Préface de "Trapèze sur le sable"
recueil de poèmes
auto-édition
Les Presses Littéraires 2006

Nicole Barrière nous convie dans ce recueil à découvrir le cheminement à la fois pudique et enflammé qui fut le sien dans une double direction : celle de l’amour et d’une réconciliation avec la musique, celle de sa lucidité et de son engagement pour redonner aux femmes cette liberté d’être sans laquelle il n’est pas possible d’exister à pleine vie. Il y a dans ces pages, des liens subtils, un accord autour de plusieurs voyages qui nous entraînent dans le même combat, celui d’une exigence extrême au respect de soi et de l’autre.
Nous allons aussi avec elle à une fête de l’amour, pour nous retrouver impliqués dans une recherche qui est bien la sienne, pour retrouver quelques uns des enjeux oubliés autour des origines qui tissent notre existence avant même que nous puissions la vivre. Nous allons avec elle vibrer, l’accompagner, la soutenir. Une fête secrète et pudique qui nous est révélée par bribes fébriles et denses, par allusions passionnées et brûlantes, par le témoignage en direct des cris du cœur se mêlant aux soupirs de l’âme, se heurtant aux évidences plus froides de la raison, se perdant dans les labyrinthes de sentiments contradictoires.
Entre tâtonnements et certitudes, entre évidences et doutes, elle nous entraîne dans « une poésie lancée dans les bras des étoiles »
Engagement d’amour et de respect, messages de paix et d’offrande à la vie, elle se sait en accord avec cet « Oiseleur des silences / Brocanteur des mélodies perdues… »
Elle sait entendre « les notes enfouies qui font chanter les songes des fontaines »
Elle rejoint l’infinie générosité des hommes qui savent que dans le cœur de l’aimée, repose au delà d’une promesse de vie, la vivance ardente des engagements pour un monde meilleur.
Il y a dans chacun de ces textes une nostalgie infinie, dont la source est la connaissance profonde qu’a Nicole Barrière de la valeur et de l’importance de chaque instant taraudé par la fuite du temps, par l’éphémère et la fragilité non des sentiments mais de leurs accords.
« A fleur de paupière / tu poses l’encre de tes larmes »
L’amour charnel, vivant, sensuel plein de tous ses possibles est sans cesse présent et nous entraîne dans les méandres les plus impudiques du désir. « La lance sombre de mes reins /La plainte lente du consentir / La route claire / où je vacille / Douce blessure où tu rejoins / Quand le cœur hésite à dire / Cette romance qui nous retient… »
Nicole Barrière me semble poète au sens le plus magique du terme, car elle a le pouvoir de nous faire rêver, de nous emporter au delà de nos pensées, de nous déposer sur les rives anciennes de nos amours et de nous projeter vers les horizons bleutés d’un devenir à inventer.
« Et je suis traversée de fièvre et de lumière / et je suis empreinte de tes parcelles d’étoile / et je suis vasque ouverte à tes jaillissements / l’espace unique où tu m’as rêvée. »
Elle déshabille les mots pour les offrir dans leur nudité extrême et nous rappeler ainsi à nous les affamés de poésie, les dévoreurs de songes, que la vie recèle encore plus de vie, que l’amour contient encore plus d’amour et que l’éveil de tous nos sens nous entraîne à nous émerveiller.
« Dans le silence / je te suivrai / toujours / J’ai des soleils plein les poches / des nuits au bout des mains. »
Il y a aussi ces textes torrents où roulent des mots qui brassent nos émotions, qui nous soulèvent, nous emportent pour nous déposer haletants, ébahis tout au bord d’un océan de lumière et de lucidité plus grande.
« La fusion des rêves révélée dans la langue / La prière des amants saisis par le voyage / Le corps envahi par le fleuve d’aimer. »
ou encore « Compagnon de ma terre de pin et de lavande / De ma terre de miel au goût de volcan / Dans l’agonie sourde du vent / Dans le souffle entier des silences / Dans la brûlure d’espace / Où rêvent les oiseaux »
Elle sait nous nous mettre au monde des oiseaux

Jacques Salomé
avril 2005