Marc Hecker présente, à travers La Défense des intérêts de l'Etat d'Israël en France, une analyse novatrice, sereine et consensuelle, des voies et moyens d'influence de celui-ci dans notre pays.
Récusant l'idée et le terme de " lobby ", l'auteur décrit, pour reprendre les termes d'un des préfaciers, " la cartographie des vecteurs par lesquels passe l'influence d'Israël en France ". Le terme de lobby lui paraît impropre d'un double point de vue : couramment utilisé à l'étranger, il conserve en France une connotation péjorative, quel que soit d'ailleurs l'acteur du lobbying, syndicats professionnels, groupes religieux ou communautaires. Et qui dit lobby, dit action cohérente d'un groupe. Or ce qui frappe ici, c'est la diversité des points de vue, chacun ayant sa conception de l'intérêt à défendre. De Théo Klein, ancien président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), qui pense que l'intérêt d'Israël passe par l'existence d'un Etat palestinien, qualifié de ce fait d'ambassadeur d'Arafat par Michel Darmon, ancien président de l'association France-Israël, à ce dernier, partisan du Grand Israël, il y a plus qu'une nuance : une véritable divergence. Le seul dénominateur commun est celui de la défense des droits d'Israël à l'existence et à la sécurité.
Très opportunément, Marc Hecker positionne cette défense dans le contexte de la " politique arabe " de la France. En effet, il n'est pas possible de disjoindre les relations franco-israéliennes de cette politique. Après l'âge d'or de la IVe République, la politique française post-1967 n'a jamais été véritablement acceptée par l'opinion publique en Israël.
Pour cette défense de l'Etat d'Israël, l'ambassade à Paris, une des plus grosses missions israéliennes à l'étranger, joue un rôle pilote qui est ici bien décrit. Cette position clé s'explique tant par les ambitions de la politique française au Proche-Orient que par l'importance de la communauté juive française ou par la densité de la relation franco-israélienne. Elle peut aussi renvoyer à la conception propre de l'ambassadeur qui, parfois, n'hésite pas à franchir la ligne rouge de l'ingérence : un comportement qui a valu à Ovadia Soffer, entre 1983 et 1992, quelques rappels à l'ordre.
Un autre acteur important est naturellement le CRIF qui regroupe une soixantaine d'associations, avec la vocation d'assurer la représentation politique de la communauté juive de France, sans monopole toutefois. D'autres associations revendiquent un tel rôle, notamment celles qui recrutent hors de la communauté parmi les sympathisants et les admirateurs de l'Etat d'Israël. Tel est le cas de France-Israël, qui " œuvre pour le renforcement des liens entre le peuple de France et le peuple d'Israël […] quelle que soit la tendance politique de leur gouvernement ". Elle continue l'action de l'association France-Palestine fondée en 1926 par le président du Conseil de l'époque, dont la vocation était de plaider, auprès des instances internationales, la création d'un Etat juif au Proche-Orient.
Les acteurs identifiés, les modalités d'action sont inventoriées, qui vont de l'action de communication aux manifestations de masse, en passant par des contacts avec les milieux de la politique, de la presse ou de l'administration. Un temps fort de cette communication est le dîner annuel du CRIF, auquel participent le Premier ministre et plusieurs ministres. Son président n'hésite pas, souvent avec une franchise remarquée, à leur adresser compliments ou remontrances, non seulement sur les relations avec la communauté juive de France mais aussi sur la politique française au Proche-Orient. Quant au Quai d'Orsay, il a, pour la communauté juive, la réputation d'être un bastion pro-arabe : encore convient-il de rappeler que la politique étrangère de la France se décide en dernier ressort à l'Élysée…
Cette action d'influence est-elle efficace ? Pour certains, cette influence est considérable. Pour d'autres, comme l'observe Michel Gurfinkiel, cette
Denis Bauchard
POLITIQUE ÉTRANGÈRE (N°1/2006), janvier 2006
La défense des intérêts de l'Etat d'Israël en France
Marc Hecker
Paris, L'Harmattan, 2005, 124 pages.