Il est arrivé à Condom en suivant sa femme sur la terre de son enfance. Alexis Allah est professeur de français en Auvergne et écrivain. Il vient de publier chez L'Harmattan Éditions, il n'y a pas plus de trois semaines, son troisième ouvrage "L'oeil du marigot", préfacé par Jean-Pierre Wauquier et illustré par Fabienne Dufis.
Vous le croiserez certainement dans les rues condomoises car il est en vacances pour l'été. Durant toutes les vacances, petites ou grandes, l'intarissable originaire de Bouaké, en Côte d'Ivoire, vient prendre l'air dans la campagne gasconne.
Alexis Allah est arrivé en France après la classe de terminale, avant il avait poursuivi toute sa scolarité à Bouaké et dans son village situé à cinquante kilomètres. Puis il fait sa terminale au lycée George-Sand, dans l'Indre et poursuit ses études à l'université de Limoges en lettres modernes. C'est là qu'il fait la connaissance de celle qui deviendra sa femme et dont les racines sont plantées en terre condomoise.
Et de trois ! Son premier ouvrage " La nuit des cauris " était autobiographique. " J'ai ressenti le besoin d'écrire sur ma vie pour rendre un hommage, important pour moi, à mon grand-père qui m'a beaucoup soutenu et encouragé pour que je fasse des études. J'ai voulu raconter ce que j'ai vu, ce que j'ai vécu, mon enfance africaine, mon départ et ce que j'ai appris. Je me suis remis très difficilement de sa mort. Ce premier livre a été pour moi une sorte de thérapie. Mais, encore aujourd'hui, lorsque l'hiver arrive, qu'il pleut et qu'il fait froid, je deviens d'humeur maussade et, en fait, dans ma tête je retourne làbas ".
Le prof a ensuite publié " L'enfant-palmier ". Ce second livre traite de la tradition, avec ses bons et ses mauvais côtés. " L'histoire est celle d'un couple qui fait l'amour sous un palmier en brousse. Or, chez nous, c'est une souillure de faire cet acte hors du cadre de sa maison. L'enfant né de cette union est horriblement laid et sa mère meurt à l'accouchement. L'enfant grandit, part et devient un homme riche et puissant. Quand il revient dans son village, tout le monde se met à ses genoux ".
Le sort de l'Afrique. Quant à son dernier roman, le thème du départ est encore une fois présent comme si l'auteur ne pouvait s'empêcher d'exorciser sa propre blessure ou, du moins, ce qui semble l'avoir profondément marqué. Il raconte le voyage à travers le monde d'un habitant d'un village, garant de la tradition sur les pas des ses ancêtres qui ont vécu la colonisation. Parce qu'il est du genre à se poser des milliards de questions, Alexis Allah. Et pas les interrogations les plus simples, plutôt du genre existentielles. Il ne laisse pas ses méninges tranquilles plus de quelques secondes. Alexis Allah est engagé dans l'humanitaire à travers une association qui vient en aide à la Côte d'Ivoire et il court les colloques pour prier les hommes de faire attention à leur consommation d'eau, une source qui pourrait un jour se tarir. Ce qui l'obsède, c'est la traite des Noirs. " Quand je vois un Noir aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud, je ne peux pas m'empêcher de me demander si ce n'est pas un de mes lointains cousins ! La traite négrière a meurtri l'Afrique, disséminé sa population aux quatre coins du monde ". La colonisation l'obsède autant que l'esclavagisme. " Les problèmes actuels de l'Afrique prennent leur source dans la colonisation. L'Afrique vit sous perfusion économique et les pouvoirs des pays sont dépendants des occidentaux. Moi, ça me bouffe! "
SUD-OUEST, juin 2005