M’alerter sur les sorties
Cheick Oumar Kanté

Cheick Oumar Kanté

Contacter

Cheick Oumar Kanté

Voir plus de filtres

3 livres

Vous avez vu 11 livre(s) sur 3


LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Articles de presse

Nadine BARI, Mère et Grand-mère Courage!

Articles de presse

Quelle sera l'Afrique du XXIe siècle ?

Articles et contributions

Hommage à mon Très Cher Ami, Pierre Christin

Articles de presse

Henri Lopès, le "Bantou aux ancêtres gaulois", s'en est allé ! Il avait lu mon roman, Après les Nuits, les Années Blanches, édité par L'Harmattan en 1993.

Articles de presse

Fatoba, l'Archipel Mutant, premier volet d'un diptyque?

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Les comptes à rendre à notre chère Guinée

Je ne suis pas, je n’ai jamais été indifférent au sort de mon pays natal, la Guinée ! Je n’ai rien écrit, certes, au lendemain du coup d’État qui, le 5 septembre 2021, a chassé du pouvoir Alpha Condé. Régulièrement étrillé, pourtant, sous ma plume quand il était dans l’opposition et pendant toutes  les années où il est arrivé à se hisser à la présidence de la Guinée et à s’y maintenir deux mandats durant. Au point de vouloir "taper l’incruste" en s’en octroyant un troisième. Et qui, depuis son exil à Ankara chez Recep Tayyip Erdogan, "de notoriété internationale" et même "devant l’Éternel" "l’un des plus grands démocrates parmi les dirigeants du monde"[les nouvelles de Turquie du 23/03/2025 le confirment !], n’imagine pas moins dans une "volonté", pour le moins forcenée, "de "reconquérir" un jour "le pouvoir".
Je n’ai rien écrit non plus sur la gestion de la Guinée par le colonel Doumbouya trop vite devenu général, atteint de la boulimie des galons auto-décernés comme ses prédécesseurs en Guinée et dans d’autres régions africaines, installés "par la force de leurs baïonnettes" à la magistrature suprême de leurs pays. J’ai juste évoqué la situation dans mes échanges épistolaires avec mon ancien professeur d’écriture de presse à Bordeaux, décédé hélas le 3 octobre 2024, extrait à retrouver dans l’hommage que je lui ai rendu, publié en intégralité dans mes espaces personnels sur les sites Africultures, Sud Planète et l’Harmattan :


« Je n'ai pas encore [fait état] de ma réaction face à la situation guinéenne ayant peu ou pas du tout de sympathie pour le pouvoir militaire. Initiatives heureuses et décisions aberrantes sont prises en roue libre par le (…) colonel à la tête d'un CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) !
Mais, c'est bien, hélas, un civil, un "intellectuel", un  ancien "opposant historique" qui, par sa corruption, son addiction à la présidence malgré sa médiocrité [tripatouillage de la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat !] , nous a fait renouer avec le coup d'État comme seule possibilité d'alternance politique ». 

Je n’ai pas plus écrit sur les États-Unis après un voyage émerveillé à New-York en novembre 2023 et  sur leurs élections de novembre 2024 alors que j’avais pris fait et cause pour Hillary Clinton dans la primaire démocrate en 2008 et applaudi l’élection de Barak Obama qui a suivi. 
En France, je ne me suis jamais épanché  non plus sur Emmanuel Macron ne lui ayant trouvé aucune aspérité alors que des portraits de Nicolas Sarkozy et de ses acolytes, j’ai tiré des multitudes. Ledit Emmanuel Macron est apparu à mes yeux – un peu à retardement, je l’avoue, – comme un "HP non I" (Homme Politique non Identifiable) qui, depuis son élection faute d’alternative recommandable la première fois en 2017 et sa réélection pour les mêmes raisons en 2022, a plongé la France dans une sorte d’apesanteur !
Mais, pourquoi évoquer la France en voulant parler de la Guinée ? Pourquoi pas quand on est né Guinéen et qu’on vit continuellement en France après en avoir acquis la nationalité depuis 32 ans ? Pourquoi y associer  les États-Unis ? Parce que ma désolation devant la victoire de Donald Trump contre  Kamala Harris est grande! Et j’aurais pu parler de la défaite de la candidate démocrate comme je l’ai fait de la déroute de Ségolène Royal contre Nicolas Sarkozy en 2007. 

Un petit rappel :
« (…) Il sera difficile de faire entendre ce qui, de façon scandaleuse, se conçoit très bien dans divers milieux mais ne sera jamais énoncé avec la clarté nécessaire par la faute des relayeurs de la parole publique. Acquis pour la plupart d’entre eux au conservatisme ambiant, pour ne pas dire au machisme, [masculinisme, dit-on aujourd’hui], ces derniers semblent estimer à l’instar des politiciens aux mœurs antédiluviennes et de leurs fidèles électeurs que la qualification d’une [Femme] au second tour présidentiel suffit pour l’année 2007.
 L’Homme en face d’elle, – "génétiquement" plus capable, bien entendu ! – n’a plus qu’à faire litière des ambitions de la Femme, démesurées selon eux.
Ladite Femme, ["une retardée mentale", a dit de Kamala Harris Donald Trump. Mais, ne serait-ce pas celui qui le dit qui l’est ?]  (…) est fière de son entière indépendance vis-à-vis des lobbies ! Aussitôt, il est légitime de penser qu’elle "n’est pas du tout faite pour le job", la pauvre (…) ! À son discours, il manquerait de la méthode, c’est-à-dire le formatage télévisuel et la touche finale de son consultant, [en l’occurrence, celle de la plupart des membres de l’oligarchie détentrice et pourvoyeuse des financements, maîtresse et possesseuse des réseaux, dans la configuration américaine] ».

Triple donc est ma peine au moment où j’estime devoir rappeler "mon mal chronique à la Guinée" en me prononçant sur sa situation actuelle malgré l’impression d’avoir déjà beaucoup publié, aussi bien sur le pouvoir civil (…) que militaire !
Mais, puisqu’on a coutume de dire : "les écrits restent", il me suffit de rappeler certaines de mes prises de position. Les lecteurs et les lectrices à la mémoire valide ne les auront pas oubliées et ceux et celles qui ne m’ont jamais lu auront l’occasion de les découvrir. Tous et toutes  se rendront compte que je me suis si longtemps retenu pour n’avoir pas à me répéter, à ressasser, ce faisant, le même point de vue…  
Qu’ai-je donc déjà écrit, ne serait-ce que sur un sujet avoisinant les thèmes du moment : "transition, retour à l’ordre constitutionnel, le général Doumbouya sera-t-il ou ne sera-t-il pas candidat à une élection présidentielle" dont la date tarde à être fixée?

SUR LA RESPONSABILITÉ COLLECTIVE

"De n’avoir pas encore cherché à savoir comment les beaux mythes fondateurs de l’État souverain de Guinée, des idéaux de liberté, de dignité et de panafricanisme ont été pervertis jusqu’à voler en éclats devant des appétits de pouvoir sans partage, nous aura condamnés à supporter de vivre [d’autres] fois sous [des] régimes rebondissant sur les mêmes ressorts obscurantistes et brutaux.

Extrait de l’entretien avec Aboubakar Sakho pour l’Observateur de Guinée en décembre 2007.

***
[ (…) Les responsables du marasme général de la Guinée, on les retrouve aussi bien dans les rangs des militaires que dans ceux des civils (…) Beaucoup parmi ceux qui ont, plus ou moins tôt, adopté des postures d’opposants politiques sont capables de retournement à tout moment et portent (…) une responsabilité dommageable [pour] notre pays ! Qui n’a vu les uns et les autres courtiser le CMRN, dès les premières semaines qui ont suivi le 3 avril 1984, dans l’espoir d’obtenir un portefeuille ministériel, un poste de consultant ou de chargé de mission ou encore de chargé de l’image de marque de la Guinée à l’étranger… ?

Extrait de "La Guinée dans la démocratie, un petit pas en avant, de grands pas en arrière", article paru le 10 décembre 2001 au Courrier de Guineenews, repris dans "Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ? " Menaibuc, 2004 pages 136 et 137.]

***

"(…) Individuellement pris, n’avons-nous pas tous, d’une façon ou d’une autre, des comptes à rendre à notre pays pour l’avoir laissé (…) s’installer dans l’incurie ? Obligeons-les [politiques] à se réunir, toutes affaires cessantes ! Qu’ils y associent toutes personnalités et organisations intéressées, réputées pour leur intégrité et leur combativité et ils trouveront les meilleurs gestionnaires sociaux, politiques, économiques, culturels… de la Guinée pendant une période transitoire. Après, il leur sera plus facile de battre à nouveau les cartes, dans la plus grande transparence, pour trouver à chaque Guinéen la place où il rendra les meilleurs services à toute la Guinée."

Tiré de "Guinéens, ayons le courage de dire encore : NON !"… paru le 17 décembre 2002 au courrier de Guineenews sur Boubah.com, repris dans "Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ? " Menaibuc, 2004 page 154.

SUR LE STATUT ET LE RÔLE DE L’ARMÉE !

Les militaires ? Ils sont plutôt les problèmes que les solutions. "[Ils] ont refusé d’instruire le procès de la Révolution en 1984 pour de mauvaises raisons. Les civils les ont approuvés. Il faudra pourtant y arriver un jour. Non pas pour nous venger de certains de nos bourreaux encore en vie mais pour démonter tous les mécanismes qui les ont conduits à se comporter comme tels. De toute façon, nous ne vengerons pas nos morts anciennes par des morts nouvelles ! Et, avec les récents événements aux frontières libérienne et sierra-léonaise, la Guinée n’a que trop donné de son sang ! Les bonnes raisons démocratiques, elles-mêmes, ne devraient autoriser ni l’opposition ni encore moins le pouvoir à prendre toute initiative qui conduirait à la mort d’autres Guinéens."

Extrait de "La Guinée dans la démocratie : un petit pas en avant, de grands pas en arrière"… article paru au Courrier de Guineenews le 10 décembre 2001 repris dans  "Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ?" Menaibuc 2004 page136. 

***

"Après avoir presque dans tous les pays mis au pas les civils, les militaires rechignent dorénavant à rester au garde-à-vous. Et, comme ils n’ont pas réussi en confisquant le pouvoir politique à faire le bonheur dans leurs propres rangs, ils tirent sans sourciller sur les rares détenteurs de richesses pour accaparer leurs biens."

Extrait de "Les maîtres maux de l’Afrique" article paru dans VOIX D’AFRIQUE N°33 décembre 1992-janvier 1993

***

"Les Américains ont recouru aussi longtemps qu’il a été nécessaire à toutes les procédures constitutionnelles permettant d’établir qui de George Bush ou d’Al Gore a gagné les élections de novembre 2000.
(…) Jamais un troisième larron – un général ou encore moins un caporal – n’a pensé détenir les clés de la démocratie sous les chenilles de tous les chars qu’il aurait pu mettre en branle."

Extrait de "Mal à la Guinée et à la Côte d’Ivoire, mal à toute l’Afrique", paru le mercredi 17 janvier 2001 au Courrier des Lecteurs de Guineenews, repris dans "Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ? " Menaibuc, 2004 page 123.


[L’attaque du Capitole par les partisans de Donald Trump excités par lui, quand il a été battu par Jo Biden en 2021 et les décisions erratiques en rafales du même, depuis son come-back à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, met de toute évidence un bémol à l’exemplarité de la démocratie américaine.]

***
- La prise pour cibles à atteindre mortellement de certaines ["catégories de Guinéens" et des chefs de Partis  ou de leurs militants] par une faction du pouvoir militaire est la preuve par le tragique que la construction de la nation guinéenne n’a jamais été la préoccupation de tous ceux qui ont présidé à ses destinées.

- La manie de la dénonciation de la France et la maladie de l’éternel complot – ourdi par l’étranger de mèche avec une "Cinquième Colonne" – contre une Guinée qui aurait commis le péché originel de prendre son indépendance parmi les premiers pays en Afrique de l’Ouest relèvent des pires délires du Chef Suprême de la Révolution.

- L’acceptation du principe qu’un militaire actif est un citoyen comme un autre et qu’il est éligible à la tête de l’État n’est en aucun cas le signe d’une démocratie triomphante mais son suicide.

- Mon credo demeure le suivant malgré tout : "la situation de la Guinée a beau être désespérante, elle n’est pas complètement désespérée". Elle pourrait même être vite enviable si, pour commencer, l’exploitation des Fonds et Moyens Intellectuels de la Très Grande Boîte à Idées entraînait l’encasernement voire le… désarmement de l’armée, son démantèlement intégral et le recyclage de l’ensemble de ses effectifs en gardiens de la paix. En Guinée, plus encore que partout ailleurs dans le monde, celle qui y est devenue "la Grande Volubile" a donné toutes les preuves qu’elle n’a aucune vocation à gouverner ! Et, toute autre "Grande Muette", à sa place, ne pourrait regagner quelques "lettres de noblesse" et mériter son existence que dans la défense et la protection de la Guinée (…)

Extrait de la réflexion intitulée "Pour l’ouverture d’une Très Grande Boîte à Idées" au bénéfice de la Guinée sur http://manifeste-guinee2010.org (COK ouvre sa…Boîte)

***
"Tout le travail politique (…) devrait consister à stopper la circulation anarchique des armes de guerre avant de faire un grand tri de sorte à reconstituer des armées régulières (…). Il est tout de même paradoxal, plutôt tragique de constater avec quelle régularité des pays dirigés par des Généraux voire des Maréchaux sont déstabilisés par les bandes armées les plus dépenaillées. Pour positive qu’ait été l’irruption sur la scène politique de militaires de la valeur de Thomas Sankara, Jerry Rawlings ou Toumani Touré, le travail dévolu à un militaire est de préserver la paix intérieure et de défendre la patrie contre les agressions extérieures."

