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Bernard Belin

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Bernard Belin

Descriptif auteur

Parcours étudiant :
• Universités (Facultés des Sciences) de Besançon, d'Alger, de Paris-Orsay ;
• ORSTOM. Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer.

Parcours professionnel :
• Education spécialisée :
– Educateur / AHSSEA : Association Haut-Saônoise de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence ;
• Enseignement supérieur - Recherche scientifique :
– Assistant des Facultés des sciences / Université d'Alger : Laboratoire de Botanique générale ;
– ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer : Section de Botanique et biologie végétale.
• Direction d'Organismes sociaux :
– Adjoint au Directeur Général de l'Union Nationale des Associations de Parents d'Enfants Inadaptés (UNAPEI) ;
– Directeur, Directeur fondateur honoraire du Comité national de Coordination de l'Action en faveur des personnes Handicapées (CCAH) / Directeur, Président du CCAH-Promotion Sociale et Professionnelle (CCAH-PSP).

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AUTRES PARUTIONS

*"La véritable histoire de TRISTAN et YSEUT", Paris, Editions du Cygne, 2017, 112 p.

*"Le Mythe d'ACTÉON & La véritable histoire d'HYLACTOR et PAMPHAGOS, Paris, Editions du Cygne, 2015, 94 p.

*"Jacques BREL, T'as voulu voir VESOUL... !", Franche-Comté Culture & Patrimoine (Vesoul Edition), 2013, 256 p., phot. coul. (Préface : Editions Jacques Brel / Bruxelles)

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

VESOUL, Capitale d'ÉTAT (27 janvier 1814 - 6 juin 1814) [État = Franche-Comté (Haute-Saône, Doubs, Jura) + Département des Vosges + Principauté de Porrentruy + Principauté (Comté) de Montbéliard] <em>"...T'as voulu voir Vesoul... et T'as quitté Vesoul" </em>(Jacques Brel, 1968), comme auparavant le Tsar Alexandre Ier de Russie, l'Empereur François II d'Autriche, le Roi Frédéric III de Prusse, le Comte d'Artois (futur Charles X), Metternich...

1814 : "Vesoul, capitale d'ÉTAT". Non pas Vesoul capitale d'une province comme le fut Besançon, mais "Vesoul capitale d'un ÉTAT", comme Dole l'avait été en son temps !

Nous sommes en 1814. Après la Bataille des Nations, après la défaite de Leipzig (16-19 octobre 1813) face à la coalition des "Hautes Puissances Alliées" contre la France (Empire Russe, Empire d'Autriche, Royaume de Prusse, Royaume Uni, etc.), NAPOLÉON était rentré à Paris. Après avoir échoué à vouloir conquérir l'Europe et le monde, il en était réduit à devoir organiser la défense du territoire de la France.
Il doit faire face dans l'Est à l'avancée des troupes coalisées. Les Autrichiens ayant franchi le Rhin à Bâle pénétrèrent en Franche-Comté le 25 décembre 1813. Le préfet, le baron [d'Empire] Jean-François HILAIRE, pris de panique en apprenant qu'un peloton de chevau-légers marche de Ronchamp sur Lure, abandonne tout à la fois la préfecture ayant son siège en l'actuel Hôtel Henrion de Magnoncourt, rue de Mailly, ses administrés et la Haute-Saône pour se réfugier à Langres puis, se ressaisissant, revient à Vesoul. Le 3 janvier 1814 "treize hussards hongrois complétement ivres et se tenant à peine sur leurs chevaux pénétraient à Vesoul et neutralisaient les 250 soldats français présents", s'emparaient de la préfecture en même temps que de la Ville et arrêtaient HILAIRE (concomitamment destitué par le gouvernement impérial de ses fonctions de préfet pour abandon de poste).
{ L'ex-préfet HILAIRE sera conduit à Bâle pour être emprisonné ensuite au Wurtemberg en la forteresse d'Ulm. Par décret impérial du même jour est nommé un nouveau préfet : le baron [d'Empire] Alexandre-André de FLAVIGNY, lequel en raison des circonstances n'est pas en mesure de prendre possession de son poste. Il ne s'installera que fin avril 1814, maintenu dans ses fonctions par une ordonnance signée de Monsieur, Lieutenant général du Royaume (titre accordé au frère du roi). }

Le lendemain arrivait le Troisième corps de l'armée autrichienne fort de 36.000 hommes, commandé par le général Ignácz GIULAY. Les jours qui suivent, le Grand quartier-général du feld-maréchal prince Charles-Philippe de SCHWARTZENBERG, général en chef de l'Armée autrichienne (futur généralissime des Armées alliées contre la France) et sa nombreuse suite s'installeront à Vesoul durant plusieurs jours. Au cours des mois suivants, du fait de sa situation sur la grande route de Paris, de nombreuses autres troupes convergèrent sur Vesoul où elles durent être hébergées.
{ D'après un relevé fait dans les bureaux de l'officier autrichien qui commandait la place, la ville de Vesoul (7579 habitants) logea, du 17 janvier au 22 juin 1814 en y comprenant les séjours : 18.073 officiers, 1.222.302 soldats et 744.779 chevaux. }

Le chef-lieu de la Haute-Saône recevra notamment : le 19 janvier l'Empereur de Russie ALEXANDRE Ier qui passe la nuit dans la Maison Junot, rue Haute (actuelle rue baron Bouvier) ; le 21 janvier l'Empereur d'Autriche FRANÇOIS II logé une nuit à la Maison Viney, également rue Haute ; puis les 23 et 24 janvier le Roi de Prusse FRÉDÉRIC III qui passera deux nuits en l'actuel Hôtel Raillard de Grandvelle (angle place du Grand-Puits / rue de Mailly). Les trois souverains se retrouveront à Langres le 25 janvier.
De ce Conseil des Monarques des "Hautes Puissances Alliées" il ressort la création d'une entité différemment qualifiée par les mémorialistes : État Franc-Comtois / État-tampon entre l'Allemagne et la France / sorte de Principauté / ou encore Un des sept Gouvernements au sein du "rayon" de l'Est échu à l'Autriche, parmi les trois "rayons" des territoires occupés, une entité constituée de l'ancienne Province de Franche-Comté (Haute-Saône, Doubs, Jura), du Département des Vosges et de la Principauté de Porrentruy, ayant Vesoul pour capitale. Son gouvernement est confié par les "Hautes Puissances Alliées" à un Gouverneur-général (General-Gouverneur) : le baron Conrad Charles Frédéric d'ANDLAW. En l'absence de précision quant à la localisation du siège dudit Gouvernement-général, on peut supposer qu'il s'agissait du bâtiment de la préfecture : l'Hôtel Henrion de Magnoncourt.

Qui était le baron d'ANDLAW ? Juge au conseil aulique de Fribourg-en-Brisgau, le grand-duc Charles Frédéric de SAXE-WEIMAR le nomme président de son gouvernement et le charge de diverses ambassades à travers l'Europe, notamment à Vienne et à Paris (il sera reçu en audience d'adieu par NAPOLÉON). Il est amené à côtoyer les souverains des "Hautes Puissances Alliées" réunis à Fribourg-en-Brisgau en vue de préparer l'invasion de la France. A cette occasion, il héberge l'Empereur ALEXANDRE Ier de Russie dans sa propre maison et côtoie le Chancelier d'Autriche, le Prince de METTERNICH, avec lequel il est parent par alliance. Et, "administrateur émérite au caractère élevé" et "homme d'une intelligence et d'une habileté rares", il se retrouve Gouverneur-général ! Entre temps il a aussi noué des relations avec la noblesse comtoise, notamment le marquis Clément-Édouard de MOUSTIER et le comte Pierre-Georges de SCEY.
Le baron d'ANDLAW désigne un commissaire du Gouvernement-général pour chaque partie du territoire :
- Haute-Saône : Jean-Philippe de WILDERMETH, citoyen suisse, dévoué à la cause des Bourbons (puis comte de FELSCH) ;
- Doubs : Pierre-Georges de SCEY, également dévoué à la cause des Bourbons ;
[Besançon assiégée et sa population, retranchée à l'abri derrière les fortifications (citadelle / enceinte de remparts, casemates, bastions et tours sur la rive gauche de la boucle du Doubs), ne se soumettront pas et, en conséquence, le commissaire s'installera à Ornans !] ;
- Jura : comte de HENNIN (puis baron de KÖNIGSTURM) ;
- Vosges : comte Ludwig von ARMANSPERG ;
[Placé sous le commandement du comte Carl Philipp von WREDE, général en chef de l'armée bavaroise, celui-ci avait dès le 16 janvier pourvu le Département d'un préfet provisoire, le comte Ludwig von ARMANSPERG, chambellan du Roi de Prusse, et il avait été ordonné à tous d'exécuter ses ordres. C'est le même ARMANSPERG qu'ANDLAW désignera quelques jours plus tard commissaire pour les Vosges du Gouvernement-général. En fait ARMANSPERG et les Vosges échapperont à l'autorité du Gouverneur-général] ;
- Principauté de Porrentruy : Conrad de BILLIEUX, beau-frère d'ANDLAW.

C'est par une proclamation du baron d'ANDLAW (Freyherr von Andlaw), datée de Vesoul le 27 janvier 1814, affichée sur deux colonnes, en allemand et en français - colonne de gauche : "An die Bewohner Der FRANCHE-COMTÉ, des Departements Der VOSGESEN und des Fürstenthums BRUNTRUTT" (1) ; colonne de droite : "Aux Habitans de la FRANCHE-COMTÉ, du Département des VOSGES et de la Principauté de PORRENTRUI" (2) - que les populations concernées furent informées que "les Hautes Puissances Alliées exigent que chacun se soumette aux Autorités sous la direction du Gouverneur-général, [lequel] requiert toutes les Autorités judiciaires et administratives de continuer leurs fonctions, [précisant que] les châtiments les plus sévères tomberaient sur ceux qui s'opposeraient aux vues bienfaisantes des Monarques alliés".
Par une ordonnance du 4 février 1814 la Principauté de MONTBÉLIARD (Fürstenthum MÖMPELGARD) sera incluse au territoire placé sous l'autorité du Gouverneur-général d'ANDLAW.
Hormis les exceptions vosgienne et bisontine, et si l'on en croit P.-A. PIDOUX : À quelques exceptions près "l'administration des maires et des sous-préfets continua comme auparavant ; il n'y eut de changé que le gouvernement qui fut M. d'ANDLAW au lieu de NAPOLÉON Ier et la capitale qui fut Vesoul au lieu de Paris. Et tout marcha dès lors aussi bien ou plutôt aussi mal qu'auparavant […]. Le Conseil de préfecture se distinguait par sa docilité".
{ Les conseillers de préfecture se verront ultérieurement accusés de s'être pliés aux exigences de l'occupant. }


Louis MONNIER (1909) et Joseph-N. COURVOISIER (1988) énumèrent les actions menées par le Gouvernement-général [abolition des droits réunis : impôts sur les tabacs, boissons et distilleries, voitures publiques, cartes à jouer, objets d'or et d'argent / ordre de créer 5400 places (sic) + 3400 places (resic) en hôpitaux dont 2000 à Vesoul, 1000 à Gray et 7 hôpitaux nouveaux dans les bourgs (Champlitte, Jussey, Favernay, Luxeuil, Montigny-lès-Vesoul, + Vaivre, + Bithaine, + Filain, + Echenoz-le-Sec, + Saint-Rémy) pour accueillir les blessés des champs de bataille et aussi les nombreux malades au cours de l'hiver, ceci avec une participation financière exigée des 600 propriétaires les plus importants du département / organisation de l'exploitation des forêts avec le "Quart en réserve" destiné à produire de la futaie / appel aux "paisibles habitants des campagnes" pour les encourager à ensemencer et cultiver leurs champs avec en contrepartie la protection assurée des habitants, de leur bétail et de leurs biens contre toute dégradation militaire / etc.].

Le baron d'ANDLAW à peine entré en fonction, Vesoul hérita d'un hôte encombrant, le frère puîné de feu LOUIS XVI et du comte de PROVENCE (futur LOUIS XVIII), en l'occurrence le comte d'ARTOIS (futur CHARLES X). Venant d'Angleterre, celui-ci avait décidé de se rendre en France où il pénètre avec l'arrière garde de l'armée autrichienne. De Bâle, sachant que nombre de nobles de la région étaient partisans des Bourbons, il gagne la Franche Comté et Pontarlier, et arrive le 21 février 1814 à Vesoul, plus toléré qu'accepté tant par le Gouverneur-général que par le Général autrichien HIRCH, commandant militaire de la place, qui lui retirent ses passeports et lui interdisent de quitter la Ville. Il s'installa à l'Hôtel de la Magdeleine, à l'entrée du "Faubourg Bas" (actuelle rue Paul Morel). De Vesoul, signant du titre de Monsieur, Lieutenant général du Royaume, il rédigera et enverra à Paris une proclamation annonciatrice du retour du roi. S'il est attendu ou/et accueilli ou/et salué par divers membres de la noblesse locale, notamment MM. de GRAMMONT, de GRANDVELLE, de MAGNONCOURT, de MONCIEL… et aussi de SCEY, le comte d'ARTOIS reçut de la population vésulienne, selon les mémorialistes, une réception plurielle allant "de l'hostilité et des insultes isolées" à "froid et réservé, le petit peuple lâchant des sarcasmes contre cette minorité" jusqu'à "très favorable, avec enthousiasme et une vive curiosité" et "acclamé de tous côtés". Il faussera compagnie à Vesoul vingt-trois jours après son arrivée. Durant son séjour le Gouverneur-général se montra tolérant à l'égard des manifestations en faveur de la royauté.
{Dix ans plus tard, en 1824, Son Altesse Royale CHARLES X (anciennement comte d'ARTOIS et ayant succédé à son frère LOUIS XVIII) - en souvenir des sentiments à la cause royale que ses partisans firent éclater en sa présence en 1814 - élèvera Vesoul, malgré la faiblesse de sa population, au rang des Bonnes villes du Royaume ayant le droit d'envoyer leur Maire à la cérémonie du sacre le 29 mai 1825 à la cathédrale de Reims.}
Passeront également, fin février 1814, METTERNICH - le temps d'installer à Vesoul des bureaux à demeure de la Chancellerie autrichienne - accompagné de Lord CASTELREAGH, ministre anglais des Affaires étrangères, ambassadeur auprès des "Hautes Puissances Alliées" contre la France.

NAPOLÉON avait quitté Paris le 25 janvier 1814 pour rejoindre la tête de l'Armée à Vitry-le-François. Au cours de la Campagne de France qui s'ensuivit, les troupes d'occupation traverseront Vesoul et y feront étape, alternant départs et retours - imitées en cela par la Chancellerie… et le Gouverneur-général - au gré de leurs défaites (Champaubert, Montmirail, Château-Thierry, Vauchamps, Mormant, Montereau, Craonne, Reims) et de leurs victoires (Soissons, Laon, Augereau, Arcy-sur-Aube, Fère-Champenoise), ceci jusqu'à la Bataille de Paris et la capitulation de NAPOLÉON le 30 mars 1814, suivie de son abdication à Fontainebleau le 4 avril 1814.

LOUIS XVIII est proclamé roi le 6 avril 1814. Avec la Restauration (la première), l'autorité du Gouverneur-général d'ANDLAW ayant tendance à être ignorée par certaines communes, il signa l'ordonnance ci-après publiée dans le N°17 daté du 29 avril 1814 de son "Recueil des actes administratifs" bihebdomadaire paraissant le mardi et le vendredi :
"Le Gouverneur-général informé que plusieurs autorités sont dans la fausse persuasion que l'action du Gouverneur-général a cessé et refusent d'exécuter les ordres qui en émanent, doit leur faire connaître qu'elles sont dans l'erreur, et que, d'après les ordres qu'il vient de recevoir, toute autorité qui se permettrait de méconnaître et d'entraver celle du Gouverneur-général serait sur le champ destituée et encourrait les peines les plus graves. Cette ordonnance sera transmise par piéton extraordinaire [une armée de porteurs !] dans toutes les communes du ressort du gouvernement et sera affichée à la diligence des Maires et sous leur responsabilité. Ils la feront aussi publier au son de la caisse afin que personne ne puisse prétexter cause d'ignorance".
Ce fut le dernier acte d'autorité du Gouverneur-général d'ANDLAW. L'ultime N° 21 de son "Recueil des actes administratifs" sera daté du 13 mai 1814.

Le 14 mai 1814 un commissaire extraordinaire du roi LOUIS XVIII arrivait à Besançon et l'autorité en Haute-Saône reviendra au préfet de FLAVIGNY. Le 11 juin la garnison autrichienne quittait la Ville. Le baron d'ANDLAW quittera Vesoul avec METTERNICH et retrouvera ses fonctions de juge au Conseil aulique de Fribourg-en-Brisgau.

Notes :
(1) An die Bewohner DER FRANCHE-COMTÉ, des Départements DER VOSGESEN und des Fürstenthums BRUNTRUTT.
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Die Anstregungen der Hohen verbündeten Machte zur Erkunpfung eines sicheren und dauerhaften Friedens habenIhre siegreichen Heere in eure Wohnsitze geführt.
Jeder Begierde nach Rache fremd, haben Sie die grossmüthige Absicht ausgesprochen, dass mitten unter den Schrecknissen des Krieges, dessen Nothwendigheit Sie mit euch beklagen, den schuldlosen Opfern eines unbegrensten Ehrgeises unvermeidliches Uebel moeglichst erleichtert werden soll. Eine Wirkung dieser, wahrhaft grosser Monarchen würdigen Gesinnung, ist die Errichtung eines General-Gouvernements über euere Departemente, zu dessen Verwaltung Ihr Vertrauen mich berufen xxxxxxx
An uns ist es, den Erwartungen zu entsprechen die Sie von uns hegen. Wenn es meine Sorge seyn wird, in Ihrem Geiste zu eueren Wohle mitzuwirken, so bin ich berechtiget, ein Gleiches von euch zu verlangen Vor […] fordre ich sœmmtliche Verwaltung und Justisbehœrden, die Ihre Sitze nicht verlassen haben, auf, ihre Verrichtungen ununterbrocken fortzusetzen.Die Hohen verbündeten Mœchte führen nicht Krieg mit den Gesetzen, die Bürgschaft leisten für die Sicherheit eurer Personen und eueres Eigenthurthums. Es ist Ihr ernstlicher Wille, dass Jeder den Anordnungen seiner Vorgesetzten, unter Oberaufsicht des General-Gouvernements gehorche, uns die Entwicklung der grossen Weltbegebenheiten ruhig erwarte.
Bewohner der Departemente Haute-Saône, Doubs, Jura, Vogesen und des Fürstenthums Bruntrutt ! Die strengste Ahndung würde den treffen, der den wohlthoetigen Absichten der verbündeten Monarchen entgegenwirken wollte. Ich setze das Vertrauen in euch, dass ihr sie nicht misskennen werdet ! Zwanzigjœhrige Leiden habeneuch dis gross Wahrheit bestœtiget, dass nur das […] bestehen vermag, was auf Gerechtigheit und […] sich gründet. Diese theur erkaufte Erfahrung wird f¨r Frankreich nichr verloren gehn. Die Sache des Hohen verkündeten Mœchte so augenscheinlich von einer hœheren Weltordnung beschützt, ist eure Sache. Sie werden euch sowohl, als Ihren Vœlkern den erseknten Frieden schenken, und dankbar werdet ihr Sie segnen.
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Vesoul, den 27 Januar 1814
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Der General-Gouverneur,
Freyherr von Andlaw.
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Aus Auftrug Sr. Excellenz :
Der General-Secretair,

Freyherr von Neveu.


