JACQUES GUIGOU
  Gestion du site
log 
pass  go !
 Accueil
Commentaires et interventions
Poésie
Ecrits sur la poésie
Dits sur la poésie de Jacques Guigou
Ecrits théoriques et politiques Période 1971-79
Ecrits théoriques et politiques Période 1980-89
Ecrits théoriques et politiques Période 1990-99
Ecrits théoriques et politiques Période 2000-23
Écrits sociologiques et socianalytiques
Cours UM3 Licence SE
Master1 CFE
Master2 CFE
Autobibliographie (1963-2023)
Traductions
Lectures Récitals Vidéo et audio
Correspondances
Editions de l'impliqué Catalogue et Lettres
Chansons,Traits, Affiches
Sur la page de gauche vol. I et vol. II
Archives
Photographies
Sciences politiques
France
Catalogue auteurs
UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER 3
LICENCE DE SCIENCES DE L'ÉDUCATION
COURS DE JACQUES GUIGOU


UE 52SEM  Épistémologie

Notes sur l'histoire des SE
L'individu éduqué de la modernité
Implication et nouvel animisme
Les nouveaux tautologues
Activités critiques et éducation
La théorie multiréférentielle chez J.Ardoino
La transduction chez Lefebvre et Lourau


UE  55SEM  Préprofessionnalisation (Semestre 1)
Le projet de stage d'observation d'une pratique éducative. Modalités de l'évaluation.
Freinet et les pédagogies institutionnelles
Interactions et rapports sociaux à l'école : regards microsociologiques
Violences, société, école : état de quelques recherches.
L'enseignement spécialisé : de l'arriération à l'adaptation
Le projet d'observation d'une situation éducative : quelques recommandations.
Notes projets de stage

ECUE
  54SEM  Évaluation
Retouche pour une histoire de l'évaluation

Une auto-référence d'Etat : l'évaluation des politiques éducatives
L'évaluation entre régulations et significations : à propos des modèles théoriques


ECUE  63SEM  Approche sociologique d'un fait social d'éducation
Quelques indications sur les objets d'étude et les méthodes






Note sur l'histoire des sciences de l'éducation


1. Au commencement : "la pédagogie" (XVIIe - XIXe)

Contemporaines du développement de la rationalité scientifique, les classifications des différentes sciences existantes (les taxonomies) commencent à faire une place à une discipline qui aurait pour objet d’étude "l’expression, le transfert et la transmission [1] " des connaissances. Cette nouvelle discipline est nommée pédagogie. Ainsi, dès 1623 on la trouve dans la classification de Bacon et en 1751 dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.. La pédagogie est alors définie comme une science du langage, de l’argumentation, de la persuasion, de "l’inculcation de préceptes [2] ". On la situe au carrefour entre rationalité scientifique et raison pratique. En 1812, l’ex-révolutionnaire Marc-Antoine Jullien, membre de la "Société d’éducation" cherche à faire de la pédagogie une "science positive". Il fait de l’Institut d’Yverdon, en Suisse romande, organisé selon la méthode de Pestalozzi un modèle de pédagogie scientifique. Son œuvre sera oubliée jusqu’au milieu du XXe siècle.

2. Fondations, fondateurs de « La science de l’éducation » dans l’Instruction publique

"La science de l’éducation" naît en France, avec l’institution de la scolarisation obligatoire, aux débuts de la Troisième République.Elle apparaît d’abord comme une discipline à la fois scientifique et « morale » au service de « l’art d’enseigner », c’est à dire au service de la pédagogie. Cette discipline porte alors le titre de « La science de l’éducation » (parfois nommée aussi « La science pédagogique »). En 1883, Henri Marion est le premier titulaire de la Chaire de Science de l’éducation à la Sorbonne. L’année suivante cette nouvelle discipline est enseignée dans les universités de Bordeaux, Nancy, Lyon et Montpellier. Mais c’est Émile Durkheim et ses disciples, notamment ceux qui ont des postes dirigeants au ministère de l’Instruction publique, tels Ferdinand Buisson et Paul Lapie, qui, dès le tournant du siècle, vont donner à cette discipline son statut spécifique dans la formation des maîtres ; alors que cette relative autonomie ne sera reconnue que plus tard dans l’université. En effet, la réforme universitaire de 1920 créera un certificat de sociologie et de morale dans la licence de philosophie, ce qui témoigne de la continuité d’une dépendance de la sociologie à l’égard de la philosophie.

