Tous les grands penseurs du XIXème siècle étaient persuadés que le siècle à
venir serait celui du progrès et de l'accomplissement de la raison et de la
civilisation. Il fut celui d'Auschwitz et du goulag, celui du Rwanda et du 11
septembre 2001. La liste serait longue : barbarie incommensurable. Le XXème
siècle a mis à dure épreuve notre optimisme envers la condition humaine.
Comment dire avec des mots ce qui reste hors des mots ? En quoi les mots dits
par les rescapés peuvent-ils rendre le monde habitable ? Pourquoi vouloir
mettre des mots sur des parcours jalonnés d'événements catastrophes, des
événements qui plongent dans la souffrance, des événements d'une violence
insupportable qui ébranlent la vie ? Evénement extrême, irrémédiable,
irréversible qui marque la rupture. L'être humain sait que quelque chose là est
défait, que quelque chose est trop insoutenable pour pouvoir être nommé.
L'innommable qui indique le seuil et la limite du langage impuissant à assurer
l'adéquation entre le mot et le monde, entre le pensé et l'éprouvé avec pour
contrepartie pour les survivants le rire et le grotesque.
Il est vrai que l'on a beaucoup parlé ou écrit sur l'impossibilité de dire, l'indici-
ble des survivants des camps de la m