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LE GUÉPARD OU LA FRESQUE DE LA FIN D'UN MONDE

Philippe Godoy

Collection : Classiques pour demain

Zone géographique :
- Europe > Europe du Sud > Italie

- Europe > Europe de l'Ouest > France

Lire la critique de Pierre Assouline lemonde.fr
Est-il si sot de proposer l'analyse parallèle d'A la recherche du temps perdu, de La Marche de Radeztsky et du Guépard au programme de l'agrégation de littérature comparée ? Non seulement ce n'est pas sot mais cela s'impose. La proposition de l'universitaire de Louis Lumière/ Lyon II Philippe Godoy, spécialiste bien connu de la littérature sicilienne, a pourtant été refusée par le jury. Un italianiste ne saurait être un germaniste et le milieu des comparatistes est ainsi fait que l'ostracisme culturel y règne comme ailleurs. Aussi, pour canaliser sa déception, s'est-il jeté dans une étude du grand roman posthume de Giuseppe Tomasi di Lampedusa Le Guépard ou la fresque de la fin d'un monde (200 pages, 19 euros, L'Harmattan). C'est l'analyse la plus fine et la plus nuancée qu'il nous ait été donné de lire sur les entrailles et les viscères de ce livre exceptionnel qui doit au cinéma et au génie de Visconti d'avoir pu accéder à l'étage noble des oeuvres de légende. Deux aristocrates, certes, mais il y a loin d'un Sicilien à un Milanais… Curieux personnage que ce Lampedusa, romancier d'un seul roman, moins nostalgique de l'Ancien régime qu'on le croit car trop nourri de réalisme historique. Pour lui et les siens, dynastie princière à l'enracinement qui se croyait immémorial, 1860 fut leur 1789. Le Guépard, que l'auteur décortique et cite dans sa traduction de Jean-Paul Manganaro, (jugée rigoureuse et sensible, fidèle au "phrasé lyrique et baroque" de l'original) est le reflet de ce basculement d'un monde et des renoncements annoncés. Derrière la décadence d'une famille aristocratique s'inscrit la fin du régime des Bourbons de Naples et l'aboutissement du Risorgimento. "Faut-il en conclure que Lampedusa a écrit un roman historique ?" s'interroge Philippe Godoy. Rien de moins sûr. Il le voit plutôt comme un fresque trop autobiographique, et trop centrée sur le point de vue d'un seul, pour que l'on puisse parler de roman historique, ce qui n'est pas plus mal. Visconti poussera jusqu'à résumer l'intrigue d'une boutade :"C'est l'histoire d'un contrat de mariage". L'auteur cite d'ailleurs l'analyse de Leonardo Sciascia, si fin et si aigu comme à son habitude, rappelant que l'Histoire ne faisait qu'effleurer ce roman puisque, au fond, il commençait lorsqu'elle était déjà finie et que les dés étaient jetés. Chemin faisant, Godoy livre un récit fourmillant de détails sur l'art de vivre de la haute société sicilienne, les métaphores animales ou liées à la nature, la francophilie des moeurs et des usages de cette noblesse, l'insouciance des biens terrestres, la pudeur aristocratique des ennuis, le passé des Florio, plus fastueux couple de l'île, les refus qu'essuya Lampedusa auprès des éditeurs, le rejet critique des écrivains (Elio Vittorini, Alberto Moravia, Pratolini..) qui y voyaient le livre de droite d'un réactionnaire, et l'enthousiasme d'un seul (Giorgio Bassani), bientôt rejoint en France par Aragon et en Angleterre par E.M. Forster (tous deux louaient sa dimension stendhalienne, ce qui est bien vu), pour cette prose "riche et claire", parfois vériste, assez balzacienne dans ses influences ; il la rapproche parfois du pessimisme de Giovanni Verga même si, d'accord avec Visconti, il pointe dans Le Guépard une rupture avec la tradition littéraire sicilienne incarnée par Verga, Pirandello et De Roberto. Il livre également des clés sur les sources de Lampedusa pour l'étude du temps qu'il a isolé (1860-1910) : ses souvenirs de famille, notamment de l'arrière grand-père surnommé "le