
Antoine Simon
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Descriptif auteur
né en 1943, publié dès 16 ans, mais préfère le public à la publication. Nombreuses interventions en France et à l'étranger.
Membre du comité international et de l'équipe d'animation du festival de poésie "Voix Vives, de Méditerranée en Méditerranée" à Sète
Antoine Simon accomplit à 17 ans le pèlerinage sur la tombe de Rimbaud, puis le parcours de Charleville à Charleroi à pieds, ensuite vit de commerce et de mots, et voilà que ça continue.
Ecrit également des articles sur l'art
Fonction(s) actuelle(s) : performer, animateur de rencontres
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AUTRES PARUTIONS
-Revue Lou Andréas, numéro spécial Antoine Simon -2001
- Sans titre, etc... éditions Telo Martius 2003
- L'Eventail avec Julien Blaine éditions NèPe 2004
- Oh cet écho sur Daniel Spoerri, catalogue Espace Peiresc Toulon 2007
- Ticket à conserver éditions Plaine Page 2009
- 2013 La Diagonale du Flou, éditions Usine Utopik
La Porte Le Livre Pauvre, Daniel Leuwers (h.c.)
2012 VR... (Variation Rapides) éditions Plaine Page
Contre-Chant éditions GrosTextes
2011 3A/POUR éditions Méridiens (serbe-français,h.c.)
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Ceci n'est pas un poème
la poésie est génie
la poésie est parfaite
la poésie est barbare
la poésie est informe
la poésie est une langue
la poésie est compatible
la poésie est un génie barbare
la poésie est un génie informe
la poésie est une langue barbare
la poésie est un génie compatible
la poésie est parfaitement géniale
la poésie est parfaitement barbare
la poésie est parfaitement informe
la poésie est une langue compatible
la poésie est parfaitement compatible
la poésie est une langue parfaitement barbare
la poésie est un génie parfaitement compatible
la poésie est un génie informe et une langue barbare
car
" La poésie est parfaitement compatible avec un génie barbare et une langue informe " Cioran " La tentation d'exister "
Et pourquoi est-ce que ceci n'est pas un poème ? Parce que on ne fait pas des poèmes avec de la poésie, dit encore Cioran : l'idée de poésie est devenue la matière poétique (du poète), sa source d'inspiration. Il chante son poème ; grave défaillance, non sens poétique. Seul l'artiste douteux part de l'art ; l'artiste véritable puise sa matière ailleurs : en soi-même.
Pierre Reverdy confirme : La poésie qui n'est que l'amour de la poésie, ce n'est que du contre-plaqué, et Henri Meschonnic enfonce le clou : De tout temps l'amour de la poésie a été la mort de la poésie
(dans " Célébration de la poésie ", Verdier 2001).
Mais au fait, la poésie, c'est quoi ? Les dictionnaires n'éclairent pas beaucoup, depuis " l'art de faire des vers " jusqu'à " l'harmonie, l'inspiration, l'élévation dans les idées et dans le style ". Alors revenons à l'étymologie : la poïesis, le poïen grec, c'est le " faire ", tout simplement. Aussitôt cette précision exprimée, Meschonnic s'empresse de distinguer deux directions : celle de la " création " qui mêle la poésie au sacré (poésie comme célébration), et celle de la " fabrication " qui mène à l'expérimentalisme, au calculisme, au " formélisme " (mot de Jacques Roubaud). Mais il demeure obstinément dans la langue et dans la littérature, comme si le passage conceptuel était infranchissable du faire " poétique " au faire dit banal.
Je dis que tout faire est poétique à son origine. Je ne suis pas le seul à le dire : Tout ce qui concerne la production des oeuvres ; et une idée générale de l'action humaine complète, depuis ses racines psychiques et physiologiques, jusqu'à ses entreprises sur la matière et sur les individus, c'est ainsi que Valéry désignait la poésie dans son " Discours sur l'esthétique " de 1937. Ainsi la distinction de Meschonnic, si elle peut s'appliquer comme une seconde branche au faire poétique, rend d'abord compte de la distinction : création=poésie et fabrication=faire banal.
Cette distinction première est dictée par l'habitude : j'accomplis un acte banal, donc je ne suis pas dans la poésie, ou alors j'ai conscience d'être dans la poésie, et alors l'acte qui était banal se colore. J.J. Lebel confirme cette idée de la poésie à l'origine, lorsqu'il dit : la poésie directe se réfère... à ce processus d'invention langagière, celui d'Artaud, ou bien celui des Dadaïstes. Une sorte de mixage schizo de tous les langages possibles, de tous les vocabulaires, de tous les phonèmes, de tous les sons, tels qu'ils se pratiquent ou s'échangent à travers le monde, mixage qui relève directement de la pensée poétique elle-même, avant qu'elle ne se constitue en littérature, en peinture, en musique, en linguistique, en discours codifié.
