
Nicolas Houguet
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Descriptif auteur
Nicolas Houguet a organisé sa vie autour de la culture. Handicapé moteur, c'est par livres ou films interposés qu'il a appris à aimer le monde. Ses études l'ont amené à réaliser que la culture était un tout, qu'elle ne se bornait pas à un domaine ou un autre. Alors, il a choisi d'être inclassable. S'intéresser autant à Tolkien qu'à Baudelaire, à Quentin Tarantino qu'à Ingmar Bergman, à Beethoven qu'à David Bowie. Son envie, c'est de décrire ce grand patchwork de références qui a fait de lui ce qu'il est. Un peu de ce tout et de ce n'importe quoi qui composent une personne.
Né à Auxerre en 1978, Nicolas Houguet passa son enfance dans un petit village de l’Yonne. Il consacrait son temps à dessiner, à s’inventer des histoires. Depuis toujours, on le qualifiait de littéraire. Et, il l’était. Peut-être parce que le monde de la littérature lui permettait d’échapper à son corps, d’évoluer sans frustration dans une autre réalité. Il ressentait la même chose dans une salle de cinéma. Et il n’a jamais cessé de se sentir redevable de cela.
Alors il a entrepris des études littéraires. Pour rendre hommage à Baudelaire en lui consacrant son mémoire de maîtrise. Mais il voulait devenir écrivain depuis l’âge de 12 ans. Dès qu’il en avait l’occasion, il écrivait un poème, une nouvelle, une réflexion. Il ne voulait pas parler de ses passions du point de vue scientifique qu’impose l’université. De plus, sa nature éclectique l’empêchait de se consacrer à une seule chose. Il y avait toujours un autre livre à connaître, un autre film à voir, une autre musique à écouter. Et puis il se souvenait des choses dont il n’avait jamais eu le temps de parler.
Après le 11 septembre 2001, il eut envie de s’arrêter pour écrire librement quelque chose qui lui ressemblerait sans avoir de compromis à faire pour obtenir un diplôme, une image ou un bon point. Au moment de la guerre d’Irak, il s’attela à un vieux projet : parler de l’Amérique comme il l’avait toujours ressentie et aimée.
En 2004, cela devint son premier livre L’Amérique que j’aime.
Titre(s), Diplôme(s) : Maîtrise de Lettres Modernes
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AUTRES PARUTIONS
"Redemption songs et autres nouvelles" (le Manuscrit, septembre 2010)
LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Bob Dylan à Bercy le 23 avril 2007
Pourtant, depuis le documentaire monumental et magistral de Scorsese, la parution du premier tome des mémoires du bonhomme -lecture hautement recommandable- intitulée Chroniques, qui complétait admirablement le film, quelque chose a changé. On a soudain pris conscience de l'incontestable envergure de l'artiste, de son rôle révolutionnaire dans la musique moderne, de la solide tradition de songwriters dont il est issu et qu'il a fait profondément évoluer, abordant tous les genres avec une maestria inégalée. On peut dire sans trop s'avancer qu'il s'agit là d'une référence et d'un génie qui n'a plus rien à prouver et qui est à lui-seul un concentré de ce que la musique moderne folk et populaire a produit de meilleur.
Que Todd Haynes lui consacre un film où il sera incarné successivement par plusieurs acteurs (Julianne Moore, Cate Blanchett, Charlotte Gainsbourg, Richard Gere) est révélateur qu'enfin on comprend le personnage et les aspects, très différents de son oeuvre (de la protest song influencée profondément par Woody Guthrie, au fameux passage à l'électricité magistral en 1965 qui a tant destabilisé ses fans purs et durs et engendré des joyaux Blonde on Blonde, Highway 61 revisited et tant d'autres). Alors que Dylan atteint une reconnaissance indiscutable et universelle, il est devenu l'incarnation de la musique populaire dans toute la richesse, l'énergie et la diversité qu'elle a pu atteindre aux Etats-Unis, découvrant à chaque chanson une ambiance et un visage singulier, s'imposant avec une force, une conviction, un assurance inébranlable. Il est, on l'a vu dans le film de Scorsese, d'une érudition sans égal, lorsqu'il s'agit d'évoquer son medium, à quel point il le maitrise, comme un artisan qui en connait chaque aspect. Il a influencé des gens aussi différents que Johnny Cash, Bruce Springsteen, David Bowie et une armée d'autres. Tant de visages, d'orientations différentes pour un seul artiste, tant de rôles aussi et de facettes, tant de chemins qu'il a défrichés avant tout le monde: l'idée audacieuse et saugrenue en apparence de Todd Haynes se justifie parfaitement.
J'entre dans Bercy. On me dit que ce soir, la seule date de Dylan en France, la salle est comble. Pourtant, arrivés en avance, nous la voyons se remplir très doucement, sans hâte et sans fièvre. À l'heure dite et sans crier gare, une étrange musique de peplum retentit, me faisant frémir, c'est pas Ben-Hur que je suis venu voir! Une voix pompeuse annonce celui qui a traversé les sixties, les seventies et les décennies suivantes. Dylan entre en scène. Guitare en bandoulière, chapeau blanc qui lui cache le regard et la moitié du visage. Le concert commence alors que le public continue d'affluer et qu'un quart de la salle se remplit toujours.
