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Daniel LEDUC :

 

Du partage et de la lumière des mots

 

 par Monique Labidoire

 

 

  À suivre l’œuvre de Daniel Leduc avec attention depuis ses premières parutions, le lecteur peut observer avec bonheur que des mots, dans lesquels on ne peut évidemment tout ranger, contiennent l’essentiel de la parole poétique du poète. Les titres des recueils sont exemplaires. Un triptyque émerge de cette œuvre autour du mot « Livre » : des nomades, des tempêtes, de l’ensoleillement. Puis un diptyque autour du mot « Partage » : de la lumière et de la parole.

 

Pour Daniel Leduc, le monde, —s’il est toujours un mystère ouvert sur l’inconnu que le poète doit révéler—, reste avant tout Terre des Hommes, cette terre d’une réalité matérielle que le poète appelle à devenir fraternelle et solidaire. Les mots, la parole, le poème, ces vases communicants entre les êtres, l’avance pastorale des peuples nomades, la recherche pour le poème du lieu le plus juste, sont ici l’arche d’alliance sans laquelle « La respiration du monde », ne peut demeurer. Le poète veut faire partager son rêve, même s’il le considère parfois comme utopique. Mais le « nous » pluriel qui le guide dans son avancée nomade ne semble pas être un collectif de masse. Ce « nous » pourrait ne réunir que quelques êtres prêts au partage de la parole et de la lumière que déjà le poème aurait atteint un de ses sommets.

 

Non, dirons-nous au poète, « les mots/sur la page (ne sont pas) tels des pas/dans le désert », c’est-à-dire isolés et perdus dans l’immensité. Les mots, tels qu’ils nous sont proposés ici, sont colonnes du temple et soutiennent avec force l’idée que le monde des humains doit porter l’espérance.

 

Encore faut-il garder cette confiance qui souvent glisse entre les doigts comme le sable du désert et le poème de Daniel Leduc vit une errance qui semble s’agrandir dans son espace poétique.

 

La forme verticale et étroite choisie pour Le livre des nomades induit pourtant le peu d’espace réservé à cette espérance tout en l’étirant presque à l’infini dans ce désert peuplé de milliards de grains de sable, autant d’individus uniques qui se seraient rassemblés paumes ouvertes pour recueillir tous les possibles :

 

Nous avons

cherché

la fleur

de partage

et

 

l’avons

trouvée

entre des mains

de sable.

 

Nous

ne parlons

jamais assez

des pays

traversés

 

tant il est vrai

que le verbe fait l’ami

et que l’ami

fait le verbe.

 

            « Nous cultivons/le verbe », nous dit le poète qui ne veut oublier qu’au commencement était le Verbe mais aussi le partage du verbe, le partage de la parole. Évidemment nous sommes dans l’univers d’un poète qui utilise comme matière vivante et première, le verbe, les mots, la parole, l’écriture. Mais sans rester figé dans cette matière ;  le partage se fait aussi du silence et du regard, deux postures qu’il nous permet de partager dans ses textes où les liens entre les sens sont consolidés par des paysages et quelques métaphores plus philosophiques que graphiques qui nous suggèrent un envol vers une parentèle rimbaldienne que nous aimons toujours :

 

                        puis nous chausserons

                        des souliers

                        de désir

                        aux semelles d’errance.

 

            Errer, nomader dans le vent du désert, c’est bien l’une des charges du poète moderne, mais le désert n’est plus ce qu’il était, il est désormais urbain et peuplé d’absences et d’ombres.

 

            Pourtant, le poète ne veut pas en rester là. S’il est toujours dans la recherche du lieu le plus juste pour partager son poème, il se prête volontiers au jeu de la lumière pour mieux sortir de l’ombre. Les mots doivent éclairer les territoires les plus reculés, avancer sur des traces déjà imprimées par des « semelles de vent », marcher, toujours marcher et porter dans son havresac les mots de ceux qui ont vécu la même aventure en direction d’un espace temps d’une grammaire unifiée en passé, présent et futur : « Car là où nous allons se creusent le passé, le présent et le futur ».