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(2) Aux Habitans de la FRANCHE-COMTE, du Département des VOSGES et de la Principauté de PORRENTRUI.
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Les efforts des Hautes Puissances alliées pour conquérir une paix sûre et solide, ont conduit dans vos foyers leurs Armées victorieuses.
Etrangères à une vengeance opposée à leurs sentiments magnanimes, Elles déplorent les maux inévitables à la guerre, et désirent les alléger aux victimes innocentes d'une ambition démesurée. Ce sentiment, digne de Monarques véritablement grands, les a portés à établir pour vous un Gouvernement-général qui m'a été confié.
C'est à nous de justifier leur attente. Si de mon côté je donne tous mes soins à m'occuper de votre bien-être dans l'esprit qui les anime, il est de toute rigueur que vous y coopériez du vôtre. En conséquence je requiers toutes les Autorités judiciaires et administratives qui n'ont point abandonné leurs places, de continuer leurs fonctions. Les Hautes Puissances alliées ne font pas la guerre aux lois ; Elles veulent les maintenir pour la sûreté de vos personnes et de vos propriétés. Elles exigent que chacun se soumette aux Autorités sous la direction du Gouvernement-général, et que tranquille il attende l'issue des évènements.
Habitants des Départements de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura, des Vosges et de la Principauté de Porrentrui, les châtiments les plus sévères tomberaient sur ceux qui s'opposeraient aux vues bienfaisantes des Monarques alliés : j'ai toute confiance que vous ne les méconnaîtrez point. Vingt années de malheur vous ont confirmé cette grande vérité, que sans justice, sans modération, rien ne peut subsister. Cette expérience, si chèrement achetée, n'aura pas été perdue pour la France.
La cause des Hautes Puissances alliées, si visiblement protégée de la Providence, est aussi la vôtre ; ce n'est pas moins à vous qu'à leurs peuples qu'Elles assureront enfin une paix si vivement désirée, et vous en bénirez les augustes Auteurs.
-
Vesoul, 27 Janvier 1814.
-
Le Gouverneur-général,
Baron d'Andlaw.
-
Par Son Excellence :
Le Secrétaire-général
,
Baron de Neveu.


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BIBLIOGRAPHIE
-
Francis BORREY (Capitaine), La Franche-Comté en 1814, Thèse pour le doctorat ès lettres présentée à la Faculté des Lettres de l'Université de Besançon, Paris et Nancy, Berger-Levrault Editeurs, 1912, 310 p.
-
P.-J.-B. BUCHEZ, Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées Nationales depuis 1789 jusqu'en 1815, Paris, Paulin Libraire, 1838, Tome Trente-Neuvième, 532 p.
-
Joseph N. COURVOISIER (Docteur), "Le baron d'Andlaw, Gouverneur-général de Franche-Comté à VESOUL en 1814, dans le contexte politique et militaire de l'époque", in Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon et de Franche-Comté, Procès-verbaux et Mémoires, 1988, Volume 187 (Années 1986-1987 / Séance du 20 octobre 1986), 350 p. (p. 115-135).
-
F.P. LUBIS, Histoire de la Restauration : 1814-1830, Paris, À la Société de l'Histoire de la Restauration, 1837, Tome Deuxième, 531 p.
-
Louis MONNIER, Histoire de la Ville de VESOUL, Avec de nombreuses reproductions de monuments et de portraits, Vesoul, Imprimerie et Librairie Louis Bon, 1909, Tome Premier, 387 p. ; 1910 / Tome Second, 448 p.
-
P.-A. PIDOUX, "VESOUL, Capitale d'État (27 janvier - 6 juin 1814)", in Bulletin de la Société d'agriculture, lettres, sciences & arts du département de la Haute-Saône (SALSA), Vesoul, Imprimerie et Librairie Louis Bon, 1906, Quatrième Série, N°6, XXXII p. + 127 p. (p. 107-119) + 178 p.
-
P.-André PIDOUX de la MADUÈRE (Baron), Ma Vieille FRANCHE-COMTÉ, [Ouvrage illustré de dessins à la plume par S. Pidoux de la Maduère et d'une carte dressée par Joseph Villot ; Portrait de Monsieur Pidoux de la Maduère par A. Ventard ; Bibliographie des œuvres d'André Pidoux de la Maduère. Ouvrage édité par les soins des amis et des admirateurs de Pierre-André PIDOUX de la MADUÈRE en l'honneur de son jubilé littéraire comme HISTORIEN DE SA FRANCHE-COMTÉ (MDCCCLXXXXIII-MCMXLIII)], Paris, Librairie Gabriel Enault, (1943), 1944, 194 p.
-
L. SUCHAUX, La Haute-Saône, Dictionnaire historique, topographique et statistique des Communes du Département, Vesoul, Imprimerie et Lithographie de A. Suchaux, 1866, Tome II, 412 p., Plans et Dessins.
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Association Haut-Saônoise de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (AHSSEA) <em><em></em></em> de 1959 à 1964 : <em>"Centre éducatif et professionnei"</em> dit <em>"Foyer des jeunes apprentis (FJA)"</em> [actuel <em>"Centre éducatif Marcel ROZARD"</em>] <em>"Le Château"</em> de Frotey-lès-Vesoul (Haute-Saône)

Citation :
...à la manière de "Je me souviens" de Georges PÉREC (1)(2)(3)
lui-même s'étant inspiré de "I remember" de Joe BRAINARD (4)
.

70e ANNIVERSAIRE de l'AHSSEA

1
Je me souviens que pour aller de Vesoul à Besançon, la seule route était la RN 57 qui traversait Rioz et puis Voray-sur-l'Ognon, avec une série de virages dangereux. Dont un à angle droit à l'entrée du village, lieu de récurrentes sorties de route... suivies d'intrusions non moins récurrentes dans la vitrine d'en face !
Je me souviens aussi que la vitesse N'était PAS limitée !

2
Je me souviens de la fermeture aux voyageurs par la SNCF le 11 mai 1959 de la ligne Vesoul-Besançon. Ses onze gares voyageurs (Haute-Saône : Villers-le-Sec, Vallerois-le-Bois, Dampierre-sur-Linotte, Montbozon, Loulans-les-Forges, lesquelles gares ne savaient pas qu'un jour, désaffectées, elles jalonneraient une voie verte dite "Le Chemin Vert" / Doubs : Rigney, Moncey, Merey-Vieilley, Devecey, Auxon-Dessus, Miserey) deviennent des gares marchandises.
Ce même 11 mai 1959, la SNCF - décision kafkaïenne (!) - ferme aussi aux marchandises le service par voie ferrée entre... Loulans-les-Forges (Haute-Saône : Région SNCF "Est") et... Rigney (Doubs : Région SNCF "Sud-Est") !
Auxon-Dessus (simple halte ferroviaire = arrêt sans personnel permanent, sur la ligne omnibus à voie unique reliant Vesoul à Besançon-Viotte) n'imaginait pas que "Gare d'Auxon" deviendrait synonyme en 2011 de "Gare de Besançon Franche-Comté TGV" sur la "Ligne à Grande Vitesse (LGV) Rhin-Rhône / Branche Est (Dijon-Besançon-Montbéliard-Mulhouse)" !

3
Je me souviens du Pont Blanc (remplacé en 1980 par un pont à échangeur routier), à la sortie de Frotey, sur la RN 19, avec en léger contrebas La Bonne Auberge (actuel Eurotel-Le Saint Jacques), à cheval sur les communes de Frotey-lès-Vesoul (Impasse Bel Air) et de Vesoul.

4
Je me souviens que - créée en 1945 - AHSSEA signifiait Association Haut-Saônoise... "de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence" qui deviendra en 1996 : "pour la Sauvegarde de l'Enfant à l'Adulte".

5
Je me souviens que le "Parc du Château de Frotey", boisé et embroussaillé, comptait seulement TROIS bâtiments : "Le Château", "Les Communs du Château" et "Le Pavillon".

6
Je me souviens que la Sauvegarde de la Haute-Saône, c'était uniquement "Frotey" et son Centre éducatif et professionnel ("Le Château" + "Les Communs" hébergeant le Groupe scolaire) - dit officieusement Foyer des Jeunes Apprentis (FJA) - qui ne savait pas qu'il se nommerait un jour Centre éducatif "Marcel Rozard".

7
Je me souviens que le jeune et directif "Directeur" du Foyer des Jeunes Apprentis, Marcel ROZARD (Chef Marcel = Tarzan = Le Bouc = Sioux) (5), l'âme de la maison, n'était pas… "Général".

8
Je me souviens que l'obligation scolaire était jusqu'à 14 (quatorze) ans.

9
Je me souviens que la majorité était fixée à 21 (VINGT-et-UN) ans !

10
Je me souviens que c'était la "Guerre d'Algérie", officiellement "Opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord" ou "Événements d'Algérie" ou "Pacification de l'Algérie".

11
Je me souviens que nombre de ceux des Gars (6) du Château reconnus physiquement "bons pour le Service Armée" (après leurs "Trois Jours" au centre de sélection de Mâcon) rejoignaient le contingent d'appelés envoyés en... Algérie !

12
Je me souviens que la durée légale du Service militaire était de 18 mois.
Je me souviens que certains Gars n'avaient pas 21 ans à la libération de leurs obligations militaires.
Je me souviens qu'à leur retour, ils étaient de nouveau "placés" au Château !

13
Je me souviens que, au Château, pour une soixantaine de Gars (Groupe du 1er étage / Groupe du 2e étage) de 15 à 21 ans, il y avait TROIS éducateurs et UN stagiaire d'école.

14
Je me souviens que le café au lait du petit-déjeuner était préparé la veille au soir, vers 21 heures… qu'il passait la nuit à la cuisine dans un grand fait-tout métallique… et qu'on le réchauffait le lendemain matin sur un réchaud à gaz butane. À l'époque c'était comme cela !

15
Je me souviens que 2 ou 3 fois dans l'année, le matin, le café au lait avait "tourné" et qu'il revenait à l'éducateur de service à 5 h 30, avec l'aide d'un ou plusieurs Gars de... (re)faire "vite fait bien fait" un p'tit déj pour tout le monde.

16
Je me souviens que les trois apprentis boulangers partaient au travail à 1 heure du matin (qu'il fallait donc veiller à ce qu'ils dorment une partie de l'après-midi !)… que les employés chez BENNASAR (Fruits et primeurs en gros) commençaient à 4 heures du matin… que le lever était à 5 h 30 pour quelques-uns, pour d'autres à 6 h et pour les autres à 6 h 30.
Je me souviens que ceux qui travaillaient dans la restauration (La Bonne Auberge) pouvaient finir tard le soir et récupéraient le matin.
Autant de réveils étalés dans le temps selon le rythme nycthéméral complexe du FJA...


17
Je me souviens qu'un veilleur de nuit avait fini par être embauché.
Je me souviens du premier veilleur recruté, "taillé dans un manche de sucette", auquel il arrivait de… me réveiller (j'occupais le rez-de-chaussée du Pavillon)… parce qu'il ne parvenait pas à faire se lever les boulangers ! Je me souviens qu'avec l'arrivée de Lucien HUFFSCHMIDT, je n'ai plus été tiré de mon sommeil… tout du moins pour cette raison.

18
Je me souviens que lorsque le Procureur ou la Juge des Enfants ou l'Inspectrice de la Direction de la Population et de l'Action Sociale (à laquelle a succédé la DDASS puis la DDCSPP) plaçait un Gars au Château, il N'était même PAS pensable de trouver que son comportement était par trop difficile.

19
Je me souviens que - en application des Accords collectifs de travail UNARSEA-ANEJI (7) du 16 mars 1958 adaptés à la "Sauce Rozard-Frotey" - les horaires de travail des éducateurs étaient de 55 (cinquante cinq) heures par semaine, pour être plus précis 110 heures réparties sur 2 semaines (dont un dimanche sur 2).
Je me souviens que lesdits Accords étaient à la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 actuellement en vigueur, ce que l'Homme du Val de Neander, Homo neanderthalis, était à Homo sapiens.

20
Je me souviens du Samedi soir après dîner… du "rassemblement" hebdomadaire dans le Hall d'entrée… des interventions très pratico-pédagogiques du Chef Marcel.
Je me souviens que, impatients, argent de poche… en poche, les Gars s'égaillaient ensuite sur le Chemin des Prés, qui à pied, qui à vélo, qui à mobylette, avec le plus souvent la perspective d'une "soirée ciné" (dûment enregistrée sur le "Cahier de veille").
Je me souviens des quatre salles de cinéma du Vesoul d'alors : Majestic (Bd de Besançon devenu Bd Charles de Gaulle), Rex (Av. Aristide Briand), ABC (Pl. du Champ-de-Foire devenue Pl. Pierre Rénet / actuel Restaurant Le Théâtre chez Jane) et Stella (Rue Jules Ferry), tous quatre disparus à ce jour.

21
Je me souviens que la TV (RTF Télévision / chaîne unique / noir et blanc) est arrivée en 1962 (8)… et que TOUS les Gars descendaient de leurs chambres pour regarder "Intervilles" (Guy LUX, Léon ZITRONE, Simone GARNIER... et les exotiques vachettes landaises) dans le Hall d'entrée.

22
Je me souviens que la TV ce furent ensuite notamment "Aventures dans les Îles" avec Le Capitaine TROY (Gardner McKAY), "Au nom de la loi" avec Josh RANDALL (Steve McQUEEN), etc.
Je me souviens que Juliette MONNOT, Éducatrice du Groupe scolaire, Haute-Douboise "Abergeuse" (of Labergement-Sainte-Marie), préférait Le Capitaine TROY et que Chantal POVEDA, Éducatrice au Château, Gardoise "Uzétienne" (of Uzès) à l'accent ensoleillé, exilée dans la froidure haute-saônoise, aimait mieux Josh RANDALL... À moins que ce ne soit le contraire !?

23
Je me souviens que, la semaine, le matin à 8 heures, au "rassemblement" des quelques Gars occasionnellement désœuvrés, ceux-ci étaient orientés en fonction de leurs personnalité et compétence pour travailler soit avec Monsieur MICHEL, le Chef de cuisine, soit au jardin-potager avec Monsieur DIRAND, soit à l'entretien avec "Monsieur Jean" [MINAZZI] ou/et un éducateur.

24
Je me souviens, avec plusieurs Gars costauds, avoir déblayé le rez-de-chaussée du bâtiment "Les Communs" encombré de poutres et autres matériaux lourds et volumineux entassés depuis des décennies, afin que puissent se poursuivre les travaux d'aménagement des locaux pour l'accueil du Groupe scolaire s'agrandissant.
Je me souviens, avec deux ou trois Gars et sous la conduite technique de "Monsieur Jean", avoir coulé la (et en même temps appris à couler une) dalle en béton qui est toujours devant le Pavillon. Gâcher à la pelle le mélange "graviers + sable + ciment + eau" avec les Gars "bétonnait" aussi fortement les relations. (En langage branché actuel : "créait du lien social... au sein du projet éducatif individuel... !").

25
Je me souviens de Monsieur TOURDOT, Augustin, Président de la Sauvegarde, (Directeur départemental de la jeunesse et des sports), et de sa décapotable rouge.

26
Je me souviens du docteur Robert HENRY, médecin généraliste habituel du FJA, (ayant son cabinet médical à Vesoul), par ailleurs mycologue, éminent spécialiste de la famille des champignons basidiomycètes que sont les Cortinariaceae (9), auteur des descriptions princeps de très nombreuses espèces du genre Cortinarius (10) et auquel ont été dédiées plusieurs autres espèces nouvelles dont Cortinarius henricii Reumaux (1980).

27
Je me souviens du docteur Jean-Louis BEAUDOUIN (11), médecin psychiatre attitré du FJA, (médecin-chef à l'Hôpital psychiatrique de Saint-Rémy), qui ne savait pas qu'il serait Président de la Sauvegarde un jour… et que plus tard un IME porterait son nom.

28
Je me souviens très bien de la très jeune Suzanne LAMBERT qui ne savait pas qu'elle serait AUJOURD'HUI Présidente, en même temps que "LA MÉMOIRE" de la Sauvegarde.

29
Je me souviens de Monsieur BEY, Louis, économe, et de sa blouse blanche.
Je me souviens que Monsieur BEY était désolé que les Gars n'apprécient pas les endives.

30
Je me souviens des artisans maîtres d'apprentissage et des employeurs de Vesoul et d'alentour qu'étaient les Métaux Ouvrés, Bois Secs, Limes Magot, Usine Mérinos, entreprises des métiers du bâtiment (maçonnerie / plâtrerie-peinture / carrelage / menuiserie / électricité / matériaux de construction) et d'autres secteurs très divers (boulangerie / boucherie / restauration / maraîchage / laiterie-fromagerie / bûcheronnage / scierie / laverie-blanchisserie / garage / quincaillerie / prothésiste dentaire / gare SNCF / etc.) et aussi du Centre FPA de Navenne. Tous ces lieux de formations et d'emplois étaient visités régulièrement par les éducateurs de groupe.

31
Je me souviens qu'un maçon pouvait partir travailler le matin chez LOCATELLI… s'engueuler avec le chef de chantier au cours de la journée… et revenir le soir ayant (re)trouvé du boulot entre temps chez BINDA ou CILIA (ou vice versa).
Je me souviens que les emplois ne manquaient pas… et que c'était un des gros avantages de l'époque… qui avait aussi ses gros inconvénients ! (Cf. 10 à 12 ci-dessus !)

32
Je me souviens que le Dimanche matin (lever 8 heures 30), après le petit-déjeuner, le Château et la cour et le parc grouillaient de Gars, de vélos, de mobylettes.
Je me souviens que j'aimais cette ambiance pour le moins… VIVANTE !


33 (Botanique : séquoia géant, noyer noir, fèvier d'Amérique... )
Je me souviens de la relative richesse botanique (le terme "biodiversité" n'avait pas encore été inventé) du Parc du Château...
• Je me souviens (derrière l'un des buts du terrain de foot d'alors, côté Chemin des Prés… lequel Chemin ne savait pas qu'il se nommerait Rue Marcel Rozard un jour) du Sequoiadendron giganteum (Lindl.) J. Buchholz, Séquoia géant à l'épaisse et spongieuse écorce rougeâtre, pouvant vivre des centaines voire milliers d'années. [Heureusement ! Le Séquoia est toujours là... ]
• Je me souviens (à mi-chemin entre Château et Pavillon, à droite) du magnifique Juglans nigra L., noyer noir ou noyer d'Amérique (dénommé par ailleurs à tort noyer d'Espagne), essence au bois d'ébénisterie de couleur brun foncé très recherché.
Je me souviens de son abattage - en même temps que celui d'autres arbres disséminés dans le parc - rendu nécessaire en 1962 aux fins de financer les frais afférents à l'achat du Château et de la propriété. (12) [Immenses regrets ! Nécessité fit loi ! Irremplaçable !]
• Je me souviens des deux rares et précieux Gleditsia triacanthos L., Févier d'Amérique à longues épines triples sur le tronc et les branches, ou "Épines du Christ", qui passent pour avoir servi à tresser la Sainte Couronne posée sur la tête de J.-C. avant sa crucifixion (à droite du chemin menant des Communs au Pavillon, face à l'angle du bâtiment Les Communs). Je ne pouvais pas imaginer que ces deux solides arbres au bois très dur seraient coupés (sans raison) à la fin des années 1970 par un directeur du FJA pour le moins ignare ès botaniques et par des faux-bûcherons, les vrais se refusent à abattre cet arbre au "caractère sacré".
[Que les fantômes des deux Nymphes Hamadryades protectrices de ces deux Gleditsia viennent tirer par les pieds le protagoniste de ce sylvestre crime, chaque année la nuit du Jour anniversaire où a été commise cette hérésie ! Châtiment léger pour un tel double attentat végétal par rapport à celui de Erysichthon, (Cf. Ovide, Métamorphoses) condamné à une faim insatiable par Déméter, la déesse de l'agriculture, pour avoir abattu le chêne sacré dans lequel vivait la Nymphe Hamadryade Déoia !]
C'est le même directeur du FJA de l'époque qui a aussi neutralisé "ma" vigne vierge (Parthenocissus sp.) - deux pieds plantés par mes soins avec la bénédiction du Chef Marcel - qui a végétalisé partiellement de longues années la façade du Château... !
• Je me souviens (au bord de l'étang) des deux décoratifs Cercis siliquastrum L., Arbres de Judée aux fleurs rose vif apparaissant sur les branches anciennes avant les feuilles et semblant sortir directement de l'écorce. Aujourd'hui disparus. >[Esthétiquement dommage... mais remplaçables...]
• Je me souviens aussi de quelques espèces herbacées intéressantes [Apparemment disparues... ?] :
- la discrète onagracée Circaea lutetiana L., Circée de Paris ou Herbe-des-sorcières, à petites fleurs à seulement - ce qui est peu fréquent - deux pétales, deux sépales rosés, deux étamines et un style rose (une "station" au bord et à droite du chemin menant du Château aux Communs) ;
- l'explosive Impatiens noli-tangere L., Impatiente ne-me-touchez-pas ou Balsamine des bois, à fleurs jaunes (pétales et sépales pétaloïdes en forme de cornet recourbé à son extrémité) et dont le fruit (capsule allongée) mûr éclate au moindre contact et projette les graines à distance pendant que ses parois s'enroulent en spirale (une "station" sous les fenêtres du Pavillon) ;
- l'ornementale et succulente crassulacée Sedum telephium (L.) Hoffm., Grand Orpin (un "tapis monospécifique" verdâtre derrière le Château, sous les arbres).