La musique est d'une maitrise incroyable, installant chaque chanson dans une ambiance précise et distincte, offrant un nouveau visage, une nouvelle émotion, balayant tous les genres: du jazz à la ballade, en passant par le blues, la country, le rock n'roll le plus pur. Le génie musical et polymorphe se déploie de toute sa suprématie sans aucun effet de lumière, sans aucune concession au grand spectacle, sans un mot de connivence. Dans une austérité et une intransigeance d'écoute qui rappelle celle d'un concert classique. Pour la première fois de ma vie, à un concert de rock, je suis ému par les chansons, profondément, j'en ressens l'intention et l'esprit. Pas très envie de crier d'enthousiasme, de chanter ou de battre la mesure, quelque chose de plus extraordinaire s'impose, une écoute recueillie, e
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Nicolas Houguet
Mary d'Abel Ferrara
Ce film est bouleversant. Court certes, mais puissant, plus poignant que cinquante Da Vinci code réunis, puisque basé sur les vrais évangiles de Marie et de Thomas (écartés du Nouveau testament) qui prônaient une relation d'intelligence intime avec Jésus ou Dieu en disant par exemple, que si Jésus était le fils de Dieu, ça ne faisait pas de lui un cas unique et que nous l'étions tous, que c'était à nous de le découvrir en nous, par la force de notre intelligence. Et une religion qui prônerait l'intelligence plutôt qu'une soumission terrorisée, c'est une religion à laquelle je pourrais m'identifier, que je pourrais comprendre. Hélas, ces évangiles furent écartés du corpus des évangiles (ceux de Philippe, de Thomas, de Marie et d'autres mais je suis pas spécialiste), parce que trop en rupture avec la tradition et les privilèges inhérent à une église qui veut avant tout asseoir son pouvoir, et comme toute forme de pouvoir, maintenir ses sujets dans l'ombre. Ces rouleaux de parchemin étaient donc appelés à être détruits. Quelques moines furent chargés de les brûler pour ne pas déranger le dogme officiel par ces témoignages pourtant oculaire et contemporains du Christ lui-même (le nouveau Testament fut, sauf erreur de ma part, élaboré un siècle après sa mort). Ils confèrent au messie un caractère plus humain, plus charnel, plus tolérant. Et à Marie Madeleine, le statut non d'une prostituée repentie mais de la disciple préférée (pas forcément l'épouse) attisant la jalousie des autres apôtres.
Et Ferrara dans ce chef d'oeuvre d'une heure vingt (trop court !) avec un budget de 1,8 milion d'euros difficilement réunis, nous explique cela. Le film est entrecoupé d'interviews (réelles) de théologiens de renom pour expliquer cette face cachée des évangiles, sans le grand guignol qui accompagnait les thèses de Dan Brown (Prieuré de Sion, trésor des templiers, que sais je encore). Pas de fantasme ici, juste une sorte de quête, avec les textes dont nous disposons (les rouleaux de la mer morte, les évangiles retrouvés et méconnus). Ce film est poignant car il est intègre honnête, véritable. Juliette Binoche est littéralement habitée par son rôle (comme d'ailleurs dans tous ses rôles). Cette actrice qui jouait Marie Madeleine dans le film du réalisateur Mathew Modine (abruti égomaniaque surfant sur la polémique certaine que son film engendrera) et qui ne veut pas quitter son rôle, cette humanité qu'elle y a pressentie. Elle se rend à la source, à Jerusalem. Et dans le périple de Forest Withaker, le journaliste qui consacre ses émissions au christ, qui lui est en quête de sens et doute (comme nous tous), et ce réalisateur qui a fait un film sur jésus par pur égocentrisme, qui lui aussi entame une sorte de chemin de croix (sans rédemption, puisqu'il est égocentrique jusqu'au bout et finit par ne projeter son film qu'à lui-même), le spectateur réfléchit, apprend, fait le point sur ce qu'il en pense lui. Pas de thèses dans ce film, juste une invitation à réfléchir à ce beau problème, en suivant des acteurs dirigés admirablement et en toute liberté dans la vision noble et magnifique d'un des plus grands réalisateurs de notre époque,
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Nicolas Houguet
Concert des Guns n' Roses Le 20 Juin 2006
Nous pénétrons donc dans un Bercy rempli à ras bord. Après une deuxième première partie (oui ça existe et on a délibérément loupé la première), avec des gens très énervés et très assourdissants au registre plus que limité (genre Metallica des débuts, mais le talent en moins), et dont je crois navoir jamais discerné clairement une seule chanson (je vieillis), commença lattente. X et moi étions plutôt ravis des musiques qui passaient ACDC, Metallica, très sympa comme entracte, ça manquait de Beethoven mais bon Les gens simpatientaient commença alors la hola (ola, ouhlà ?), très joli. Cest beau et effrayant une foule qui prend conscience delle-même. Petit à petit, les mines autour de nous se faisaient déconfites, une heure de retard, ça commence à faire. On pense aux coups déclat passés de ce brave Axl, diva perturbée du Hard Rock, annulant des concerts au dernier moment, partant au milieu du show. Frasques au demeurant plutôt amusantes de mon point de vue, mais je dois pas être normal.
Enfin la lumière séteint. Sélève un rugissement aux premiers accords de « Welcome to the jungle ». Et Larlésienne arrive, le Howard Hughes du rock est là sous nos yeux ébahis. Très en forme, avec feux dartifices et effets spectaculaires et pyrotechniques. Très péplum à grand spectacle, mais jaime les films sur les gladiateurs. Et puis les titres senchainent, je retrouve ma voix de crécelle et je me détruis la gorge en hasardant quelques chorégraphies improbables (mais certains à l'entour étaient des danseurs encore plus désastreux que moi, si si !). Dans un moment de témérité, X va passer quelques temps dans la fosse et remonte vingt minutes plus tard en soupirant, « je suis trop vieux pour ces conneries. ».
Moi aussi. Jai passé les deux trois premières chansons à me demander où jétais, ce que je foutais là, pis à finalement abandonner mon surmoi encombrant et me lâcher. Je suppose quavec lâge on a un peu plus de mal.