Progressivement, au cours du siècle passé, depuis Dada jusqu'à Fluxus, les arts sont descendus jusqu'au banal, ou plutôt, l'idée de descente connotant du péjoratif, ont recouvré leur banalité, et puis leur décloisonnement, leurs mélanges ont abouti à la pensée fluxus que tout est poésie, que tout est art (Ben), que " tout le monde est artiste ". Nous savions déjà, depuis Duchamp, que c'est le regardeur qui fait l'uvre, à la limite elle n'a même pas besoin d'être faite, l'uvre, il suffit qu'elle soit conçue, la pensée devient oeuvre et la poésie est partout.
Cet éclatement des frontières, cette banalité en art, c'est dans ce qu'on a appelé la " performance " qu'on les rencontre le mieux, même si le terme est controversé, répudié par certains, et pas des moindres, tels que Michel Journiac, qui préfère le terme d' " action " ou J.J. Lebel qui aurait aimé faire adopter " poésie directe ", mais, comme il le dit, le mot poésie charrie trop d'idées toutes faites pour s'imposer en neuf. La performance se définit comme une action impliquant le corps, devant un public, ayant une certaine durée. Esther Ferrer dira La performance c'est l'art de l'espace, la présence et le temps.
Personnellement j'ai envie de réhabiliter le terme, loin des dérives vers le sport ou la seule musique, par le biais du sens linguistique de son adjectif : " performatif (ive) ", qui se dit d'un verbe dont l'énonciation constitue simultanément l'action qu'il exprime, tels que promettre, dire, jurer... " (Larousse 1985). Je donnerai donc volontiers comme définition à la performance : action artistique dont le sens s'épuise dans le temps même de son déroulement. Ce qui n'exclut évidemment pas la résonance en cascade chez le receveur car, c'est Georges Perros qui le dit, La poésie n'est pas obscure parce qu'on ne la comprend pas mais parce qu'on n'en finit pas de la comprendre.
Cette définition que je donne de la performance me paraît suffisamment ouverte pour accueillir quantité d'actions diverses, assez stricte cependant pour bannir les écueils de la performance tels qu'énumérés par l'énergumène Julien Blaine : 4 dangers : 1/ le gag trop intelligent (du type one man show, c'est moi qui parenthèse) 2/ le gag trop idiot (du type TF1) 3/ la saynète théâtrale (petit théâtre télé) 4/ Le monologue pour cabaret à touristes ; 1 risque : la longueur (qui non seulement épuise le sens de l'action, mais aussi les auditeurs/spectateurs) ; 5 contenus néfastes : 1/ l'engagement simpliste et altruiste (boyscoutisme primaire bien pensant qui n'apporte rien) 2/ le sexuellement nu ou opaque (sans autre raison que lui-même) 3/ les symboliques et les rituels pisse de chat et caca-boudin (qui dissimulent du vide derrière des faux-semblants d'intelligence) 5/ le retour au happening, gutaï et autres spectacles avec participation obligatoire du public (avec souvent une participation minimale, juste pour avoir fait participer en croyant innover) 4/ la mise en scène de l'antipathie spontanée et radicale des artistes entre-deux (entre deux âges, entre deux styles, entre deux etc...) à l'égard des autres artistes (jeunes ou vieux, physiques ou technologiques, etc...). Ici nous rejoignons les distinctions exprimées par Meschonnic entre " calculisme, expérimentalisme " opposés à " sentimentalisme ou émotionnalisme ". Inversement la même réaction se produit, le cérébral qui met de l'écho raisonné dans sa performance dédaignera le spontané qui ne fait que brasser de l'émotion. Bien sûr ce sont des extrêmes, selon Meschonnic du poème n'advient que lorsque les deux sont réunis. En général les choses se nuancent, chacun dosant selon.
Ce dernier contenu néfaste qui menace la performance n'est pas fait pour lui donner bonne presse aux yeux de poètes restés obstinément " textuels " en dépit des évolutions manifestes, ainsi Meschonnic toujours (opus cité) : Trop souvent ce n'est pas la dimension écrite que la performance exclut, c'est le poème tout court, remplacé par des effets de voix, et de porte-voix, effets de corps, ou de manches à quoi J. Blaine rétorque, par la voix et le corps, qu'il faut sortir le mot de sa gangue,
sans doute pour en extraire l'or de Baudelaire. Le " trop souvent " chez Meschonnic est une tricherie dans laquelle le lecteur voit " toujours ", de plus la tournure de la phrase laisse entendre comme une évidence que la dimension écrite est évacuée de la performance, or ce n'est pas mon expérience, ni ma pratique, c'est même tout le contraire que je constate : en règle générale, après en avoir vu beaucoup, je peux dire que la " dimension écrite " est le facteur prépondérant des performances. Mais là n'est pas vraiment la question, écrite ou pas, la poésie se joue maintenant, et joue son avenir, dans la performance, fédérant toutes les branches de son art, ou pas, mobilisant toutes les ressources et les humeurs du corps, ou pas, utilisant toutes les technologies imaginables, ou pas, ayant acquis le droit de dire tout, y compris elle-même, et d'ailleurs, avouons-le :
CECI EST UN POEME
Antoine SIMON