34 (Botanique : Ifs... et piscine...)
Je me souviens des Ifs (Taxus baccata L.) au bord de la piscine, à l'époque un bassin rugueux aux murs et fond en ciment brut de décoffrage, alimenté par l'eau de la Colombine. En conséquence il fallait régulièrement nettoyer les murs et le fond colonisés par les algues et lichens, une tâche ardue assurée par les gars eux-mêmes avec le Chef Marcel et le plus souvent ou les Chefs "Popol", Mouge ou Sandretti.
J'avoue (!) n'avoir lâchement jamais participé à cette activité de grattage-nettoyage (inutile débauche d'énergie à mes yeux), véritable travail de Sisyphe qui revenait... à "faucher" (!) la partie visible du thalle des lichens... dont la partie incluse dans le ciment ne demandait alors qu'à repousser illico... avec d'autant plus de vigueur après chaque "fauchage"... !!!
Je me souviens que ladite "piscine"… était ouverte aux jeunes du village… qu'il n'y avait pas de dispositif de sécurité. À l'époque c'était comme cela !
Et les Ifs ?!... Je me souviens, un matin d'hiver, à 5 h 30, les avoir découverts dans un triste état, toutes les branches "écartelées" sous le poids d'une neige lourde et collante tombée sans interruption durant la nuit.
Je me souviens de les avoir… déneigés sur l'instant… puis redressés et étayés et resserrés et ceinturés à l'aide de fil de fer au cours de la journée… de les avoir traités l'année suivante à deux reprises (avec le concours du Service Départemental de la Protection des Végétaux) contre une atteinte cryptogamique consécutive à la multitude de brisures des rameaux et à l'importance des plaies occasionnées mal cicatrisées…
Cinquante années après, "mes" Ifs, ayant un peu perdu de leur superbe, sont (à une exception près) toujours là ! (A l'époque les propriétés de la molécule paclitaxe secrétée par le Taxus et commercialisée sous le nom de "Taxol" n'avaient pas encore été mises en évidence).

35
Je me souviens qu'il est arrivé que le Château, avec son effectif d'une bonne soixantaine de Gars, et une dizaine en plus (service de placement) pendant le week-end, soit amené à fonctionner plusieurs semaines de suite (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24) avec seulement DEUX éducateurs + le Chef Marcel !
Je me souviens que lorsque je suis arrivé, jeune éducateur, au Château, comme collègues il y avait Michel THUAULT et Claude VIGNERON qui étaient sur le départ, et Jean-Paul RÉMOND dit "Popol". "Popol" qui l'année suivante s'en ira deux ans en formation et reviendra. Entre temps et ensuite arriveront / partiront / reviendront [ou pas] Jacky MOUGE, [Chantal POVEDA], [Jacques NINNIN], Gérard SANDRETTI, Robert COUSSON.
Je me souviens de la succession de stagiaires d'écoles d'éducateurs en formation, en provenance d'Epinay-sur-Seine ou Lyon, exceptionnellement Lausanne.

36
Je me souviens évidemment de Rachid AÏT SI SELMI et de Marcel GORGÉ, stagiaires des écoles d'Épinay-sur-Seine et de Lausanne, avec lesquels des amitiés pérennes rares et précieuses allaient se nouer :
• 1960. Un Franc-Comtois (B.B.) et un Berbère de Grande Kabylie (R.A-S-S.) respectivement originaires des départements français de Haute-Saône et de Tizi-Ouzou (tous deux potentiellement en situation de se trouver face à face en Algérie) et un Suisse (M.G.), helvète neutre (hors conflit) originaire du canton frontalier de Vaud proche, neutre et hors conflit, et éventuellement "accueillant" en cette période troublée ;
• 1962. Accords d'Évian mettant fin à cette "guerre sans nom" pour les uns, et pour les autres "Révolution algérienne" ou "Guerre de libération nationale" ou "Guerre d'indépendance", démarrée en 1954 - et naissance de la République Algérienne Démocratique et Populaire (RADP) ;
• 1964. Le trio "Kabyle + Vaudois + Haut-Saônois" se retrouve à coopérer de conserve, en paix, en la toute nouvelle République, à Alger et sa proche banlieue : [R.A-S-S. : Ministère de la Jeunesse et des Sports (Instructeur à l'École nationale de formation d'éducateurs spécialisés de Aïn Benian, anciennement Guyotville) / M.G. : Coopération Technique Suisse (Éducateur spécialisé au Centre pour adolescents en difficulté de Birkhadem) / B.B. : Coopération Technique Française (Assistant de l'Enseignement supérieur à la Faculté des sciences de l'Université d'Alger)]
Je me souviens qu'entre 1960 et 1964 les temps avaient décidément bien changé !


37
Je me souviens que, chaque Dimanche matin, les Gars nettoyaient et rangeaient leurs chambres (chambres de 4 / sauf celle de 3 des boulangers) et assuraient leur part des services communs (couloirs, escaliers, hall d'entrée, salles à manger, locaux des douches, salle de sport, cour, etc.).
Je me souviens qu'à midi le Château était propre, presque "comme un sou neuf".

38
Je me souviens que chaque Groupe avait "SA" Salle à manger, que chaque jeune déjeunait et dînait à "SA" Table, à "SA" Place, et avec "SON" Éducateur. Bref, le plus proche possible d'une vie ordinaire en famille. (Et pas dans un self-service - aussi sympathique et agréable et moderne soit-il (!) - ouvert au public et par définition impersonnel.)

39
Je me souviens que, vivant au Château au quotidien, dimanches comme jours fériés, - avec le Chef Marcel et les éducateurs, et au contact des tout aussi peu nombreux autres adultes du FJA (1 secrétaire / 1 économe / 1 cuisinier et 2 ou 3 aides de cuisine / 2 lingères / 1 jardinier / 1 homme d'entretien / 1 veilleur de nuit / et la rassurante permanence "infirmerie familiale" du soir) -, les Gars pouvaient se sentir "chez eux".
Je me souviens que les soirs de Noël et du 31 décembre, avec les Gars, les deux Groupes réunis (seule une minorité partait en "permission" dans leurs familles) dans la salle de sport transformée en salle de réveillon, c'était plutôt chaleureux et joyeux.

40
Je me souviens que O., un Samedi soir, était venu me demander poliment s'il pouvait utiliser un imperméable abandonné sur un porte-manteau dans le Hall d'entrée. Autorisation donnée. Je me souviens que, la minute d'après, il avait piqué la mobylette toute neuve du jardinier pour se rendre au cinéma. Je me souviens que Monsieur DIRAND N'était PAS content. O. était tout nouveau. Il ne savait pas que jamais un Gars n'avait "emprunté !" un bien à un membre du personnel. Je me souviens que c'était comme cela !
Je me souviens que les Gars salariés rapportaient leur paie (réglée en espèces) le Samedi et que le montant de celle-ci était crédité sur leur compte personnel. Je me souviens que V. avait déclaré avoir perdu sa paie, que j'avais cru V., que le Chef Marcel ne l'avait pas cru, que lors de son départ un an plus tard V. est venu me confier (1/3 aveux + 1/3 excuses + "gros" 1/3 amusement) que ce jour-là il avait bien détourné et gardé sa paie.
Je me souviens de... de...
Je me souviens évidemment de centaines de situations graves ou/et sérieuses ou/et difficiles... et de centaines de situations plus légères ou/et émouvantes ou/et carrément drôles qui peuvent émailler la vie en communauté d'une telle composite et originale collectivité ouverte sur le monde extérieur et évoluant au fil du temps (la durée des séjours au "Château" de ces Gars âgés entre 14/15 ans et 20/21 ans pouvant varier de quelques mois à plusieurs années).

41
Je me souviens que le Chef Marcel se faisait un point d'honneur - non avoué - d'accueillir au FJA des jeunes que d'autres établissements n'avaient pu ou/et su garder.

42
Je me souviens qu'il existait un local d'isolement ("gnouf") au rez-de-chaussée du Pavillon, utilisé dans des situations extrêmes, c'est-à-dire rarement. Je me souviens que c'était nécessaire.

43
Je me souviens de l'épidémie d'oreillons qui avait touché un Gars sur deux… qu'un très bref instant les services de la Préfecture avaient administrativement et logiquement émis l'idée que les "pensionnaires" retournent "chez eux"… que le Chef Marcel avait rappelé que pour le plus grand nombre ils n'avaient aucun autre "chez eux"…
Je me souviens que la vie au Château avait continué… quasiment comme si rien n'était… et que les éducateurs présents + le Chef Marcel étaient restés solides au poste.

44
Je me souviens de Pilou, mon renard, qui avait croqué la plus belle poule du "Père" DIRAND ! Je me souviens que Monsieur DIRAND n'était pas content du tout. Et que le Chef Marcel en avait rendu humoristiquement compte dans Compagnon (13 bis).
Je me souviens qu'à l'époque, en Haute-Saône, les renards n'étaient pas réputés vecteurs de l'échinococcose alvéolaire et de la trichinose. Mais peut-être que cela ne se savait pas ?


45
Je me souviens que travailler au quotidien avec Marcel ROZARD était souvent très enthousiasmant.

46
Je me souviens que travailler au quotidien avec Marcel ROZARD, ce N'était quand même PAS tous les jours le "travail dans la joie" ! ! !

47
Je me souviens avoir vu UNE fois le Chef Marcel en "costume et chemise blanche et cravate" ! Tarzan en représentation…
Je me souviens que c'était le Jour de l'inauguration officielle du Bâtiment "Les Communs" rénové pour accueillir le Groupe scolaire, avec Préfet, Sénateur et Député, Conseiller général et Maire, Président du Tribunal et Procureur et Juge des enfants, Directeur départemental de la Population et de l'Action Sociale et Inspectrice, etc.

48
Je me souviens qu'après 1964, notamment entre 1969 et jusqu'en 1983, - éloignés géographiquement du fait de nos respectives fonctions Frotéenne et Parisienne -, nos relations amicalo-professionnelles ne furent qu'enrichissantes et sympathiques. (Entre temps, en 1971, Marcel ROZARD était devenu… "Général", le Premier Directeur Général de l'Association et des Etablissements et Services d'une Sauvegarde de la Haute-Saône reconnue d'utilité publique en 1961 et en pleine expansion sous son impulsion).
Je me souviens que Marcel ROZARD me tutoyait et que je le voussoyais.
Je me souviens que c'était naturel et qu'il en fut ainsi jusqu'en ce fatidique Printemps 1983, le 6 avril !

49
Je NE me souviens PAS que Jacques BREL se fût arrêté la nuit du 28 juillet 1960... à Frotey-lès-Vesoul... au 2, Impasse Bel Air... à La Bonne Auberge et en avait signé le Livre d'Or.
Jacqueline KIELWASSER, elle, se souvient qu'il lui avait promis ce soir-là d'écrire un jour une chanson sur Vesoul… (14)(15).
S'ensuivront, huit années plus tard, en 1968 : Vesoul... et son célébrissime : "Chauffe Marcel... "

50
Je me souviens du "rire" de Marcel ROZARD... ! Je l'entends encore...
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Bernard BELIN
12 octobre 2015
(mis à jour)


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70e ANNIVERSAIRE de l'AHSSEA (Suite)

"Centre éducatif et professionnei" dit "Foyer des jeunes apprentis (FJA)"

de 1959 à 1965 : "Le GROUPE SCOLAIRE" ("Les Communs du Château")

par
Claude BRESSY
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Je me souviens (aussi)…
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Etre arrivé sur les chapeaux de roues aux "Scolaires", l'estomac au bord des lèvres, récupéré par "chef Nacer" au volant de sa Dauphine à la gare de Vesoul.

Des vacances sous la tente chaque été, dans le Haut-Doubs, au bord du lac de Champagney, et même d'un camp itinérant aux confins de la Haute-Saône et des Vosges, sac à dos, à pied, et hébergement "chez l'habitant"

Des années passées à "Gérôme", dont la rentrée en 4ème Moderne en 1959 en particulier, et du regard pour le moins curieux, voire circonspect, de mes jeunes condisciples, au début ("un gars de Frotey", "du Centre").(16)

Des cross dans la Prairie, le dimanche matin, sous la conduite de "Chef Marcel".

De la distribution du "pécule" (l'argent de poche) le samedi, dont le montant était fonction du compte personnel, alimenté par les mandats familiaux. Régulé aussi par le comportement de chacun : résultats scolaires, participation aux tâches communes (mise du couvert, débarras des tables ; navette entre la cuisine et le réfectoire ; entretien des chambres et du couloir à l'étage, parquet qu'il fallait nettoyer, passer éventuellement à la paille de fer et cirer !).
Cet argent de poche nous permettait de participer au chiffre d'affaire de la petite épicerie du village, et pour certains, de s'approvisionner au bureau de tabac en "P4" et autres "Gauloises", à la découverte du plaisir interdit de la fumée de tabac. Quelques-uns aussi achetaient des ouvrages "licencieux", telles les revues de naturisme, mais dont les photos ne nous permettaient que de rêver sur des anatomies féminines littéralement "effacées" par la censure de l'époque...

Du cinéma paroissial, tenu par le curé de la paroisse. Places à 1 F, voire un peu plus en fonction du rang et du "confort" relatif du siège, en bois à peine recouvert d'un discret rembourrage. Les "actualités" dataient bien souvent des années d'avant-guerre, et les films, en noir et blanc, n'étaient guère plus jeunes !

De ce même prêtre, qui le dimanche matin à la messe, et en chaire à la fin du sermon, permettait ou non aux agriculteurs présents d'aller travailler aux champs, "le jour du Seigneur".

D'avoir, avec certains camarades, travaillé à la "cuisine" le samedi ou le dimanche, en remplacement du personnel en repos dominical, qui à la plonge, qui à l'essuyage de la vaisselle, l'épluchage des pommes de terre dans la "grosse machine", qui à la cuisine comme "gâte-sauce". Cela nous permettait de bénéficier de meilleures portions…

D'avoir jardiné sur de petits lopins de terre, entre "Le Château" et "Les Communs". Mais les récoltes n'allaient pas de soi, entre limaces, insectes, et autres prédateurs, certains "grands", qui nous pillaient littéralement…


De la douche du mercredi soir et du samedi soir, après avoir récupéré notre linge propre à la Lingerie, domaine réservé de Madame PLAT (17) et de son adjointe Madame SCHMIDT.

D'avoir fréquenté l'infirmerie du "Château", où œuvrait Madame ROZARD, la femme de "Chef Marcel". Elle assurait la "bobologie" au jour le jour, faisait venir le médecin généraliste et assurait le bon suivi du traitement prescrit. La tenue du carnet de santé, la pesée et la mensuration lui incombaient également. Certains bénéficiaient aussi d'un suivi "spécialisé", et ont pu aussi participer à des essais thérapeutiques par le Docteur BEAUDOUIN, "à l'insu de leur plein gré"...

Je me souviens aussi d'avoir été amoureux de Fanny, la jeune épouse de "chef Jacques" (ROLLET), qui participait à nos camps de vacances en été, à Champagney en particulier…
De Mademoiselle LAMBERT, Suzanne, qui avait 17 ou 18 ans quand je suis arrivé à Frotey, un "amour de jeunesse" aussi pour nombre d'entre nous…
De Mademoiselle MONNOT (Juliette), qui fut une mère pour nombre de jeunes et moins jeunes "scolaires", certains aussi amoureux sans doute...
Des soirées "télé" dans le hall, donnant sur la chambre de Juliette et sur la salle de classe. Soirées "ORTF" en fait, une chaîne en noir et blanc, avec les speakerines "tronc" et les séquences "Interlude" plus souvent que prévu, au gré des pannes d'émetteurs ou des ruptures de films…

De certains camarades de "l'Assistance", invités à Paris par la Loterie Nationale aux tirages de Noël ou du Nouvel An. Ils nous en faisaient un récit extraordinaire, entre grands restaurants, spectacles et cadeaux reçus. Parmi ceux qui restaient, certains regrettaient, tel Poil de Carotte, de n'avoir pas été orphelins…

Des munitions de la guerre 39/45 retrouvées alentour, dans La Colombine en particulier, dont certains démontaient les "balles traçantes" pour récupérer le phosphore blanc. Quelques brûlures pour certains…

De la piscine du Château, qui permettait aussi aux jeunes du village de se baigner, et de les rencontrer en dehors de l'école et de la messe…

Du patinage avec des lames se fixant sur des grosses chaussures, lorsque le Durgeon était gelé.

De la piscine de Vesoul, qui avait remplacé la baignade organisée sur une des berges du Durgeon.
Nous y avions "nos entrées", car certains d'entre nous, au printemps avant la mise en eau, participions à son nettoyage, avec des balais-brosse…

Des défilés du 14 juillet, avec la retraite aux flambeaux, et nombre d'entre nous "se battaient" pour en être les porteurs...

Du travail sur des chantiers du "Père Loca" (Monsieur Locatelli, entrepreneur de maçonnerie et père de Madame Rozard), qui nous permettait aussi d'augmenter notre pécule… (18)

D'avoir travaillé dans une blanchisserie, au repassage de draps, pour me payer mon premier "vrai" appareil photo… Le travail en station debout prolongée est vraiment pénible, même pour des jambes de 14 ou 15 ans…

Du monôme après le premier bac en 1964, au cours duquel, avec quelques autre lycéens, je fus "arrêté" par les policiers vésuliens, et relâché peu de temps après…


De mon premier voyage lointain, en partie en auto-stop, à 17 ans, jusqu'en Écosse…
Prélude au grand périple réalisé en 1967, avec l'autorisation de Monsieur Rozard (je n'avais que 20 ans, et la majorité était alors à 21 ans), qui m'a mené jusqu'à Bombay, pour y faire connaissance de visu avec "ma" correspondante indienne, avec qui je correspondais depuis la classe de 3ème.(19)

De mon départ à NANCY, pour m'inscrire à la faculté de Médecine, et d'avoir eu comme condisciples les filles et fils "de" médecins, dentistes, spécialistes ou industriels de Vesoul…
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Docteur Claude BRESSY
12 octobre 2015
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AHSSEA. "la Sauvegarde visionnaire et fondatrice" 1945-2015. L'histoire d'une association haut-saônoise, de monsieur Rozard à aujourd'hui, Frotey-lès-Vesoul, AHSSEA (Édition par l'), 4e trimestre 2015, 152 p.
[Edité à l'occasion du 70ème Anniversaire de l'AHSSEA et rédigé à partir des archives écrites et photographiques et aussi sonores (retranscription de Souvenirs enregistrés en 1979 par Marcel ROZARD) concernant "Le Château de Frotey" abritant le Centre éducatif et professionnel, dit Foyer des Jeunes Apprentis (FJA), accueillant des adolescents et jeunes adultes (majorité : 21 ans).]