Extrait de "En finir avec tous les rentiers de la politique en Afrique" publié sur le site de Africultures/Articles des lecteurs le 3 février 2003, repris dans "Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ? " Menaibuc, 2004 page 161.

SUR LA TRAGÉDIE DU STADE DU 28 SEPTEMBRE 2009 ET LE POUVOIR BREF MAIS DRAMATIQUE D’UN CERTAIN CAPITAINE, DADIS CAMARA.

Dadis an un ? Non, en neuf !

Le titre n’évoque ni un tour de jeu de cartes, ni un montant de pari, ni un thème astral. Mais, il pourrait bien faire penser à l’un ou l’autre cas de figure voire aux trois réunis comme, au départ, il voulait parler du temps écoulé à Conakry entre décembre 2008 et bientôt décembre 2009 et de ce qu’il pourrait présager pour l’avenir de la Guinée. À cette échéance si proche, un certain Dadis Camara, Capitaine intrépide, dit-on, se serait depuis un an confortablement installé à son tour à… Sékhoutouréya !

Un an ! Douze longs mois, voulais-je lui accorder, avant de me prononcer sur les fêlures, les fissures et les fractures, sensibles depuis quelque temps déjà, dans le processus de transition qu’il avait promis de conduire. Ceci, malgré le mal à la Guinée difficile à imaginer qu’il est vécu, aussi douloureusement sinon plus, par une Guinéenne ou un Guinéen à l’étranger que par leurs compatriotes restés au pays.

Aux vœux de liberté, même dans la pauvreté, aux rêves de bateaux transportant certains jours hypothétiques des portions de bonheur en Guinée ou aux professions de foi ne jurant que par le redressement national dans le refus de tout enrichissement militaire au détriment du reste de la population, les dirigeants y ont encore moins cru que leurs administrés. Ces derniers n’ignorant tout de même pas que lesdites promesses politiques ont, à deux reprises, précédé de loin dans leurs tombes ceux qui ont prêté le serment solennel de les réaliser de leur vivant.

Alors, il est d’autant plus criminel, l’ordre donné de tirer en ce 28 septembre 2009, jour du 51ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée, sur les leaders, les militants politiques et les simples citoyens qui se sont levés pour que soit tenue une seule des nouvelles promesses : assurer la transition en permettant l’organisation d’élections libres et transparentes en refrénant, dans le même temps, toute ambition militaire de conserver le pouvoir, gagné en cadeau de Noël anticipé le 23 décembre 2008 !

Neuf mois, donc, auront suffi pour pouvoir dresser le bilan d’étape, à ce point dramatique, du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement) ! Record que ni le Parti Démocratique de Guinée, ni le Comité Militaire de Redressement National n’auront battu avant lui : un bain de sang à Conakry en une journée ! L’étendue exacte de la tragédie restera à déterminer, de toute façon, mais aussi et surtout les niveaux de culpabilité. La célérité avec laquelle n’a pas été tenue la promesse de ne plus laisser couler du sang guinéen a été particulièrement ahurissante ! (…)

Le "troisième pouvoir" a bel et bien érigé ses quartiers dans le Palais nommé plus haut et qu’il est inutile de renommer. Car, soit dit en passant, il ne mérite pas plus de porter le patronyme de son premier président, Touré (Sékou Touré), que celui du premier ou du dernier gouverneur colonial. Non seulement parce qu’il a été reconstruit de fond en comble. Mais compte tenu des sombres légendes qu’il a alimentées et, partant, de ce qu’il a représenté comme symbole de tyrannie et de souffrance pour les Guinéens !

[Penser que des passagers pouvant compter parmi eux des parents des pendus de la Révolution débarquant d’un avion à Conakry accèdent désormais à l’Aéroport International Ahmed Sékou Touré et non plus comme avant, comme toujours, à l’Aéroport International de Gbessia ! Parce que le trop vite devenu général et son CNRD ont tenu à la rebaptiser ainsi !...]

De moindre importance, certes, dans la vie ordinaire [des Guinéennes et des Guinéens], la question du nom de baptême des rues et des édifices devra un jour être réglée pour la préservation du reste de bonne santé mentale collective.
Au même titre que devront coûte que coûte être examinés tous les contentieux, moraux, juridiques et politiques en suspens depuis 51 ans. Faute de quoi se multiplieront des massacres comme ceux du 28 septembre 2009.
Ne pas travailler à évacuer les traumatismes de tous ordres afin d’assainir les rapports entre tortionnaires et martyrs, bourreaux et victimes, spoliateurs et spoliés… n’aidera pas, de toute évidence, à émanciper avant longtemps l’homo guineensis. Qui ignore encore que les cautères sur les jambes de bois ne constituent pas des thérapies ? Combien de fois faudra-t-il répéter que plus longtemps sera différé le regard sur le chemin parcouru, moins sûre sera la nouvelle route à emprunter ?
Tous les dirigeants « nouveaux » qui se contenteront de chausser les babouches lestées et les boubous et/ou les treillis empesés des anciens seront condamnés de facto à organiser la réédition des pratiques coutumières, paralysantes et mortifères. À la disparition de Sékou Touré le 26 mars 1984, qui n’a pas pensé qu’avait disparu l’empêcheur sanguinaire de "développer en rond" la Guinée ? S’est installé à sa place un Colonel vite promu Général, ramasseur du "fruit mûr". Il en avait le moins envie mais on lui a mis à la bouche le projet de redresser la Guinée. Et, pendant vingt-trois ans, soit à peu près jusqu’à son décès le 22 décembre 2008, il a égrené sous un arbre à palabres le chapelet de sa gouvernance qui n’a guère été préoccupée d’être bonne mais seulement de durer.

La porte est étroite

Neuf mois depuis que le Général Lansana Conté a quitté le Camp Samory Touré en passant l’arme à gauche. Neuf mois depuis que le Capitaine Dadis Camara a emménagé au Camp Alpha Yaya Diallo de Conakry, deux casernes aux réputations pas du tout taillées dans la demi-mesure en matière de détention, de justice et de répression. Un camp en aura juste supplanté un autre. Avec des canons plus neufs et performants sur les tempes des gouvernements successifs siégeant de façon tout à fait aléatoire à la Primature puis au Palais de la Présidence depuis sa restauration. Au total : 23 années de faux libéralisme tragique pour changer des 26 années de pseudo-révolution sanglante !… 
Les neuf mois durant, des Guinéens – moi le premier et c’est bien ce qui a justifié ma réserve –, se sont pris à rêver d’une autre Guinée, enfin possible, parce que, pensions-nous, la fatalité du "jamais deux sans trois" n’opérerait d’aucune manière. Tenez : un beau pays, des ressources, des femmes et des hommes ayant assez souffert pour désirer écrire dans un autre registre que celui de la misère et de la tragédie. Les thèmes, la partition, les voix, les instruments existent. La musique a tout pour être belle. Elle va même l’être, commencions-nous à croire. Pour la première fois le chef d’orchestre paraît si bien inspiré. Inspiré !… Et puis, il sait, de toute façon, qu’il lui faudrait vraiment y aller fort pour atteindre à la cheville les deux premiers tyrans…
Et le jour s’est levé comme tous les jours en ce 28 septembre 2009, jour du 51ème anniversaire de l’Indépendance de la Guinée consécutive au NON opposé au référendum gaullien de 1958. Et ledit jour s’est couché avec la mort d’une centaine de Guinéens et les blessures de milliers d’autres. En saura-t-on jamais le nombre réel ?
La porte est désormais étroite, très étroite, pour tous ceux qui ambitionnent de tenir les rênes du pouvoir. Mais elle est bien la seule à emprunter de toute urgence pour éviter à la Guinée de sombrer avec ses tragédies à répétition. Telle une Somalie au chevet de laquelle plus aucune institution n’accourt. Quiconque conseillerait une autre voie se rendrait complice des drames à survenir de façon inévitable. Elle est de la taille d’un chas d’aiguille, la porte ou la voie. Pour y passer, il faudrait avoir la félinité d’un Thomas Sankara au Burkina Faso à qui les maudites kalachnikovs n’auraient pas brisé le destin prématurément le 15 octobre 1987. Il faudrait avoir la trempe d’un Jerry John Rawlings au Ghana les 14 et 15 mai puis le 5 juin et le 24 septembre 1979 voire celle d’un Amani Toumani Touré au Mali en janvier 1991.
En tout cas, plus besoin de tribun logorrhéique, pas plus que de chef de village lymphatique. La Guinée a tout donné sans avoir rien reçu en retour. Foin des prédations, déprédations et autres facéties macabres à la Bokassa, Mobutu, Nguema (Macias) !… L’Afrique a déjà donné au point d’en être encore toute paralysée !
Mais, combien de Capitaines, combien de Colonels, combien de Généraux feront leur, une fois pour toutes, cette déclaration du Sous-Commandant Marcos au Chiapas (Mexique) qui doit bien savoir de quoi il parle, déclaration dénichée (p.304) dans "Le livre de ma mémoire" de Danielle Mitterrand publié en 2007 chez Jean-Claude Gawsevitch, éditeur ?

« Les armées doivent servir à défendre et protéger, mais non à gouverner ! »

Est-il besoin d’ajouter que les services de sécurité dans un pays qui aspire "à la démocratie et au développement" doivent encadrer et protéger les manifestations démocratiques, les personnalités politiques et syndicales, leurs familles et leurs biens, sans cesser d’assurer la tranquillité de l’ensemble de leurs concitoyens ?
S’est vraiment produit au Stade du 28 septembre ce qui n’aurait jamais dû s’y produire. Des Guinéennes et des Guinéens, grands amateurs de beau football et assez bons pratiquants, sont tombés sous les balles de la soldatesque d’une certaine armée. Et, pour toujours, il fera désormais penser à un autre Stade, le Stade National de Santiago du Chili, horrible mouroir de patriotes chiliens, suite au coup d’État du sinistre… Général Pinochet, un autre mois de septembre, le 11 plus précisément, en 1973 !…

Extrait de "Dadis en un ? Non, en neuf !" Article publié sur divers sites Internet au lendemain du massacre de civils à un meeting d’opposants politiques le 28 septembre 2009 au mythique Stade du même nom à Conakry.

[À propos de stade, l’incompétence des officiels guinéens à gérer les manifestations s’y déroulant est plutôt crasse. Eu égard à la tragédie de Nzérékoré où s’est disputée le 1er décembre 2024 la finale d’un tournoi de football en soutien à… Mamadi Doumbouya ! Le stade archi-bondé a été le théâtre d’un violent mouvement de foule après des tirs de gaz lacrymogènes. Le nombre de victimes se serait élevé à 56 morts selon le bilan officiel, bien plus du double, au moins 140, selon les enquêtes des ONG locales.] 

Qu’aurais-je eu à écrire encore, qu’aurais-je pu, qu’aurais-je dû écrire depuis la prise du pouvoir par le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) du général Doumbouya que je n’aurais pas déjà écrit ?  Faire remarquer le R en lieu et place d’un des DD du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement)  de Dadis Camara ou le C, le R et le N partagés avec le CMRN (Comité Militaire de Redressement National) du général défunt Lansana Conté ?...
Convenant néanmoins que la répétition pourrait se révéler pédagogique, j’ai décidé de publier ce rafraîchissement des mémoires. Aidera-t-il à nourrir la réflexion ? Inspirera-t-il les décisions et le chemin à prendre pour dégager de l’ornière, une fois pour toutes, notre très chère Guinée? 

Cheick Oumar KANTÉ

 

Lire plus

Mamadi KABA a « tiré sa révérence » !