Le premier objet de recherche de la (future) sociologie de l’éducation ce fut donc l’institution de l’éducation elle-même ; c’est à dire l’élaboration des fondements politiques et idéologiques de l’école républicaine. D’où la définition - quasi tautologique - de l’éducation que donnent les durkheimiens, à savoir : éduquer les enfants (entendre par là les scolariser très inégalitairement), c’est d’abord et avant tout les socialiser.

2. « La Science de l’éducation » dans les Écoles Normales

Complémentaires aux idées républicaines sur l’école gratuite et obligatoire, sur la laïcité, ou bien encore sur l’exercice souverain de la raison et sur les bienfaits du progrès scientifique, les valeurs morales de la Science de l’éducation sont, elles aussi, intensément diffusées dans les Écoles Normales. Aussi, Durkheim, qui, en 1906, vient de remplacer Ferdinand Buisson à la Chaire de Science de l’éducation de la Sorbonne, est-il sollicité pour donner un cours aux futurs instituteurs sur « L’éducation morale à l’École primaire ». Organisé en dix-huit leçons, ce cours, professé oralement plusieurs années avant la fin de sa vie (il meurt en 1917), n’a pas été publié de son vivant. Nous en connaissons l’essentiel. Trois principes moraux fondent, pour lui, l’éducation : l’esprit de discipline, la volonté d’abnégation et l’esprit d’autonomie.

Ainsi, un savoir positif sur les faits sociaux est susceptible de contribuer à la formation morale et intellectuelle des enseignants ; et ceci en vue d’un approfondissement et d’un élargissement des valeurs républicaines. Pour Durkheim et les durkheimiens, la science de l’éducation doit accélérer la fusion et l’unification de l’éducation et de la république. L’institution de l’éducation ne peut être rien d’autre que l’institution de la République elle-même.

3. Les expériences de contre-éducation prolétarienne dans les Bourses du Travail

L’institution de l’École par la Troisième République n’a pas, et de loin, réalisé l’égalité de toutes et de tous dans l’accès à l’enseignement. Jusque dans les années soixante du XXe siècle, cette école est restée l’école de la classe dominante et de ses valeurs ; c’est à dire l’école de la bourgeoisie. Certes, des enfants des classes dominées (paysannerie et classe ouvrière) ont été scolarisés par l’école républicaine ; mais cette scolarisation a été à la fois très lente à s’accroître et très inégale selon le sexe (davantage de garçons que de filles), selon l’âge (les classes dominées quittaient l’école plus tôt), selon le lieu d’habitation et l’activité des parents (scolarisation irrégulière en milieu paysan, artisan et commerçant, etc.). Si l’école républicaine a permis des promotions sociales individuelles, elle n’a jamais favorisé des promotions collectives.

Cette dimension de classe de l’école républicaine a d’ailleurs été combattu par diverses composantes du mouvement révolutionnaire prolétarien. Combat mené à l’intérieur de l’institution, par des instituteurs partisans du syndicalisme révolutionnaire (Albert Thierry était professeur d’E.N. - Laurin M.T. instituteur dans l’Ain) ; mais combat surtout mené à l’extérieur de l’institution, par des individus qui au nom de leur idéal anarchiste ou socialiste cherchaient à créer une école prolétarienne. Les expériences les plus avancées (mais aussi les plus refoulées par la légende triomphaliste de l’école républicaine) furent réalisées par les Bourses du Travail. (Pelloutier, Pouget, Yvetot, Delesalle, etc.) et par les communautés éducatives anarchistes (cf. Paul Robin à l’orphelinat de Cempuis, Sébastien Faure et La Ruche à Rambouillet, Francisco Ferrer et son École moderne à Barcelone, etc.). Avec le ralliement du mouvement prolétarien au nationalisme de "l’union sacré", ces moments de contre-éducation furent oubliés pendant plusieurs décennies. Les bouleversements politiques de la fin des années 60 les réactivèrent, mais souvent sans tenir compte du changement d’époque...