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COMMENTAIRE


par

Bernard BELIN
28 février 2017



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L'AHSSEA Visionnaire…



Le "Château de Frotey" a été parmi les tout premiers établissements (sinon le premier) en France à accueillir des jeunes directement en régime de "semi-liberté" sans qu'ils soient passés par la filière : centre d'accueil, puis centre d'observation, puis centre de rééducation, et seulement ensuite foyer de semi-liberté…!
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L'AHSSEA Fondatrice…


L'AHSSEA a démarré avec le "Château de Frotey" accueillant des "Gars" (le terme d'usage), travailleurs et apprentis, et a aménagé ensuite le bâtiment des "Communs" du Château pour y accueillir des "Scolaires"… puis a créé diverses structures de prévention, d'accueil et d'accompagnement (foyer pour filles - foyer pour jeunes travailleurs - services pour femmes en difficulté - établissements pour jeunes et adultes en situation de handicap mental ou/et physique - dispositif pour victimes et auteurs de violence conjugale - etc. - sans oublier le "Wagon" accueillant des "sans-abri" en errance) tant à l'intérieur du Parc du Château qu'à l'extérieur, essaimant à Gray, Vesoul, Héricourt, Lure…
2015 : une vingtaine d'établissements et services et plus de 4000 personnes accompagnées par an.
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4 avril 1983 (†) : Lorsque le Chêne s'effondre…

Marcel ROZARD est arrivé au Château de Frotey en 1947 en stage de formation (École d'éducateurs de Montesson)… Retour en mai 1948… 1948-1949 : 24 h sur 24 seul avec 40 gars… La direction lui est proposée (il refuse)… Plusieurs directeurs se succèdent jusqu'en 1951… La direction lui est proposée à nouveau (à nouveau il refuse s'estimant encore "manquer de compétence dans le domaine administratif, comptabilité et gestion"). Il est alors nommé éducateur-chef… Il finit par accepter la direction de l'établissement… Plus tard il deviendra directeur général de l'Association et des établissements et services…

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Retranscription de "Souvenirs enregistrés en 1979" par Marcel ROZARD…

Trois petites histoires - comme Marcel ROZARD aurait pu en raconter des centaines - émaillant la vie en communauté d'une telle composite et originale collectivité ouverte sur le monde extérieur et évoluant au fil du temps :

- G. travaillant à la cuisine et accusé à tort d'avoir volé de la confiture, lequel par la suite et pour se venger crache pendant plusieurs mois dans la soupe du soir avant de la servir à la table du "Chef Marcel" et des autres gars…

- J. accusé à tort par le "Père DIRAND" de lui avoir volé ses pommes au jardin et ce qui s'ensuivit…

- Z. un pensionnaire (presque) comme les autres mais qui s'est avéré trembler comme une feuille morte en tirant avec la carabine à plomb que lui avait prêtée le "Chef Marcel"… et ce qui s'ensuivit… (*)
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Bref… si ce n'est pas toujours "la Vie d'château"… c'est "la Vie au Château" !
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En la Postface Charles GAUTHIER, successeur de Marcel ROZARD au poste de directeur général (1983-2006), écrit fort justement : Ce qu'a fait Marcel ROZARD serait impossible aujourd'hui. Tout a changé : l'environnement économique et sociétal, les lois et les réglementations, les administrations et les "professionnels".
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"Tout a changé" effectivement ! Aussi peut-être est-il souhaitable - à l'intention des lecteurs de
"AHSSEA. la Sauvegarde visionnaire et fondatrice 1945-2015" (a fortiori pour les lecteurs des temps futurs, car "les écrits restent !") - que soient explicités certains des propos bruts de décoffrage enregistrés en 1979 par Marcel ROZARD… propos relatifs à une période datant pour certains de jusqu'à 30 ans auparavant... et publiés en 2016 plus de 30 ans après.
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Que risque de comprendre ou/et de déduire le lecteur de ce début du XXIe siècle - et a fortiori un lecteur du futur se documentant en vue de la rédaction d'un article, d'un mémoire, d'une thèse voire d'un rapport officiel sur l'Éducation spécialisée au XXe siècle - en prenant connaissance de l'Histoire d'une association haut-saônoise... où sont couchés tels quels sur le papier, pour la postérité, les expressions et mots d'un langage parlé sans retenue... Les expressions et mots du raconteur s'étant confié impromptu à un micro à qui il a livré ex abrupto ses souvenirs du moment et réflexions de l'instant… Imaginait-il que ses mots, exprimés pour lui-même à haute voix, seraient retranscrits tels quels et livrés à tout un chacun… ?
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Le plus important à mes yeux à ce sujet ! Contrairement à ce que pourrait éventuellement laisser à penser et donner à ressentir certaines formulations retranscrites (Cf. p. 30 ; p. 57-58), aucun esprit d'une quelconque "violence" n'a jamais animé les interventions éducativo-pédagogiques de Marcel ROZARD lorsqu'il s'agissait de sanctionner un manquement important de la part d'un gars ! [Avec toujours le risque évidemment de commettre une erreur (Cf. p. 61-62).]
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Parmi ces gars hébergés au Château de Frotey, si les uns n'avaient pas de problèmes autres que classiques… d'autres éprouvaient des réelles difficultés et certains avaient des comportements pouvant être TRÈS difficiles.
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En effet, comme écrit par ailleurs (www. Bernard Belin L'Harmattan) :
- "lorsque le Procureur ou la Juge des Enfants ou le Service de la Population plaçait un "Gars" au Château, il N'était même PAS pensable de trouver que son comportement était par trop difficile" ;
- "le Chef Marcel se faisait un point d'honneur, non avoué (!), d'accueillir des jeunes que ses homologues d'autres établissements n'avaient pu ou/et su ou/et voulu garder".
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En conséquence le lecteur doit avoir à l'esprit le contexte et l'époque et il convient de souligner surtout que, contrairement à ce que pourraient laisser supposer certains des termes retranscrits (inutile de les reproduire une nouvelle fois ici !), jamais il n'y eut l'ombre d'une violence intrinsèque… d'une agressivité… d'une quelconque animosité ou/et a fortiori malignité… Qu'il y eut une mise en scène, ça c'est évident. Le raconteur l'explique à sa manière : "J'ai mis au point des actions spectaculaires au niveau de l'autorité…" (Au temps présent il serait de bon ton d'habiller ce type d'actions d'un vocabulaire ad hoc et de parler de "jeu de rôle ou/et de méthode thérapeutique ou/et de thérapie comportementale cognitive ou/et… mieux encore… pourquoi pas d'approche globale, voire de contre-violence… !). Marcel ROZARD en rend compte avec ses mots propres qui parfois et à mon avis - rapportés en ce premier quart du XXIe siècle et a fortiori dans le futur - peuvent prêter à confusion, incompréhension, déformation et fausse interprétation …
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Or pour le "Frotey" que j'ai connu, c'est-à-dire "Le Château des années 1959-1964" - soit entre 20 et 15 ans avant les enregistrements de Marcel ROZARD datant de 1979 -, lesdites actions spectaculaires au niveau de l'autorité relevaient effectivement de la mise en scène… ! C'était du "cinéma"… ou plutôt cela ressortait du spectacle vivant, du théâtre… Le mélange d'une sorte de
one man show du "Chef Marcel" accompagnant une forme de dialogue et de contact nécessaire et indispensable avec l'impétrant… sans oublier le son à fond la caisse !
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Aujourd'hui, néanmoins, ceci ne serait plus de mise.
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Chaque époque - avec les tentatives entreprises en vue de l'amélioration des conditions de la vie de chacun dans notre Société - voit évoluer ses lois, ses règles, ses usages…
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Le présent XXIe siècle commençant a vu entrer en vigueur la Loi rénovant l'action sociale et médico-sociale de 2002… jusqu'à tout récemment la Loi "Égalité et citoyenneté" de 2016 interdisant symboliquement toute violence éducative à l'égard des plus jeunes…
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Le présent XXIe siècle commençant a aussi ses lacunes… notamment concernant certains mineurs (majorité actuelle : 18 ans) et jeunes majeurs, les alter ego des plus difficiles parmi les adolescents et jeunes adultes placés et acceptés au Château de Frotey à l'époque évoquée par Marcel ROZARD. L'inconvénient prédominant actuel est le chômage. Celui-ci étant assorti à un manque de structures, de lieux et d'activités répondant à leurs besoins, nombre de ces jeunes se retrouvent trop souvent à la rue… Et certains en prison (le pire des lieux).
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Le présent bref commentaire n'empêchera pas qu'un jour plus ou moins lointain, sans préambule ni explicitation, des extraits de "AHSSEA. la Sauvegarde visionnaire et fondatrice 1945-2015" (non décryptés et sortis de leur contexte) courent le risque d'être utilisés tels quels !
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Et alors sera-t-on encore capable de discerner sans la déformer l'action de cet Éducateur hors du commun que fut Marcel ROZARD auquel tant d'Anciens du "Château de Frotey" - après une jeunesse parfois quelque peu agitée - doivent de s'être "rangés" et d'avoir pu mener une vie… ordinaire ?
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Bernard BELIN

28 Février 2017

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(*) La retranscription de cette histoire singulière dictée au magnétophone par Marcel ROZARD en 1979 (relatant un fait qui "remonte à 25 ans, environ", soit vers les années 1954-1955) peut surprendre à la lecture de certains vocables (Cf. p. 66-68) considérés juridiquement de nos jours "insultants à caractère raciste" (ce qu'ils étaient d'ailleurs en pratique alors... qu'il est inutile de reproduire une nouvelle fois ici). Ces vocables sont le reflet d'une époque à laquelle - vocabulairement parlant -, plus de 15 ans après la fin de la "dernière guerre coloniale française" et inconsciemment, le "Chef Marcel" n'échappe pas !

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Notes :
70e ANNIVERSAIRE de l'AHSSEA : "Je me souviens... (Bernard BELIN) / Je me souviens aussi... (Claude BRESSY)"
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NOTES (Bernard BELIN : 1 à 15 / Claude BRESSY : 16 à 19)
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(1) Georges PÉREC, Je me souviens (Les choses communes I), Paris, Hachette-P.O.L., 1978, 170 p. dont "à la demande de l'auteur quelques pages blanches sur lesquelles le lecteur pourra noter les Je me souviens que la lecture de ceux-ci aura suscités !"

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(2) Harry MATHEWS, Le Verger, [Je me souviens de Georges Pérec], Paris, P.O.L., 1986, 44 p. (21 x 11 cm)
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(3) Roland BRASSEUR, Je me souviens encore mieux de Je me souviens, Notes pour "Je me souviens de Georges PÉREC" à l'usage des générations oublieuses et de celles qui n'ont jamais su, Pantin, Le Castor Astral, (1998), 2003, 362 p.
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(4) Joe BRAINARD, I Remember, New York, Penguin Books, 1975, 138 p. [ I Remember (1970, 35 p.), I Remember More (1972, 42 p.), More I Remember More (1973, 29 p.), New York, Angel Hair Books ; I Remember Christmas, (1973, 21 p.), New York, Museum of Modern Art ] ; I Remember (Je me souviens), Traduit de l'américain et préfacé par Marie CHAIX, Paris, Actes Sud, 1997, 235 p. (10 x 19 cm).
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(5) Chef Marcel ! L'appellation "Chef" - vocable issu du scoutisme - était à l'époque couramment employée, accolée soit au prénom soit au nom des éducateurs : Chef RÉMOND (ou Chef JEAN-PAUL ou Chef "POPOL"), Chef BERNARD, Cheftaine CHANTAL, Chef MOUGE, Chef SANDRETTI.
Tarzan ! Je ne me souviens pas pourquoi. Mais cela lui allait bien !
Le Bouc ! Référence sympathique à son collier de barbe.
Sioux ! Son "totem" à l'École d'éducateurs de Montesson, une (après Toulouse et avec Lyon et Montpellier) des premières écoles privées d'éducateurs dits pour jeunes inadaptés, créée en 1943 et dirigée par Jean PINAUD, un des "inventeurs" de la future profession d'éducateur spécialisé. (Je me souviens… qu'en 1961 "SIOUX" fit les honneurs du Château à "Monsieur PINAUD").
L'École de Montesson (Seine-et-Oise) sera transférée… en 1955 à Épinay-sur-Seine (Seine) : Centre de Formation d'Éducateurs spécialisés (CFES)… puis en 1971 à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) : Institut de Formation des Techniciens de l'Enfance Inadaptée (IFTEI)…
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(6) "Les Gars" a toujours été le terme le plus souvent utilisé pour désigner les adolescents et jeunes adultes hébergés dans "Le Château".
À distinguer de "Les Scolaires" hébergés dans le bâtiment dit "Les Communs" et fréquentant à l'époque : - les Écoles primaires de Frotey (École du Village / École du Sabot, fermée en 2002) et de Vesoul (École du Boulevard) ; - le Collège d'Enseignement Général Jean Macé (actuel Collège Jean Macé) ; - le Centre d'Apprentissage Luxembourg devenu à la rentrée 1959 Collège d'Enseignement Technique Luxembourg (actuel Lycée Professionnel Luxembourg) ; - l'École Saint-Georges (laquelle fusionnera en 1977 avec 2 autres établissements pour former l'actuel Groupe scolaire privé Le Marteroy) ; - et pour deux d'entre eux le Lycée Gérôme. Il s'agissait, en 1959 pour l'un (C.B.), en 1963 pour l'autre (J-D.J.), des "deux premiers Scolaires" admis en "Lycée". En l'occurrence l'emblématique "Lycée" de Vesoul. Inauguré en 1862. Auquel le nom de "Lycée Gérôme" a été attribué en 1908. Devenu en 1975 "Collège Gérôme" après suppression de son second cycle et retrouvant ainsi l'appellation originelle de "Collège" qui fut la sienne de 1576 à 1862 (hormis son éphémère transformation "post-révolutionnaire" par la Convention thermidorienne en "École Centrale" entre 1798 et 1802, puis "École Secondaire" entre 1802 et 1810).
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(7) UNARSEA : Union nationale des associations régionales de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (1948-1964) ; transformée en AFSEA : Association française pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (1964-1998) ; devenue UNASEA : Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, des adolescents et des adultes (1998-2010) ; évoluant, en association avec d'autres partenaires du secteur, en CNAPE : Convention nationale des associations de protection de l'enfant (2010...) ;
ANEJI : Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (1947-dissoute en 1993).
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(8) Si la TV n'a pu être correctement captée qu'à partir de 1962, existait préalablement - dans la salle de sport de l'époque en attendant l'installation des relais nécessaires - un poste affichant le plus souvent un "écran de neige". Les moins mauvais jours et au maximum de sa forme le tube cathodique était susceptible de laisser "deviner" quelques silhouettes noir et blanc très très brouillées.
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(9) "L'homme au monde qui connaît le mieux les Cortinaires" (Cf. Patrick REUMAUX, Chasses fragiles, Paris, Éditions Phébus, 1997, 144 p., p. 14) / "Il reste de manière incontestée le plus grand "cortinariologue" de tous les temps" [Cf. Fédération Mycologique de l'Est (FME), Les Mycologues Francs-comtois, Robert HENRY (1906-2001).
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(10) A. BIDAUD, P. REUMAUX et X. CARTERET (Coordination), Les Cortinaires du docteur HENRY, Marlioz (Haute-Savoie), Éditions de la Fédération Mycologique Dauphiné-Savoie (FMDS), 2012, 440 p., 200 Planches couleurs inédites de Robert HENRY et al. (300 x 240 mm).
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(11) Henri BEAUDOUIN et Jean-Louis BEAUDOUIN, Le Malade mental dans la cité, Vesoul, Imprimerie Marcel Bon, 1967, VIII-68 p., in 8° (Préface de René PLEVEN, Rapporteur du projet de loi portant réforme du droit des incapables majeurs).
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(12) René FAIVRE, Notice sur la ville de Vesoul : les Haberges, Aigrevaux : vieilles maisons de Vesoul ; Histoire du Château de Frotey-lès-Vesoul : des Sires de Faucogney à "La Porteuse de pain", Vesoul : L'auteur, 1978, 86 p. [p. 36-84] :
"Le Château de Frotey-lès-Vesoul, dans son actuelle construction datant de 1772 par l'entrepreneur Hugues FAIVRE de Vesoul, consistant en un bâtiment en forme de U enserrant la cour, a été successivement la propriété de : - (de 1772 à 1790) Messire Joseph-Pierre SALLIER de CHAMPOLLE, écuyer, ancien capitaine dans le régiment de Poitou, commissaire à la conduite et à la police de la 2ème compagnie des gardes à cheval du Roi, seigneur de Pusey, Frotey-lès-Vesoul et autres lieux ; - (de 1790 à 1811) Henry-Noël CHARBONNEL, ancien directeur général des domaines du Roi à Besançon, & héritiers ; - (de 1811 à 1821) Jean-Baptiste MATHEY, ancien directeur de l'enregistrement et des domaines à Besançon, "nommé" maire de Frotey ; - (de 1821 à 1900) Henry-René-Pierre AYMON, comte de MONTÉPIN, chef de bataillon au 19e régiment d'infanterie de ligne, & héritiers ; - (de 1900 à 1962) Maître Albert DIDIER, notaire à Vesoul, & héritiers ; - (depuis 1962) AHSSEA.
En 1900, lorsque Xavier-Henri AYMON PERRIN, comte de MONTÉPIN, natif d'Apremont (Haute-Saône), maire de Frotey de 1870 à 1872 - [auteur sous le nom de Xavier de MONTÉPIN de plus de 300 drames populaires parus généralement sous la forme de romans-feuilletons, dont le grand succès que fut "La Porteuse de pain", et d'une vingtaine de pièces de théâtre] - cède la propriété à maître Albert DIDIER, l'acte de vente précise qu'existe dans le parc une "grande variété d'arbres : 144 bas feuillus et résineux, des frênes, peupliers d'Italie et des Pays-Bas, des pins sylvestres et des noyers d'Espagne, enfin des arbres communs, avec bouleaux, acacias, etc."
A partir de 1925 le docteur Robert DIDIER - héritier de maître Albert DIDIER - réunit dans le parc du Château "des oiseaux exotiques et une petite ménagerie renfermant des porcs-épics et un ours brun [qui sera] dirigé sur le Jardin des Plantes à Paris lors de la déclaration de guerre en 1939"." (Je me souviens... qu'en 1959 subsistaient dans le parc du Château des vestiges de volières et de cages qui furent vendus à la ferraille en 1962, après l'achat de la propriété par l'AHSSEA).
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(13) "Un ensemble de garçons très différents les uns des autres. Des gars ayant une histoire, ayant des niveaux différents, ayant des raisons d'être là égalemrnt différentes" (Cf. Marcel ROZARD, "Quand l'l'administration du Château s'organise", AHSSEA, La Sauvegarde visionnaire et fondatrice..., op. cit;, p. 91.
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(13 bis) Journal (apériodique) du FJA dont la rédaction était assurée par Marcel ROZARD - et pour laquelle la contribution écrite des Gars et Anciens était sollicitée - de 1955 à 1983. La publication s'arrêtera peu après.
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(14) - www.rtbf.be/video/detail_jt-19h30?id=1859753 (RTBF, Radio-Télévision Belge de langue Française / Bruxelles / Journal Télévisé / 19 h 30 / 8 octobre 2013).
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(15) Jacques BREL, J'arrive, 33 tours LP, Barclay n° 80.373, 1968, 9 titres [A1.J'arrive, A2.Vesoul (À l'accordéon : Marcel AZZOLA… et le célébrissime : "Chauffe... Marcel !"), A3.L'ostendaise, A4.Je suis un soir d'été, B1.Regarde bien petit, B2.Comment tuer l'amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition, B3.L'éclusier, B4.Un enfant, B5.La bière].
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(16) Un peu le même regard, des années plus tard, lors des remplacements des Docteurs Glanclaude ou Bacus, de la part de certains patients !
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(17) J'avais revu Madame Plat une dizaine d'années après en Côte-d'Ivoire, alors que j'y travaillais dans le cadre d'une mission "MSF". Elle et son mari s'étaient offert un séjour au palace 4 ou 5 étoiles d'Abidjan, l'Hôtel Ivoire. Les excursions prévues n'ont jamais eu lieu, mais ils ont pu cependant rapporter en Haute-Saône de nombreux souvenirs car j'avais pu jouer les "tour-opérateurs", et les emmener "en brousse", dans l'Afrique profonde.
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(18) C'est ainsi que je me suis aperçu avoir cotisé très tôt pour la retraite…
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(19) Nous sommes toujours en contact, et un temps, nos enfants se sont aussi écrits…
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UN REMÈDE DU PASSÉ REVISITÉ : "LA BOUSE DE VACHE" Quand l'industrie pharmaceutique n'existait pas...