La Grande Faucheuse, encore elle, a égrené son chapelet et prématurément isolé pour l’abattre avec la fulgurance d’un orage une valeureuse personnalité guinéenne. Une autre. Une de plus ! Car, il débordait de talents, Mamadi Kaba, puisqu’il s’agit de lui, hélas, cette fois-ci : dessinateur, peintre, chanteur, joueur de divers instruments de musique, auteur de contes !
J’aurais pu le connaître à Bellevue dans la banlieue de Conakry si je n’y avais pas fréquenté une année seulement l’Institut des Langues en 1966 où il a été plus tard élève, lui aussi, à l’École Nationale des Arts Appliqués et y a obtenu en 1972 un diplôme en arts graphiques. Deux écoles logées au même endroit en bord de mer à proximité de la célèbre Case de Bellevue, une des résidences des hôtes du Président de la République de l’époque, le promu "Chef Suprême de la Révolution",  autopromu "Fidèle et  Suprême Serviteur du Peuple".
Je ne l’aurai rencontré, vêtu d’un de ses élégants costumes africains qu’en 2013 dans la salle d’embarquement à l’Aéroport de Roissy Charles De Gaulle en partance pour Conakry, invités, lui et moi, aux 72 heures du Livre. En nous entretenant tous les soirs pendant notre séjour, même un peu bref (du 23 au 26 avril) dans la capitale de notre pays, après avoir participé dans la journée au programme des 72 heures, nous avons fait connaissance autour de la piscine désaffectée de notre hôtel du quartier de la Minière, protégés par les répulsifs de moustiques que j’avais pensé à me procurer avant le voyage. De retour en France, j’ai rendu compte des contributions diverses des invités : écrivains, artistes, éditeurs, correspondants de journaux… Sur celle de Mamadi,  on a pu lire  et on peut le faire encore sur quelques sites Internet:
 « Mamadi KABA, conteur et musicien en plus d’être écrivain aurait mérité d’avoir plus de temps et des élèves guinéens plus nombreux, de préférence au sein de leurs établissements respectifs, pour leur faire entonner – comme il sait le faire de manière si harmonieuse et, par conséquent, fraternelle (le thème des 72 heures, c’était quand même "les mots au service de la paix" entre les Guinéens après de violents soubresauts politiques!) – les refrains ponctuant ses récits, performances auxquelles il a accoutumé même des tout jeunes Italiens. » 

Mamadi a été, en effet, parmi les pionniers arrivés du continent africain en Italie pour propager la culture noire en jouant de la guitare et des percussions dans des boîtes de nuit milanaises ou en donnant ici et là des conférences sur l’africanité. Ayant pris des cours de peinture à l’Académie des Beaux-Arts à Milan et soutenu une thèse sur l’importance des masques dans la vie sociale africaine en 1984, il a formé divers groupes musicaux jouant d’instruments à cordes et de percussions. Puis il a ouvert un local dénommé "Le Djoliba", lieu de rencontres et d’échanges dans divers domaines : danse, peinture, sculpture, poésie, musique ! La musique traditionnelle de la Guinée, enrichie par celles dérivant de ses fréquentations d’artistes africains, italiens, français, américains, brésiliens, etc. Musique dynamique qui invite à la danse et dont Mamadi est l’auteur de toutes les compositions. On dit de lui qu’il chante et joue avec une inspiration qui évoque sa manière de peindre. Sa collaboration avec un grand voyageur italien à la réalisation d’un documentaire sur l’Afrique occidentale pour une télévision italienne, sa participation à un concert en compagnie de trois New-yorkais de passage… sont des événements mémorables qui l’auront aidé à asseoir définitivement sa notoriété.

Africa Jole, un album publié en 1992 et Farafina Todi, un livre de contes pour enfants bilingue : malinké/italien, illustré par lui, accompagné d’une cassette musicale (L’Harmattan Italia en 1998) réédité malinké/français par L’Harmattan France en 2014, Denko, une sublime berceuse réalisée en 2006 avec la participation d’un des meilleurs pianistes italiens, N’natoman, un nouvel album en 2008,  sont quelques-unes de ses œuvres à côté de ses magistrales prestations sur scènes, visibles sur d’innombrables vidéos…
C’est au début du mois de décembre 2010 que  Mamadi Kaba a décidé de s’installer en France, à Paris.

Pour en revenir aux 72 heures du Livre, notre plaisir d’avoir été invités à Conakry et, par conséquent, notre reconnaissance vis-à-vis de nos hôtes ne nous a pas empêchés de nous rendre compte d’un des drames vécus par les Guinéens résidant à l’étranger, parmi lesquels sont nombreux les anciens  exilés de la Révolution, les membres de la diaspora, ceux que les plumitifs de la défunte révolution ont osé dénommer les « diaspourris »  celui de ne voir recourir à leur disponibilité et à leur savoir-faire que de façon rarissime et  parcimonieuse comme par crainte de les encourager à retourner définitivement au pays natal !
Violente, brutale a été pour moi l’annonce du décès de Mamadi KABA! D'autant plus qu'ayant depuis onze ans pris l'habitude d'échanger avec lui au téléphone de façon plutôt régulière, j'ai différé de week-end en week-end mon appel, en ce mois d’avril 2024, pris par diverses occupations et préoccupations. (Ce mois d’avril ! …  J’ai déjà écrit sur des événements survenus en ce mois ! )
J’étais loin d’imaginer que Mamadi KABA aurait pu avoir d'autres soucis de santé qu'avec ceux de sa main, gêne qui le handicapait certes un peu pour jouer de ses instruments mais qu'il soignait et qui, de toute façon, n’aurait pas pu l’emporter. Que pendant ce laps de temps, il ne m'ait pas appelé, lui, non plus, ne m'a même pas mis la puce à l'oreille!
Je ne l’ai donc pas entendu ces derniers temps ! Je ne pourrai plus deviser avec lui  autour des sujets divers et variés sur lesquels il nous arrivait de nous étendre longuement ! Comme, à l’une de ces occasions, il m'a rappelé qu’un ami commun lui parlait souvent d’un de mes articles parus dans "Horoya" dès les premiers moments de mon retour d’exil en 1986, je le lui ai envoyé et je ne résiste pas au désir de rendre public le dernier e-mail que je lui adressé le 17 décembre 2023 :
« Je découvre ce matin ton message sur mon portable. Par fichier joint, je te fais lire mon article qui plaît tant à notre ami (…) directeur d’imprimerie à Conakry (…) Je l'ai repris dans mon livre "Pourquoi diable ai-je voulu devenir journaliste? Menaibuc, Paris 2004. Page 54.
À très bientôt (…) au téléphone! Très amicalement. » 
 Un petit extrait dudit texte pour donner une idée de ce qui a tant plu :
« "Les Guinéens préfèrent les blondes" !
 Blondes ? [Oui, les Blondes ! Mais] elles ne sont ni des Européennes du Nord en mal d’exotisme ni des Guinéennes de la diaspora revenues au bercail le teint éclairci et les cheveux décolorés. [Blondes, ce] sont… les bières blondes en boîte [dont la consommation en 1986 traduisait à mes yeux] un alcoolisme des plus préoccupants dans la région. À croire que "les boit-sans-soif" avaient donné rendez-vous "aux boit-jusqu’à-plus-soif" en terre de Guinée ! (…) La capacité de "descente" des Guinéens défie actuellement les traditions et les réputations les mieux établies en Afrique. Alors, il ne faut pas se voiler la face (… ) si tous les Guinéens deviennent des outres d’alcool, la Guinée trinquera à coup sûr avant longtemps ! »...
La dernière fois que nous nous sommes retrouvés pour échanger de vive voix, c'était à la Rentrée d'octobre 2022 de Présence Africaine  au Carreau du Temple à Paris où il avait assisté à la table ronde à laquelle j'étais convié. Après quoi, nous nous sommes attablés sur une terrasse de café aux environs pour prolonger le plaisir de nos retrouvailles…
Ce 30 avril 2024, j’ai perdu quelqu'un qui était devenu un Grand Ami. Et, si j’avais su chanter comme ma vocation aurait pu être prédestinée par le nom de famille de ma mère, si j’avais su jouer d’un instrument, j’aurais emprunté sa guitare. Et, sa voix mêlée à la mienne, je l’aurais surtout mixée avec celle de Gérard Manset si métallique et donc si précieuse à mes oreilles de fils de bijoutier pour entonner à tue-tête :
 "Quand on perd un ami… c’est peut-être qu’il dort dans un autre univers…, dans un autre décor, etc.,  et de la lumière subsiste …"
Il ne m’est plus possible désormais de t’entendre au téléphone mais elle subsistera, à jamais, la lumière que tu as dégagée, Mamadi !

 

Lire plus

Hommage à mon Très Cher Ami, Pierre CHRISTIN


Janvier 1982-Janvier 2024, 42 ans !
Ce n’est pas l’âge de Pierre Christin qui a tiré sa révérence à plutôt 86 ans, le 3 octobre 2024. C’est le temps qu’a duré notre relation épistolaire depuis que j’ai été son étudiant en écriture de presse à l’IUT B de Communication à Pessac [Année Spéciale, Promotion 1980-1981], devenu Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA), Institut interne de l’Université Bordeaux Montaigne, domicilié désormais 1 Rue Jack Ellul dans la capitale de la Nouvelle-Aquitaine.
L’échange a commencé par sa réaction en 1981 à la lecture de mon premier manuscrit, tapuscrit plutôt grossier à comparer avec ce qu’il est devenu quand je l’ai traité avec les ressources du numérique ayant triomphé plus tard.

« … Il y a certainement une publication possible. Le texte est très intéressant malgré de nombreux problèmes d'écriture. Des phrases entières devront être retravaillées pour une meilleure lisibilité. La matière quant à elle est d'une grande richesse. Ce qui me séduit, c'est l'aspect témoignage extrêmement vivant. Les situations, on les voit vivre. Mais, pour un éventuel public en France, il reste peut-être à prévoir des données en annexes sur le pays décrit : son histoire, sa géographie, ses institutions…
Certains faits ne sont pas perceptibles tout de suite par un lecteur non-Africain : la question des uniformes pour les étudiants, les noms camouflés des pays traversés, le passage aux différents barrages, les arrangements pour échapper aux contrôles, la différence entre la fonction des douaniers et celle des autres agents. Qui sont les locataires de camions ? Et les apprentis chauffeurs ? Quelles sont les langues du pays et quelle est la valeur de sa monnaie ?... Je suis gêné aussi par le recours aux initiales. Si vous craignez de faire du tort à certains, donnez au moins les noms des leaders et utilisez des pseudonymes pour parler des gens ordinaires. J'ai remarqué par ailleurs un déséquilibre entre les tableaux des flash-back. Les uns sont courts, les autres longs. Quant aux flash-back dans les flash-back, ils sont compliqués à lire.
Enfin, quelques observations générales. Le rêve, je l'aurais placé, moi, après un premier paragraphe plutôt qu'au tout début du récit à propos duquel j'ai le sentiment que tout ce qui est évasion doit être raconté au présent. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de choses. J'aurais aimé savoir par exemple comment était la vie avant la Révolution. Je ne suis pas satisfait non plus par le côté abrupt de la fin. Qu'est devenu le narrateur par la suite ? »

Pour toujours, Pierre Christin restera parmi ceux qui m’auront inculqué patience et exigence, dispositions de l'esprit indispensables pour qui espère voir un jour traduits dans la réalité son merveilleux rêve d'écrire et, a fortiori, son envie dévorante d'être édité.
En cinquième position sur la liste de mes onze livres publiés à ce jour, ce premier écrit, "Le chemin de l’exil", re-réécrit en tenant compte des si précieuses observations de mon professeur pour devenir "Orphelins de la Révolution", a paru en… 2004 aux éditions Menaibuc à Paris! Non sans moult tribulations relatées dans un récit rendu public lui aussi en 2006 par la même maison sous le titre : "Trente-deux ans de rétention" avec le sous-titre "L’histoire peu ordinaire d’un manuscrit RAR" (RAR= Recommandé avec Accusé de Réception).
Je ne résiste pas au plaisir d’évoquer quelques-uns de nos échanges électroniques ou par cartes postales et autres cartes-lettres manuscrites. Souvent à l’occasion des nombreux sujets d’actualité le concernant, lui : une émission de radio sur France Inter, la sortie de Valerian au cinéma en 2017 (une adaptation de son héros cosmo-planétaire par Luc Besson),  l’exposition autour de son œuvre à Angoulême en 2019, l’édition en 2022 du livre-entretien avec Edith Rémond, une autre de mes professeurs à l’Institut et ma consultante avec Pierre Christin pour la rédaction de mon mémoire de fin d’études… Mais aussi pour porter à sa connaissance un de mes articles sur l’actualité, une prose sur l’état de la Guinée, de la France et du Monde ou une nouvelle embûche sur le chemin de l’édition…

***
                                                                    
Le 6 juin 2001 
À Pierre Christin
Paris.

Cher Ami,
J’ai commencé cette lettre le jour même où, par pur hasard, je t’ai entendu sur France Inter dans l’émission Trafic d’Influence de Philippe Bertrand. Toutes mes félicitations pour ta nouvelle BD avec Annie G. !
[J’écris] pour t’apprendre que j’ai pu, grâce à des hôtesses d’accueil particulièrement performantes, m’entretenir quelques minutes au téléphone avec Mme Anne-Marie M. (éditrice) avant qu’elle n’entre le 29 mai à 18h30 à la bibliothèque de La Part-Dieu pour animer un dialogue sur la traduction autour de l’écrivain espagnol José Manuel Fajardo.
J’aurais participé à la rencontre et aurais échangé avec elle de vive voix si je n’avais pas dû assister le même soir à Villefranche/Saône à un spectacle donné entre autres par des élèves de ma femme.
À Mme M., je me suis présenté comme ton ancien étudiant et lui ai demandé si un récit sur la Guinée pouvait l’intéresser (…)
Comme je te l’ai déjà dit, je suis en train de rédiger une chronique sur mon fameux manuscrit, le seul livre en fait que j’ai toujours voulu écrire. Des fois que, malgré mon optimisme caractéristique et ma bonne santé du moment, il serait publié à titre posthume seulement ! Trente ans en 2002, l’âge du premier jet ! …
Si le temps et les occasions te le permettaient, tu serais bien aimable d’expliquer mon désarroi à Mme M., la raison pour laquelle je me suis permis de l’appeler.  (…) Moi qui suis si attaché à la réussite par le seul mérite personnel, je réalise qu’il est de plus en plus difficile, hélas, de trouver l’œil et l’oreille disponibles pour constater que certains autres en ont un, si petit soit-il.