4. L’Éducation de masse et l’autonomisation des "sciences de l’éducation"

Après la Seconde Guerre mondiale les espoirs de "démocratisation de l’enseignement" exprimés par le Plan Langevin-Vallon tardent à se réaliser. L’institution éducative encore déterminée par sa structure de classe ne parvient pas à se "moderniser" face à la demande grandissante de scolarisation générale et prolongée. La "crise" de l’éducation s’intensifie. Complémentaires aux réponses quantitatives en termes de moyens (constructions d’établissements, recrutements d’enseignants, attribution de bourses et distribution de manuels, développement de l’orientation, etc.) des réponses qualitatives sont recherchées pour rendre plus actifs et plus dynamiques les apprentissages des savoirs abstraits. La psychologie de l’apprentissage est fortement sollicitée (Piaget) mais également ce qu’on nommera jusqu’à l’abolition des Écoles normales (1991), la "psychopédagogie". Il s’agit d’un ensemble disparate de savoirs pédagogiques pratiques (méthodes de construction de cours, techniques de notation, méthodes de lecture et d’écriture, exercice de l’autorité, etc.) combinés à des connaissances plus théoriques relevant essentiellement de la psychologie de l’enfant. Le néologisme de "psychopédagogie" est quasiment abandonné à partir des années 80.

C’est dans ce contexte politique et scientifique que naissent "les sciences de l’éducation" comme discipline universitaire (contemporaines d’info-com et des sciences de gestion). Sur la proposition de trois universitaires M.Debesse, G.Mialaret et J.Château, une licence de sciences de l’éducation [3] est créé en 1967 [4] (Paris, Bordeaux, Caen), puis une maîtrise l’année suivante. Conçues comme une formation complémentaire aux disciplines fondamentales ou bien comme une formation continue, les études universitaires de SE n’ont jamais comporté de DEUG. Autour des phénomènes d’éducation puis de formation se conjuguent des approches diverses et variées. A la vision uniciste des fondateurs de la discipline qui n’ont pas fait le deuil de l’idée positiviste d’une "science de l’éducation" issue du XIXe siècle, les universitaires de la deuxième génération (1970-90) ont substitué une approche "plurielle" (Ardoino), multiple et fédérative. Se sont alors développées des recherches et des enseignements qui fondent leur légitimité scientifique sur les sciences humaines et sociales : la sociologie (de l’éducation), la psychologie, l’anthropologie, l’économie, l’histoire ... de l’éducation.

Lectures possibles : 
  Durkheim E. (1922), Éducation et sociologie [9e édition, PUF, 2005] 
  Bremand N. (1992), Cempuis, une expérience d’éducation libertaire à l’époque de Jules Ferry. Éditions du Monde libertaire. 
  Mialaret G. (1996), Les sciences de l’éducation. PUF, Que-sais-je ? 
  "Identité et constitution des sciences de l’éducation", revue Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle. Université de Caen, 1998.

[1] Cf. Les sciences de l’éducation, enjeux, finalités, défis. AECSE/INRP, 2001, p.5.

[2] ibidem, p.6.

[3] Le terme de "licence de pédagogie" proposé par le Ministère fut refusé par la Commission du projet qui lui préféra, en référence à Genève, la dénomination de "sciences de l’éducation".

[4] La France n’était pas novatrice en ce domaine. Dès 1912, Edouard Claparède avait créé une École des sciences de l’éducation dans l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève. Dès les années 50, l’université de Sherbrooke au Canada diffusé un enseignement de sciences de l’éducation.


Université Paul Valéry de Montpellier

Département des sciences de l'éducation

 Texte d'un cours de licence donné par Jacques Guigou
                    
pendant les années années 2004-2009







mini-sites © L'Harmattan 2005