Citation :
Nous regardions pendant des heures, les vaches ;
nous regardions choir, éclater les bouses ;
on pariait à celle qui fienterait la première.



André GIDE
Les Nourritures terrestres (1897)

I. HISTORIQUE ET BIBLIOGRAPHIE (*)
L'utilisation de la bouse en médecine a constitué une médication quasi-universelle dont on aurait tort de croire qu'elle se perd dans la nuit des temps. En effet, en 1978, les autorités indiennes ont jugé utile d'informer qu'il convenait de "ne pas appliquer de bouse de vaches sur les inflammations provoquées par la vaccination antivariolique". Géographiquement plus près de nous, en 1975, René Gandilhon, in La bouse de vache, Etude d'ethnologie, cite le Dr Louis Chabert, d'Albi, témoignant de l'utilisation, en 1925, de la bouse de vache en tant que topique lors d'une blessure au pied occasionné par le mauvais maniement d'une fourche, ceci dans une ferme de Réalmont (Tarn). La guérison suivit sans infection. Il n'y a aucune raison que cet "acte médical" dont témoigne le Dr Chabert ait été le dernier du genre et, en conséquence, on est en droit de penser que de telles pratiques se sont prolongées plus près de nous dans le temps.

Pour ce qui est des utilisations premières de ces pratiques, - si l'on se reporte à la littérature -, Pline L'Ancien y fait référence au long du chapitre "Des remèdes particuliers tirés des animaux et classés par maladies" du Livre XXVIII de son Histoire naturelle dans lequel l'auteur se donne pour rôle de "vulgariser les connaissances qu'il a recueillies au cours de sa longue enquête". Rappelons que nous sommes dans la seconde moitié du Ier siècle après J.-C.

Pour avoir une monographie sur la bouse et ses différentes utilisations en France, il faudra attendre 1974 et La bouse dans le folklore de Joseph Vaylet et surtout, en 1975, René Gandilhon (ibidem) dont la volonté est d'établir un "constat de croyances et d'usages qui existèrent en France et en divers pays et qui subsistent encore". Pour ce faire Gandilhon procède à d'importants dépouillements bibliographiques : Œuvres complètes d'Ambroise Paré (1579), Nouvelle chirurgie médicale et raisonnée de Michel Ettmüller (1691), Pharmacopée universelle de Nicolas Lémery (1697), La médecine et la chirurgie des pauvres de Dom Nicolas Alexandre (1714), Dictionnaire œconomique de Noël Chomel (1720), Histoire générale des drogues de Pierre Pomet (1735)… et de très nombreux souvenirs de voyages, revues d'archives et de sociétés savantes, études ethnologiques et folkloriques locales, etc.

II. DICTIONNAIRE DES PREPARATIONS MEDICAMENTEUSES A BASE DE BOUSE ou "QUAND L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE N'EXISTAIT PAS" (*)
En cette aube du XXIe siècle, l'industrie pharmaceutique, l'Etat et l'assurance maladie collaborent à la mise en place d'une politique industrielle pour le secteur pharmaceutique… Avec le développement des biotechnologies les grands laboratoires travaillent à l'industrialisation de ces "biotech" en vue notamment d'une thérapie génique annoncée… Aussi paraît-il curieux - voire provocateur - de "revisiter" un remède du passé aussi dépassé ! Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de vouloir restaurer l'utilisation de la bouse. Mais il était intéressant de "communiquer" sur une médication ancienne "médiatisée" jusqu'alors avec des méthodes d'apothicaires !
Une COMPOSITION affichée, un énoncé clair des Données Cliniques [INDICATIONS - POSOLOGIE - MODE D'ADMINISTRATION - PRÉCAUTION D'EMPLOI] et un exposé des Propriétés Pharmacologiques [PHARMACODYNAMIE - PHARMACOCINÉTIQUE]… et ne voilà-t-il pas - à l'image du Dictionnaire Vidal utilisé usuellement par le corps médical - un "Dictionnaire des préparations médicamenteuses à base de bouse de vache" mettant la connaissance à la portée de tout un chacun :

1. BOUSE DE BŒUF FRAÎCHE [buz, buzo, buza, boza, boëza, fé, flat, héms de bako, péto, merd de vac (de bœuf)]

FORMES ET PRÉSENTATION
Bouse fraîche (vert kaki).

COMPOSITION
La bouse de bœuf fraîche s'entend toujours provenant d'un bœuf en bonne santé, jeune, puissant, nourri en divers prés, surtout pas en ville [N. LÉMERY - 1707].
La bouse de bœuf contient plus d'azote et de phosphates que la bouse de vache. (La vache emploie ces éléments à fournir du lait ou à produire un veau) [E. MENAULT - 1881].
Adjuvants : feuilles ou poudre de Savinier.

DC INDICATIONS
Gynécologie : "Hémorroïdes qui naissent chez les femmes au col de la matrice".

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
Application directe de bouse fraîche chaude mélangées avec des feuilles ou poudre de savinier [A. PARÉ - 1579 (avec quelques réserves) / P.A. MATTIOLI - 1680].

2. BOUSE DE BŒUF SÉCHÉE [bousette, coipiaux, quaipeaux, argol, bouzat (de bœuf)]

FORMES ET PRÉSENTATION
Bouse séchée in situ (sur prés) : bousette [de bœuf].
Bouse séchée in vitro : coipiaux, quaipeaux [de bœuf].
Gâteaux de bouses pétries et moulées séchés au soleil : argol, bouzat [de bœuf].

COMPOSITION
La bouse de bœuf séchée s'entend toujours provenant d'un bœuf en bonne santé, jeune, puissant, nourri en divers prés, surtout pas en ville [N. LÉMERY - 1707].
La bouse de bœuf contient plus d'azote et de phosphates que la bouse de vache. (La vache emploie ces éléments à fournir du lait ou à produire un veau) [E. MENAULT - 1881].

DC INDICATIONS
Dysenterie, coliques pituiteuses.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
Voie orale : l'absorption d'un bouillon contenant de la bouse de bœuf séchée délivre promptement de la colique ; l'absorption d'un bouillon contenant du jus de bouse de bœuf séchée fait que les personnes s'en trouvent mieux [N. ALEXANDRE - 1714].

PP PHARMACOCINÉTIQUE
Une étude clinique ayant consisté à faire absorber à plusieurs personnes, à leur insu, soit le bouillon avec bouse séchée, soit le bouillon avec jus de bouse séchée, a mis en évidence les effets positifs de la bouse de bœuf [N. ALEXANDRE - 1714].

3. BOUSE DE GÉNISSE FRAÎCHE [buz, buzo, buza, boza, boëza, fé, flat, héms de bako, péto, merd de vac(hette)]

FORMES ET PRESENTATION
Bouse fraîche (vert clair).

COMPOSITION
La bouse de génisse fraîche s'entend toujours provenant d'une génisse en bonne santé, puissante, nourrie en divers prés, surtout pas en ville [N. LÉMERY - 1707].
Adjuvants : Cloportes.

DC INDICATIONS
Coups de soleil.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
Application directe de bouillie de cloportes cuite dans de la bouse fraîche de génisse [C. BINET].

4. BOUSE DE VACHE FRAÎCHE [buz, buzo, buza, boza, boëza, fé, flat, héms de bako, péto, merd de vac]

FORMES ET PRESENTATION
Bouse fraîche (vert kaki).

COMPOSITION
La bouse de vache fraîche s'entend toujours provenant d'un animal (vache, taureau, bœuf) en bonne santé, jeune, puissant, nourri en divers prés, surtout pas en ville [N. LÉMERY - 1707] ou, comme on le conseille en Inde, d'une vache qui se déplace beaucoup, maigre, mais plus résistante que la vache d'étable.
Adjuvants : eau de mauve, bon vin, vinaigre, fleurs de rose, fleurs de camomille, fleurs de mélilot, feuilles de vigne, feuilles de choux, grains d'orge, lait, crème, beurre, graisse de porc, lièvre.

DC INDICATIONS
Bouse fraîche :
* Asthme bronchique.
* Diabète.
* Maux d'oreille, brûlures, érysipèle du nourrisson, coupures, plaies saignantes, maux de gorge, douleurs de sciatique, douleurs de piqûres d'abeilles, mouches à miel, frelons, araignées et autres.
* Gynécologie : Hémorragies survenues lors d'un accouchement.
* Engelures, maladies de la peau, lèpre.
* Maux de dents.
* Abcès et furoncles.
* Douleurs de goutte.
* Entorse, enflure des pieds, méningite.
Bouse fraîche chauffée :
* Hydropisies.
* Inflammations causées par des plaies.
* Ecrouelles et glandes scrofuleuses, abcès, furoncles et panaris.
Bouse fraîche cuite ou calcinée :
* Tumeurs.
* Douleur de sciatique.
* Enflures du visage.
* Inflammation et phlegmons des testicules.
* Enflures des pieds.
* Rhumatismes.
* Engorgements lymphatiques accompagnés de phlegmons.
Bouse plus très fraîche :
* Rhumatismes et goutte.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
Bouse fraîche :
* Asthme bronchique :
Voie orale : Bouse fraîche utilisée en une "certaine dilution" [Inde].
* Diabète :
Voie orale : mélange de grains d'orge donnés à manger aux vaches et ressortis non digérés, avec un peu de bouse accompagnant ces grains [W. MALLISON - Inde].
* Maux d'oreille [VAN GENNEP - Dauphiné - XIXe siècle], brûlures [Kikuyu - K. BLIXEN / Morvan], érysipèle du nourrisson [Dr G. BARRAUD - 1928], coupures, plaies saignantes [Ch. LANDRÉ - 1573 / A. PARÉ - 1841], maux de gorge [Haute-Bretagne], douleurs de sciatique [P.A. MATTIOLI, B. GUNDA], douleurs de piqûres d'abeilles, mouches à miel, taons, frelons, araignées et autres :
Application directe de bouse fraîche sans adjuvant.
* Gynécologie : Hémorragies survenues lors d'un accouchement [Rouergue - XIXe siècle] :
Application directe de bouse fraîche sans adjuvant.
* Engelures, maladies de la peau, lèpre :
Enfoncer le membre souffrant directement dans la bouse fraîche [XIXe siècle - Grèce, Inde, Sibérie].
* Maux de dents :
Cataplasme de bouse fraîche retenu par un grand mouchoir de campagne entourant le visage et noué sur le crâne [VAN GENNEP - XIXe siècle - Dauphiné].
* Abcès et furoncles :
Cataplasme avec un mélange de bouse fraîche et de crème entre deux feuilles de choux.
* Douleurs de goutte :
Cataplasme de bouse fraîche mélangée avec du beurre [A. AYMAR - 1911].
* Entorse, enflure des pieds, méningite :
Cataplasme obtenu par mixtion de bouse fraîche avec de l'eau de mauve [Pr LOUKATOS - Grèce] ou avec du vin [N. ALEXANDRE - France].
Bouse fraîche chauffée :
* Hydropisies :
Cataplasme de bouse fraîche chauffée appliquée sur l'enflure [A. PARÉ - 1841 / Auvergne].
* Inflammations causées par des plaies :
Cataplasme de bouse fraîche, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de choux, chauffée dans la cendre [Ch. LANDRÉ - 1573 / A. PARÉ - 1841].
* Écrouelles [CHOMEL et A. PARÉ] et glandes scrofuleuses, abcès [M. NIKITINE - 1930], furoncles et panaris [XIXe siècle - Bourbonnais] :
Suppuration provoquée par cataplasme de bouse fraîche chauffée, mêlée avec du vinaigre.
Bouse fraîche cuite ou calcinée :

* Tumeurs :
Cataplasme de bouse fraîche cuite dans une poêle avec des fleurs de camomille.
* Douleur de sciatique :
Cataplasme de bouse fraîche cuite avec des feuilles de vigne ou de choux.
* Enflures du visage :
Cataplasme de bouse fraîche fricassée avec un peu de lait sur la partie enflée, trois ou quatre fois par jour [Abbé SOL - Quercy].
* Inflammation et phlegmons des testicules [N. ALEXANDRE (1714) et A. PARÉ] :
Application sur les testicules de la bouse fraîche fricassée dans une poêle avec des fleurs de roses, de camomille et de mélilot.
* Enflures des pieds :
Cataplasme obtenu "en mettant de la fiente de vache ou de bœuf fraîche dans un pot avec du bon vin, en faisant bouillir jusqu'à ce qu'il s'épaississe et en appliquant sur le mal, le plus chaud qu'on le pourra souffrir, continuant trois ou quatre fois" (La médecine et la chirurgie des pauvres).
* Rhumatismes :
Voie orale : pincées de poudre d'un mélange "lièvre et bouse fraîche" cuit au four dans une terrine en terre cuite avec couvercle jusqu'à carbonisation, puis pilés finement [XVIIe siècle].
* Engorgements lymphatiques accompagnés de phlegmons :
Cataplasme de bouse fraîche cuite dans un poêlon avec de la graisse de porc [Dr MAIGROT - 1782].
Bouse plus très fraîche :
* Rhumatismes et goutte :
Enfouir rhumatisant ou goutteux jusqu'au cou dans le tas de bouse de la cour de la ferme [B. GUNDA - Hongrie].

DC CONTRE-INDICATIONS
Ne pas appliquer sur les inflammations provoquées par la vaccination antivariolique [Inde - R. GANDILHON - 1978].

DC MISE EN GARDE ET PRÉCAUTION D'EMPLOI
En cas de persistance des troubles, la situation doit être évaluée par un médecin.

DC EFFETS INDÉSIRABLES
A été rapporté un cas où un cataplasme de bouse, placé sur un bouton, aurait entraîné la mort du malade du tétanos.

PP PHARMACODYNAMIE (!)
Au XIXe siècle, en Afrique Orientale, un médecin indigène (sic) soigne un Cafre blessé d'un coup de fusil par une balle pénétrant dans le huitième espace intercostal du côté droit sortant du côté gauche sous la dernière fausse côte. Le praticien, utilisant une corne de vache dont la pointe avait été coupée, inséra le petit bout dans un des orifices de la plaie et expulsa en soufflant les malpropretés qui pouvaient s'y trouver. Il ramassa des bouses de vache et en fit deux cataplasmes qu'il apposa sur les deux plaies. L'état général était bon au bout du six jours et la guérison assurée quelques jours plus tard [Revues scientifiques, Chirurgie des sauvages (sic), 1901, n°2].
En 1925, à Réalmont (Tarn), la fillette d'un cultivateur s'était enfoncée dans le pied les dents d'une fourche. Le père enduisit largement ledit pied avec de la bouse fraîche et enveloppa le tout avec un linge. La guérison suivit et il n'y eut pas d'infection [Dr L. CHABBERT d'Albi à R. GANDILHON].

5. BOUSE DE VACHE SÉCHÉE [bousette, coipiaux, quaipeaux, argol, bouzat]

FORMES ET PRÉSENTATION
Bouse séchée in situ (sur prés) : bousette.
Bouse séchée in vitro : coipiaux, quaipeaux.
Bouses pétries et moulées en gâteaux séchés au soleil : argol, bouzat.

COMPOSITION
La bouse de vache séchée s'entend toujours provenant d'un animal (vache, taureau, bœuf) en bonne santé, jeune, puissant, nourri en divers prés, surtout pas en ville [N. LÉMERY - 1707].
Adjuvants : Oignons de lys, Miel.

DC INDICATIONS
* Rhume de cerveau.
* Varices, inflammations et menaces de suppuration.
* Fortifiant.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
* Rhume de cerveau :
La fumigation des voies respiratoires à partir de la combustion de bouses est excellente pour guérir les rhumes de cerveau [P.J. HÉLIAS - Bretagne - 1976].
* Varices, inflammations et menaces de suppuration :
Application locale de la pommade obtenue en cuisant, avec des cendres de bouses, des oignons de lys récoltés soit à l'automne, parce qu'à ce moment la plante a fait provision de tout ce qu'elle pouvait puiser dans la terre, soit au printemps juste avant que les réserves soient utilisées pour fabriquer feuilles et fleurs, mélange additionné d'un peu de miel de montagne [PLINE].
* Fortifiant :
Bains donnés aux enfants malingres ou se développant mal, dans de l'eau où l'on a fait bouillir préalablement des cendres de bouse placées dans un sac en tissu [I. WELLMANN - Hongrie].

DC CONTRE INDICATIONS
En Vendée, la fumigation des voies respiratoires à partir de la combustion de bouse "altère la santé des hommes" [J. CAVOLEAU - 1844].

DC MISE EN GARDE ET PRÉCAUTION D'EMPLOI
"Une femme devient grosse si, couchant avec son époux, elle a sur elle de la bouse de vache et de la corne de cerf réduites en poudre" (Les Secrets du Grand Albert).

6. EAU DE MILLE FLEURS BVF [distillat de bouse de vache fraîche]

FORMES ET PRÉSENTATION
Solution buvable.

COMPOSITION
Distillat, au mois de mai, de bouse fraîche ramassée à cette époque de l'année où la vache, nourrie au pré, broute un grand nombre d'espèces de fleurs et où "les bouses ont alors une odeur agréable contenant, d'après les chimistes, du benjoin" [M. ETTNULLER - 1691].

DC INDICATIONS
* Coliques néphrétiques, rétention d'urine et fièvre, hydropisie, rhumatismes, goutte de sciatique.
* Plaies.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
* Coliques néphrétiques, rétention d'urine et fièvre [J. SCHRÖDER - 1649], hydropisie, rhumatismes, goutte de sciatique [N. LÉMERY - 1843] :
Voie orale (Posologie essentiellement individuelle).
* Plaies :
Application.

7. EAU DE MILLE FLEURS UV [urine de vache]

FORMES ET PRÉSENTATION
Solution buvable.

