
Quand je marche dans le vent
tout marche
dans mon désir de vivre.
Ce qui retient mes pas
— ce souffle contraire
au temps qui vient —
cela attise le feu
vers lequel je m’embrase.
Ce sont
toutes ces forces
qui freinent
avec lesquelles
je compose
et j’orchestre ma vie.
La nuit est là
qui donne au jour
ses fastes et sa clarté.
L’ombre descend
pour signifier
le ciel
et toutes ces étoiles
qui nous font écho
dans notre immense
humilité
de l’être.
Et tout commence
avec
ce qui termine.
L’univers
nous dira-t-il un jour
la contraction du vide,
la finitude de l’infini ?
Comprendrons-nous
que nous ne sommes
que les graines
qui engendrent les graines ?
Les gouttelettes
du temps
qui nous pense
en poussant ?
Comprendrons-nous
qu’il n’y a rien
à comprendre
sinon la pluie
qui fragmente
le soleil
dans une flaque
où les enfants sont rois ?
Et le silence lui-même
est le regard du Sphinx
dans sa chaude
question.
L’Homme rampe
marche puis claudique —
avant
de s’émietter
dans la terre ou le vent.
Il est trop
et pas assez
et peut-être encore
autre chose que lui-même.
Il se meut
entre la chair
qui pense
et les mots
qui s’animent,
l’Homme
sur ses pieds
de terre.
Il se meut —
alors que le temps
demeure en lui
ainsi qu’une porte
qui bat
à tout vent.
J’ai posé mon visage
sur ton ventre
où les jours se rassemblent
où les nuits
s’enveloppent,
j’ai posé
ma joue sur ton sein
pour consoler
mes jours.
Tu m’as dit que,
fermant les yeux,
je te verrais de l’intérieur,
nue
au plus profond de toi-même.
Tu m’as dit que,
serrant ta main
comme une branche,
je saurais combien
l’arbre est ton frère
et l’oiseau
ton chant.
Derrière mon front
tu t’es glissée
ainsi qu’une ombre
pensante.
Les rues défilent
alors qu’on marche
comme défilent
des pensées.
Quand on attend
les rues s’allongent
comme s’allonge
le temps.
Je viens d’une embrasure de porte,
j’entraîne
des bruits d’ombres
avec moi.
Je longe les murs,
le regard attentif au présent.
Des vitrines se donnent
avec leur corps de lumière,
et ce désir
qui exsude
de la moindre chose.
On n’existe parfois
qu’à travers le futile
ou la poussière des jours.
Je croise un baiser
sur une bouche
tendre.
C’est ainsi que j’invente
ce qui me rend tangible.
Voilà l’étrange sonorité des noms
qui s’éveillent à la mémoire ;
de ceux que j’ai connus
tout au long de la route
sortant de quelque ornière
ou bondissant d’un pré,
ou bien encore
faisant naître des chemins buissonniers,
des taillis
aux mille oiseaux et cent mille certitudes.
Voilà les noms
de ceux
qui me prirent par le cou
et m’entraînèrent dans la valse du monde ;
tous ceux
qui s’ensoleillent
quand j’évoque
leurs ombres,
que ma vie
distille
encore ;
tous ceux
avec lesquels
j’alphabétise.
Voilà
leurs noms.
© Daniel LEDUC

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