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José SARAMAGO
Pérégrinations portugaises
Traduit du portugais par Geneviève Leibrich
Le Seuil, 2003.
448 p. 22,50 €
ISBN : 2020474247
Aborder les "Pérégrinations portugaises" de José Saramago, c’est pénétrer dans une jungle de mots, d’images et de sensations chargées autant d’affects que d’Histoire. Le Portugal, patrie d’explorateurs et de navigateurs – Barthélemy Diaz, Vasco de Gama, Alvarez Cabral – mais aussi de poètes -- dont Fernando Pessoa, figure tutélaire aux multiples hétéronymes ; le Portugal, ici, est investi par une langue foisonnante de laquelle émergent une étonnante clarté, une fluidité quasi magnétique. C’est ainsi que, malgré soi, on se laisse emporter dans ce voyage de la lettre et de l’esprit.
« Le voyageur est un enjambeur de rivières », « Le voyageur ne doit pas se répéter », « Le voyageur a encore beaucoup de chemin à faire », ainsi parle l’auteur de lui-même, il se fait protagoniste plutôt que guide, personnage du théâtre des pierres et du mouvement des formes. C’est là où réside l’originalité d’une telle démarche : parcourir un pays sans être touriste ; parler de ses richesses sans être comptable ; savoir ouvrir les yeux sans être voyeur, mais récolteur de saisissements d’épreuves -- comme on dirait d’instantanés où les clichés n’ont pas leur place.
L’univers lusophone, souvent baroque, prend une dimension plutôt romane -- aux courbes épurées -- riche dans sa simplicité de forme. La traduction de Geneviève Leibrich y est sans doute pour quelque chose. L’accès est donc aisé pour celle ou celui qui veut emprunter le parcours de ces pages.
De Miranda do Douro à Santiago do Cacém, Saramago nous montre le passé par son envers et son endroit, son dedans et son dehors, L’architecture n’est que l’histoire des Hommes lorsqu’elle a pris la patine du temps, et les murs retiennent les ombres de tous les pas qui les ont effleurés.
Le voyageur est « un pont entre le passé et le futur », c’est ce dont témoigne le livre. Car des descriptions, apparaissent aussi la vie actuelle, les plaisirs minuscules, les impressions fugaces. Ainsi qu’un avenir toujours questionnant.
"Pérégrinations portugaises", au fond, n’est peut-être qu’un journal intime, qu’un recueil de contes. Mais un journal intimement lié à la terre et à ce qui la meuble. Un recueil qui conte les jours en décrivant les traces, les contours et la lumière.
Et de tout cela, on n’a jamais fini d’en faire le tour. Ni d’en chercher le centre.
Daniel LEDUC
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