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Par touches successives, le livre d'Andrée Chedid nous fait entrer dans le domaine de la réflexion et de la connaissance comme approche sensible de l'être. Il est tout à la fois un recueil de formulations pertinentes, un ouvrage tissé de complexités et d'évidences, un long poème à l'architecture savante servi par une écriture fluide elle-même marquée par des ruptures de rythmes qui soulignent l'aspect primordial de certains termes.
La Vie devint ritournelle Fugue Impromptu Refrain
Se fit dissonance Mélodie Brisure Se fit battement Cadence Mesure
Et se mira Dans le destin
Issu "d'un bricolage du génial univers", l'Homme se tient debout grâce au langage et à l'imaginaire, grâce à sa faculté de cultiver les mots et les émotions qui y sont inhérentes. Sa vie, il l'a peu à peu investie selon les aléas de sa propre existence et son aptitude à réagir. L'Homme n'est pas un concept ; c'est bien une chair pétrie de sensations, de sentiments, de souvenirs, de coexistences avec ce qui l'entoure. On le sent profondément uni à la nature de toute chose, à l'immanence comme à la transcendance. Il est un atome du tout.
L'humanisme, ici, n'est pas un vain mot. Il s'exprime dans ses valeurs universelles d'ouverture au monde, de soif de connaissance et de l'autre et de l'univers. Rien de ce qui est l'Homme nous indiffère; rien de ce qui est proche ou lointain, aussi.
André Chedid est bien entendu Poète, mais aussi Conteuse par ce qu'elle transmet de son expérience et de sa richesse profonde. Et tout ce qui pourrait altérer l'espoir, bien que présent, fortement présent, semble tomber en poussière comme de mauvais souvenirs. Toujours la vie l'emporte et son corollaire l'amour. Toujours le présent et l'avenir sont là pour nous inciter à la marche. Le poème lui-même est un horizon qui avance.
Ainsi chemine Le langage De terre en terre De voix en voix
Ainsi nous devance Le poème Plus tenace que la soif Plus affranchi que le vent !
Daniel Leduc
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Andrée Chedid est née en 1920 au Caire de parents libanais séparés. Elle est mise en pension à l'âge de 10 ans. Elle apprend alors l'anglais ainsi que le français. A 14 ans Andrée Chedid part en Europe. Elle revient ensuite au Caire pour aller dans une université américaine. Son oeuvre est un questionnement ardent sur la condition humaine, les liens qui tisse l'individu au monde. Souvent portée par une ferveur mystique, son écriture est d'une grande sensualité pour évoquer l'Orient et ses parfums mais se montre plus âpre pour dénoncer la guerre civile qui déchire le Liban. Elle écrit de la poésie, dont Texte pour le vivant, Texte pour la terre aimée, des romans comme La Cité Fertile, L'Autre, Cérémonial de la violence ou du théâtre avec Le Montreur, Le Dernier Candidat. (INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL) |