COMPOSITION
Urine recueillie au mois de mai, époque de l'année où la vache nourrie au pré, broute un grand nombre d'espèces de fleurs, et où "l'urine est un véritable extrait des parties salines les meilleures et les plus salutaires des plantes que les animaux ont mangées" [N. LÉMERY - 1707].
DC INDICATIONS
* Maux d'oreille, affections des yeux.
* Asthme.
* Jaunisse, rhumatismes, goutte, sciatique, hydropisie.
* Goître.
* Ver solitaire.

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
* Maux d'oreille [S. DALE - 1751], affections des yeux [J. de LA CHESNAYE - Bas-Poitou - 1908] :
Application d'une solution aqueuse d'urine de vache (posologie essentiellement individuelle).
* Asthme, jaunisse, rhumatismes, goutte, sciatique, hydropisie [N. LÉMERY - 1697], goître [G. LÉVI-PINARD - XVIIIe siècle], ver solitaire [A. BARDET - 1934] :
Voie orale : absorption, le matin, d'un verre d'urine de vache pure.

8. EAU DE TOUTES FLEURS DE BATEUS [distillat de bouse de vache fraîche]

FORMES ET PRÉSENTATION
Solution buvable.

COMPOSITION
Distillat, au mois de mai, d'un mélange de 1/3 de limaçons avec leur coquille et de vin blanc et de 2/3 de bouse fraîche ramassée à cette époque de l'année où la vache, nourrie au pré, broute un grand nombre d'espèces de fleurs et où "les bouses ont alors une odeur agréable contenant, d'après les chimistes, du benjoin" [M. ETTNMÜLLER - 1691].

DC INDICATIONS
Hydropisie, rhumatismes, goutte de sciatique, rougeurs, démangeaisons, taches de visage [N. LÉMERY - 1843].

DC POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
Voie orale (Posologie essentiellement individuelle).

A la lecture des divers modes d'administration de ces préparations médicamenteuses à base de bouse ou d'urine de bovins, on serait tenté d'en déduire que nos anciens avaient une robuste constitution ! Ce qui devait d'ailleurs être vrai, la sélection naturelle aidant.
Il convient néanmoins de rappeler - avec le Dr Georges Barraud, médecin qui exerça de longues années en Vendée - que l'empirisme peut avoir du bon quand il s'en tient à l'observation rigoureuse des faits… et que nos aïeux n'observaient pas si mal (Gazette médicale de France, 1928).
D'ailleurs dès 1697, Nicolas Lémery, apothicaire, - écologiste avant l'heure -, ne prévenait-il pas que la bouse utilisée en tant que remède s'entend toujours "provenant d'un animal en bonne santé, jeune, puissant, nourri en divers prés… et surtout pas en ville".
Est-il besoin de confirmer qu'il ne s'agit pas de vouloir restaurer l'utilisation de la bouse… que nous nous félicitons de l'existence de la recherche et de l'industrie pharmaceutiques… et que nous souhaitons que les progrès de celles-ci puissent être rendus accessibles à toutes les populations de la planète.

III. LA BOUSE, UNE APPROCHE ALCHIMIQUE ou "CONSIDERATIONS SUR LA VACHE MOINS ALAMBIQUEES QU'IL N'Y PARAÎT !"(**)
Manger. Manger et ne pas être mangé. Emplir le tube digestif, ce tunnel reliant l'intérieur du corps au milieu extérieur, de tout ce que la bouche accepte et broie. A l'autre extrémité du tunnel digestif, l'anus où aboutit tout ce que le corps élimine et restitue au milieu extérieur.
Manger. Manger pour vivre et assurer la déclinaison des autres fonctions du corps. Cette impérieuse nécessité, commune à tous les êtres vivants, d'avoir à absorber, métaboliser, assimiler des corps étrangers pour entretenir son propre corps, a poussé l'Homo sapiensà expérimenter, à se socialiser et à dominer le monde. Notre appétit de savoir, notre culture, tous nos acquis s'originent, comme nos instincts, dans cette faim animale. La quête de nourriture fonde l'histoire de l'humanité.
Sélectionner les substances les mieux tolérées par l'organisme a été, sans nul doute, une des premières notions déterminant les décisions de nos plus lointains aïeux, la nourriture s'étant avérée simultanément leur unique remède mais également le véhicule possible de dangereux poisons. Mus par le besoin et par la peur, ils ont appris rapidement. Ainsi savaient-ils que le lait que fabriquait la femme pour nourrir son petit était indispensable à la survie de celui-ci et que cette secrétions se tarissait dès qu'il devenait capable de s'alimenter par lui-même.
Ayant domestiqué les bovins - et introduit du même coup Mycobacterium tuberculosis dans l'espèce humaine… mais cela est une autre histoire -, nos aïeux ne pouvaient qu'établir un judicieux rapprochement entre le lait de la femme et celui de la vache, non sans s'étonner peut-être que la vache puisse leur donner du lait tous les jours, un lait d'autant plus onctueux que l'herbe dont elle se nourrissait était plus épaisse et abondante. Tous n'ont pas vu en la vache la mère de tous les hommes, tous n'en ont pas fait une divinité, mais tous semblent s'être attachés à ce généreux animal qui devait leur inspirer confiance et reconnaissance, qui a été longtemps leur seule richesse.
Ils ont bien dû penser que dans les bouses que la vache semait sur son passage, se trouvait tout ce qui, dans l'herbe broutée, ne lui avait servi ni à produire le lait, ni à se nourrir. Eux qui brûlaient l'herbe ont bien dû penser que, séchée, cette bouse composée d'herbes ferait un bon combustible. Ils ont bien dû se dire également que plutôt que de ramasser des mousses pour colmater les interstices dans les parois de leurs huttes, mieux valait employer la bouse, cette inépuisable matière première. Probable aussi que les troupeaux ne comptaient guère de têtes et qu'un animal aussi utile n'était pas destiné à la nourriture ordinaire des hommes, qui continuaient à chasser un gibier abondant.
De progrès en progrès, nos aïeux sont parvenus à accroître leur durée de vie, se trouvant du même coup d'avantage exposés à l'épreuve de la maladie. Tandis que des médecins talentueux identifiaient, au fil de siècles, nombre de syndromes, repérant même les causes de ces derniers quand des usages imprudents, des mœurs désordonnés ou des carences évidentes pouvaient en rendre compte, la thérapeutique, elle, ne se dégageait pas de l'emprise de l'imaginaire, des croyances, lesquelles continuaient à étouffer le bon sens, le plus sûr des conseillers encore. Certes, en posant que les maladies étaient des conséquences des fautes de l'homme et en interdisant la dissection des cadavres, les trois religions dominantes au Moyen Orient et en Occident ont dû grandement entraver le développement des connaissances en ce domaine. Mais l'Orient n'a pas fait mieux. Partout dans le monde, les médecins pratiquaient l'écoute et l'inspection, inspection des corps mais aussi des urines et des selles de leurs patients. L'infiniment petit n'étant guère accessible à l'inspection, l'alchimie ne se muait pas en chimie non plus. Ce qui n'empêchait pas la préparation des potions les plus saugrenues à base de métaux, de poudre de pierres précieuses et de plantes rapportées de pays lointains. Avec quelques succès quand même, tels ces pilules de mercure efficaces sur le tréponème pâle. A côté de ces médecines de riches, les médecines de pauvres, parmi lesquelles diverses préparations à base de bouse, circulaient largement, véhiculées tant par la médecine officielle que par les innombrables charlatans qui tiraient profit de la crédulité des riches et des pauvres, la vache, quant à elle, continuant les uns et les autres en lait et en bouses.
Au décours de ces siècles voués à l'inspection, il s'est certainement trouvé quelques observateurs de bon sens pour s'intéresser aux excréments d'un animal capable de produire un aliment aussi essentiel que le lait. Ils ont bien dû goûter la bouse, boire les urines de la vache. Et ils n'en sont pas morts.
Des sociétés capables de concevoir l'alambic ne pouvaient avoir une approche autre qu'alchimique du travail de transformation et de sélection digestive de ce mammifère familier. Expérimentateurs subtiles, ils ont sans nul doute fait varier les pâturages où paissaient leurs animaux. Ils ont dû relever aussi que, par delà la nature de l'herbe broutée, la vache en bonne santé présentait des urines et des bouses différentes de celles d'une vache malade. Dans leur constante recherche d'un soulagement de leurs maux, considérant que cette substance contenait des végétaux digérés donc assimilables, nos aïeux ont sans nul doute misé que la bouse de vache en bonne santé devait renfermer des éléments susceptibles de répondre à leur attente.
Comme ils l'ont bien observée cette bouse, nos aïeux ! Ils ont su très tôt qu'elle s'altérait rapidement une fois émise par une vache saine et devenait alors impropre à la consommation sous quelque forme que ce soit, que son ingestion exigeait qu'elle soit très fraîche - et produite par un animal en bonne santé, bien entendu - ou bien qu'elle soit brûlée, carbonisée puis réduite à l'état de poudre. Ils avaient remarqué qu'urines et bouses changeaient de consistance suivant les saisons, les heures de la journée, la période considérée de la vie de l'animal et que ces produits différaient également les uns des autres selon qu'ils étaient émis par une vache, un bœuf ou un taureau ! Ils annonçaient ainsi la chronobiologie, l'endocrinologie et l'épidémiologie !
Ces observations d'un autre temps paraissent ridiculement rudimentaires à notre culture technico-scientifique qui les rejette dans leur totalité, sans même prendre la peine d'analyser, non pas le résultat de la démarche d'observation et d'expérimentation mais la démarche elle-même, brute de tout carcan méthodologique. Dommage !

(*)Bernard BELIN et (**)Dr Monique RAIKOVIC

……………………….

UTILISATION ACTUELLE DE L'URINE DE VACHE EN INDE,
(Extrait de la Lettre d'un sâdhu (***) adressée à Bernard BELIN le 22 mai 2000).
Ayant vécu dans l'Inde rurale et très traditionnelle durant plus de 25 ans (entre 1973 et 1999), j'ai pu constater et expérimenter les effets, non de la bouse de vache, mais de l'urine. L'absorption de l'urine de vache - outre que ce soit un rite sacré - est une pratique encore très vivace et que l'on retrouve dans toutes les couches de la société, des plus riches aux plus pauvres.
Le fait que la vache soit un animal sacré a un très grand effet psychologique, ce qui ne veut pas dire que cela diminue ses effets curatifs. Pour nous Européens, le seul fait de penser à avaler de l'urine fait naître en nous un certain dégoût, certains préjugés mentaux qui bloquent - à mon avis - a priori le processus de guérison. C'est dons encore pire pour la bouse. Dommage, on ne sait pas ce que l'on perd.
D'après les expériences dont j'ai pu être témoin, l'urine de vache - de préférence de génisse - se boit en très petite dose (10 grammes) le matin à jeun et on ne mange ni ne boit rien pendant l'heure qui suit. La cure s'accompagne d'une alimentation végétarienne.
Je veux souligner que la préparation psychologique à ce genre de traitement me semble très très importante, mais que les résultats sont garantis […]. C'est sûr qu'il ne faut pas être extrémiste et que la médecine et la chirurgie aussi font des miracles. Et il m'était souvent difficile de convaincre les gens d'aller à l'hôpital.
Personnellement j'ai toujours utilisé l'urine de vache comme désinfectant… Où que je sois, pour la moindre petite égratignure ou coupure, je mets tout de suite de l'urine dessus. Ça brûle un peu, mais c'est une garantie contre les infections et, en Inde, il ne faut pas grand-chose pour se retrouver avec une plaie béante en quelques jours. L'urine de vache est aussi beaucoup utilisée pour asperger (en Inde on dit "purifier") à l'intérieur des maisons, à l'extérieur aussi, en toute occasion de doute […]
(***) Ascète hindouiste - connue de Bernard BELIN - qui a renoncé à toutes les attaches de la vie moderne pour se consacrer à la recherche spirituelle et, en conséquence, conserve l'anonymat.

Notes :
Bernard BELIN, "Quand l'industrie pharmaceutique n'existait pas, Un remède du passé revisité", Pharmacien Hôpital N° 48, Supplément à Décision Santé N° 155, janvier 2000.

Bernard BELIN et Dr Monique RAIKOVIC, "Un remède du passé : La Bouse", Ethnozootechnie N° 65, Varia N°5, juin 2000.
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Une <em>"Lettre au Président"</em> en chanson : <em>"Expression politique directe"</em> inspirée de Boris VIAN. <em>Rappeurs.euse... et "autres interprètes"... </em> <em>"Michel SARDOU (1969)"</em>, <em>"RENAUD (1983)"</em>, Lionel D (1990), FABE (1997), <em>"ÉLIZABETH (1998)"</em>, SALIF (2001), AXIOM (2006), Iron SY (2006), ÉKOUÉ (2008), CHILLA (2017)

Quels sont les signes de vraie reconnaissance auxquels peuvent prétendre et accéder les grands auteurs ? Que leur œuvre devienne source d'inspiration… Que leurs textes soient pastichés voire parodiés…
Tel est le cas de Boris VIAN imité en outre dans cette forme d'Expression politique directe - inventée par ses soins en 1954 avec Le Déserteur - qu'est une Lettre au Président, en chanson, enregistrée.
Cette forme d'expression démocratique sous forme de "lettre au Président" gravée sur disque a été reprise à partir des années 1990 par les rappeurs Lionel D (1990), FABE (1997), SALIF (2001), AXIOM (2006), Iron SY (2006), EKOUE (2008) et la chanteuse-rappeuse CHILLA (2017) dénonçant les inégalités sociales avec leurs propres mots, directs, parfois violents, voire très crus.
Les rappeurs avaient été précédés dans le genre, en 1969, par le jeune Michel SARDOU, chanteur populaire, et sa propre lettre d'un tout autre style et d'un tout autre contenu !
S'intercalent entre ces divers épistoliers-chanteurs les deux pastiches politiques tendance anarchisante des très différents vrai-faux anar et vraie anarchiste que sont respectivement le populaire RENAUD (1983) et son Déserteur (article défini absent) et ELIZABETH, la chanteuse libertaire (1998) interprétant Le Déserteur troisième version.


.
1.
1969. Michel SARDOU et sa Lettre au Président de France (Paroles : Michel Sardou / Musique : Jacques Revaux), première lettre du genre depuis Boris VIAN.
En période post-soixante-huitarde immédiate, Michel Sardou affiche ses convictions au sein du CD ″J'habite en France″. (Photographisme : Rodolphe Haussaire / Alain Tugault).
Douze titres dont plusieurs tubes : J'habite en France (chanson-titre), Et mourir de plaisir, Les Bals populaires... et aussi Les Ricains, América America... et cette Lettre au Président de France envoyée par un jeune qui écrit du Michigan... et rappelle que du côté d'Avranches une croix blanche porte le nom de son père mort il y a vingt ans.
Plusieurs titres et une lettre venant d'outre atlantique pas franchement libertaires : ″Dites à ceux qui brûlent mon drapeau / Qu'en souvenir de ces années / Ce sont les derniers des salauds″.
Du Michel Sardou des années 60 et 70 provoquant de vives polémiques !
Un Michel Sardou déclarant que la France ″c'est beaucoup mieux qu'c'qu'on dit″ et se voyant remettre en 1971, deux années après la sortie de sa Lettre au Président de France, par Georges Pompidou, Président de la République, le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour justement sa chanson... J'habite en France.
Un Michel Sardou qu'il est à la fois surprenant et original - en raison de la présente classification par ordre chronologique de ces (nouvelles) Lettres au Président interprétées par des chanteurs de tous bords - de voir précéder et côtoyer les rappeurs hardcore des années 1990 et 2000. Même si, hormis la fonction du destinataire, il y a peu de points communs entre le message politique des textes des rappeurs et celui de la missive de Michel Sardou !

2.
1983. RENAUD, (PASTICHE POLITIQUE), l'anar du showbiz et de ″La Closerie des Lilas″, le militant du parti des oiseaux écrit une bafouille au Président depuis l'Ardèche où y r'tape une bicoque avec des potes… des écolos marrants… il fait pousser des chèvres et fabrique des bijoux… y s'ra jamais soldat… il aime pas la guerre, les centrales nucléaires et les sous-marins craignos…
Paroles de cette bafouille au Président - où d'emblée le voussoiement réflexe dû à l'éducation de base de l'auteur fait rapidement place au tutoiement d'usage entre potes - par Renaud Séchan. Musique aussi.
Partie intégrante d'un album dédié à sa fille : ″Morgane de toi…″ (Photo : David Séchan) un sympathique Déserteur (article absent) interprété par le même Renaud [Séchan]. Seul texte engagé politiquement au sein d'un CD consistant en un mélange de chansons d'amour, populaires et rock. Un chanteur ″anar″ (à succès) et son propre Déserteur (pastiche).(1)

3.
1990. Lionel D et sa lettre Monsieur le Président (Paroles : Lionel D / Musique : Dee Nasty). En France l'arrivée du rap sur les ondes date des Années 1980. Dès 1981 la sulfureuse radio libre Carbone 14 avec Dee Nasty et la toute nouvelle station de Radio France, Radio 7, avec Sidney, furent les pionniers du genre sur la bande FM fraîchement libérée. C'est en 1984 que TF1 accueille sur sa grille Sidney et H.i.p.-H.o.p., destinée à devenir une émission culte. En 1988, Radio Nova diffuse Deenastyle, co-animée par Dee Nasty et Lionel D, qui contribuera à faire connaître la culture hip-hop.
La première rencontre du rap et de l'influence de Boris Vian (et sa Lettre adressée au Président) date de 1990. Avec le CD ″Y'a pas de problème″ et sa pochette à la photo (Alcide Rioche) artistiquement floue de Lionel D en lanceur de disque. Un CD douze titres dont Monsieur le Président. Un des premiers albums, peut-être le premier, de rap made in France. Lionel D - avec Dee Nasty, Destroy Man, Johny Go, Richy… - appartient à la première génération de rappeurs s'exprimant en français. Ne se limitant pas simplement à imiter le mouvement et mode d'expression né dans le quartier du Bronx à New York, ceux-ci s'attachent à mettre en évidence les inégalités sociales.
″Monsieur le Président, je m'adresse à vous / Lettre ouverte, dans ce monde de fous…″, rappe Lionel D qui dresse un état désastreux de cette société où le bonheur est interdit de séjour. ″Monsieur le Président… on n's'amuse pas vraiment… ça sonne beaucoup trop lent… manque de feeling ou d'imagination ? …Je compte sur vous… malgré tous vos soucis″. Une lettre respectueuse… Une lettre d'espérance… (2)