***

 E-mail du lundi 3 décembre 2001 12:30
 À P. CH.
 PARIS
Objet : lu LIBÉ !

Cher Ami,
Par chance, je tombe toujours sur l’actualité te concernant. J’ai donc lu avec beaucoup d’intérêt ton Journal de la Semaine dans le Libé du week-end. Comme tous les anciens de Bordeaux, j’ai été très ému par l’assassinat d’un des nôtres en Afghanistan. Mais, tu parles si bien de ce qui fait courir quiconque choisit de devenir journaliste !
Si je suis plus indulgent que toi à l’égard de La Condition humaine de Malraux, je partage tout à fait ton sentiment vis-à-vis de Ernest-Antoine Seillière et de son fidèle Kessler.
Enfin, à moi aussi et à ma petite famille, le Marks & Spencer de La Part-Dieu de Lyon où nous avions nos habitudes d’achat nous manquera beaucoup. Nous y ferons un dernier tour avant le 31 décembre en espérant qu’il aura gardé toute sa distinction jusqu’au bout.
Les nouveaux locaux de l’école de journalisme ont-ils été inaugurés malgré les événements nationaux et internationaux de septembre ?
En ce qui me concerne, je viens de terminer le petit récit sur mes tribulations dans le microcosme éditorial parisien. Je me suis bien amusé et, autour de moi, il plaît beaucoup. Il pourrait faire reparler de la place des Africains dans la littérature au temps de la numérisation du livre et positionner de manière avantageuse mon manuscrit prêt à imprimer que j’ai toujours sous le coude.
Fais-moi savoir si tu as le temps de lire ledit petit récit (69 pages) que j’ai intitulé Non-Assistance à Écrivain…
À bientôt de tes nouvelles.
Très amicalement
.
 Mail/ Re-Lu Libé ! Paris, lundi 03 décembre 2001 15:47

Cher Ami,
Merci de ton mail. Oui, l’école a été inaugurée avec beaucoup de succès. Il ne manquait que toi à la fête ! D’accord pour jeter un œil à ton texte. Envoie-le-moi (plutôt par la Poste) ! Et je le regarderai durant les vacances de Noël car, en ce moment, je suis pas mal occupé à l’IUT et ailleurs.
Bien à toi.
P. CH.

Carte-lettre/Réponse de Paris le 19 juin 2001
Cher Ami,
Bien reçu le récit de tes tribulations dans le monde de l’édition. Je tenterai de glisser un mot à Anne-Marie M. Sans garantie, hélas !
Bien à toi.
P. CH.


***

Carte-Lettre/Note de lecture de P. CH. le 19 décembre 2001

Cher Ami,
Je finis de lire dans le train de Bordeaux l’histoire peu (ou très, c’est selon) ordinaire de ton manuscrit. Plutôt que de te faire languir jusqu’à l’après fêtes, je préfère un petit mot (très) manuscrit, à chaud. Pardonne l’écriture tributaire des voies du réseau ferré…
Si ta saga n’était pas triste, elle serait hilarante tant la course d’obstacles et le théâtre d’ombres que tu décris sont d’une effrayante justesse. Ta vision du monde de l’édition où les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent, ne se cantonne pas au domaine africain, même si le marigot est, là, particulièrement étroit voire asséché !
Car il faut dire, au crédit des éditeurs, directeurs de collections, etc. que les temps se sont considérablement durcis et que la rationalisation économique, pour ne pas dire mercantile, frappe très frontalement les domaines en quelque sorte pré ou para-capitalistes dans lesquels se développaient les titres de sciences humaines, d’ouverture sur l’étranger, etc.
Une entreprise comme la tienne en souffre, c’est évident, et elle n’est pas la seule. Mais tu n’y as rien perdu en acuité. Donc, même si j’ai été surpris de retrouver un bout de ma prose (bien oublié) dans la tienne, je ne puis que réitérer ce que je disais à l’époque : la publication reste possible pour toi. La preuve, tu y es déjà parvenu avec brio ! Alors, sera-ce pour ce texte ou un autre ? Il a en tout cas un rôle de salubrité publique à jouer, pas seulement un travail de deuil à faire.
Encore que, pour tous les auteurs, ce soit dans l’oubli de projets anciens que naît la foi dans des projets nouveaux.
Bon Noël pour toi et les tiens.
Amitiés de P. CH.

P.S. : Je conserve ton manuscrit à l’IUT au cas où… Si besoin est, je peux te le faire parvenir.

***
08/01/08 00:06
De Cheick Oumar Kanté
À : Pierre Christin

Cher Ami,
(…) Bonne Année 2008, vœu que tu voudras bien partager avec tous les tiens.
J'ai entrepris l'écriture de mon dixième livre que je voudrais, sur tous les plans, différent de ce que j'ai écrit à ce jour. Quand le sort de la Guinée m'en laisse le temps. Pour preuve, cette interview accordée à un journal de Guinée que je t'offre à lire et à virer ensuite et qui est reprise en ligne par une douzaine de sites Internet (…)
Dans mes autres nouvelles: (…) Le fils de 21 ans part pour Orlando aux USA: 6 mois de boulot à Disneyland à partir du 20 janvier et une inscription en fac à côté pour consolider ses acquis en Commerce International et en langues: anglo-américain et espagnol.
A bientôt de tes nouvelles que je souhaite bonnes.
Très amicalement,
C.O. K.

08/01/08 15:36
Cher Ami,
Je suis toujours heureux d'avoir de tes nouvelles, surtout quand elles sont bonnes...
Reçois tous mes vœux.
Je finis à l'instant de lire ton entretien: absolument passionnant et pour moi - par bien des aspects - extraordinairement instructif et révélateur. Je le conserverai précieusement aux côtés de tes ouvrages.
Je suis très content pour ton fils, car désormais le pèlerinage américain s'impose aux jeunes gens soucieux de comprendre comment marche - tant bien que mal - notre monde. Ma fille Angèle ( 24 ans) rentre elle aussi d'un séjour en fac américaine ... et publie cette semaine son premier livre (de sociologie) à La Découverte: fatalité plumitive familiale!
Car je continue à produire scénarios et autres bricoles tout en voyageant ici et là et en dirigeant toujours quelques mémoires à l'IUT devenu l'IJBA, pour le plaisir d'y revoir des amis et des jeunes gens.
Crois à mon amitié fidèle.
Pierre Christin

***

20/10/09 09:19
De Cheick Oumar Kanté
À : Pierre Christin
détails : 2 pièces jointes

Cher Ami,
"Désolé" de te faire encore lire des horreurs sur la Guinée. Moi qui espérais te donner plutôt des bonnes nouvelles en début d'année prochaine!
Dans mes autres travaux, j'ai un roman (un très beau par le sujet et par l'écriture, dixit… moi-même !) et un recueil de poèmes que l'actualité guinéenne me somme de chercher à publier.
Lu que tu as une nouvelle publication. Félicitations!
Amicalement,
C.O.K.


Courriel/ Re: événements de Guinée
21/10/09 21:33
De Pierre Christin
À : Cheick Oumar Kanté  

Cher Ami,
En vers ou en prose, superbement écrits, tes textes me font toucher une réalité, et aussi un drame, dont je ne connais habituellement que les échos assez lointains qu'en donne la presse française.
L'un des grands regrets de ma vie: avoir trop peu connu et si peu écrit de l'Afrique. Il faut des voix comme la tienne pour qu'on entende ce que le brouhaha de l'Occident dissimule volontairement ou involontairement.
J'espère que tout va bien pour toi à titre personnel.
Moi, je continue à publier et à voyager: retour du Chili, départ pour les Etats Unis, et toujours des petites visites à Bordeaux pour revoir cette école à laquelle me lient tant de souvenirs amicaux, comme le tien.
À te lire encore. Bien à toi.
 Pierre Christin

***

De Cheick Oumar Kanté 
À: Pierre Christin
05 Janvier, 2010 6:37 
Objet: Meilleurs Vœux!

Cher Ami,
Je suis bien content de pouvoir garder le contact. Entre autres, à l'occasion du défilement des années et j'en profite une fois de plus pour te faire lire ma prose: la conclusion très provisoire d'une invitation à créer une boîte à idées au bénéfice de la Guinée.
Les dernières nouvelles comme tu as pu le savoir, c'est que le capitaine autopromu président depuis le 23 décembre 2008 a reçu une balle dans la nuque ou peut-être bien dans la tête, tirée par son... aide de camp le 3 décembre 2009! Hospitalisé, depuis, à Rabat, il y a tout lieu de penser qu'il est devenu un bon légume puisqu'aucune nouvelle ne filtre!... Le sort de la Guinée? Encore en suspens!
Auditeur assidu et matinal de France Inter, je t'ai entendu avec plaisir, bien sûr, parler de tes "Correspondances" dans le cadre du 5 à 6h30 de Laurence Garcia le 16 novembre 2009.
Dans mon actualité personnelle, j'ai un recueil de poèmes et un nouveau roman chez deux éditeurs parisiens. J'espère les voir publiés d'ici mi-mars. La première lectrice du roman lui est favorable.
Bonheur et concrétisation de nouveaux projets sont pour 2010 les vœux que je forme pour toi et pour tous ceux qui te sont chers.
Amicalement,
C.O.K.

07/01/10 16:58
De Pierre Christin
À : Cheick Oumar Kanté  
Cher Ami,
 Merci de tes vœux, reçois les miens.
J'ai suivi l'actualité de la Guinée et c'est effectivement une situation étrange.
Je suis content de te voir toujours aussi vigilant et plein de projets.
J'ai sorti plusieurs livres en rafale - de façon assez involontaire - et je fatigue un peu avec les interviews, festivals, etc. J'attends avec une certaine impatience que celui d' Angoulême soit passé pour avoir la paix et me remettre à écrire.
Amitiés aux tiens.
Pierre Christin

***

02/05/ 2012 8:01 
De Cheick Oumar Kanté
À: Pierre Christin
Sujet : Ce Président de La Transe

Cher Ami,
Je te propose la lecture de ce petit exercice que m'a inspiré "notre Président" entre les deux tours.
Avec tous mes souhaits de bonne amélioration de ta santé.
Amicalement,
Cheick Oumar KANTE


10/05/12 18 :09
Cher Ami,
 J'ai lu ton poème en prose avec un peu de retard, mais il garde tout son sel et tout son lyrisme, même après la bataille.
Merci de ton message. Côté santé, disons que je suis convalescent... et que j'ai repris mes travaux d'écriture, ce qui, comme tu le sais, est le meilleur des médicaments.
Toute mon amitié.
P. CH.

***

Le 8janv. 2018 à 07:16, Cheick Oumar Kanté a écrit :

Cher Ami,
J'étais très heureux de pouvoir t'apprendre à l'occasion des vœux pour la nouvelle année que j'ai vu dans l'Airbus me ramenant d'un séjour de trois semaines en Guinée (18 novembre-13 décembre) le documentaire: Pierre Christin, L'Espace-Temps de Philippe Lespinasse.  Et puis, j'ai appris la triste nouvelle du décès de Annie Goetzinger que j'y ai vue et entendue. Mon émotion est d'autant plus grande que je viens de lire l'hommage que tu lui as rendu. Mes sincères condoléances avec mes souhaits que 2018 soit moins douloureuse.
Alors, Bonne Année 2018!
Cheick Oumar Kanté 

08/01/18 19:18
Courriel Re/ Meilleurs Vœux
De Pierre Christin 
À : Cheick Oumar Kanté  
Cher Ami,
Merci  de ton message. Bonheurs et malheurs s’entremêlent surtout quand on vieillit. Mais je rentre de Californie où vient de naître un petit-fils. Alors c’est bonheur qui l’emporte.
Amitiés fidèles
Pierre 

***

Le 6 janv. 2022 à 08:29, Cheick Oumar Kanté a écrit :

Cher Ami,
L'occasion reste bonne pour rappeler et raviver toute mon amitié.
Mes souhaits, donc, de bonne année 2022 que tu sauras partager avec tes proches. En espérant que les uns et les autres, vous avez été épargnés par le maudit virus.
Je n'ai pas encore publié ma réaction face à la situation guinéenne ayant peu ou pas du tout de sympathie pour le pouvoir militaire. Initiatives heureuses et décisions aberrantes sont prises en roue libre par le (…) colonel à la tête d'un Conseil National de Transition!
Mais, c'est bien, hélas, un civil, un "intellectuel", un  ancien "opposant historique" qui, par sa corruption, son addiction à la présidence malgré sa médiocrité [tripatouillage de la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat !] , nous a fait renouer avec le coup d'état comme seule possibilité d'alternance politique.
Un roman dont j'ai signé le contrat d'édition depuis plus d'un an chez Présence Africaine attend encore. Je serais heureux de pouvoir annoncer sa parution à une date précise en 2022.
Très amicalement,
C.O.K.

