Critiques

La politisation de l'ordre sexuel

Si je tarde encore à t'adresser quelques unes des remarques que m'a inspirées ton livre, je cours le risque que tu aies déjà terminé le suivant. Voici donc mes réactions, sans apprêt aucun. A propos de l'abondance des citations, je n'ai découvert ta citation de Starobinski, qu'au cours de ma lecture. Elle m'a étonnée parce que j'avais pensé jusque-là et je pense toujours qu'avoir entre les mains un bon manuel pour tes grands étudiants est une bonne chose.
Je me suis bêtement réjouie que tu veuilles bien nous faire un tableau analytique et aussi critique de tous ces penseurs actuels qui s'interrogent d'abord sur notre identité. Et j'ai même envié ces étudiants qui disposent maintenant de références qu'ils sont priés assurément de lire et de discuter. Après ta prestation au Café du Port, j'ai écouté aussi une semaine de matinées de France-Culture qui a abordé beaucoup des sujets que tu soulèves, en particulier celui des "cyborgs et autres chimères et je me suis rendu compte que ton livre était d'actualité, sinon à la mode. Comme, pour ma part, j'en étais restée à Foucault, à la J. Butler des années 70, et à Françoise Héritier. J'ai mesuré mon ignorance, mais je me suis rabattue sur Saint-Augustin ou Descartes pour me réassurer. Aldous Huxley nous avait déjà dérangés mais Andy Warhol grimé en queer (et d'autres) nous a rappelé combien notre espèce peut s'agiter pour explorer (expérimenter parfois) tous les possibles.
C'est pourquoi je te remercie pour tes fréquentes ouvertures sur le politique et les aspects institutionnels de ton sujet : après tout, tu confirmes les enjeux des inventions, errances aussi, de notre période d'hédonisme, "exacerbé" comme on dit, de recherche éperdue du bonheur, d'une autonomie, sans doute illusoire dans la précarité de notre existence. Il reste que, si toute démesure conduit à notre déshumanisation, c'est aussi l'honneur de notre condition de se débattre ainsi - et de débattre ! -

Annie Jappé, agrégée de lettres.
juillet 2009

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