Le concert en lui même : Axl est très en voix, une voix plus claire que par le passé ma til semblé, beaucoup plus posée, mélodieuse, plus puissante bref une belle performance. Il dégageait une vraie belle énergie et un grand charisme, assurément une bête de scène (mais pourquoi avoir attendu si longtemps ?). Pour ce qui est du nouveau groupe, je suis personnellement plus mitigé. Il lui arrivait dêtre totalement désuni, notamment sur la très discutable impro à la fin de « Knockin on Heavens door », assez particulière ! Un côté bossanova légèrement troublant, mais pas dans le bon sens. Ensuite, labus de solo nuit gravement au spectateur et fait immanquablement descendre la fièvre, bref quelques errements instrumentaux assez dommageables pour le rythme du spectacle. Sinon, les musiciens sacquittent assez bien de leur tâche, mais labsence de Slash, grand guitariste emblématique, chevelu et inoubliable se fait cruellement sentir par moments. Notamment pendant les moments dimpro free jazz, très ambitieuses, voire prétentieuses, un peu déplacées dans ce genre de concert qui nous plongèrent dans une sorte de perplexité, voire des moments de francs éclats de rire en se demandant « mais quest ce quils foutent ? ». En fait, on avait limage dun bon groupe en devenir qui cherche encore ses marques, qui a parfois du mal à sharmoniser, à jouer ensemble. A larrivée dIzzy Stradlin (premier guitariste historique du groupe), cétait franchement plus structuré.
A part ces moments derrances (dont jexcepte le très bon solo du guitariste Robin Finck, véritablement impressionnant, très blues, très Jimmy Page finalement), ce fut une belle soirée. Axl Rose sait indubitablement tenir une scène. A chaque chanson la salle bondissait, le chanteur semblait inépuisable. Et ces jets de flammes disposés au bord de la scène dès quune chanson explosive commençait (« its so easy », « live and let die », « you could be mine » et j'en passe), attisaient forcément la ferveur. Le leader du groupe courant, dansant, sautant,
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Nicolas Houguet
Pour les trois que ça intéresse, voilà le programme de ce concert qui dura plus de 2h30:
01. Intro
02. Welcome To The Jungle
03. It's So Easy
04. Mr. Brownstone
05. Live And Let Die
06. Robin Finck Solo
07. Sweet Child O'Mine
08. Madagascar
09. You Could Be Mine
10. Knockin' On Heavens Door
11. Jam / Dizzy Solo (Ziggy Stardust)
12. The Blues
13. Band Introduction
14. Richard And Robin Solo (Beautiful)
15. Out Ta Get Me
16. Ron Solo (Don't Cry)
17. Better
18. November Rain
19. IRS
20. My Michelle
21. Used To Love Her (avec Izzy Stradlin)
22. Patience (avec Izzy Stradlin)
23. Nightrain (avec Izzy Stradlin)
24. Chinese Democracy
25. Robin Finck Solo
26. Paradise City (avec Izzy Stradlin)
Charles Bukowski
Et Bukowski, très loin de lépave qui se bourrait la gueule devant Bernard Pivot dans un « Apostrophes » qui repasse régulièrement dans les zappings pathétiques, avec des spectateurs forcément offusqués devant ce vieux dégueulasse, était un écrivain de tout premier ordre. Dabord parce quil était bien davantage, il était quelquun. Ce personnage, chose pas si courante (surtout en France), a eu une vie avant décrire (chose courante par contre, aux USA, regardez Hemingway, Ellroy, Bunker, London ). Et cette vie de « clochard céleste » (pour citer Kerouac qui eut aussi une vie riche), coule dans ses écrits. Et ça palpite, on peut prendre le pouls de ses phrases. Beaucoup de beuveries, certes, beaucoup de trucs pas très reluisants, de gueule de bois, de boulots perdus, de pari au champ de course, de baises danthologie, damour. Lhistoire dun branleur magnifique qui, sil aurait pu paraître pitoyable ailleurs (vu la fréquence à laquelle il se fait virer dà peu près partout), est ici héroïque, admirable, tendre et drôle.
Un tel mépris de la norme ne peut emporter que ladhésion (en tout cas, la mienne), une telle désinvolture dans léchec et la misère, une pareille misanthropie latente et dans ce désenchantement jubilatoire, sans doute luvre du dernier vrai romantique, du dernier vrai écorché vif, du dernier vrai poète maudit comme on en avait pas vu depuis Verlaine. Et certainement pas luvre du poivrot pathétique, que les bien pensants ont viré avec délice du studio d « Apostrophes », avec cet idiot de Bernard Pivot qui passait son temps à essayer de lui fermer sa gueule en le paternalisant, en lui tapotant la cuisse dune manière presque insultante comme à un retardé (alors quil tenait là un écrivain majeur). A revoir lémission, Bukowski avait raison dinsulter ces rebelles de salon, ces anarchistes à la petite semaine, qui nont pas supporté de se trouver confrontés à un vrai de vrai.
Et puis il y a lhumour dévastateur de lauteur auteur de sentences à la sagesse définitive telles que « les pires êtres humains ont le droit de se torcher le cul » (lorsquil est engagé pour nettoyer les chiottes dun grand journal), ou encore « Janeway Smithson faisait ce boulot depuis vingt-cinq ans et était assez con pour en être fier ». Autant de phrases qui le hissent au niveau de mes héros personnels.
Jaime par dessus tout ces marginaux bravaches et fiers. Pourquoi être heureux dêtre dans le système ? Y a du courage à sen foutre, une sacrée force de résistance que je nai pas toujours, ne pas plier face à la nécessité et lui rire au nez, lui dire « Je suis plus fort que toi ». Un peu comme cette anecdote sur Brassens quand il était jeune et à qui on demandait ce quil faisait dans la vie et quil répondait fièrement « Rien ». Cest tellement grand, choquant, transgressif.
Et faut pas sy tromper, les litres dalcool engrangés par les héros de Bukowski sont finalement secondaires, cest comme une marque de fabrique pour éloigner les cons qui se diront juste, « cest juste des histoires de poivrot ». Grand bien leur fasse, quil
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Nicolas Houguet
<em>Marie Antoinette</em> de Sofia Coppola Un chef d'oeuvre sifflé après la projection de presse cannoise
Japprends avec stupeur que des journalistes ont sifflé le film. Je trouve ça assez confondant. Jai encore entendu dire un chroniqueur quil le trouvait décevant.