***

09/01/22 18:12
De Pierre Christin
À : Cheick Oumar Kanté  

Mon cher Ami,
Comme chaque année, c’est un plaisir de te lire, et de voir que les vieilles amitiés perdurent.
Je continue de vieillir, un peu trop pour mon goût, mais j’ai encore quelques ouvrages en cours qui m’aident à surnager. Je pense qu’il en va de même pour toi et j’espère bien lire un exemplaire de ton roman aussitôt qu’il sera disponible.
Quant à la marche du monde, en Afrique et ailleurs, elle n’est pas propice aux élans de gaîté.
Mais nous savons toi et moi que face aux soubresauts de l’histoire, il faut rester stoïques.
Je t’assure de toute mon amitié et je te souhaite une excellente année.
Pierre

***

Le 11 mai 2022 à 16:56, Cheick Oumar Kanté a écrit :
Cher Ami,
Je suis très heureux de te faire voir la couverture de mon nouveau roman paru hier chez Présence Africaine. <"Il n'existe de paradis qu'au paradis" 2604 .PDF>
Ayant appris la sortie de ton livre-entretien avec Edith Rémond, je vais le commander à mon libraire.
Amicalement,
C.O.K.

16/05/22 10 :20
Cher Ami, 
Je suis heureux  de tes bonnes nouvelles.
Très belle couverture qui donne envie...
Mon état de santé se dégrade mais je fais avec.
A te lire bientôt.
Amitiés
P. CH.

***

Le 10 janvier 2024 à 8h11, Cheick Oumar Kanté a écrit :
Cher Ami,
La conjoncture (française, guinéenne et internationale) désespérante ne m'empêche pas de prendre de tes nouvelles en ce début d'année 2024 et de te la souhaiter bonne et heureuse.
Quelle actualité d'écriture et/ ou de cinéma?
Très amicalement, 
C.O.K.

Le 10 janvier 2024 à  18h24 Pierre Christin a répondu :
Cher Ami,
Je te remercie de tes vœux et de ta fidélité. Malgré les nouvelles désolantes et ma santé défaillante je suis toujours là. Alors …
Toute mon amitié, 
Pierre
***

 

Mon très cher Ami,
Tu es le plus déterminant parmi ceux qui m’ont appris à "retravailler" mes écrits. Je ne l’oublierai jamais et n’y dérogerai pour rien au monde par simple volonté de précipiter leur publication !
Comme, depuis un certain temps, tu m’as régulièrement tenu au courant de ton état de santé, tu ne m’as pas trop surpris en tirant ta révérence le 3 octobre 2024 !... Que n’as-tu attendu fin décembre ? Tu aurais su dès les premiers jours de l’année 2025, avec nos traditionnels échanges de vœux, que j’ai fait le voyage de New-York. Je redoutais, à vrai dire, d’avoir à la détester. Au contraire, "la Ville-Univers" m’a émerveillé par beaucoup de ses aspects ! Penser que j’ai découvert seulement après et lu immédiatement à mon retour en France — avec quel plaisir ! — ton ouvrage réalisé en 2014 en collaboration avec Olivier Balez : "Robert Moses Le Maître caché de New York" !
Oserai-je alors dire, en ces douloureuses circonstances : "à quelque chose malheur est bon!" Ce Grand Malheur qui t’aura au moins  fait  échapper, toi, au come-back de Donald Trump à la Maison Blanche sise, il est vrai, à Washington et non à New-York. Tu te seras épargné aussi de savoir ce qui pourrait advenir à l’Ukraine après la Crimée, la Biélorussie, la Géorgie ou la Tchétchénie et autres ex-territoires satellites de l’ex-URSS, toi qui n’as pas été indifférent au sort de toute la région et du monde entier en consacrant avec Enki Bilal en décembre 2000 une "BD-reportage" sur Tchernobyl.
À cette date, j’ai été du nombre des lecteurs de Télérama, connectés sur son site, pour te poser une question à laquelle tu as répondu avec l’amabilité te caractérisant. Ladite BD, "Le Sarcophage", évoque les liquidateurs de l’emplacement de la catastrophe nucléaire à travers un "Musée de l’Avenir", "le parc d’attraction le plus réaliste du monde, un parc (…) dont le thème [est] la connerie humaine avec témoignages et photos nous montrant l’horreur qui [en a résulté]"…
Tu reposeras d’autant plus en paix !

 

***

Cher Monsieur,
En tant qu'ancien élève de Pierre Christin, devenu journaliste puis directeur de l'école qu'il a fondée, je vous remercie très sincèrement de votre hommage à l'homme et au professeur qu'il fut.
Ses leçons d'écriture vous ont été des plus profitables, si j'en crois la liste de vos publications. Pierre nous manque, mais nous nous efforçons au quotidien de maintenir la vision qu'il avait pour notre école et les ambitions qu'il nourrissait pour le journalisme.
Nous travaillons à être dignes de ses valeurs.
Avec toute ma sympathie
Très cordialement,
Arnaud Schwartz

Lire plus

"LES MOTS AU SERVICE DE LA PAIX" EN GUINÉE !

Citation :
La paix, grâce aux livres, règnera-t-elle bientôt partout en Guinée ? Pourquoi pas ? Il n'est pas interdit de l'espérer.

L'état du livre et de la lecture en Guinée après un autre retour du Salon de Conakry, les désormais "72 heures du Livre".

Les grandes douleurs sont muettes, a-t-on coutume de dire. Les grandes joies aussi, pourrait-on ajouter. Ce qui explique sans doute ma longue attente pour raconter les "72 heures du Livre" en Guinée à la fin de leur 5ème édition les 23, 24 et 25 avril 2013.

Il est vrai, hélas, que mon plaisir de retourner au pays, après neuf autres années d'absence, a été pendant la durée de mon séjour atténué par la peine de constater que la Guinée demeure reléguée aux dernières places d'accès au développement en matière d'habitat collectif, d'infrastructures routières, de salubrité publique, de fourniture d'eau et d'électricité... D'ailleurs, à n'en citer que trois ou quatre, on laisserait penser que d'autres secteurs, l'indice du bonheur humain par exemple, connaîtraient, eux, une légère amélioration. Ce qui n'est pas du tout le cas.
Le progrès ? La Guinée paraît même, dans tous les domaines, s'en être davantage éloignée. Elle qui, avec tous les atouts qu'elle recèle, est partie la toute première au Sud du Sahara francophone sur le chemin de l'indépendance en 1958 !...
En neuf ans, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts ! Notamment, sous celui de Tombo, ces trombes d'eaux de ruissellement inondant par épisodes l'ancienne "Perle de l'Afrique Occidentale". À son propos, il y a lieu de rappeler que des anciens dignitaires du Parti au pouvoir, le PDG, accusés d'intelligence avec l'ennemi, commanditaire de l'agression du 22 novembre 1970, avec des preuves fabriquées de toutes pièces, y ont été exécutés par pendaison publique ! Il a été démoli, "le Pont des Pendus", comme a été passé par pertes et profits le tristement célèbre Centre de détention et d'exécution aux alentours, le Camp Boiro. Mais il a été reconstruit, lui, le Pont, sur un jeu de rocades censées améliorer la circulation automobile sur la Presqu'île du Kaloum. L'ensemble ajoute plutôt à la confusion que gèrent les agents de la circulation ouvrant et fermant les passages tantôt dans un sens tantôt dans l'autre, au gré de leur humeur dont on ne sait jamais si elle est sourcilleuse ou facétieuse. Et les mots qui me sont venus à l'esprit, ce sont bien : "saurais-je encore conduire une voiture dans les rues de Conakry ?" La capitale où tout le monde se plaît à circuler en dépit du bon sens le plus élémentaire, les panneaux de signalisation étant rares, les feux tricolores inexistants. De 1985 à 1988 voire jusqu'en 2004, la situation était moins… pire, me semble-t-il.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, ai-je dit. Et la Grande Faucheuse, seule régulatrice des successions au pouvoir en Guinée a fait son œuvre. Lansana Conté est mort de sa belle mort en décembre 2008 comme Sékou Touré lui-même a su tirer sa révérence en mars 1984. Le Capitaine Dadis Camara, autoproclamé aussitôt "Khalife à la place du khalife", s'est trouvé disqualifié lui aussi en décembre 2009 pour avoir seulement failli mourir sous les balles d'un certain Toumba Diakité, son aide de camp. Un Général, Sékouba Konaté, a pris sa place pendant une Période dite de Transition ayant débouché en novembre 2010 sur le premier suffrage universel direct permettant aux Guinéens de choisir, entre plusieurs candidats, un Président : l'actuel chef de l'État, Alpha Condé. Ayant réussi, quant à lui, l'exploit de se faire élire par 52,52% des électeurs guinéens au second tour après n'en avoir recueilli que 18,25% au premier, il a pour le moment échoué à faire composer une Assemblée Nationale depuis bientôt trois ans pour ne pas dire qu'il ne s'est pas du tout empressé de s'y atteler…

Mais, pour être belle, elle était vraiment belle, la thématique de la 5ème édition des "72 heures du Livre" : les mots au service de la Paix !" Les mots des écrivains guinéens, bien sûr, ceux des écrivains africains aussi. Sans oublier, de toute évidence, ceux des écrivains d'autres pays du monde. Car, au rendez-vous de la capitale guinéenne, ont répondu présents autour de l'invité d'honneur le Franco-Congolais, Henri Lopès, le Français Laurent Bonnet auteur de l'émouvant "Salone" (un roman sur la Sierra Léone, pays emblématique des ravages causés par les guerres civiles africaines), le Franco-Camerounais Eugène Eubodé, le Malien Doumbi Fakoly, l'Italo-Guinéen Mamadi KABA, l'Ivoirienne Michelle TANON, l'Antillaise, Sylvia BANÉ, Directrice des éditions Menaibuc. Étaient aussi de la partie le Sénégalais, Malick LEYE, Distributeur régional (Mali, Sénégal, Burkina Faso…) basé à Bamako, l'Ivoirien, Dramane BOUARÉ, Fondateur et Directeur des éditions "Les Classiques Africains", des invités (auteurs et/ou éditeurs) de la Sierra Léone et du Liberia qui, avec la Guinée et la Côte d'Ivoire dans le cadre de la Mano River Union (regroupement sous-régional pour l'intégration économique dans la paix et la sécurité), ambitionnent désormais de créer une synergie pour la promotion du livre et, bien sûr, votre humble serviteur, journaliste et écrivain Franco-Guinéen.
Nous avons été accueillis par le Président et les Adhérents de l'Association des écrivains guinéens, les responsables des éditions Ganndal, Tabala, Harmattan Guinée… Et, tout naturellement, par Sansy KABA DIAKITE, Directeur de Harmattan Guinée, maître d'œuvre desdites "72 heures du Livre" qui a joué sans se ménager le rôle de maître de cérémonie, aidé entre autres par l'infatigable et la très efficace Mme Martine DIALLO.
Jeune Afrique, Voxafrica… la presse écrite, radio, télévisuelle et électronique guinéenne couvraient l'événement.
"Les mots au service de la Paix !" ont résonné aux oreilles comme ceux d'un slogan mais, en aucune façon, ils n'ont été pris pour une injonction à écrire désormais en faveur de la paix. Pas un seul écrivain ne devant, même contraint et forcé, écrire pour une cause téléguidée si noble soit-elle ! Tout le monde a surtout compris (les organisateurs en premier, il faut l'espérer), que certains textes d'écrivains pouvaient dans des circonstances particulières concourir à la paix. En l'occurrence, il n'y a qu'à les mobiliser, de toute urgence, au service de la Guinée dans la périlleuse situation politique qui est la sienne.

"NOUS VOULONS LA PAIX, RIEN QUE LA PAIX !"

Ainsi Zenab Koumanthio DIALLO, poétesse guinéenne, se sentait-elle - ô combien ! - en harmonie avec la problématique et pouvait-elle déclamer l'intégralité du poème d'où est extrait le passage ci-dessous aussi bien lors de la cérémonie d'ouverture au Centre Culturel Franco-Guinéen (le CCFG) qu'au cocktail offert en sa résidence par l'Ambassadeur de France en Guinée.

"Nous voulons la paix, l'amour et l'amitié réels !
Et jamais de mères qui pleurent leurs fils
Arrachés à leur affection par la guerre !
Nous voulons la paix, l'amour et l'amitié réels !
Et jamais de sœurs qui pleurent leurs frères,
Trop tôt fauchés par des balles assassines
Nous voulons la paix, l'amour et l'amitié réels !
Et jamais de hordes interminables de réfugiés !
Nous voulons l'entente, l'harmonie, la concorde !
Nous voulons la paix! Simplement la paix! Rien que la paix !"

Henri Lopès, qui s'est vu décerner un doctorat honoris causa par l'Université de Sonfonia, pouvait, à son tour, en séance plénière au CCFG, d'abord assis puis debout, lire en un magistral et vibrant crescendo les vertus de son métissage, lui, le "Bantou aux ancêtres gaulois"

"Je ne suis pas un Congolais typique. Ni mon nom ni ma couleur n'indiquent mon identité. Et c'est bien ainsi ; comme vous, je descends du chimpanzé."

Interrogé sur le sort de la Guinée et sur ses relations personnelles avec son président, un ancien adhérent comme lui de la FEANF (Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France, association très active en faveur des indépendances), il a promis de ne pas être démagogue. Affirmant avoir noté des progrès, il dit penser que la bonne voie a été choisie puis, d'une pichenette, il s'est vite ravisé pour reconnaître lui-même qu'il a été… démagogue.

