EXILS
Au bout de la nuit
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La Presse en parle...
L'intolérance, porte de l'exil
Pendant trois mois, le journaliste Yannick Guihéneuf a rencontré,
à la Cour nationale du droit d'asile de Montreuil, des réfugiés persécutés dans leur pays.
- Quelles sont les grandes raisons
qui poussent encore les
exilés à quitter famille et
pays ?
- Pas nécessairement des raisons
politiques ou économiques,
contrairement à ce
qu'on pourrait croire. Mais
plus généralement des persécutions
qu'on ne soupçonne
pas quand on est en France,
comme l'esclavage, la corruption,
l'intolérance religieuse
ou ethnique, la mafia,
le nationalisme...
- L'esclavage en 2009 ?
- L'esclavage est banni, y
compris dans des pays comme
la Mauritanie où il existe
pourtant de fait. De riches
commerçants maures spolient
leurs terres et réduisent
en esclavage des gens de leur
pays à la peau noire qu'ils
obligent à travailler pour
eux et à vivre dans des conditions
dégradantes. Au point
que certains quittent leur
pays, tel ce berger que j'ai
rencontré, dont le père a été
assassiné, et qui doit s'enfuir
jusqu'à traverser l'Atlantique
pour arriver aux Canaries
et de là rejoindre petit à
petit la France. Plus connu,
l'extrémisme religieux est
très répandu en Afghanistan
et vise particulièrement les
femmes, avec des viols, des
assassinats souvent d'un
clan à l'autre. Je cite le cas
d'un couple dont la femme
finit par se suicider et le mari
s'enfuir après que son père
a été assassiné par des membres
de la famille de sa
femme...
Un docufiction
Dans beaucoup de pays du
Sud, il ne faut pas conclure
de mariages entre des membres
de religions ou de nationalités
différentes. C'est aussi
vrai pour les Caucasiens
qui vivent en Russie où ils ne
restent pas très longtemps,
tant ils sont l'objet de
brimades, comme à l'inverse
les Russes sont souvent pourchassés
dans les pays du
Caucase au point de devoir
retourner en Russie.
- Qu'est-ce qui vous a poussé
à écrire ce docufiction ?
- Un peu le hasard. Je voulais
écrire un roman qui
aurait eu pour décor des
pays du Sud ou de l'Est.
C'est comme cela que j'ai
poussé la porte des audiences
publiques de la Cour nationale
du droit d'asile qui
est à Montreuil, l'instance judiciaire
de recours des déboutés
du droit d'asile. Et là,
ce que j'y ai vu et entendu
lors des débats, ce que m'ont
dit les avocats et les exilés
que j'y ai rencontrés m'ont
mis durant trois mois en face
de destins tragiques d'hommes
et de femmes ordinaires
qui n'ont eu d'autre choix
que de s'exiler pour fuir leur
pays et les persécutions dont
ils étaient l'objet. Pas des
leaders syndicaux ou politiques
pourchassés. Mais des
artisans, des bergers, des
coiffeurs, des petites gens
tous étonnement dignes.
Surpris par leurs destins et
plus qu'accablés, bien qu'ils
soient chez nous en situation
de vie matérielle très
difficile.
C'est finalement leur témoignage
sur les raisons de cette
immigration non économique
qui concerne tout de même
quelque 40.000 demandeurs
d'asile chaque année
que j'ai choisi de rapporter
de la manière d'une fiction,
la plus proche possible de la
réalité. Treize mille personnes,
soit 30% des demandeurs,
un chiffre stable, se
voient chaque année
accorder ce droit d'asile en
France.
Propos recueillis
par Jean-Louis DENES
● "Exils. Au bout de la
nuit", par Yannick Guihéneuf
chez l'Harmattan.
Article paru dans l'ESt Républicain 15/06/09