Juste une question : comment peut-on passer à côté dun chef duvre ? Ce film où tout est nuancé, suggéré, intelligent. Je ne sais pas
Peut-être quon ne veut plus que des choses à rebondissements et quon est plus capables de saisir une ambiance, une impression, un état dâme, une psychologie un peu poussée. Franchement, ça me mettrait presque en colère. Comment siffler ce film ? Et cette réalisatrice si raffinée, si audacieuse, si profonde, si proustienne. Ce film est envoûtant, admirable. Tout y est raffinement (« luxe, calme et volupté»), et renouveau dans la manière dont il suggère, dont il fait ressentir, la poésie de ces adolescents qui se cherchent, écrasés par une responsabilité qui les dépasse, hors de la lourdeur habituelle des films historiques conventionnels. Jamais peut-être on a approché aussi subtilement l'état d'esprit totalement déconnecté des puissants (de Versailles, de son étiquette déplacée, de sa frivolité) lorque la révolte gronde au dehors, et même si la révolution n'est que suggérée, on sent son malaise en permanence s'étendre comme une ombre sur le film.
D'ailleurs, c'est encore une preuve de grande intelligence, ce choix. ça permet de maintenir l'ambiguité entre cette reine insouciante, totalement hors du monde qui fut si décriée, et l'absurdité de son emprisonnement, de son procès et de son "martyr". Ici la reine n'est pas cette pauvre victime (quasi vierge) décrite par Stéfan Zweig et bien d'autres dans des hagiographies idolâtres, ni cette débauchée immorale qu'on guillotina avec ardeur pour ses péchés. Sofia Coppola trouve le compromis, par le truchement de Kirsten Dunst, assurément une grande actrice, capable, on le sait depuis "Virgin suicides" de jouer aussi bien l'innocence que la perversité. Je parlais hier d'égérie pour Penelope Cruz. Dunst est assurément celle de Coppola. On sent qu'elle fait corps avec ce cinema contemplatif, qu'elle en a la compréhension. On ne peut que déplorer qu'elle aille jouer les potiches dans les -par ailleurs excellents- Spiderman. Sofia Coppola lui permet de déployer toute l'ampleur de son jeu, de même qu'elle permet à la réalisatrice de déployer sa mise en scène dans une osmose magnifique.
Devant le film, je me faisais cette réflexion incongrue: "c'est un film de femme, voire de fille". J'ai toujours trouvé un peu idiot de classer les films comme ça, on se fout du sexe des créateurs. Mais, Marie-Antoinette a déjà été évoquée et le plus souvent par des hommes, qui insistent sur le côté spectaculaire du personnage, sa dimension historique et tragique. Ici elle est évoquée d'une manière intime et presque détendue, loin de la pompe et de l'emphase qu'inspirent les figures historiques. Une proximité qui ne respecte pas la distance respectueuse avec laquelle on traite de ces sujets, surtout en France, où on ne touche pas à ce qui est gravé dans le marbre (peut-être la raison des huées cannoises hystériques). Parce qu'ici, rien n'est blanc ou noir, et Louis XVI, s'il n'a pas l'envergure de sa fonction écrasante n'en demeure pas moins hum!ain et touchant (ailleurs, il est toujours ridicule et stupide). Jason Swartzman lui confère une fragilité assez attendrissante. Il me fait penser à monsieur Bovary. Le gentil gars très attachant mais sans aucune force de caractère, c'est dur de jouer ça en restant digne, et il y parvient avec brio. J'ai beaucoup aimé aussi Asia Argento en madame du Barry, cette actrice très rock n'roll confère au film son ton provocant et convient au parfum de scandale qui entourait la maîtresse de Louis XV.
Qu'en est-il de la musique, de cette pop anachronique insérée dans un film d'époq
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Nicolas Houguet
La controverse "Da Vinci code"
Alors imaginez ma surprise en apprenant que des évèques haut-placés à Rome avaient condamné le livre. Ce qui m'a fait doucement ricané étant donné que le Vatican a également condamné "Harry Potter" comme une incitation à la sorcellerie destiné à pervertir nos têtes blondes. Outre la question évidente qui vient à l'esprit : "mais n'ont ils vraiment rien d'autre à foutre?", cette réaction d'une idiotie confondante, venant de gens que j'imagine cultivés et de bonne foi (c'est de circonstance) a quelque chose d'inquiétant. Je sais pas, on voit bien que les "théories" de Dan Brown sont hautement fantaisistes et n'ont d'autres but que le divertissement. Cet auteur n'a ni le souffle, ni le talent, ni les outils pour révolutionner l'histoire de l'art, la pensée occidentale, la théologie. Quant aux médias qui se font l'écho de cette polémique... A croire qu'on vous dit en permanence "eh les mecs, vous êtes trop cons pour le comprendre, mais c'est du roman hein, de la fiction, c'est pas pour de vrai quoi". C'est aussi idiot que d'attaquer Goscinny en lui disant: "Asterix a t-il existé? Zavez des preuves? Et c'est quoi cette potion magique? C'est une arme secrète des communistes?". Bref, on vit vraiment une merveilleuse époque. Où "la passion" de Mel Gibson est presque plébiscitée par l'église alors qu'il ne délivre rien de la pensée du messie, mais où on le voit se faire tabasser pendant deux heures, avec force détails répugnants, un film qui filerait la nausée au plus endurci des sadomasos. Genre "maintenant je vous le montre se faire fouetter, je vous montre la peau arrachée par un fouet à clou, je vous montre les chutes au ralenti, mais on a tourné en araméen et en latin, on est respectueux, tout ça... Parce qu'il a souffert pour nous tous, donc il a sacrément morflé, vous comprenez? Pas encore? Bon ben allez, méchant romain tabasse le encore, ramenez nous du sang, on en a plus". La seule réplique (en araméen) de Jésus dans ce film est: "AAAAAAAAAAïE". Un peu la passion selon saint Rambo. Et le Vatican n'a pas interdit ce film autrement plus nocif, choquant et je dirais même insultant pour l'intelligence des gens qui ont la foi ou qui admirent cet homme.