Binta ANN, écrivaine guinéenne, fondatrice par ailleurs de l'ONG FONBALE (Fondation Binta Ann pour les femmes et les enfants) a comme toujours apporté une contribution remarquée.

"Les enfants n'ont pas leur place dans la guerre, dans les rues, dans les mouvements des politiciens. Ils ont plutôt leur place dans leurs familles où ils doivent avoir une éducation de qualité. Les jeunes, au lieu de faire des manifestations politiques, doivent (…) réclamer des livres et des bibliothèques", a-t-elle pensé haut et fort devant ses différents auditeurs.

Michelle TANON était particulièrement bien indiquée pour tenter d'inspirer la paix, elle qui a vécu la tragédie de la guerre civile, consécutive à l'élection de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire dans des conditions décrites par lui-même comme calamiteuses.

Mamadi KABA, conteur, musicien en plus d'être écrivain aurait mérité d'avoir plus de temps et des élèves guinéens plus nombreux, de préférence au sein de leurs établissements respectifs pour leur faire entonner - comme il sait le faire de manière si harmonieuse et, par conséquent, fraternelle - les refrains ponctuant ses récits, performances auxquelles il a accoutumé même des tout jeunes Italiens.

LA GUINÉE, UN PAYS DE BRASSAGE DE POPULATIONS

Ousmane Paraya BALDÉ, écrivain en langue française et dans sa langue maternelle, le Peul, aurait dû pouvoir profiter d'une tribune et non pas d'un petit aparté entre auteurs. Il aurait su exprimer devant un auditoire idoine ses inquiétudes poignantes et ses préconisations judicieuses face au déchirement du tissu national guinéen et à la radicalisation des discours de rejet les uns des autres selon leur appartenance régionale pour ne pas dire ethnique. Plusieurs autres écrivains guinéens, en toute logique, auraient dû avoir la possibilité de dire leurs mots pour la paix en Guinée.

Péripétie réjouissante, des scolaires guinéens déclamant des slams inspirés se sont vu laisser toute latitude pour rivaliser devant un public nombreux et charmé sur les enjeux de l'unité nationale et de la réconciliation. Soussous, Peuls, malinkés ou Guerzés…, ils ont fait vœu de ne jamais être insensibles au sort des uns et des autres. Bien convaincus qu'ils sont, eux, d'être issus de la même famille guinéenne, africaine et humaine…

Votre serviteur, enfin, était à son aise, lui aussi, l'autoproclamé "Afro-Humain" pour avoir dû pérégriner par son nom, par sa vie et par ses écrits entre le Mali, la Guinée, le Fouta, la Basse Guinée, la Haute Guinée, la Côte d'Ivoire, la Centrafrique, la France… Et il n'aura tant apprécié, à la Médiathèque du CCFG, de parler de terroir et de racines avec des très jeunes et des plus grands élèves, attentionnés mais particulièrement réactifs, que pour exprimer l'Exterritorialité, cette République dénommée l'Imaginaire, la Patrie de l'écrivain. Pourfendant, à l'occasion, tout repli faussement identitaire dans lequel des personnalités politiques voudraient enfermer les uns et les autres en Guinée, un pays de brassage de populations par excellence !

Séances de dédicaces, animations radiophoniques, interviews accordées aux médias - dont il y a lieu de féliciter la profusion - par les divers participants ont émaillé les "72 heures du Livre". Même si certaines radios cèdent à l'ethnocentrisme ambiant et diffusent à longueur de journée polémiques stériles et propos outranciers au seul prétexte qu'elles sont désormais libres.

Alors, "Conakry va-t-elle, dans un avenir proche, devenir la capitale du Livre en Afrique", comme le souhaite Sansy KABA DIAKITE ? Et la paix, grâce aux livres, règnera-t-elle bientôt partout en Guinée ? Pourquoi pas ? Il n'est pas interdit de l'espérer.

"La paix n'est pas un mot, c'est un comportement", disait Félix Houphouët Boigny qui, pour n'avoir pas voulu déroger à la coutume Baoulé qui interdit au Chef de choisir son successeur, n'aura pas su lui-même, lui non plus, par un paradoxe tragique éviter la guerre à la Côte d'Ivoire aux lendemains de sa disparition.

Que dire ? Que ne pas dire ? Comment le dire ? Au service de la paix, il faudrait à tout moment être particulièrement apte à choisir les mots. Par les mots, naissent et s'attisent les conflits. Par eux, aussi, passent les réconciliations sinon les conciliations. Et, savoir entre autres "tourner la langue sept fois dans sa bouche avant de parler", devrait être à la portée de tout orateur et a fortiori quand il a accédé à la Magistrature Suprême de son pays. Quant aux écrits haineux, on sait bien qu'ils restent à jamais !

J'avoue que le pari de la paix par les écrivains et leurs livres m'a semblé compromis d'emblée au contact rugueux avec un policier des frontières à l'aéroport de Conakry le soir du 21 avril.

— Qu'est-ce qui vous amène à Conakry ?
— Les "72 heures du Livre" !
— Les "72 heures du Livre" ? Moi, je suis policier, je ne lis pas de livres. Je n'aime pas lire du tout.
Pas peu décontenancé voire carrément estomaqué par la fierté avec laquelle l'officier s'est ouvert à moi, j'ai entrepris avant l'heure de faire œuvre de pédagogie :
— Alors, je vais vous dire une chose ! Moi, je suis un auteur, un écrivain. Avec d'autres auteurs comme moi, nous allons justement essayer en trois jours de vous aider, vous en particulier, à découvrir et peut-être à aimer la lecture. Même si je crois quand même savoir (j'en ai vécu l'expérience, il y a neuf ans) que chez beaucoup de Guinéens, l'engouement pour le livre est réel. Maintenant, le problème de son acquisition se pose à la plupart.

LE PRÉALABLE À LA LECTURE, C'EST SON OFFRE !

En vérité, ce qui pourrait hypothéquer plus durablement le pari, c'est l'affirmation péremptoire du Président de la République lui-même, recevant les invités des "72 heures du Livre" au cours d'un banquet dont je ne relèverai pas ici le côté ubuesque par simple courtoisie :

— Pour que le gouvernement aide l'édition, il faudrait que les Guinéens aiment lire. Les Guinéens ne lisent pas !

Puissent le policier aux frontières aériennes de la Guinée et le Président dans son bunker résidentiel avoir entendu à la radio, vu à la télévision et peut-être dans les journaux les prestations des invités des "72 heures du Livre". Et, peut-être, seront-ils mieux disposés l'un pour ouvrir et lire des livres et l'autre - ayant un peu écrit, lui aussi - pour savoir que le préalable à la lecture, ce n'est pas l'amour de la lecture mais bel et bien son offre !

Quittant la Guinée le soir du 29 avril, j'étais douloureusement hanté par des visions multiples et grouillantes. Toutes pouvant être requalifiées, mot pour mot, par l'épithète qui caractérise le courant littéraire le plus fécond du siècle dernier : surréaliste !
Surréaliste est l'état de la ville de Conakry dans laquelle évolue, à côté de nombreux nécessiteux, du beau monde accro aux outils les plus performants de l'ère numérique ! Roulant dans des limousines au confort n'ayant rien à envier à celles des milliardaires dans les quartiers les plus huppés du monde, il ne semble indisposé ni par les caniveaux à ciel ouvert "charriant" paludisme et choléra, ni par l'habitat précaire du commun des Guinéens en ralliant l'un ou l'autre de ses nombreux palaces privés !
Surréaliste est tout simplement la gouvernance guinéenne. Mais, n'est-ce pas toute la façon de gouverner des intellectuels africains qui est surréaliste, hélas ! De Abdoulaye Wade à Alpha Condé en passant par Laurent Gbagbo, ils sont détenteurs, tous, de multiples parchemins glanés parfois dans les universités occidentales les plus prestigieuses. Mais n'ont-ils pas contribué, - Il faut le craindre ! - à faire sombrer l'Afrique de façon difficilement remédiable ? Un peu plus encore que Idi Amin Dada, Jean-Bedel Bokassa, Etienne Eyadema et militaires consorts aux poitrails chamarrés de galons de bric et de broc, collectionnés dans l'armée coloniale quand ils ne les ont pas fait décerner à leurs trop suffisantes Excellences, une fois arrivés au pouvoir par coups d'état !
L'Unité Nationale et le Panafricanisme, dispositions d'esprit consubstantielles aux Guinéens, ont bel et bien craqué sous les coups de boutoir de la "malinkénité", de la "foulanité", de la soussouité, de la "guerzéité"… et autres "prurits, psoriasis et cancers ethnocentristes". Par la faute desdits intellectuels qui n'auront même pas su tirer une quelconque leçon des conséquences du concept de l'"ivoirité" en Côte d'Ivoire et du génocide des Tutsis au Rwanda !

Il m'est donc difficile, pour finir, de ne pas adjoindre l'adjectif tragique à surréaliste pour évoquer le solde des manifestations de l'Opposition guinéenne un certain nombre de jeudis face aux "Forces de l'ordre" : des morts, des blessés, des destructions de biens publics et privés… L'Opposition demande entre maintes exigences que se tiennent les élections législatives à une autre date, convenue entre tous les…" partenaires" politiques plutôt qu'à celle du 30 juin 2013, choisie de façon unilatérale. Le Pouvoir tient - jusqu'à quand ? - à maintenir cette date pour ne pas céder à la pression de la rue.
De quelle figure de style, de quelle métaphore user, à quels mots recourir pour sensibiliser autour du lourd tribut humain que ne cesse de payer la Guinée ; elle qui a déjà tant donné de son sang dans de trop nombreuses circonstances ? Faudra-t-il invoquer des mânes pour voir les Guinéens s'interroger plus sur le devenir de la Guinée et de tous les Guinéens que sur le ridicule destin politique de quelques-uns d'entre eux ?

Comme on voit, les Guinéens n'auront pas assez de la compétence de tous leurs écrivains, de celle des écrivains du monde entier, de la pertinence des mots des dictionnaires de toutes les langues pour espérer, après les avoir lus, vivre dans un pays où règne la paix à la consolidation de laquelle ils désireront avec ardeur participer.

De nombreuses déclinaisons des "72 heures du Livre" et autres événements culturels tournant autour de thématiques voisines "des mots au service de la Paix" mais pas incantatoires seulement seront, à n'en pas douter, nécessaires.

Lire plus

De l'Intégrale d'Ahmed Sékou Touré Lire, encore lire, lire de tout, lire partout!

Citation :
Il incombe aux écrivains de combler les moindres trous de mémoire. Quand les Guinéens oseront se regarder en face, ils assumeront vite leur passé et envisageront, sereins, un avenir réconcilié.

Les éditions L'Harmattan viennent de publier dans la collection L'intégrale d'Ahmed Sékou Touré, à l'occasion du 64ème anniversaire de la proclamation de l'indépendance de la Guinée, tous les Tomes portés au crédit du premier Président de la République.
Parlant de lui, Bernard Mouralis a évoqué une scribomanie. Voilà en gras ce que, de retour du quatrième Salon du livre et de la lecture de Conakry en 2004, je suggérais de faire de ces fameux Tomes du Chef Suprême de la Révolution, productions d'une grouillante équipe d'universitaires, en vérité, Inspecteurs du Parti Démocratique de Guinée.