4.
1997. FABE et sa Lettre au Président - Paroles : Fabe / Musique : DJ Stofkry - au sein de son CD ″Le Fond et la forme″ (Photo : Armen). Sa Lettre au Président précédée de Rien ne stoppe mon avance [je suis la révolution] et suivie de Marche ou crève (le choix des armes).
Une lettre stigmatisant tensions raciales, contrôles de police, OPA sur l'immigration... déclarant a l'attention du Président : ″Je passe mon temps à lutter contre toi… J'aime pas ton drapeau, tes flics et tes politicos / Si tu nous rates on ne te ratera pas / Protège ton dos…″. Une Lettre au Président
qui trouve son prolongement dans 5 h du mat et Le Rap et moi où le Président est nommément désigné.
Musclé l'album de Fabe ! Une menace verbale qui - en novembre 2005, soit dix années après (!) - contribuera à ce que 152 députés et 49 sénateurs interpelleront le Ministre de la justice et lui demanderont d'envisager des poursuites contre Fabe… et Salif (voir ci-après) et Monsieur R et les quatre groupes : 113, Lunatic, Minister Amer et La Smala.
La virulence des propos du corps de la lettre de Fabe est relativisée par un post-final en forme d'appel téléphonique fictif sur un ton nettement moins agressif : ″Allo… Ouais, passes-moi Jacques, s'il-te-plaît… Fabe… Ouais, c'est pas grave, tu lui diras que j'ai écrit une chanson pour lui. Ciao !″.
Avec le dernier titre du CD, Si tu rêves de la Métropole, Fabe adresse un message absolument réaliste (″J'pensais m'en sortir mais mon avion a atterri dans leur banlieue / et qu'est-ce que tu veux que je fasse maintenant !?″) qui s'avère une très sage mise en garde ″pour tous les frères outre-mer qui croient qu'ici c'est la terre promise″. De quoi réconcilier avec Fabe les grands spécialistes du rap que sont les député François Grosdidier et sénateur Paul Blanc et leurs 199 collègues honorables parlementaires pétitionnaires !?
5.
1998. ÉLIZABETH, (PASTICHE POLITIQUE), son CD ″Les Temps sont durs″ (Photo : Anne Settinelli) et sa chanson Le Déserteur troisième version. (Première et deuxième versions : Mouloudji et Boris Vian… ?).
Une lettre - ″c'est pas qu'elle soit très longue″ -, urgente, postée au tarif fort, adressée à Monsieur le Président. Par quelqu'un qu'a plus d'boulot et qui s'est appliqué à écrire. Le tutoiement est d'emblée d'usage.
Il est question de squats, de prolos, de curriculums et de patrons, d'ANPE, de SDF... Et aussi de temps futurs où ″quand ça va exploser / y aura plus d'Président / et plus guère d'Elysée / peut-être plus d'Matignon / d'Ambassade amerloque…″. Paroles musclées de Rolland Hénault.
Musique d'Élizabeth [Gillet], chanteuse anarchiste et libertaire hors showbiz à l'humour caustique. Proche de l'Union Pacifiste de France, la Section française de l'Internationale des Résistants à la Guerre. Quasiment jamais programmée sur les antennes radio ou chaînes TV, à l'exception de la francilienne Radio Libertaire. S'accompagnant à l'accordéon, Elizabeth constate que si Les temps sont durs - chanson-titre de l'album -, ″les gens sont mous, ils ont la droite flasque et la gauche qu'est molle″. Faudra qu'elle en parle à Ravachol… à Robespierre… à Bakounine… Des potes à elle moins cools que ceux de RENAUD !
Et, dans la foulée, cette sans emploi SDF qui aime la littérature, décide d'écrire à tous les chefs d'Etats. Avec Le Déserteur troisième version et Les Temps sont durs, divers autres textes tendance anar : Chanson franchouillarde, Petite Epoque, C'est encore l'automne, J'suis réac…
6.
2001. SALIF et son CD ″Tous ensemble - Chacun pour soi″ (Photo : Tramber).
Seize titres. Dont une non-lettre au Président intitulée : ″Notre vie se résume en 1 seule phrase (street is watching)″ (Paroles : Salif / Musique : Madizm).
″Pour parler au Président, pas besoin de faire de lettre...″, rappe Salif. S'ensuit, en direction du Président, une entrée en matière vigoureuse : ″Si j'puis me permettre qu'il aille se faire mettre″ et autres propos violents quant au fond, tout en considérant que ″agir de cette façon me dégoûte″ mais ″c'est quand on casse qu'on nous écoute″.
Un final désabusé : ″Eh ouais mon pote ça changera pas !″. Avec sur le refrain et ses scratchs, le vocal chorus mélodieux de la jeune chanteuse américaine Toy.
La violence verbale de Salif contribuera aussi à ce que 201 parlementaires demanderont en 2005 (quatre années après !) au Ministre de la justice d'envisager des poursuites contre Salif… contre Fabe… Monsieur R et les groupes : 113, Lunatic, Minister Amer et La Smala. C'est la sortie du CD ″Politikment Incorrekt″ (2005) par Monsieur R, plus précisément la chanson FranSSe et son clip, qui a alerté les 152 députés et 49 sénateurs semblant découvrir tardivement le rap français et provoqué leur ire.
[En 2005, près de dix années se sont écoulées depuis la sortie de l'album de Fabe et celui-ci a abandonné le monde du rap et du spectacle depuis cinq ans. Le groupe Lunatic est également dissout depuis 2002 et le dernier enregistrement du groupe Minister Amer remonte à 1995. A contrario le groupe 113, très actif, s'est vu distingué en 2000 et 2006 par les Victoires de la Musique (3)]... Il n'y aura pas de suites judiciaires !
7.
2006. AXIOM : Ma Lettre au Président. Une lettre diffusée sur son site Internet et enregistrée ensuite en un album éponyme (Photo : Armen). Un CD seize titres. Une lettre au Président sur fond de sirène d'alarme et de musique de La Marseillaise. ("Auteur : Axiom ; Musique : Axiom et Rouget de l'Isle", mentionne la pochette).
Ma Lettre au Président classée sur l'album entre Je suis l'arabe et J'ai fait le rêve (Discours de Martin Luther King).
Une lettre, donnant son avis de citoyen, écrite et adressée le 7 novembre 2005 au Président suite aux émeutes qui ont touché les banlieues françaises. En termes à la fois respectueux de la fonction de son destinataire et très durs sur la politique menée.
Le rappeur lillois stigmatise : ignorance des problèmes… racisme… discrimination... répression… centralisation… loi du fric… méthodes archaïques…
″Monsieur le Président / Le peuple d'en bas veut plus d'égalité des chances et plus de partage / La sixième République attend votre démission″, assène Axiom dont la lettre se termine sur un ″Adieu″.
Jacques Chirac répondra à Axiom par lettre à en-tête "Le Président de la République"… dactylographiée… envoyée par La Poste le 16 décembre 2005 : ″Mon cher Hicham…, […] J'ai pris votre appel comme celui d'un artiste qui exprime sa sensibilité, fût-ce parfois par la provocation, le raccourci ou la caricature″.
Les termes utilisés par le Président sont sujets à des interprétations diverses. Quoi qu'il en soit les temps semblent quand même avoir changé depuis 1954. A notre connaissance Boris VIAN n'a jamais reçu de réponse ni de la Présidence de la République ni de la Présidence du Conseil !
8.
2006. Iron SY (paroles et accompagnement musical). Ne s'embarrassant pas de formule convenue, sa "lettre qui voyagera sans enveloppe" s'intitule explicitement et sobrement : Président !.
"Cette lettre / J'lai écrite au car-pla / Archi-agin et conscient de s'ke j'narrat'...", situe Iron Sy dans ce qui est le premier des dix-huit titres du CD "Irony". (Photo : DiemStyle)
Président ! 5'12'' d'expression d'une colère certaine. Le rap de Iron Sy est précédé par la voix de Jacques Chirac : 45 secondes extraites du discours prononcé le 19 juin 1991 à Orléans par l'alors Président du RPR, évoquant la politique de l'immigration : "La Goutte d'Or... un HLM... un père de famille... 4 ou 5 femmes... une vingtaine de gosses... 50.000 francs de prestations sociales... sans naturellement travailler... ajoutez à cela : "Le bruit et l'odeur... Le bruit et l'odeur... Le bruit et l'odeur..."", expression restée dans les mémoires.
"T'as braqué la France [...] Moi j'men bas c'est pas mon bled / Ni mes thunes", clame très haut et très fort Iron Sy se situant ainsi hors la communauté... tout en considérant y appartenir cependant : "D'en bas J'suis résident / Pas loin des Résidus".
"Tu t'est bien foutu d'Notre gueule ! [...]. Les noirs et les arabes / Tu les aimes qu'au cacho [...]. Dis à tes flics / Qu'ils nous font pas peur". Iron Sy, c'est manifestement une voix et une violence... Des couplets très durs aux paroles crues, le refrain consistant en une interpellation criée... répétée une trentaine de fois... et à plusieurs voix (vocal chorus : D.Dy)... martelant : "Président ! Eh Président !".
Un final : "Président ! Eh Président !" de près de 1'30'' aux arrangements changeant radicalement de rythme à mi-refrain, tranchant ainsi avec la rudesse du message précédant pour devenir quasi-lyrique.
9.
2008. ÉKOUÉ : Lettre in chanson-titre Nord Sud Est Ouest (Paroles : Ékoué / Musique : F.A.S.) au sein du CD "Nord Sud Est Ouest, 1er Épisode" (14 titres).
Avec cet album il s'agit du premier album solo du membre du groupe rap La Rumeur (Ékoué + Hamé + Le Bavar…), groupe contre lequel en 2002 le Ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a lancé une procédure judiciaire car coupable à ses yeux d'avoir diffamé la police dans une fanzine signée Hamé, "Insécurité sous la plume d'un barbare", jointe au livret du CD du groupe, "L'ombre sur la mesure". La longue procédure s'achèvera - cinq procès et huit années plus tard - par une relaxe du groupe le 27 juin 2010.
Entre temps, en juin 2008, Ékoué, l'intello du rap, rappeur politique underground pratiquant un "rap de fils d'immigrés", s'adresse à l'ancien Ministre de l'intérieur, devenu en 2007 Président de la République, Nicolas Sarkozy, sous la forme d'une lettre insérée dans la chanson titre de son album : "Monsieur le président je vous fais une lettre - je vous dis clairement d'aller vous faire mettre - que vous lirez peut-être grâce à votre fiston que les rappeurs lèchent pour du piston… Mes héros Thomas Sankara, Patrice Lumumba. Les tiens Josiane Balasko et Dominique Soppo...".
Il y est aussi question de… ses poteaux clandestins qui se sont déjà tous fait j'ter… de Kadhafi devant le Président… d'argent clean… de la justice… de la police plus violente que la cité… des condés et des associations… des talibans… des armes dans les quartiers…
"Autant dire que nous vivons une drôle de période…"
10.
2017. CHILLA (Paroles et musique) et sa Lettre au Président. Lettre de la jeune chanteuse-rappeuse-musicienne et auteure-compositrice - native du Pays de Gex et ancienne élève du Conservatoire de Lyon - adressée par La Poste à : "Mr François Hollande / Le Palais de l'Elysée / 55 Rue du Fbg St Honoré / 75008 PARIS".
"Je n'vous déteste pas, je n'vous respecte pas", tel est le sens de cette Lettre au Président mise en musique et chantée (plus que rappée) enregistrée en Vidéo (noir et blanc) en ligne : "on n'veut plus cacher la détresse… / on va en classe, mais c'est les classes qui nous effraient… / on nous formate dès le Bac… / je n'vis pas votre réalité… / on vit dans la nécessité… / on joue avec notre santé… / les gens vont voter pour le moins pire… / l'intégration française a perdu ses racines…", en stigmatisant : "votre loi El Connerie / le 49.3", et en concluant : "Ma belle France, où sont passés nos rêves, où sont passées nos voix ?"
À quand l'enregistrement gravé sur CD (physique) de cette Lettre au Président enregistrée par la belle voix grave et mélodieuse de Chilla ?


......................

Le chanteur populaire et parolier qu'est Michel Sardou (1969), Renaud (1983), puis encore deux-trois-quatre-cinq décennies plus tard les rappeurs Lionel D (1990), Fabe (1997), la chanteuse anar Elizabeth (1998), les rappeurs Salif (2001), Axiom (2006), Iron Sy (2006), Ekoué (2008) et la chanteuse-rappeuse Chilla (2017) se sont inspirés directement ou indirectement de Boris VIAN et de sa chanson Le Déserteur (1954) pour adresser leurs propres messages sous cette forme d'expression politique directe qu'est une Lettre au Président.
Michel Sardou, Lionel D, Fabe, Salif et Ekoué sont auteurs. Pour la partie musicale Michel Sardou a fait appel à Michel Revault et les quatre rappeurs respectivement à Dee Nasty, DJ Stofkry, Madizm et F.A.S.

Axiom a ceci en commun avec Boris VIAN - lequel avait co-signé la musique avec Harold B. Berg - d'avoir lui aussi co-signé la partition... en l'occurrence avec un certain Rouget de l'Isle !

Iron Sy et Chilla sont auteur(e)s à la fois des paroles et de l'accompagnement musical. (4)

Notes :
(1) 2003. Michel THIBAULT et le Play-back du renaudien Déserteur (sans article) baba cool à l'humour de bon aloi, mangeant des nouilles et invitant le Président à fumer un pétard !
Version chantée de Déserteur enregistrée in double-CD : ″Renaud (Répertoire de chansons créées par... / Collection Nouvelle Série Play-Backs)″. Seize chansons (une version instrumentale et une version chantée).
Le play-back… du pastiche… d'une chanson engagée… !
A un tel troisième degré, les karaokéyeurs du samedi soir peuvent-ils ressentir dans les tréfonds de leur subconscient d'authentiques nostalgies d'un monde pacifique meilleur… !?
.
(2) Monsieur le Président figure uniquement sur le CD ″Y'a pas de problème″, CBS Disques S.A., 12 titres, 1990. (Le titre ne figure pas sur le Maxi 45 tours CBS Disques S.A. ″Y'a pas de problème″, sorti en 1990 également !).
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(3) En 2000, deux Victoires dans les catégories ″Révélation″ et ″Album de rap, reggae, groove″ pour le CD ″Les Princes de la ville″. En 2006, album ″113 degrés″ nommé dans la catégorie ″Album rap, ragga, hip-hop, r'n'b″.
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(4) Si Lionel D, Fabe, Salif, Axiom, Iron Sy, Ékoué et Chilla ont été effectivement inspirés par Boris VIAN et sa chanson Le Déserteur, les seuls rappeurs a avoir gravé en français sur un ″support physique″ (en l'occurrence un CD) les paroles de Boris VIAN en version rap sont Kad Achouri (2005) et Tchad Unpoe (2006). [Cette version de Tchad Unpoe et les versions des autres rappeurs que sont Kanardo (2007) et le groupe WannaBe (2007) figurent sur des albums virtuels.]
Il existe une adaptation rap en italien de Le Déserteur par R. Pasini & L. Cappellini sous le titre Il Disertore, interprétée et enregistrée par le groupe transalpin Terminale X, in CD (Collectif) ″Pace / Mi no vao a combatar″ (2003) produit par le Comitato contro la guerra di Trevisio et comprenant quatorze canzoni contro la guerra.
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Les Années 1950 et une certaine <em>"censure musicale"</em> Boris VIAN : <em>Le Déserteur </em>et autres chansons anti-guerres (ou chansons "pro-civiles")

Les Années 1950… La crainte du chômage n'existait pas et, sous cet angle, la jeunesse(1) était insouciante... D'un autre côté c'était l'époque où planait une autre ombre, celle de la "Guerre d'Algérie", pour les uns officiellement et pudiquement : "Opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord" ou "Evénements d'Algérie" ou "Pacification de l'Algérie", pour les autres : "Révolution algérienne" ou "Guerre de libération nationale" ou "Guerre d'indépendance".

Le Déserteur (Paroles : Boris VIAN ; Musique : Boris VIAN et Harold B. BERG) était censuré sur les ondes de la radio publique, la Radiodiffusion française, où la chanson faisait l'objet d'une fiche de censure "INTERDIT", et généralement boycotté ailleurs...

1. La "CENSURE" et MOULOUDJI : Le Déserteur (version : Messieurs qu'on nomme Grands)

L'enregistrement princeps - 14 mai 1954 - de Le Déserteur est l'œuvre de MOULOUDJI et figure sur le vinyle 78 tours Philips M BIEM N 72.222 H (Matrice 3254 ACP) / 2 tirages et 2 labels différents :
- sur l'un figure : "LE DÉSERTEUR (Boris Vian) MOULOUDJI" ;
- sur l'autre est ajouté : "avec l'ensemble Marcel SCHU".

MOULOUDJI était en fait accompagné par Jimmy WALTER. Celui-ci avait choisi sur l'un d'occulter toute trace de sa participation musicale à l'accompagnement de cette chanson jugée alors par trop subversive, sur l'autre d'utiliser le pseudonyme de Marcel SCHU(2). Ceci malgré une adaptation pacifiste des paroles de Boris VIAN par MOULOUDJI.

La version MOULOUDJI consiste d'abord à ne pas invectiver directement "Monsieur le Président". Connu alors pour ses interprétations romantiques de Comme un p'tit coquelicot (Prix de l'Académie Charles Cros) et Si tu t'imagines, MOULOUDJI s'adresse de sa voix chaleureuse et mélancolique à de beaucoup plus vagues "Messieurs qu'on nomme Grands".

Les derniers vers - "Prévenez vos gendarmes / Que je serai sans armes / Et qu'ils pourront tirer" - sont aussi les fruits d'une réécriture. En témoignent les notes manuscrites publiées dans les Œuvres complètes de Boris VIAN, cette chanson étant en effet prévue pour se conclure initialement sur des paroles qui n'inclinaient pas vraiment au pacifisme : "Prévenez vos gendarmes / Que j'emporte des armes / Et que je sais tirer".

Avec MOULOUDJI, diverses autres modifications font que le texte originel de VIAN et la personnalité du conscrit réfractaire de la chanson perdent très fortement de leur caractère subversif. Disparition d'emblée du thème développé par l'auteur : "Ma décision est prise / Je m'en vais déserter", auquel MOULOUDJI substitue une sorte de chansonnette : "Les guerres sont des bêtises / Le monde en a assez".

Et MOULOUDJI de réitérer in fine en gommant radicalement ce qui faisait la substance du texte de Boris VIAN : "Refusez d'obéir […] N'allez pas à la guerre / Refusez de partir" est devenu un quasi-humanitaire : "Profitez de la vie […] Vous êtes tous des frères / Pauvres de tous les pays".

Le héros et la chanson elle-même sont dépersonnalisés. Les articles indéfinis et par nature indéterminés sont préférés aux déterminants possessifs d'origine, atténuant fortement l'impact du propos : "J'ai vu… des pères… des frères… des enfants… des mères… leur femme…" remplacent "J'ai vu… mon père… mes frères… mes enfants… ma mère… ma femme". Parallèlement la fuite de l'insoumis marchant sur les chemins de Bretagne en Provence… est géographiquement déplacée et éloignée au Nouveau Monde via l'onde ! (pour la rime).

L'explicite et définitif "Ma mère… est dedans sa tombe / Et se moque des bombes / Et se moque des vers", disparaît ! Remplacé par le nettement moins percutant "D'autres se gambergent / Et vivent à leur aise / Malgré la boue de sang".

Difficile de savoir précisément quelles sont les modifications qui auraient été apportées par Boris VIAN lui-même, imposées par la situation politique ou/et à la demande de MOULOUDJI, celles issues d'une écriture commune VIAN-MOULOUDJI, celles propres à MOULOUDJI avec l'accord de VIAN. "Boris VIAN me montra […] Le Déserteur. Comme je faisais quelques réserves […], il m'invita à réécrire moi-même les passages qui me gênaient […]. Lui conserva la version originale", écrira MOULOUDJI en 1965.

Interdiction ou/et boycott ou/et autocensure perdureront. En témoigne en 1956 le 33 tours 25 cm Philips N 76.055 R du même MOULOUDJI : ″Chansons et complaintes″ (Photo : Studio Harcourt) :
- au recto de la pochette à fond bleu - MOULOUDJI dans sa classique tenue de scène, son "habit de ténèbres" (pull à col en V et pantalon noirs / chemise blanche à col ouvert) - figure en caractères blancs la colonne des dix titres enregistrés. Entre La complainte de la butte et La complainte du mal d'amour, en n°5 : Le Déserteur ;
- au verso de la pochette - et sur les labels des deux faces - sont précisés, pour neuf des dix titres, les noms des différents orchestres accompagnant MOULOUDJI. Pour Le Déserteur est simplement indiqué : ″avec accompagnement instrumental″ ! Toujours l'autocensure ! A l'écoute, on identifiera la version enregistrée avec Jimmy WALTER et son orchestre.

