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Adèle Martin

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Adèle Martin

Descriptif auteur

Douche froide est mon quatrième roman, les trois précédents ont été publiés sous mon autre nom, ou sous un pseudo, pour le premier. J'ai commencé d'écrire en 1992 et ai été publiée pour la première fois en 2012.

Titre(s), Diplôme(s) : Maîtrise de Philosophie

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LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Les soeurs Brontë

Presque toujours au service d'une famille, d'une vieille mère ou d'une tante exigeante, ou dévorées par les enfants des autres, les personnages des livres des sœurs Brontë ont inspiré, en Angleterre et en France, toute la littérature romanesque décrivant de grandes passions fraternelles, orageuses et amoureuses... et la violence des conflits, au plus épais des familles.
De Gide, Proust, Georges Bataille ("Wuthering Heights, peut-être la plus belle, la plus profondément violente des histoires d'amour") à Robert Musil, Patti Smith, Virginia Woolf et bien d'autres encore, la littérature anglaise romantique de la fin du XIXe a fourni à nombre d'auteurs un terreau fertile.
Emily Brontë, qui, née en 1818 a terminé sa vie à trente ans, est, à la faveur d'une solidité morale intangible, le rêve d'une violence sacrée que n'atténuerait nulle composition, nul accord avec la société organisée. C'est en cendres que sont réduits chez elle les sentiments ambigus, tièdes ou peu nécessaires, les doutes, les hésitations, les pusillanimités, les craintes, les lâchetés. La pureté de l'amour est retrouvée par elle dans sa vérité intime, qui est celle de l'amour, et la mort n'est rien d'autre que le signe de l'instant, qui par sa nature même renonce à la recherche calculée. L'instant de l'être individuel nouveau dépend de la mort des êtres disparus. "Si tout le reste périssait, dit Catherine Earnshaw, et qu'il demeurât, je continuerais d'être, moi aussi, et si tout le reste demeurait et qu'il fût anéanti, l'univers me deviendrait un formidable étranger : je ne semblerais plus en faire partie." C'est pourquoi nous ne pouvons avoir de l'enchantement de la vie qu'une vue tragique, mais c'est aussi pourquoi la tragédie est le signe de l'enchantement.
L'élan qui poussait Emily Brontë vers la création littéraire n'était pas dû à des souffrances ou à des blessures personnelles. Elle avait sous les yeux un monde brisé, livré au chaos, et se sentit la force de lui rendre son unité dans un livre. Il lui fallait accepter l'existence d'autres êtres, comprendre le fonctionnement du monde extérieur, rapporter les paroles d'hommes et de femmes qui existaient indépendamment d'elle-même. Elle possédait le plus singulier des pouvoirs : celui de libérer la vie de sa dépendance des faits.
(tiré de Textes critiques sur Wuthering Heights)

[Wuthering Heights a d'abord été traduit en français sous le titre Les Hauts de Hurlevent. Il signifie en fait : "Les hauts où le vent fait rage"... qui a soufflé sur ce monde réel dont le principe n'est pas véritablement la raison, mais la raison composant avec l'arbitraire, issu des violences ou des mouvements puérils du passé]

Signature :
A. Martin

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La philosophie à portée de main

Bien et mal ne sont que des éléments qui existent dans le tourbillon des mondes changeants. On peut dénoncer l'hypocrisie et vouloir se moquer de toute morale, c'est déjà en soi porter un jugement de valeur qui suppose la sincérité, qui elle-même suppose une pureté possible, même si personne ne la possède. Cette pureté, disait Vladimir Jankélévitch, guide nos jugements, sinon on ne s'expliquerait pas nos colères.