 

            À marcher sans relâche, le poète perd quelque peu le poème pour une prose élargie confrontée à la langue vernaculaire qui amenuise la densité de la matière poétique. Mais il lui faut en passer par là pour trouver réponse au questionnement de l’absence et de l’ombre. Pour que le paysage dessiné par les mots ne soit pas seulement l’apparence de la parole et de l’écriture mais bien la parole et l’écriture dans ses fondements essentiels.

 

            Daniel Leduc semble parfois s’éloigner du poème pour une création autre, un mouvement qui implique une réflexion plus soutenue, plus métaphysique réflexion déjà incarnée dans les livres plus anciens.

 

            Il nous faut donc le lire autrement.  Dans un appel plus direct, dans quelque chose de plus dispersé qui prolonge son nomadisme et recentre son cri : « Il y a dans les saisons, des saisons de partage, d’absence, d’ensoleillementc’est pourquoi le vivant chante-rit, hurle-et-désespère…— Le poète, en légère distance avec le poème, se change en conteur et s’assied sous un arbre.

 

            Le conteur partage les mots et la légende. Il raconte le monde du passé et celui du futur. Il brise le silence insupportable pour tenter une ultime ouverture sur un chemin sans lumière. Il projette son auditoire dans le commencement de son monde, à la naissance sans Verbe, quand l’amour maternel est le seul lien possible et reconnu. Le locuteur a changé son habit de poète pour celui de conteur et déploie les phrases du souvenir, évoquant ses ancêtres comme les piliers d’une certaine sagesse que nous aurions perdue. Du Livre, les mots se délivrent et vivent une autre vie.

 

            « C’est parce que les signes sont incertains qu’il y aura littérature » (Roland Barthes) peut-on lire en exergue des Livres du partage. L’écriture de Daniel Leduc qui nous semblait effectivement plus incertaine dans les proses du Livre de l’ensoleillement retrouve la vive incarnation du « Territoire du poème » et la passion des mots que souligne Venus Khoury-Ghata en quatrième de couverture, s’ajoute à sa foi dans l’humanité dans la mesure ou l’homme parle et partage sa parole pour plus de connaissance et pour plus d’amour :

 

« L’Homme est un langage

Opaque et clair, transparent et visible »

 

            Les mots, l’amour, le partage transportés par la lumière, à la vitesse de la lumière, déclinent les paysages d’amour espérés par le poète comme seule connaissance tangible de l’univers :

 

« Entre l’homme et la femme

quelle est cette lumière

qui tente de voyager »

 

            Voyager d’un livre à l’autre, d’un amour à une fraternité, voyager à l’intérieur d’un monde ouvert où l’autre, l’étranger qui trouve terre d’accueil dans cette « Maison de l’Etre » maison de poésie dans laquelle les mots s’écrivent, s’unissent, se confrontent et disent :

 

« Ce qui relie les gestes avec le monde

ce sont souvent de simples mots

au bord des lèvres. De simples mots »

 

            Ces simples mots rendent l’existence vivante au détour du chemin et de la phrase, dans les sources d’étoiles attendues par le poète, dans cet espoir « Que l’Homme appartient/aux mots/qui le composent ».  Le poète appartient lui aussi aux mots qui le composent. Il s’en nourrit et en nourrit notre lecture qui elle aussi évolue avec le temps, s’échappant d’une lumière qui n’éclaire pas toujours de la même façon notre ressenti.

 

C’est la force du poète que de nous donner différents prismes de son espace poétique : de la réalité à l’imaginaire jusqu’à l’espérance. C’est notre liberté que de regarder, selon la lumière, et de l’aube au crépuscule, les dénivellations d’un langage qui nous font errer d’un désert à une plénitude sur un territoire que nous partageons avec le poète avec une seule certitude : celle du poème.

 

MWL- Mai 2006-

 

             

Les citations en italique sont tirées des livres références pour cet article ou sont des titres de livres ou  encore les titres de suites poétiques de Daniel Leduc.

 

Le livre des nomades (Verlag Im Wald) Le livre des tempêtes (L’Harmattan) Le livre de l’ensoleillement (n&b) Partage de la lumière suivi de Partage de la parole (L’Harmattan) Poétique de la parole (L’Harmattan)

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