propres amis, qu'il rapporte non sans un brin d'autodérision. Manifestement passionné par ce pays, Clément-Noël Douady reste suffisamment lucide pour en pointer aussi les dérives dans les domaines architectural et urbanistique. l'autre écueil évité est ce déterminisme culturel consistant à mettre spontanément les spécificités chinoises sur le compte du confucianisme et/ou du taoïsme, comme si ce pays ne pouvait se prêter à une analyse au moyen des catégories et théories produites par les sciences sociales et humaines (quitte à contraindre celles-ci à s'ajuster).
Dans la Chine actuelle, les villes sont en pleine mutation, et comme portées par un "désir d'Occident". Bien des évolutions ne sont pas sans rappeler celles qu'un pays comme la France a pu connaître au cours des Trente Glorieuses. Il n'est pas, nous dit encore l'auteur, jusqu'au développement durable qui ne soit placé au cœur des préoccupations du régime communiste. Comme il le rappelle utilement, la Chine a en outre connu de fréquents séismes et débordements de ses immenses fleuves. D'où une conscience de l'''impermanence'' des choses, qui, en plus d'expliquer l'influence du taoïsme, se reflète jusque dans le rapport au patrimoine et dans ses modalités de conservation. Bref, malgré d'indéniables particularismes, Lire la ville chinoise se révèle un détour instructif pour lire la ville tout court.
Sylvain Allemand
Sylvain Allemand
REVUE URBANISME - MARS 2012, mars 2012
Lire la ville chinoise se révèle un détour instructif pour lire la ville tout court.
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