Adèle est en colère. Pour ce qu'elle a subi, pour ce qu'on lui a fait, pour la confiance ruinée, pour l'amour saccagé. Elle est en colère contre la terre entière. Et d'abord, contre elle-même. Il lui faudra exprimer cette colère pour s'en détacher. La vider.
La narratrice de ce récit, brutal, cherche une issue au tunnel dans lequel on l'a précipitée. Il faut avancer. D'abord, dans le noir le plus complet. Puis peu à peu, le jour se fait. Il s'agit, chaque matin, de prendre le pouls de son état, d'évaluer l'ampleur d'une catastrophe qui lui est tombée dessus, aussi bien que d'essayer d'entre-apercevoir les prémices de sa propre rémission. Un peu de lumière. Un peu de renouveau.
L'auteure n'a pas, en écrivant, offert ce que les gens souhaitent, une histoire qu'on écoute, dont on veut savoir la fin, le pourquoi du comment, qu'est-ce qu'il s'est passé exactement, et après, qu'est-il arrivé ? Elle a rendu compte, sans se poser de questions, et attaquant chaque jour une nouvelle page, de la seule chose qui lui restait dans un monde émotionnel soudain dévasté : l'écrit.

Considérer toute chose avec le regard objectif d'un faucon en vol ou d'un martinet qui sait qu'il ne doit pas se poser, sans quoi il ne pourra pas reprendre son envol. Il doit se nourrir en vol. Celle qui écrit après le cataclysme doit continuer de vivre. Elle s'arrête souvent dans ses tâches de tous les jours pour prendre des notes sur des petits carnets en vue du roman. Il faut déposer tout ça. Par le menu. La moindre petite idée ou sensation. Le plus petit souvenir faisant trace de la déflagration. Il s'agit d'un engagement personnel, d'une participation. Reprendre les rênes. La philosophie l'y aidera. C'est un exercice de la pensée indépendant de toute technique, sur des sujets qui peuvent concerner n'importe qui. Sur un sujet qui peut concerner n'importe qui : le viol.
Même quand il n'y a plus rien, dans la solitude la plus profonde, la philosophie est là. À portée de main : elle correspond à un besoin permanent de l'homme. C'est la grande curiosité universelle. Comprendre. Appréhender les pôles irriguant l'action humaine.
La morale, à côté, paraît ridicule et vulnérable, plaquée artificiellement si on la concentre dans le concept du Bien. À quoi se résume le Bien, pourtant, celui qui n'est pas accroché au sommet du ciel ? Au respect d'autrui, au souci de vivre pour les autres, de faire attention aux autres plus qu'à soi-même et de sacrifier son intérêt à celui d'autrui.

Signature :
A. Martin

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Auto-interview

Questions post-Douche froide

Pourquoi l'anonymat ?

Ma tronche est moins importante que ma plume et ce que j'avais envie de dire. Et je ne suis absolument pas "connue". Mais le nom d'auteur que je portais avant, pour avoir été le mien pendant longtemps, ne me convenait plus, je ne me reconnaissais plus tellement en lui et j'ai donc repris mon "nom de jeune fille" - ce qu'on appelle ainsi -, à l'occasion de la parution de cet ouvrage : Douche froide, auteur, Adèle Martin. C'est un pseudo sans en être un. Voilà pour les raisons objectives. Mais il y a aussi d'autres raisons. Comme par exemple le fait que dans un monde où les médias affichent sans cesse tout sur tout, je voulais que ce livre ne soit qu'une voix - une voix qui pouvait être celle de n'importe qui d'autre - homme, femme - qui vit dans ce monde-là, à cette époque-ci, quel que soit son âge et quelle que soit sa "génération". D'où mon choix d'un pseudo. Je crois que c'est important de se libérer parfois de toute image, dans un monde où l'image envahit et recouvre tout. Et surtout, de se libérer des images que les autres se font de nous.

Pour l'écriture de Douche froide, je me suis autorisée à être empoignée par un évènement qui s'est produit et que je n'aurais jamais pu imaginer.
J'ai ma mémoire et mes carnets de bord. Si je les consulte, je peux savoir ce que je pensais et faisais sur plusieurs dizaines d'années. C'est comme ça, je crois, que beaucoup d'écrivains travaillent. L'auteur traite du matériau qui s'enrichit au fil de sa vie, de ses expériences, de l'Histoire, et de l'oubli de l'inessentiel. Il malaxe ce qui a fait trace dans le langage et ce qui a surnagé par l'écrit, et enrichit ce corpus au fur et à mesure.
J'aime bien cette phrase de Henning Mankell : "Plus on vieillit, plus il est indispensable de savoir ce qu'on ne veut pas, et de s'en débarrasser. Sinon on en vient facilement à gaspiller le temps qu'on a."