Je doute que le film "Da Vinci Code" soit de meilleure qualité que le livre. Il fallait un Kubrick pour rendre le "Shining" de Stephen King intéressant, un Coppola pour transcender "le Parrain" de Mario Puzo... Ron Howard est un honnête artisan. Mais en voyant sa conférence de presse hier à Cannes, j'ai eu pitié de cet homme. Il ne cessait de hasarder "Mais c'est un film quoi...". A la question "Avez vous été convaincus par les théories du livre?", j'aurais aimé qu'il y en ait au moins un qui dise: "mais vous me prenez pour un con?". Le livre de Dan Brown
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Nicolas Houguet
L'esprit d'Anaïs
Et, lautre jour, je tombe sur cette émission « Taratata » avec cette chanteuse Anaïs et sa petite guitare qui hurle « Je haaaaaaaaais les couples ». Et là, je me dis, voilà quelque chose à quoi je peux me rattacher. ça m'était pas arrivé depuis que j'ai découvert "Les têtes raides".
Jai toujours été un fervent opposant à lidéal familial quon voit dans les pubs Nutella ou Ricoré. Genre « regardez-nous comme on est heureux, bande de misérables ratés, au milieu de notre champ de blé, à se bouffer des super tartines ! ». Moi qui suis un non-violent militant, jai eu plusieurs fois des envies de meurtre devant pareils tableaux. De même lorsquun abruti de people étale son bonheur clinquant à la une de télé 7 jours: « Untel nous présente sa meeerveilleuse septième épouse quil vient dengrosser après être le père heureux de triplés en parfaite santé ». Et ces ignobles chansons damour « je taimeeuuuuuuh, etc ». Bref cest des grosses caisses quoi, un message bien simple à assimiler pendant quon fait ses courses à lhypermarché du coin. Donc en achetant des nouilles pour le repas du soir, des millions de gens simaginent que toute cette soupe immonde au premier degré, cest le bonheur.
Alors on se réunit tous pour semmerder autour dune dinde à Noël, on se fête les mères, les pères, les grand-mères, on sachète le bouquet annuel de la saint valentin pour montrer que même si on sengueule le reste du temps, on est un couple modèle qui saime avec des enfants adooorâââbles. Et finalement, personne la, ce bonheur de papier mâché qui nexiste pas. Pourtant, on essaie de tout faire pour correspondre à larchétype épanoui véhiculé par les chansons de Céline Dion ou Lara Fabian... Mais pourquoi je ménerve moi ?
Et pis, un beau jour, Anaïs est apparue dans ma télé. Et je me suis bidonné comme une baleine anorexique (je suis pas bien gros). Bien-sûr, on l'a réduite très vite à la nana allumée qui fait des parodies de Linda Lemay ou de Carla Bruni. Les journalistes sont comme ça. Cest leur boulot de vous mettre dans des cases. Mais quand on écoute son disque « the cheap show » (le téléchargez pas, achetez-le, il est autoproduit et vachement bien, faut l'encourager cette petite), on saperçoit quavec sa belle voix et son audace, elle dénonce tout ce qui est énervant dans lindustrie de la musique qui conditionne les goûts et uniformise les mentalités Elle passe par plein d'ambiances (le blues, le rap...) avec une virtuosité confondante et peu de moyens (d'où le titre). Cette fille est sidérante.
Bon dit comme ça, ça a lair chiant, mais non ! Cest super drôle. Parce que la nana est complètement barrée (cest affectueux). Elle fait tout toute seule. La cornemuse, le saxo, laccent écossais, le rap, lambiance MTV, tout ça avec sa bouche. Pis des paroles rigolotes en plus. Je donnerai pas dexemple hors contexte, parce que ça tomberait à plat. Mais elle se moque de tout ce quon prend au sérieux ailleurs et ça fait du bieeeeeeen.
Alors, vous pensez, quand je lai vue débarquer aux « victoires de la musique » avec sa cornemuse, sa petite frimousse de petite mignonne (comme dirait ma mère) qui va faire un mauvais coup et ce magnifique T-shirt « I love Laurie », je me suis dit « jaime cette fille » (Pas Lorie, hein, vous suivez?).
Juste après Camille que javais bien aimée aussi, mais qui mavait pas fait glousser comme ça et juste avant Tryo que jai trouvé bien sympa, je me suis dit « ben là voilà ma France à moi ». Pas ce
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Nicolas Houguet
Johnny Cash
Jétais tombé sur une de ses dernières chansons, peut-être au moment de sa mort, au hasard dune émission de télé. Et sans rien connaître de cet homme qui était, paraît-il, une légende aux Etats Unis, javais été ému. Par la force rugueuse, presque rustique, par la marque du temps dans cette voix, par son côté autosuffisant, pas besoin de fioritures orchestrales pour la soutenir, lappuyer, pas de paillettes, pas de violons. Un côté minimaliste et authentique que jai tendance à rechercher de plus en plus en musique. Un peu à la manière dont jai découvert Bob Dylan il y a quelques mois, cest ainsi que jai découvert Johnny Cash. Peut-être un peu avant sa mort, je ne sais pas.
Jai vu Walk the line, la semaine dernière. Jy ai découvert cet homme simple et attachant, que je ne connaissais que par la voix, dont je ressentais déjà la personnalité dune manière un peu étrange. On sent les mecs qui nous touchent, comme ça dinstinct, et souvent, on se gourre pas, cest des gens bien. Donc derrière léblouissante performance de Joaquin Phoenix dans le rôle-titre qui chante admirablement les chansons de « lhomme en noir » avec ce timbre grave et si particulier, derrière lattendrissante Reese Witherspoon qui joue sa femme June Carter (avec qui il a eu une belle histoire damour, puisquil ne lui a survécu que quelques mois après lavoir aimée toute sa vie), je me suis souvenu de ce beau samedi dil y a trois ans où jai entendu « Redemption song » chanté par Cash et Joe Strummer (des Clash, disparu lui aussi), et que jai bloqué dessus, comme ça marrive parfois.