Où, donc, les écrivains - qu'ils soient nationaux, expatriés ou étrangers - sont reçus par les jeunes générations, filles et garçons confondus, telles les grandes vedettes de musique africaine, de rap, de rock, de reggae ou de world music ?
En quel pays, les émules de Seydou Badian Kouyaté, Aimé Césaire, Chinua Achebe, Wole Soyinka, Henri Lopès, Mongo Beti, Tchicaya U Tam'Si, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Hamidou Kane, Sembène Ousmane, Mariama Ba, Nadine Gordimer, André Brink, Franz Kafka, Günter Grass, Léon Tolstoï, Alexandre Soljenitsyne, William Faulkner, Toni Morrison, James Joyce, William Boyd, Antonio Lobo Antunès, Antonio Tabucchi, Gabriel Garcia Marquez, Henning Mankell, Assia Djebar, Rachid Mimouni, Naguib Mahfouz, Nazim Hikmet, Gao Xingjian, Imre Kertész, André Malraux, Claude Simon, Erik Orsenna, Pierre Goyémidé, Aké Loba, Ahmadou Kourouma, Camara Laye, Williams Sassine… sont accueillis par les mêmes forces montantes avec tous les égards dus aux "Dieux" des stades de football ?
En Guinée, dans le cadre de Lire en Fête, l'événement culturel dénommé Salon du Livre et de la Lecture de Conakry. Il s'est tenu, cette année, du 22 au 27 novembre 2004 pour sa 4ème édition ! Et, c'est bien par son volet "Auteurs En Visite" que ledit rendez-vous est d'une si émouvante originalité.
Car, aussitôt les stands des éditeurs du Mali, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de la France (Présence Africaine, L'Harmattan, Karthala, Castel, Actes Sud) et de la Guinée (Ganndal) installés sous un chapiteau et le salon ouvert par les officiels, auteurs et éditeurs ont rencontré leurs visiteurs. Soit à l'occasion de séances plénières soit en ateliers, au Centre culturel mais plus souvent sur les lieux mêmes d'enseignement des élèves au seuil de l'Université. Les étudiants, quant à eux, après une rentrée retardée, étaient en grève pour protester contre leurs conditions de vie déplorables qu'ils redoutent de voir aggravées par la récente décision de supprimer les résidences U.
En moyenne, chaque auteur aura été reçu par sept établissements. Et, c'est précisément, à son accueil et, surtout, au terme de chacune de ses conférences, que ces bains de foule gigantesques, de façon spontanée, lui ont été réservés par ses lecteurs. Potentiels seulement, en vérité, sont ces derniers puisque les écrits de l'auteur ne sont pas disponibles en librairie ou réduits aux spécimens apportés par lui ou à deux ou trois exemplaires dans les rares bibliothèques. Mais, rien n'y aura fait. Il lui aura fallu, tout comme les stars internationales, poser pour les photos de famille, répondre à diverses interviews Internet, télé, radio et presse écrite, sacrifier au rite des autographes accordés sur cahiers de correspondances, carnets à spirales et divers bouts de papiers libres, faute de pouvoir le faire sur les pages de garde de ses livres ! …
Bouleversant, le phénomène, dans cette capitale de l'ex-pays de la "Révolution globale et multiforme" qui, pendant vingt-six ans, n'aura promu qu'un seul "très grand écrivain", le Chef Suprême de la Révolution en personne et ses dizaines de tomes, les productions de ses hommes liges, à vrai dire, ces - ô combien discrets - inspecteurs du PDG, Parti Démocratique de Guinée ! Et l'engouement des jeunes - pour l'écriture et la parole libres, plus préoccupées d'éthique et d'esthétique que de plans de carrière et de petits arrangements avec les puissances d'argent et/ou avec les pouvoirs politiques - est plutôt rassurant. Il prouve bien qu'ils mériteraient un tout autre sort que celui qui leur est fait. Si, entre autres, tous ceux qui ont accès à la fortune commune renonçaient pendant un certain temps à renouveler leurs parcs de 4X4 et autres limousines ruineuses, polluantes et scandaleuses dans les rues défoncées du pays, tous les établissements d'enseignement pourraient être abonnés au quotidien officiel, à un journal indépendant, à un périodique panafricain, à un quotidien d'informations internationales… et se voir dotés d'embryons de bibliothèques.
De Conakry sont reparties, en tout cas, le triomphe modeste mais résolument optimistes, toutes les "chauves-souris" comme Williams Sassine aimait à désigner, en particulier, les "écrit-vain" africains exilés dont le Centre culturel franco-guinéen a battu le rappel cette année: Binta Ann, Lanciné Kaba, Tierno Monenembo, Tolomsè Camara, Cheick Oumar Kanté qui ne se sont nullement pris pour les "prophètes" qu'ils ne sont pas "en leur pays". Ont pareillement été émerveillés tous les auteurs et/ou éditeurs français: Armelle Riché, Emmanuelle Moysan, Benoît Marchon, Jacques Bertoin, Bernard Magnier et les (encore trop rares) écrivains guinéens résidant au pays, regroupés en association: Thierno Djibi Thiam, Catherine Hilal, Nadine Bari, Zenab Koumanthio, entre autres...
Impressionnant enfin de réaliser, après coup, que sans concertation préalable aucune, les uns et les autres auront pu échanger avec leurs… lecteurs sur les sujets les plus divers dont la thématique ci-après ne traduit que très imparfaitement la teneur.
"Pourquoi n'entrez-vous pas dans le gouvernement ?
- Ce qu'un écrivain devrait savoir le mieux faire, c'est d'abord et avant tout écrire ! D'ailleurs, de bons écrivains se sont révélés d'abominables hommes politiques.
- Pourquoi, vous êtes-vous toujours tus sur la situation de l'Afrique ?
- Des écrivains ont plus souvent été tués pour avoir écrit que pour s'être tus.
- Des livres sont dits sacrés. Faut-il pour autant les "sacraliser" ?
- Il ne le faudrait pas ! L'herméneutique et l'exégèse (l'une et l'autre expliquées aux auditeurs avec simplicité, bien sûr) permettent des lectures apaisées pour contrer l'intégrisme et le fondamentalisme trop courants de nos jours, hélas !
- Une catastrophe naturelle (séisme, sécheresse, incendie, inondation…) frappe-t-elle sans discrimination une région ? Elle s'en relève toujours.
- Mais les guerres et les génocides laissent, quant à eux, des séquelles durables, plus difficilement "résiliables" à cause du tri sélectif opéré entre ceux qui auraient dû rester des compatriotes.
- Négationnismes et révisionnismes de toutes sortes rôdent autour de l'histoire de la Guinée.
- Il incombe aux écrivains de combler les moindres trous de mémoire. Quand les Guinéens oseront se regarder en face, ils assumeront vite leur passé et envisageront, sereins, un avenir réconcilié.
- Il est impératif de ne pas cultiver les seuls muscles de ses bras et de ses mollets ! Lire, lire ! Lire encore ! Lire toujours ! De tout, sur tout, partout de façon à "se muscler" le cerveau et l'esprit, aussi !
- Et pouvoir disposer, après, de ce qu'on pourrait appeler - en comparaison des constructions japonaises - des "réflexes parasismiques" aptes à prémunir la Guinée des tremblements et autres fractures sociales ayant détruit les pays à ses frontières. Ainsi, les Guinéens sauront-ils aménager dans leurs têtes ces digues faites de bon sens et de raison qui empêcheront l'inondation et la submersion de leurs cœurs par la haine destructrice.
- Les lycées ne sont pas à incendier ! Les bibliothèques et, donc, les livres ne sont pas à brûler ! … Même les élucubrations du défunt Chef Suprême de la Révolution méritent d'être lues, analysées, critiquées et conservées… Le régime nazi et les États totalitaires, seuls, sont capables de pratiquer des autodafés.

- À l'ère de l'Internet et du "village global", la culture par l'image de façon exclusive, véhicule certes excellent et instantané de l'émotion, est passive, illusoire et sujette aux tripatouillages et aux détournements alors que la culture par l'écrit, champ de prédilection de l'esprit critique, est active et durable…
- D'ailleurs, c'est seulement après avoir beaucoup lu que l'on peut réaliser si l'on a, soi-même, le don et/ou la vocation de l'écriture. Étant entendu que, comme il est de bon ton de le répéter dans la… profession: "écrire requiert 10% d'inspiration et 90% de transpiration !"
Deux livres et, accessoirement leurs auteurs, étaient les "mascottes" du Salon de Conakry. "Le mariage par colis" paru chez L'Harmattan en 2004 de Binta Ann, la plus jeune parmi les invités et "Peuls", édité au Seuil en 2004 de Tierno Monenembo, celui dont la notoriété n'est plus à faire.
Binta Ann aura sué sang et eau, jouant à merveille de sa proximité avec les jeunes, pour traiter non pas seulement du sujet de son livre, on ne peut plus, limpide mais pour aborder sans langue de bois les dangers de l'excision, les ravages du sida, (les préservatifs pour s'en protéger), la déchéance liée à la drogue, à l'alcool et à la prostitution, l'égalité entre les filles et les garçons, l'amitié, l'amour, les mirages de l'Europe et de l'Occident… Elle aura d'autant plus rempli son contrat que, pour égayer le Salon, l'adaptation théâtrale de son livre a été très applaudie. Si le jeu des acteurs sur scène n'a pas surpris, au pays de Kouyaté Sory Kandia et des Ballets africains, l'on n'a pu être qu'admiratif devant la bonne diction et l'éloquence des comédiens amateurs. Quand on pense que la langue de Patrick Modiano, de Jean-Marie Gustave Le Clezio et de Daniel Pennac n'a été réintroduite comme outil principal d'enseignement qu'en cette mémorable rentrée 1984-1985, la première après la disparition de Sékou Touré le 26 mars 1984 !
Participant pour la seconde fois au rendez-vous littéraire de Conakry, Tierno Monenembo ne s'est pas ménagé, lui non plus, pour aider à étancher la soif de savoir des jeunes Guinéens. Et le débat autour de "Peuls" - mais pas seulement - aura permis de mettre à l'épreuve deux assertions. La première est celle d'un des frères Goncourt (à moins qu'elle n'appartienne aux deux): "le roman est de l'histoire qui aurait pu être et l'histoire du roman qui aurait été." La seconde serait à mettre au crédit de François Guizot: "ouvrez donc un livre d'histoire si vous voulez lire un bon roman !"
Et, comment résister à l'envie d'ajouter son grain de sel aux nombreuses notes élogieuses et bien méritées, parues dans divers journaux à la lecture de "Peuls" ? Pourquoi ne pas dire que l'œuvre, monumentale et belle, rappelle "Figures du Palestinien" de Elias Sambar ? Comme ce dernier, Monenembo pourfend le mythe de la genèse des peuples, du fantasme de leur pureté (celle de ceux qui étaient là avant ! …) parce qu'ils seraient, eux, apparus du chaos. Toutes ces doctrines, on ne le sait que trop hélas, inclinent les uns à vouloir remplacer les autres, en les rejetant d'abord puis en les expulsant. Les Peuls, comme les Palestiniens, comme, du reste, les peuples de la Terre entière ont plutôt le goût du monde, sont ouverts à lui et sont perméables à la circulation universelle… Pour peu qu'ils aient les puissants moyens culturels pour résister aux manipulations des mystificateurs et des apprentis sorciers.
S'il n'est pas indispensable que chaque Hutu, Tutsi, Bantou, Bété, Baoulé, Dioula, Malinké, Bambara, Pygmée, Soussou, Kissi ou Koniagui… écrive l'épopée de son propre groupe ethnique, il serait salutaire que la disposition d'esprit, inspiratrice de la rédaction de "Peuls", interpelle tous les Africains, tous les Humains.

S'écriraient bientôt des livres intitulés: "Africains !" Mieux: "Humains !" D'ailleurs, ne sommes-nous pas, tous, des parents à plaisanteries, les uns avec les autres, de proche en proche et même de loin en loin ?...

Lire plus

A la mémoire du Professeur Djibril Tamsir NIANE

Citation :
"Toutes les bibliothèques brûlées renaîtront de leurs cendres" !

DTN, La Bibliothèque sauvée des flammes !

DTN ! Pour Djibril Tamsir Niane et non pour le Directeur Technique National qu'il était après tout comme on dit en sport, avons-nous souvent plaisanté Daouda Niane, son fils et moi (Vous avez bien lu, on peut plaisanter avec les vraies éminences !°) quand il m'a associé moyennant deux contrats de trois mois en 1994 et en 1995 à la conception, à la création et au lancement de SORIBA, un magazine dédié aux jeunes. Ce, après avoir fait paraître en 1994 un manuel d'Éducation Civique dans une collection dénommée "Jeune Citoyen" dont les objectifs (procurer à l'enfant une précieuse documentation, l'éclairer, lui faire découvrir le mécanisme du jeu démocratique) sont clairement énoncés dans l'introduction.

"(…) L'éducation civique devient un impératif (…) Il s'agit pour l'essentiel d'enraciner dans l'esprit de l'enfant des idées simples mais fortes. La conquête de la liberté n'est jamais définitive ; chaque génération doit contribuer à sa consolidation. (…) La connaissance intime des institutions (…) nourrit en chaque enfant l'amour de la Nation et le respect des Droits de l'Homme. (…) Pour cela il s'agit de faire appel à (son) intelligence, à (sa) conscience et d'en faire un citoyen."

DTN, c'est le paraphe qu'il apposait pendant notre collaboration aux bas des documents (information, consigne, bon à imprimer…) déposés sur mon bureau près du sien à la SAEC, sa Société Africaine d'Édition et de Communication. Agréables moments qui m'auront permis d'intervenir à nouveau en Guinée dans mes domaines de prédilection : la presse et l'édition pour la jeunesse après avoir été mis en 1988 dans l'impossibilité de continuer à publier mon magazine d'information sur l'école en Guinée, en Afrique et dans le monde, La Nouvelle école, deux ans après l'avoir créé, torpillé qu'il a été par toutes sortes de tracasseries.
La vie, l'œuvre et, plus encore, le décès de DTN interpellent. En tout premier lieu ceux d'entre les Guinéens qui se targuent encore d'être plus Guinéens que d'autres quand on sait que l'historien, lui, de père sénégalais et de mère malienne a toujours été présenté comme un des plus éminents historiens et écrivains… guinéens ! Nationalité qu'il a habitée et portée avec un si grand bonheur que l'ethnocentriste le plus buté ne saurait la lui récuser !
Dans ces circonstances, il n'est pas inutile de rappeler qu'il y a plutôt de l'indécence, pire une complicité de crime politique à se réclamer de la révolution sékoutouréenne en se rappelant qu'entre autres griefs constitués de bric et de broc et moult accusations fallacieuses de complots et d'intelligence avec l'ennemi, les vers qui suivent lui ont valu en 1961 trois ans de détention. Une des répliques volontairement provoquées pour décimer les rangs des élites accourues de toutes parts au secours de la Guinée indépendante après le séisme de la Grande Grève des Enseignants de 1960.