prince astronome", mais aussi des livres d'histoire sur Garibaldi et son débarquement. Il précise des détails qui nous avaient échappé : par exemple le vrai titre du tableau de Greuze devant lequel médite le prince submergé de désenchantement : Le Fils puni (plutôt que "repenti"…) et non La Mort du juste, ainsi qu'on peut le vérifier au Louvre. Au passage, il crée même le néologisme "gattopardesque" (Il Gattopardo, titre d'origine) qui sera peut-être promis à une certaine fortune et pourrait susciter, à lui seul, toute une étude sous influence… lampedusienne ! L'italianiste en Philippe Godoy rappelle à cette occasion que le titre était intraduisible : "ocelot" eût-il fallu écrire, chat sauvage et félin à la fois, mais le symbole héraldique des Salina représentait un léopard rampant, dressé sur les pattes postérieures. Qu'est-ce qui est gattopardesque, au fond ? Le sentiment de la décadence, de la perte d'un monde, du déclin d'un milieu, de l'agonie d'une société, et du désenchantement nostalgique qui l'accompagne, mais aussi la conviction d'être le sel de la terre et l'approche de la mort ("Tant qu'il y a de la mort, il y a de l'espoir" s'exclame le prince en entendant les cloches sonner) et la conviction que l'amour n'est qu'"illusion sensuelle, charnelle, éphémère". Les lecteurs de Sciascia y associeront également la notion d'une "Sicile en extension", cette civilisation si marquée par le rapport entre l'homme et la nature, la Sicile étant perçue comme une métaphore universelle de l'existence. Et puis tout de même en filigrane, car l'auteur n'abandonne rien de ses obsessions, on sent l'ardent désir de dresser des analogies avec la Recherche et La Marche de Radeztsky. Autant dans Le Guépard et dans Le Temps retrouvé, le lecteur assiste à la fin d'un monde en parallèle avec la naissance d'un autre, autant ce n'est pas le cas pas chez Roth : le crépuscule y est sans rémission, ce que Visconti avait parfaitement saisi. Les Von Trotta, tout sauf lucides, sont dépourvus de l'aura esthétique et artistique des Salina. Au fond, François-Joseph était peut-être le vrai "guépard". Mais qu'aurait-il fait, lui, de la réponse de Tancrède à son oncle Salina :"Si nous ne sommes pas là, nous non plus, ils vont nous arranger une république. Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change".? La formule fut maintes fois commentée. Philippe Godoy invite à la replacer dans son contexte et à la "traduire" ainsi :" Si les formes ne changent pas, l'évolution des esprits et des mentalités s'imprime plus harmonieusement dans le quotidien" Aujourd'hui, l'île de Lampedusa, dans l'extrême sud de l'Italie, n'évoque plus rien de noble ni de littéraire. Prononcez son nom et, dans le meilleur des cas, on ne vous parlera que de ce que c'est devenu : le grand centre d'identification et d'expulsion des échappés d'Afrique qui découvrent l'Occident par ce morceau de terre qui appartint autrefois à une famille. L'arrière-grand-père de l'écrivain en hérita avant de la vendre au roi de Naples. Pierre Assouline Lemonde.fr 31/01/09
Thématique :
- Études et essais

 
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Un demi-siècle après la sortie du Guépard, l'unique roman de Giuseppe Tomasi de Lampedusa (1896-1957), Philippe Godoy donne la première étude d'ensemble de l'oeuvre du prince sicilien devenu romancier juste avant sa mort. La lecture des écrits critiques et de quelques nouvelles éclaire en effet la genèse et la poétique d'un roman qui fut d'abord fraîchement accueilli en Italie, avant de devenir un des grands succès littéraires du XXe siècle.

  • Date de publication : janvier 2009
  • - format : 13,5 x 21,5 cm • 200 pages
  • ISBN : 978-2-296-07499-6
  • EAN13 : 9782296074996
  • EAN PDF : 9782296216761
  • (Imprimé en France)

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