Et là jai connu lhomme, dont je me demande encore sil nest pas la racine du rock nroll. En tous cas, cest la première fois que je vois quelquun pris dans la folie de la gloire (la drogue, les groupies ) qui ne sy est pas perdu, qui est resté un gars bien, même au fond du trou. Le film est à limage de lhomme, attachant. Et puis il ma permis de découvrir ce disque merveilleux, le concert historique enregistré dans la prison haute sécurité de Folsom, un disque hallucinant. Cash y est en communion avec un public dont on se demande sil nest pas au bord de lémeute ou du débordement. Le chanteur leur parle, sinterrompt pour parler avec eux, ou rire dune apostrophe, quitte à casser lambiance dune chanson. Chanter spécialement pour ces détenus, sans que le concert soit une machine bien huilée, sur des rails, tous publics.
Cest ce moment unique qui a été gravé sur ce disque. Et Cash, plutôt que de leur chanter des chansons à leau de rose, leur parle de prisons, de crimes, de condamnés à mort, de marginalité, de solitude. Et ça, cest courageux. Je crois quil a été lun des premiers à donner ce genre de concert, contre lavis de sa maison de disque (Columbia) et de la société en général (qui ne va quand même pas divertir les violeurs, les meurtriers, les truands). Cash par ce concert leur rend un peu de leur humanité.
Donc Johnny Cash, cest bien plus quun chanteur de country pour péquenauds texans (« rednecks ») ou un père fondateur du Rock nroll. Il est la voix authentique et douloureuse
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Nicolas Houguet
Regard sur <em>Blonde </em>de Joyce Carol Oates
Jai découvert une grande écrivain (curieux, le féminin nexiste pas, « écrivaine » peut-être, mais le mot est hideux). Ce nétait pas intentionnel, comme la plupart des grandes découvertes, ni programmé. Lautre jour, après une période de vaches maigres en lectures, ce qui me plonge toujours dans un certain abattement, jai pris ce bouquin Blonde de Joyce Carol Oates, qui faisait partie depuis un moment des choses lointaines, qui mintéresseraient peut-être. Mais, pour une raison obscure, je lavais complètement oublié, un peu méprisé. Après tout, on connaît déjà par le menu le pathétique destin de Marilyn Monroe, la chose pouvait attendre.
Pour mon anniversaire deux chers amis mont offert un livre de photographies de Marilyn. Cétait inattendu comme un cadeau bien choisi. De belles photos sur le vif où la femme transparait derrière lencombrante icône. Ça ma rappelé ce roman que je devais lire depuis des lustres. Et puis lautre jour, dans lattente fourbue dun manuscrit en attente de publication, dans le découragement de lectures décevantes, jai enfin posé un regard distrait sur les premières lignes du roman Comme ça Pour voir Pour passer une après midi étrange, trainante et lumineuse.
Et jai été happé, pris par surprise. La dernière fois que ça mest arrivé, cétait il y a deux ans avec le Trinités de Nick Tosches. Parce que cette femme, Oates a un style tout bonnement ahurissant, à vous filer des complexes. Ma mâchoire tombait à toutes les pages, lenvie de lire à haute voix, dapplaudir, se répéter les phrases et leurs mots qui rendait si bien les sensations quils décrivaient.
Un livre étrange, impressionniste, presque, dans le secret dune conscience, dune folie qui se développe, une vie éclairée de lintérieur, à linverse de toutes les tentatives biographiques que jai pu lire (toujours extérieures, objectives). Cest comme un long monologue intérieur, même si le livre est traversé par beaucoup de personnages (tous dune richesse, dune justesse et dune complexité hallucinantes), ils sont perçus par le prisme de Norma Jeane Baker/ Marilyn Monroe.
Ainsi, cest la première fois quun livre me fait ressentir ce que cest dêtre une femme. Lart étant essentiellement masculin et nayant aimé comme ça ma été reproché- que peu de femmes écrivains, j'ai rarement vu la femme bien représentée (sauf dans Un vie ou Madame Bovary), Elle correspond plus souvent à une idée quon sen fait, à un type. Et ici, on ressent, par exemple, la douleur des règles, lacte de faire lamour, de porter un enfant, du point de vue féminin, ce qui, pour moi, est une première mais aussi une rareté, pour tout le monde.
Lhistoire, tout le monde la connaît. Sa mère était folle, elle est placée à lorphelinat, elle est une gamine fragile dans un corps développé trop rapidement dans des proportions idéales, elle devient lobjet de tous les fantasmes, traitée comme une pute par les grands pontes de Hollywood, avec des aspirations artistiques très hautes dont on ne saura jamais si elle pouvait les accomplir, des fausses couches, des mariages en forme dimprobables sauvetages, et la folie médicamenteuse qui monte, lautodestruction, la mort mystérieuse.
Tout ce cauchemar si proche du rêve américain, ce conte de fées déréglé est le sujet du livre. Une noirceur, parfois insoutenable, qui rappelle Le Dahlia noir ou American Tabloïd de James Ellroy (peut-être le meilleur auteur de ces vingts dernières années à mon avis). Blonde se hisse à sa hauteur et éclaire dune lumière crue (cruelle ?) les paradis de carton pâte.
Mais en plus dEllroy, il y a la grande empathie quéprouve Oates pour son personnage principal, qui fait quon sidentifie à elle, quon la comprend jusque dans ses épisodes les plus sombres. On a mal pour elle, on frémit pour elle, même si on connaît la fin. Oates transforme lhistoire rabâchée en magnifique tragédie, on sait quil sen faut de peu pour quelle sen so
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Nicolas Houguet
Critique du <em>Nouveau monde</em> de Terrence Malick
Je reviens de voir ce magnifique film Le Nouveau monde de Terrence Malick. C'est rare de se trouver devant un film qu'on attendait sans le savoir, qui comble un vide en vous, qui vous fait frissonner toutes les cinq minutes tellement vous le trouvez beau, touché par la grâce. Cet homme est un poète, un penseur, d'une profondeur et d'un incroyable souffle. Qu'importe s'il raconte l'histoire de Pocahontas, un peu artificielle. Il lui donne la force d'un grand opéra.