"Camarade, je ne comprends pas.
Moi, j'ai dit non.
Toi aussi.
Et le méchant colon est parti.
Liberté est venue à sa place
Escortée par Démocratie.
Responsabilité suivait d'un pas grave.
Moi, j'ai dit non.
Toi aussi.
Richesse est venue en cachette
Et dans ta gibecière s'est logée.
Près de moi resta Pauvreté.
S'accordant sur Dignité.
Et pourtant j'avais bien dit NON.
Toi aussi d'ailleurs."

"Sollicité en 1970 pour devenir membre du Comité scientifique international pour l'élaboration et la publication d'une Histoire générale de l'Afrique, le Professeur Djibril Tamsir Niane a participé activement au développement de l'œuvre monumentale, la première et seule véritable histoire de tout le continent, conçue et élaborée par une équipe internationale de chercheurs sous l'égide de l'UNESCO, répondant à l'appel des États membres africains nouvellement indépendants pour les assister à réécrire leur histoire.
Il a assuré la direction du Volume IV couvrant la période du XIIe au XVIe siècle, une période cruciale de l'histoire du continent au cours de laquelle l'Afrique a développé sa propre culture et la production de documents écrits. Sous sa coordination, les auteurs ont livré un aperçu édifiant de l'expansion foudroyante de l'islam, le développement des relations commerciales, des échanges culturels et des contacts humains et l'essor des royaumes et des empires."

C'est aussi l'occasion d'évoquer l'incendie ayant partiellement détruit ses archives historiques et littéraires (manuscrits, notes de recherche, œuvres d'art, bibliothèque de travail…) dans la nuit du 8 au 9 février 2012 à son domicile de la Minière à Conakry. Je lui avais adressé ce message :

"Vous imaginez, j'en suis sûr, M. Djibril Tamsir Niane, à quel point je partage votre sentiment devant la perte ne serait-ce que d'une infime partie de votre bibliothèque et à plus forte raison si elle était détruite dans des proportions considérables. Hypothèse que je n'ose envisager.
Comme toujours, malheureusement, c'est quand le tragique et l'absurde se donnent la main que se dévoilent les facettes des multiples problèmes guinéens. En l'occurrence, l'incendie de votre bibliothèque pose à beaucoup d'entre nous la question de savoir où rapatrier un jour les documents accumulés dans l'exercice de nos activités, au long de nos pérégrinations. Puissions-nous, les uns et les autres, y songer plus encore maintenant que jamais !
Votre bibliothèque a brûlé, certes mais vous l'historien, l'écrivain, l'homme de culture, (je n'ose pas dire "le vieillard", même pour paraphraser l'acception noble du savant chez Amadou Hampaté Ba), vous demeurerez. Et je vous sais capable d'être encore plus vaillant pour reconstituer, avec toutes les bonnes volontés, le patrimoine à léguer à la Guinée, à l'Afrique et au reste du Monde"

À présent, je tiens à vous redire, cher DTN, ne pas douter un seul instant que vous saurez rassurer Amadou Hampaté Ba. "Toutes les bibliothèques brûlées renaîtront de leurs cendres" ! Non sans imaginer que vous récolterez à ses côtés les truculentes impressions de Wangrin sur l'étrange destin de l'empire global qu'est devenu le monde sous le règne des Algorithmes ! Comme vous avez su procéder avec les griots avant de produire Soundiata ou l'épopée mandingue, entre autres œuvres magistrales !


Lire plus

Hommage à Docteur BAH Thierno

Docteur Bah ou l'incandescence personnifiée !

Elle persiste ma douloureuse impression que le chapelet de la Grande Faucheuse s'égrène avec une réelle complaisance pour rappeler à Elle de façon toujours prématurée les personnalités guinéennes parmi les plus valeureuses !
Sentiment à relativiser, bien sûr, compte tenu du nombre de nos compatriotes pas célèbres ou seulement dans les limites de leurs familles, de leurs quartiers ou, au mieux, de leurs villes qui décèdent tous les jours. Mais, c'est bien Docteur Bah qui s'est éteint dans un hôpital… d'Abidjan en ce mois de janvier 2021 !
Et, combien l'expression est, pour une fois, adéquate ! Car à l'évocation de son nom : Docteur Bah Thierno, Docteur "Bah de Cocody" - quartier résidentiel d'Abidjan où il a élu domicile dans les années 70 alors qu'il était Médecin Chef de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale de Côte d'Ivoire, on est aussitôt ébloui par l'incandescence, l'effervescence et la phosphorescence personnifiées. Tant brillait le médecin psychiatre de son état, … psycho-théra-psycha-pédago-socio-philosophe, me permettrai-je de lui décerner un parchemin supplémentaire à multiples unités de valeurs en guise d'attestation de ses nombreux acquis obtenus aussi bien dans l'exercice de son métier que dans ses relations avec ses compatriotes, exilés comme lui ou demeurés au pays.
L'homme avait la pensée active et rayonnante et c'est parfois lui faire injure que de le qualifier d'hyperactif ou d'activiste. On l'assimile, ce faisant, à la pléthore d'"universitaires" ou de syndicalistes africains ayant fait profession d'activistes à l'étranger jusqu'à accéder au pouvoir chez eux pour, aussitôt, en user et abuser à des fins personnelles sinon ethnocentristes.
Je n'ai pas connu Docteur Bah en Guinée à Labé, notre ville natale, où nos familles entretiennent, elles, des relations respectueuses. Et, sans évoquer les questions relevant du domaine matrimonial, je ne saurai m'empêcher de signaler que mon maître d'école coranique, mon initiateur à l'écriture des lettres arabes, facile à reconnaître dans cet extrait de mon poème - "La plume salvatrice" du recueil "Pourquoi diable n'ai-je pas été… un poète ?" éditions NDZE 2010 - était de sa famille : un des grands érudits du Fouta Djallon !

"Moments d'incertitude,
Menacent les affres de la Solitude.
Du papier blanc sous les yeux de mon vague à l'âme.
Entre les doigts, de mon marabout, le célèbre calame.
Trempé dans l'encre, il calligraphie
Et remplit, dans une géographie
D'équilibre, maints espaces sûrs.
Telle bonne sourate me rassure,
Une autre chasse ma peur,
Une fouette mon ardeur..."

Un "petit écart d'âge" existe entre Docteur Bah et ceux de ma génération. Lui a dû s'exiler dès 1961. Soit dix ans avant nous, suite à la grande grève des enseignants, des élèves et des étudiants en 1960. Comme la plupart des intellectuels guinéens et africains frais émoulus d'universités françaises qui ont milité pour l'indépendance immédiate de la Guinée et ont accouru à son secours, il s'était vite trouvé persécuté. Première des forfaitures qui allaient jalonner la future Révolution globale et multiforme guinéenne. Faucheuse encore plus Grande et brutale que l'Ordinaire, oublieuse qu'il avait fallu de toute urgence remplacer administrateurs, cadres et techniciens français rappelés en France par le Général De Gaulle ou redéployés dans les pays favorables à la communauté franco-africaine. Pour punir la Guinée d'avoir eu l'outrecuidance de choisir son émancipation à l'issue du Référendum du 28 septembre 1958 !
La disparition de Docteur Bah Thierno fait émerger quelques souvenirs de sa fréquentation à des moments cruciaux de notre exil en Côte d'Ivoire et en France.
Les réunions régulières aux lendemains tragiques du 22 novembre 1970 avec des pendaisons publiques à Conakry et dans plusieurs autres villes guinéennes de membres dits de la Cinquième Colonne, consécutives au débarquement à Conakry d'opposants politiques appuyés par une logistique portugaise. Ce, avant même mon élection comme membre du bureau de l'Association des Étudiants Guinéens en Côte d'Ivoire au poste de secrétaire général.
Il a fait partie "de ces Guinéens déjà diplômés et expérimentés sur le plan professionnel", aux carnets d'adresse précieux : "médecins, avocats, pharmaciens, hommes d'affaires"… qui nous ont été d'un concours appréciable pour obtenir des aides du gouvernement ivoirien et de la représentation culturelle française puisque nous ne pouvions pas être boursiers de notre pays. Ainsi la plupart d'entre nous étaient-ils obligés, moyennant des salaires pas toujours payés à temps et souvent même pas payés du tout, d'exercer un travail quelconque au détriment de la Fac. Il est "de ceux qui nous ont fait espérer qu'en réussissant nos études supérieures dans les conditions difficiles qui étaient les nôtres, nous parviendrions à intégrer la vie active dans différents domaines au pays de notre exil forcé. La meilleure façon de nous mettre en réserve pour servir la Guinée post-pseudo-révolutionnaire"...
Éprouvions-nous par moments un début de découragement, une certaine lassitude ? Docteur Bah était "à notre chevet" pour nous rassurer et encourager :

— Dans le milieu des exilés, elle est normale, la petite dépression en fin d'année. Tenez bon, nous passerons en Guinée les prochaines fêtes de Noël et du Nouvel An !

Lui-même ne reviendra sur sa terre natale qu'après la mort du Chef Suprême de la Révolution le 26 mars 1984. Moi, après un premier "pèlerinage" par avion en juillet, je tenterai en voiture le retour définitif. Je me trouverai à Kankan le… 24 décembre et pourrai fêter le Nouvel An… 1985 à Labé parmi les miens !

En plus d'avoir été l'un des visiteurs de la Cité Mermoz, le "campus emblématique des étudiants guinéens en Côte d'Ivoire" dans les années 70 dont je raconte les dures conditions de vie et d'études dans "Orphelins de la Révolution" et que j'ai rappelées au décès d'un autre compatriote ancien exilé, Docteur Bah, lui, avait, de surcroît, sa porte ouverte à tous et le couvert offert.
J'ai, par ailleurs, le souvenir de quelques-unes de ses visites lors de mon stage à Jeune Afrique en 1993. Chef de Service de Santé Publique à Melun, c'est plutôt en tant que Délégué général du Parti de l'Union pour la Nouvelle République dont il a été membre fondateur qu'il a éclairé ma lanterne à chaque occasion sur les multiples objectifs et actions de son Mouvement. Et à titre personnel, sur son travail avec le groupe parlementaire français Amitié France-Guinée, sur ses idées pour le mieux-être des Guinéens et son exaspération devant l'incurie de leurs dirigeants…
Reviennent aussi à ma mémoire nos échanges téléphoniques nombreux et le dernier de vive voix au Salon du livre de Paris en 2012 au cours d'un débat organisé par la délégation guinéenne sur le thème de la lecture à l'école. Les points de vue de tous les participants avaient été enrichissants mais nous n'étions pas moins peinés de penser que de ce qui s'en était dégagé, il ne serait tenu aucun compte par le pouvoir guinéen à Conakry !
Je réentends sa réaction après à la vue de mon roman au Stand de Riveneuve "À Dongora coulera à nouveau la rivière".

— Il est prémonitoire, ton livre. Des pluies diluviennes se sont abattues sur Labé comme cela n'était pas arrivé depuis longtemps !...

Mais, enfin, qui saurait mieux dire que Docteur Bah lui-même que la flamme allumée par lui ne s'éteindra jamais ?

"J'ai assisté, révolté, impuissant et attristé, à l'enlisement de la Guinée, dans une impasse profonde dans tous les domaines : moral, politique, économique, socioculturel. Au soir de ma vie, je consacre les forces qui me restent à témoigner du parcours de notre pays. J'ai dénoncé les crimes politiques que les différents présidents ont ordonnés pour se maintenir à la tête de la Guinée. Je dédie ce volume à la jeunesse guinéenne, je lui fais confiance pour relever les défis de l'incapacité des dirigeants successifs pour construire un État démocratique, capable de protéger et de nourrir ses habitants. Vive la Guinée !"

C'est le texte de la quatrième de couverture de "La Guinée a eu 55 ans et maintenant ?" Éditions L'Harmattan 2016, un des livres dont il est l'auteur.

Ses autres titres : "Mon combat pour la Guinée" - Édition Khartala 1996, "Trente ans de violence politique en Guinée 1954 - 1984" - Éditions L'Harmattan 2009, "La République des Voleurs" - Éditions L'Harmattan 2013, "Le Rassemblement de la Société Civile guinéenne. Une union impossible?" - Éditions L'Harmattan 2016.

Ainsi, Docteur Bah aura bien consacré sa vie et son action à la tentative d'élucidation et d'élimination du virus frappant si douloureusement la Guinée. Ce beau pays si cher à nos cœurs mais dont les dirigeants successifs semblent victimes d'un syndrome que j'ai pensé être typiquement guinéen.
"Être frappé du syndrome politique guinéen ? C'est, pour des dirigeants politiques, présider aux destinées de populations parmi les plus pacifiques, sourdes qu'elles sont aux sirènes ethniques, capables d'abnégation et confiantes en l'avenir, dans un pays disposant de potentialités immenses, "un scandale géologique" comme il est coutume de le désigner tant il recèle de minerais essentiels, abritant de surcroît le Château d'eau de l'Afrique, et se complaire d'en faire l'un des pays les moins avancés de la planète !..."

Alors, tant que le mal guinéen n'aura pas été guéri, la flamme que tu as allumée ne s'éteindra pas, Docteur Bah !

Lire plus