On trouve des rêves, tout au long du récit. Est-ce que c'est important, les rêves, dans le processus d'écriture ?

Oui, très. Si on prend le temps de les observer, et d'abord, de s'en souvenir, ils permettent un voyage au cœur de notre noyau le plus essentiel. Même pas besoin de les "interpréter" comme on le faisait à une époque, presque quasi automatiquement, non, juste tenir compte du fait que le plus souvent, ils nous envoient un message sur ce que l'on doit faire, ce qui est réellement important pour nous, ce dont peut-être on doit se méfier, et ce qu'il ne faut pas accepter parfois, au risque de se trahir soi-même. Il y a un messager à l'intérieur du rêve qui débarque avec son message qu'il faut entendre. Mais on ne se souvient de ses rêves que si l'on fait l'effort de s'en souvenir tout de suite, et de le ou les noter. Il y a un metteur en scène de nos rêves qui est nous, mais plus que nous, et pas tout à fait nous... Ils sont plus crédibles et fiables, nos rêves, que n'importe lesquels de nos souvenirs qui sont souvent un tissu de mensonges que nous nous faisons à nous-mêmes.


Combien de temps passes-tu à l'écriture d'un livre?

Cela dépend bien sûr s'il s'agit d'un essai ou d'un roman. Pour l'essai, même si on limite la recherche, qui sinon serait illimitée, cela prend plus de temps. Il faut être "complet". Et pour la fiction, il y a quand même des détails qui doivent être absolument exacts : je n'aime pas l'invention pure. Disons donc entre 10 mois et un an et demi. Pour Douche froide, il m'a fallu seulement 9 mois, mais je n'avais pas à faire tout le travail de dépouillement d'archives, de lectures, autour : c'est sorti d'un jet. Jour après jour, avec parfois des interruptions totales, à certaines périodes. Rien ne venait plus. J'avais l'impression que j'avais tout dit, que je ne voulais plus rien "ajouter" ou plutôt que plus rien ne se présentait "à ajouter".
Le travail le plus long en fait, et que je préfère, c'est corriger, changer de place des parties, alléger, transformer la langue, le style, revoir la musique du texte, c'est-à-dire la ponctuation. "Écouter" le texte, comme s'il était de quelqu'un d'autre. C'est par ce travail que plein de changements s'opèrent, que personne ne verra plus tard quand le texte sera devenu livre, mais dont on sait qu'ils sont nécessaires et importants. L'ouvrage une fois publié, on souffre (c'est une vraie douleur) d'avoir laissé passer une correction à faire, un truc à changer qui malgré votre vigilance vous a échappé... Mais il y a un moment où il faut bien accepter l'idée que, voilà, c'est terminé.