Il la transcende, il y a de l'âme dans ce que fait cet homme, une façon de vous installer comme ça, émerveillé et contemplatif dans le souffle de sa réflexion. Vous contemplez l'Amérique originelle (encore le motif du paradis perdu qu'on voyait déjà dans La ligne rouge) et la pureté de ses premiers habitants, leur étrange rencontre avec les premiers européens qu'ils croyaient venus du ciel mais qui apportent avec eux leur malaise, leur destruction, leur enfer. Mais plutôt que de tomber dans le clichés des grands méchants européens, on voit leur découragement, leur incapacité à s'adapter, leur détresse et leur désespoir. Pourtant, force est de reconnaitre qu'à voir leur colonie naissante, on s'aperçoit qu'ils détruisent la nature, alors que les autochtones vivent en harmonie avec. Et il y a cet amour éthéré entre John Smith et cette belle indienne, qui donne lieu à des moments presque désincarnés, hors du temps. Un amour pur que le monde ne saurait corrompre.
Je me suis beaucoup intéressé au sort des peuples autochtones d'Amérique et ce film, avec le Mission de Roland Joffé en est la vision la plus juste, la plus majestueuse, la plus poétique. J'aurais aimé le voir à l'époque où j'écrivais mon chapitre sur les peuples autochtones dans mon livre, ça aurait mis des images sur ce que je pensais. ça les aurait matérialisées, j'aurais pu le citer en exemple comme une illustration bien plus puissante que tous mes mots. Car oui, crions-le sur tous les toits, Terrence Malick est le plus grand poète-cinéaste de notre époque ;
Et la musique qui court dans ce film : le prélude à l'Or du Rhin de Wagner, ce magnifique concerto pourpiano de Mozart (concerto pour piano n°23, adagio).
Et la Nature qui frémit comme dans tous les films de Malick, le vent, les herbes hautes, les arbres, les rayons de soleil au travers des feuillages, et les belles pensées de ces hommes légèrement déplacés en voix-off sereines. Des moments de grâce pure.
Le grand art est rare, les grands artistes aussi, qui distillent des images tellement belles qu'elles vous mettent les larmes aux yeux. Toujours très peu de dialogues, un film presque muet, tissé d'impressions profondes, d'évocations émouvantes. Et le visage de cette jeune indienne Et la fragilité torturée de Colin Farrell Je suis ressorti du cinéma en éprouvant quelque chose comme de la reconnaissance.
Peu de gens proposent leur vision. Et quand Malick filme une rivière, une colonie, une forêt, une audience royale, un visage, un grand domaine anglais, c'est comme si c'était la première fois que vous le voyez. Il vous apprend à voir. Vous ressortez presque éperdu, submergé par l'exigence qu'exige tant de beauté, un peu enivré peut-être aussi, comme habité tellement ce film a investi votre regard.
Alors, certes, le film a son rythme propre, qu'il faut intégrer, il peut paraître difficile d'accès, même si l'histoire ressemble à un prétexte (comme souvent chez ce cinéaste). Mais c'est la marque des chefs d'uvre qui, pendant deux heures, vous ont entrainés loin de vous mêmes. Et ça, ça n'a pas de prix.
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Nicolas Houguet
Just a Perfect day...
Ya peu de soirs où on se couche en étant comblé. Ya peu de soirs où on arrive pas à trouver le sommeil tellement on est content. Parce que rien n'a cloché dans la journée, parce que tout tombait bien, à la place qu'on attendait. Je m'attends toujours à des trucs foireux, imprévus, et en général ils arrivent. Ya peu de soirs où on se couche avec le sentiment d'avoir changé, d'avoir fait quelque chose qui compte pour soi et pour les autres. Ya peu de soirs où on se sent vraiment bien, en retenant de toutes nos forces la journée qui s'efface aux douze coups de minuit. Ya peu de soirs où on est soulagé d'avoir été soi-même, complètement et sans parasites.
C'était dans l'air depuis un moment. Il y aurait la prof de français, l'homme à la caméra et l'écrivain. La prof de français connaissait la répugnance de l'écrivain à parler devant un public. Elle lui avait parlé de ça, un jour qu'ils étaient tous les trois à la sortie d'un cinéma. L'écrivain avait biaisé, à grands coups de "je sais pas trop" et de "on verra". Elle lui offrait de faire étudier quelques textes à sa classe de jeunes gens en troisième qui pourraient être intéressés selon elle. D'emblée, l'écrivain avait été flatté par l'offre. Effrayé aussi. Parce que le recueil n'était pas encore fini, ni publié, il se demandait, superstitieux, si c'était pas un peu mettre la charrue avant les bufs. Il se demandait bien aussi si ces textes allaient pouvoir captiver des personnes de quinze, seize ans. -En fait, il se demandait bien s'ils pourraient intéresser qui que ce soit-. L'homme à la caméra s'occuperait de l'emmener sur les lieux, de faire les repérages. Devant l'empressement et la diligence de ses amis, l'écrivain se trouva bientôt à court d'esquives et se sentit obligé d'accepter d'une voix fébrile.
L'écrivain est une race à part. Il doute de lui tout le temps, manque souvent de confiance et de détermination. Pourtant, la machine infernale était en route. La date fixée. Il était coincé. Au fil des semaines, il essayait de ne pas trop y penser. Mais il fut rattrapé par sa curiosité et sa vanité flattée. La prof de français préparait les cours sur lui. Elle proposa à l'écrivain de lui montrer. Il accepta. L'homme à la caméra avait trouvé son instrument. Tout était prêt. Janvier passa. Petit à petit, l'écrivain se demandait s'il avait l'assurance, l'autorité, la légitimité pour tout ça. Il commençait à imaginer un scénario catastrophe où il avait des extinctions de voix, où on ne comprenait pas ce qu'il disait, où on avait détesté tous ses textes, où on se ruait pour le lyncher ou le couvrir de goudron et de plumes. Pas de quoi se réveiller au milieu de la nuit en hurlant, mais un peu stressant quand même.
L'homme à la caméra était allé filmé les élèves la veille du grand jour, pour voir à quelle sauce l'écrivain allait être mangé. L'homme à la caméra ne parlait jamais beaucoup, sinon on aurait entendu que lui, parce qu'il était prêt du micro et tout. Mais il était sûrement préoccupé pour l'écrivain. Personne ne savait comment il allait réagir, ni si les élèves allaient le bouffer tout cru. Étant le meilleur ami de l'écrivain, il se sentait impliqué. Et ça fait bizarre pour un homme à la caméra, parce qu'il voit le monde uniquement à travers son viseur, comme un tueur à gages. Mais là, c'était plus personnel que d'habitude.
L'écrivain soupçonnait la prof de français de lui mentir pour le rassurer quand elle lui disait que les textes plaisaient à ses élèves. Ce qu'il avait retenu, c'est qu'ils pouvaient être bavards, mais gentils. La prof de français avait la pression aussi. Elle leur avait fait préparer des questions. Elle avait donné un exemple à l'écrivain : "pourquoi la mort vous fascine t'elle ?". L'écrivain avait douloureusement avalé sa salive en se disant "en plus, les questions vont être plus difficiles que prévu !". L'écrivain commençait sérieusement à s'en faire.
Puis le jour arriva. L'homme à la caméra, d'ordinaire si calme, trahit son agitation en arrivant
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Nicolas Houguet
Critique de <em>Million dollar baby</em>
Alors, oui, ce que vous avez pu entendre un peu partout est vrai. Ce film est un authentique chef d'uvre. Clint Eastwood réalise là sans doute l'un de ses plus beaux films, dix ans après le classique Impitoyable, un an après le grandiose Mystic River.
D'abord, l'histoire, poignante de cette fille qui veut boxer et qui est prête à tout pour s'en sortir. On est là à la source du rêve américain et aussi de la mythologie eastwoodienne. J'avais peur d'y voir une grande ressemblance avec l'excellent Girlfight, mais ce film-là le surpasse de bien des manières. D'abord, on retrouve ce qui fait la grandeur de l'univers du grand Clint, c'est à dire des personnages qui ont vécu, qui ont souffert, et cela transparaît à chaque seconde. Et aussi la profonde humanité avec laquelle leur histoire est traitée, sans jamais se perdre dans le pathos ou les effets de manche. Pas de fioritures, juste une sobriété, une élégance, une pureté et une pudeur qui rendent ce film très spécial.
La mise en scène touche au sublime. D'abord par sa manière d'aller toujours à l'essentiel. Eastwood est toujours au service de son film, il le réalise à la manière des grands classiques comme John Ford ou John Huston. Pas de filtres, pas d'épate ou de montages alambiqués. Juste le visage des acteurs, des décors authentiques, une caméra qui sait se faire oublier, un style dépouillé qui vous plonge au cur des évènements. On vibre tout le temps, pendant l'entraînement, pendant les matches, on s'attache énormément aux personnages et à tout ce qu'ils traversent. Parce que la caméra ne se met pas en travers de l'écran et de nos émotions. La mise en scène est d'une simplicité et d'une générosité que l'on ne voit plus au cinéma, un profond respect pour les personnages, l'histoire et finalement le spectateur.
Jamais un film de boxe n'a été maîtrisé à ce point. Précisément parce que comme souvent chez Eastwood, il s'agit de bien plus que ça, d'une réflexion sur l'humain, sur ce qu'il doit affronter pour prétendre à sa vie. Comme toujours, tout est suggéré, tout est retenu, avec une sensibilité, une humilité, une élégance et une intelligence rare. En plus d'être un grand metteur en scène, Eastwood est un grand humaniste qui n'a pas peur de s'engager courageusement sur les questions qui secouent notre société, sans jamais perdre son spectateur. Il échappe aux étiquettes. On ne peut pas le cataloguer. C'est simplement un cinéaste d'une intégrité assez unique, surtout maintenant. Quelqu'un de bien, quoi
C'est une synthèse assez troublante de tous les thèmes qui occupent Eastwood le cinéaste depuis Honkytonk man. Comment s'en sortir ? Comment se racheter ? Comment se pardonner à soi-même et gagner sa rédemption ? Ce que ça veut dire être un homme. Comment se battre pour vivre, même si ça fait mal, même si parfois on perd. Moi, ce sont des questions qui me bouleversent, et ce film les pose toutes, avec une maîtrise impressionnante. L'apparente simplicité formelle du film sert à souligner cette profondeur-là. Encore une marque de fabrique de Clint Eastwood.
Les acteurs sont exemplaires. Hilary Swank est extraordinaire. Emouvante, belle, intense, forte, naturelle, elle vous rend Maggie précieuse au premier regard. Elle est aussi impressionnante dans les scènes de combats. Bref, elle n'a pas volé son oscar. Idem pour Morgan Freeman, très touchant en vieux boxeur fini mais qui a trouvé la sagesse. Il est aussi la voix-off qui vous accompagne pendant tout le film, incarnant presque une sorte de conscience, un peu le reflet du spectateur. Son alchimie avec Clint (l'acteur) est admirable. D'ailleurs, à mon avis, ce dernier aurait pu avoir l'oscar du meilleur acteur (Et Scorsese celui du meilleur réalisateur pour Aviator, mais c'est une autre histoire) parce qu'il trouve là sans doute le plus beau rôle de sa carrière. Evidemment, il retrouve un peu le rôle de vieux bourru que l'on voyait déjà dans Impitoyable, un dur à c
Signature :
Nicolas Houguet