Signature :
A. Martin

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L'après 13 novembre

L'après Douche froide
J'ai largement taillé dans Douche froide - l'ai dégraissé (déjà qu'il n'était pas bien épais...), ai tranché dedans à coups de serpe : 7 pages, disséminées dans tout le reste, sont tombées. Sélectionner/Couper. Et hop ! On n'en parle plus. Sans regrets. J'ai ensuite laissé passer un jour ou deux, sans rien faire du tapuscrit. Plus de trace papier. Aucune, nulle part. Soulagement. Ne garderai, et encore, pas sûr, que celle numérique dans mon dossier Documents. L'impression néanmoins, ce texte, de l'avoir enterré vivant. Encore tout chaud. Ces choses-là - ce volontaire oubli - ne durent pas. Le lendemain, je l'ai transféré sur clé USB et suis allée en faire une version papier. Recto-verso, une petite centaine de pages. Probable que les choses s'arrêteront là, me dis-je. Je mets encore plusieurs heures avant de trouver la force - et le temps ! - de feuilleter ce mince manuscrit, avec la crainte d'y trouver dedans un truc tout désossé, sabré par la censure, celle extérieure à moi et la mienne propre qui a sévi, plus que toute autre = la plus terrible, l'autocensure qui vous fait soudain tout voir avec les yeux de la peur, du dégoût, de la frilosité et du sentiment d'inutilité de toutes choses, de leur caractère absolument non nécessaire.
"Il est vain d'écrire" semblait me dire une fois de plus la grande bouche du tiroir ouvert dans lequel j'enfouissais mon Douche froide, sur quoi je sue, transpire, en chie depuis une année entière ! Le retirer de ma vue, si ce n'est de ma pensée. L'oublier, comme oublier ce qu'on appelle dans le monde des lettres, son "contenu". Ce qu'il voulait relater.
Quelqu'un, une connaissance proche et lointaine à la fois, à qui je n'ai pas parlé depuis des mois, m'a demandé (après la fameuse question "sur quoi tu travailles en ce moment ?") si je pouvais lui en faire "le pitch"... Rien que le mot (ridicule, mais cette personne vient du monde du cinéma) m'a désarçonnée. Le pitch de Douche froide ? Putain... je n'y ai jamais pensé !... Pas de pitch, pas de scénar, pas plus que de résumé ou d'intrigue, d'ailleurs... Je me suis quand même cassé le cul à essayer de lui en faire un, pour voir ce que ça donne, après tout : "Alors le pitch, comme tu dis, c'est une femme écrivain, la soixantaine, qui se fait sexuellement agresser par une jeune migrante qu'elle a entrepris d'aider et qui, après l'agression, remonte tout doucement la pente (le temps du livre)... en écrivant. Le titre, plutôt que Douche froide, pourrait en être tout aussi bien "Outrage aux bonnes mœurs", ou "Porter plainte"... L'histoire, chronologiquement, se déroule sur la période qui va entre le 7 janvier 2015 (attentats de Paris) et le 13 novembre 2015 (re-attentats de Paris). C'est un court roman sur un sujet pas facile, que personne, pas même moi qui l'ai écrit, n'arrive à encaisser : sur le bénévolat, la bonne conscience de gauche, la morale, le sexe et l'exil. La violence, aussi."
Ce texte est quelque chose dans la littérature qui arrive beaucoup trop tôt ; je pense, personne n'est prêt à le recevoir, l'entendre, le lire. Aucun éditeur, prêt à le publier. C'est son lot. Il faudra faire avec. Personne ne peut raisonnablement l'"aimer". Il rebute. Ou alors parfois je me dis qu'il arrive trop tard. Qu'on n'a plus d'oreilles pour écouter quelqu'un qui parle en son nom propre sans que cela soit un "témoignage" ou un récit, dans ce monde ultra-médiatisé où l'on n'attend plus (dans le meilleur des cas !) que la parole d'experts - d'experts en tout - qui, entre eux, sur les plateaux, n'arrêtent pas de se passer poliment (et assez hypocritement) la balle : "Et là, n'est-ce pas, je parle sous votre contrôle…", avec un discret sourire à la clé et le regard adapté orienté vers la référence en la spécialité. Moi, je ne parle sous le contrôle de personne, et je ne suis experte en rien. Amateur en tout. Allez-vous faire voir.
J'ai rouvert le tiroir à malice (et à malheur) après 48h et en ai extrait (lentement, en me demandant si je faisais bien) ce sacré foutu manuscrit. Celui que j'aime pas. Que je hais. Cet enfant de la désillusion. Et de la tristesse. Il faut être deux pour faire un petit. Ai commencé de le relire, à partir du milieu, le début (surtout le Chap.2) me brûlait trop les yeux et l'âme. Et j'ai trouvé ça très beau, très doux. Comme apaisé. Ai pensé que, finalement, j'avais réussi. Mais que la fin est effrayante car elle ouvre - alors qu'on croit que les choses semblent toutes avoir été réglées, lentement, page à page jusqu'à la 115ème - sur l'après-attentats de la fin de l'année 2015, et que tout est à refaire, absolument tout, à partir de Rien, de Zéro.
Limites de la littérature. On n'est jamais guéri. De rien.

Signature :
A. Martin

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