Et la censure de la maison Philips de s'afficher ouvertement avec le tirage suivant de ce même vinyle 33 tours 25 cm :
- au recto de la pochette à fond bleu, dans la colonne des dix titres inscrits en caractéres blancs, apparaît au niveau du Titre 5 un "cache" rectangulaire blanc attirant l'attention, avec en surimpression : on m'a dit (en bleu) ;
- Le Déserteur de Boris VIAN a été remplacé par On m'a dit. Le texte a été écrit pour la circonstance en 1956 par MOULOUDJI qui - face à la censure de la maison d'édition - laisse percevoir son dépit dans les paroles de la nouvelle chanson : ″On m'a dit / vous n'avez rien à dire… / la guerre… / les civils n'ont pas à s'en mêler… / vous n'y pourrez rien changer…″

Le texte de MOULOUDJI est devenu une sorte de complainte mais est néanmoins encore ressenti par certains comme une provocation et une inacceptable incitation à l'insoumission. "A Paris le scandale va grandissant : interpellation à la Chambre des députés, interdiction à la Radiodiffusion par le Comité d'Écoute du 14 juillet 1954. La maison Salabert arrête la vente des petits formats, Philips retire les disques des bacs des disquaires"(3).

Ladite censure ne s'arrêtera pas en si bon chemin ! Ayant évolué du 33 tours 25 cm en un 33 tours 30 cm (douze titres), l'édition EPIC LF-2003 made in Canada du vinyle ″Chansons et complaintes″ - même photo de MOULOUDJI mais ici sur fond rouge - ne comporte plus aucune trace de Le Déserteur remplacé par On m'a dit. Les ciseaux d'ANASTASIE ont sévi extemporanément des deux côtés de l'Atlantique !

En 1965 MOULOUDJI effectuera un réenregistrement de Le Déserteur - accompagné par Jean BAÏTZOUROFF et son orchestre nommément désigné - qu'il produit lui-même (Disques MOULOUDJI, 45 tours EP MM 301). Evoquant sa première version avec Jimmy WALTER alias Marcel SCHU, MOULOUDJI signe au dos de la pochette : "Quelques mois après la parution du disque, la chanson fut retirée du circuit commercial et du catalogue de la firme où je l'avais enregistrée [Philips]. Voici donc Le Déserteur dans la version que j'avais chantée et dans sa forme où je viens de la réenregistrer aujourd'hui."
Hors tout boycott ou/et autocensure ou/et interdiction, MOULOUDJI réenregistrera et (co)produira de nouveau Le Déserteur (Version : Messieurs qu'on nomme Grands) avec les orchestres de Gaby WAGENHEIM (1966), Jean MUSY (1972) et Jean BERNARD (1974 en live / 1976).

2. La "CENSURE" et Boris VIAN : Les joyeux Bouchers, Je bois, Le Déserteur (version : Monsieur le Président), Le petit Commerce

Ayant été condamné par la justice pour "atteintes aux mœurs" (1950) après la publication sous le pseudonyme de Vernon SULLIVAN de J'irai cracher sur vos tombes et Les morts ont tous la même peau, puis ayant vu ses paroles antimilitaristes pourtant édulcorées de Le Déserteur enregistré par MOULOUDJI (1954) interdites sur les ondes, Boris VIAN sera en outre victime de la censure en tant qu'interprète de cette chanson et de diverses autres.
Le Déserteur (Version : Messieurs qu'on nomme Grands) ayant été créé en 1954 par MOULOUDJI, Boris VIAN ″reprendra″ dès l'année suivante la chanson qu'il qualifie de pro-civile - et non pas d'antimilitariste - avec ses paroles originelles (Version : Monsieur le Président), le final restant néanmoins modifié : "Prévenez vos gendarmes / Que je serai sans armes / Et qu'ils pourront tirer". De fait, s'agit-il d'une ″reprise″ ? Ne serait-ce pas plutôt une ″seconde création″, voire une véritable création tant le texte d'origine avait été édulcoré dans la version de MOULOUDJI.

Boris VIAN enregistre donc Le Déserteur en avril 1955, lui aussi accompagné (comme MOULOUDJI) par Jimmy WALTER et son ensemble... Et là aussi - autocensure oblige - le nom de celui-ci ne figure ni sur le 45 tours EP Philips Chansons "impossibles" (quatre titres), ni sur le 33 tours 25 cm Philips Chansons "possibles" et "impossibles" (dix titres / avec la présentation autographe de Georges BRASSENS), tirés chacun à seulement 500 exemplaires. En revanche Jimmy WALTER signe - considérées comme moins subversives (!?) - l'accompagnement de Les joyeux Bouchers, Java des bombes atomiques et Cinématographe. (4)

Le Déserteur et trois autres chansons qualifiées "impossibles" par Boris VIAN - Les joyeux Bouchers, Je bois et Le petit Commerce - seront interdites de diffusion à la Radiodiffusion par le Comité d'Écoute ad hoc.

Il faudra attendre les années 1960 pour que cette censure soit frappée d'obsolescence (et que le nom de Jimmy WALTER apparaisse en tant qu'accompagnateur sur le label et la pochette d'une réédition de la même interprétation de Le Déserteur par Boris VIAN).

Censuré en France au cours des années 1950, Le Déserteur a fait depuis l'objet de l'enregistrement de plus de 120 reprises en français et d'autant de traductions-adaptations (allemand, anglais, catalan, danois, espagnol, esperanto, finnois, italien, japonais, kabyle, ligure, macédonien, néerlandais, norvégien, occitan, polonais, sarde, schwyzerdütsch, suédois).

Une contribution à la petite histoire de la chanson française... s'inscrivant ici dans l'Histoire de la France, de la Guerre d'Algérie et de la censure... et aussi dans la vie, l'histoire personnelle et les préoccupations des jeunes des années 1950...

Signature :
Bernard BELIN et Jean-Jacques MARZOCCHI

Notes :
(1) Futurs "appelés", les jeunes (garçons) souhaitant obtenir un sursis d'incorporation pour études devaient suivre dès 17 ans la Préparation Militaire Elémentaire.
(2) La signature de Jimmy WALTER - pour la même version - apparaîtra en 1955 sur la pochette du 45 tours EP Philips 432.023 NE MOULOUDJI chante Boris VIAN n°2. (Sur le label reste anonymement indiqué : "avec accompagnement instrumental" !)
(3) Dixit Gilles SCHLESSER, in MOULOUDJI, L'Homme au coquelicot, La Belle Gabrielle, 2009, 120 p., illust. noir et coul.
(4) Concernant Bourrée de complexes, On n'est pas là pour se faire eng..., Je bois et Le petit Commerce, Boris VIAN est accompagné par Claude BOLLING et son orchestre. Dont le nom n'apparaît ni sur le 45 tours EP ni sur le 33 tours LP produits tous deux par Philips. Contrairement à Jimmy WALTER, il ne s'agir pas ici obligatoirement d'autocensure mais vraisemblablement d'une raison purement commerciale dans la mesure où Claude BOLLING était sous contrat chez Vogue.
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Cyprès du Tassili - Cyprès de Duprez - Tarout - &#1587;&#1585;&#1608; &#1589;&#1581;&#1585;&#1575;&#1608;&#1610; - +o+ (trt) <em>Cupressus dupreziana </em>A. Camus 1926, espèce endémique du Tassili des Ajjer (Sahara central) en danger de disparition HISTORIOGRAPHIE (& Essai de monographie)

HISTORIOGRAPHIE

1860. Le voyageur et naturaliste britannique (connu plus particulièrement pour ses travaux en ornithologie), le révérend Henry Baker TRISTRAM, ayant séjourné en Algérie et exploré le Sud de 1856 à 1860, après observation de bois ayant servi à la fabrication d'ustensiles par les Touharegs du Hoggar, pressentit l'existence d'un résineux dans cette région du Sahara central, résineux probablement voisin du genre Juniperus :

"To judge from the woodwork of saddles and the handles of weapons which is obtenaid from Touhareg, manufactured in the Dj. Hoggar, there is also a species of hard resinous wood, probably allied to the Juniperus" (1860, The great Sahara : Wanderings south of the Atlas mountains)".



1863-1864. D'après les renseignements recueillis auprès des populations indigènes, et après examen des bois employés en charpente et en menuiserie, l'explorateur-géographe Henri DUVEYRIER, qui sillonna le Sahara de 1859 à 1863, confirme l'existence de ce résineux, appelé tarout en tamashek, et qu'il identifie au Thuya articulata Vahl :

"Un fait de géographie botanique assez important à constater est la présence de l'olivier (Olea europaea) à Tessaoua, près de Mourzouk, mais surtout celle du Thuya articulata sur les points culminants du Tassili des Azdjers et du Ahaggar, à une soixantaine de kilomètres au Nord du tropique du Cancer. Cet arbre vert, qui constitue de véritables forêts, y atteint des proportions gigantesques". (1863, Note sur les Touareg et leur pays).

DUVEYRIER reprendra ses observations et développera ses extrapolations :

"La forêt qui produit cette essence paraît considérable car tous les bois employés dans les constructions de Ghat et de Djanet en proviennent. Les dimensions des planches, la couleur, la finesse du bois rappellent celles du Thuya. Le nom de tarout, forme berbérisée du mot'ar'ar employé dans le Tell pour désigner le Thuya articulata, m'engage à identifier, provisoirement, le tarout des Touharegs avec le 'ar'ar des Arabes. Cet arbre fournit une résine…, on en extrait du goudron…, ces deux faits viennent à l'appui de l'identification du tarout avec le Thuya articulata". (1864, Les Touareg du Nord). (1)



1878-1920. Ce sont les données et hypothèses de TRISTRAM et de DUVEYRIER qui, pendant soixante années, orientèrent les recherches des explorateurs et inspirèrent les phytogéographes. A. GRISEBACH (1878, La Végétation du Globe) et O. DRUDE (1897, Manuel de Géographie Botanique), extrapolant exagérément eux aussi les quelques données dont ils disposaient, admirent également l'existence d'une forêt de conifères sur le plateau du Tassili et sur les sommets du Hoggar. E. von BARY, C. de MOTYLINSKI, R. CHUDEAU, N. VILLATTE, L. DIELS, H. GEYR von SCHWEPPENBURG, parcoururent successivement ces régions montagneuses du Sahara central sans rien apporter qui puisse confirmer les hypothèses de TRISTRAM et DUVEYRIER. L'œuvre de ce dernier fut alors fortement critiquée, et ses indications relatives au tarout furent mises en doute, particulièrement par DIELS (1917, Beiträgezur Flora der Zentral-Sahara und ihrer Pflanzengeographie), puis par GEYR von SCHWEPPENBURG (1920, Zur Pflanzengeographie der inneren Sahara).



1924. Le Capitaine d'infanterie hors cadre aux Affaires Indigènes Maurice DUPREZ, de la Compagnie saharienne des Ajjer, commandant alors l'Annexe de Djanet, eut en 1924 le privilège d'être le premier "voyageur" européen à voir ce résineux dont les explorateurs et les phytogéographes avaient jusque-là seulement soupçonné l'existence tant au Tassili des Ajjer qu'au Hoggar.

Deux ans plus tard il signifiera sa découverte au Professeur René MAIRE, de la Faculté des sciences d'Alger, par une "Note datée du 27 février 1926" que ce dernier publiera en 1933 :

"Au cours d'une de mes tournées à méhari dans le Tassili des Ajjers, en 1924, dans la partie qui se trouve à l'Est de la petite oasis de Djanet et à laquelle les Touaregs ont donné le nom de Tassili Edehi, je découvris un jour dans un petit oued appelé Tamerid un arbre dont l'aspect verdoyant et la taille plus qu'anormale pour le pays ne laissa pas que d'attirer mon attention. Ce conifère, car sans doute j'avais affaire à un spécimen de cette espèce, n'était pas isolé, puisqu'en poursuivant mes investigations dans le même oued j'en découvris bientôt un second, puis le fût mort d'un troisième. N'ayant pas mon appareil photographique, j'étais dans l'impossibilité de fixer par l'image cet échantillon curieux de végétation dans la sombre aridité de ce plateau gréseux. J'emportais cependant une petite branche et quelques gouttes de résine desséchée que je trouvais au pied de l'arbre. J'eus la déconvenue en arrivant à Djanet de voir ma branche tomber en poussière presque impalpable. Il ne me restait plus qu'à souhaiter que mes pérégrinations à travers le Sahara me ramenât dans les mêmes parages. En attendant, je questionnais les indigènes sur ce qui me semblait être un Conifère et voici les renseignements que je réussis à recueillir :

Le tarout, car tel est le nom que les indigènes du pays donnent à cet arbre, est connu des Touaregs Ajjers, mais encore, et pourrait-on dire surtout, des Kel Djanet, cultivateurs de l'oasis du même nom. En effet ces indigènes utilisent depuis très longtemps le bois de cet arbre pour la construction des portes de leurs habitations. Ce bois, très tendre, se laisse travailler assez facilement par les outils rudimentaires des naturels du pays". (Etudes sur la flore et la végétation du Sahara Central, 1933)



1925. "Mission Tunis-Tchad", mission de reconnaissance - équipée de véhicules Citroën-Kegresse semi-chenillés spécialement construits - en vue du désenclavement du Sud Tunisien par une rocade militaire partant de l'oasis de Gabès et rejoignant le cœur de l'Afrique centrale "en restant constamment en territoire français" [sic ! (B.B., 2016)]. Chef de la Mission : Lieutenant-Colonel Victor-Paul COURTOT, Directeur du Cabinet militaire du Résident général de France en Tunisie. Pour marquer la complémentarité des autorités françaises de Tunisie et d'Algérie dans ce projet, il est décidé que le Capitaine DUPREZ, assurant le commandement de l'Annexe des Ajjers de la Compagnie saharienne, intégrera la Mission à Fort de Polignac.

Grâce aux indications du Capitaine DUPREZ, l'Inspecteur général des Eaux et Forêts Louis LAVAUDEN, Garde général forestier en Tunisie, chargé de la partie scientifique (botanique, zoologie, géologie) de la Mission, retrouve le conifère de l'Oued Tamerit :

"Nous avons pu retrouver et identifier approximativement l'arbre en question, qui, dans la langue tamashek porte le nom de tarout. Il s'agit, non pas du Callitris articulata (Vahl) Link [= Thuya articulata Vahl], comme le pensait DUVEYRIER, mais d'un arbre que [selon les indications de Philibert GUINIER, Directeur de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts (ENEF) de Nancy, à qui les échantillons avaient été soumis] nous avons rapporté provisoirement au Cupressus sempervirens L. forma horizontalis ". (1926, Sur la présence d'un cyprès dans les montagnes du Tassili des Azders / 1927, Les forêts du Sahara).



1926. A partir de fruits, graines et fragments de rameaux récoltés par LAVAUDEN [et confiés par GUINIER à divers spécialistes], la botaniste Mlle Aimée Antoinette CAMUS, Lauréate de l'Institut de France (Académie des sciences), auteure d'une monographie mondiale du genre Cupressus (1914, Les Cyprès : genre Cupressus, monographie systématique, anatomie, culture, principaux usages), établit que le cyprès de Tamerit est spécifiquement distinct, et le nomme Cupressus dupreziana (2) en hommage à celui qui l'a découvert :

"J'ai pu étudier ce conifère qui n'est pas le Thuya articulata, mais un Cupressus présentant quelques ressemblances avec le Cupressus horizontalis Mill., mais distinct néanmoins. Sur la demande de M. LAVAUDEN, j'ai dédié cette nouvelle espèce à M. le Capitaine DUPREZ". (1926, Un cyprès nouveau du Tassili).



1933. Peu après DUPREZ et LAVAUDEN, le célèbre géologue Conrad KILIAN [le premier à avoir affirmé à partir des données géologiques l'existence du pétrole dans le sous-sol saharien] observe à son tour le cyprès du Tassili et recueille en outre des renseignements sur la présence probable d'un tronc de cyprès mort dans le Hoggar.

Ayant fait part de ses observations à R. MAIRE, celui-ci les rapporte ultérieurement - en même temps que la "Note datée du 27 février 1926" du Capitaine DUPREZ - en considérant que les cyprès du Tassili et du Hoggar sont identiques :

"Cupressus dupreziana A. Camus - Lits pierreux des oueds de l'étage méditerranéen inférieur. Tassili-n-Ajjer : montagnes gréseuses entre Djanet et Ghat, dans l'Oued Tamerid et l'Oued Amezar, particulièrement aux lieux dits Tin Beradjen, Tin Bellelé ! Tin Lezit, 1700-1900 mètres (DUPREZ, LAVAUDEN, KILIAN). Hoggar : un gros tronc mort existerait encore dans l'Oued Tin Tarabine, vers 1700 mètres, d'après des renseignements donnés à C. KILIAN par Khamma Ag el Hadj Mohamed, des Aït-Telouaïn. Aire géographique : Endémique des montagnes du Sahara central. Cet arbre a été employé pour les constructions de Djanet et de Ghat, ce qui a amené sa raréfaction extrême. Ses rameaux sont en outre très recherchés comme fébrifuge (KILIAN)". (1933, Études sur la flore et la végétation du Sahara Central).



1949-1950. "Mission scientifique au Tassili des Ajjer" de l'Institut de recherches sahariennes (IRS) de l'Université d'Alger (1949). Chef de la Mission : Francis BERNARD, Professeur de zoologie.

Claude LEREDDE, botaniste de la Faculté des sciences de Toulouse, durant sa première mission d'exploration botanique du Tassili récolte environ deux cents cônes. A l'examen les cônes s'avèrent différents de ceux récoltés par LAVAUDEN en 1925 et ayant servi à décrire l'espèce Cupressus dupreziana A. Camus. Il n'y en a aucun qui soit inférieur à 19 mm et plusieurs dépassent 24 mm ; en largeur ils ont de 16 à 20 mm ; la plupart ont 12 écailles. Aussi le Professeur Henri GAUSSEN, de la Faculté des sciences de Toulouse, crée alors l'espèce Cupressus lereddei (3) en précisant :

"Ou bien Mlle A. CAMUS a eu entre les mains un échantillon d'un arbre exceptionnel, il n'y en avait qu'un seul, et cet arbre seul mérite le nom de Dupreziana, celui de M. LEREDDE étant d'une espèce différente ; ou bien les deux types appartiennent à la même espèce et Mlle A. CAMUS a eu la malchance de décrire comme type un arbre aberrant. Quoi qu'il en soit, sa diagnose ne s'applique pas à l'arbre de LEREDDE… Comme les règles ne permettent pas de modifier une diagnose publiée et que, d'autre part, il n'est pas impossible qu'il y ait deux espèces aux Ajjer je décris l'espèce de LEREDDE". (1950, Espèces nouvelles de Cyprès : Cupressus atlantica au Maroc, Cupressus Lereddei aux Ajjer).



1952. Paraît le Premier Volume de la "Flore de l'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Cyrénaîque et Sahara) par le † Dr René MAIRE, Membre de l'Institut de France, Professeur à l'Université d'Alger", [publié par les soins de Marcel GUINOCHET, successeur de René MAIRE à Alger, et de Louis FAUREL, "Prince de la botanique algérienne" (B.B., 2016)]. N'y figure que la seule description du Cupressus dupreziana A. Camus, R. MAIRE (1949 †) n'ayant pas eu connaissance de la création d'un Cupressus lereddei par GAUSSEN. (4)

La même année GAUSSEN émet quelques doutes quant à l'existence de deux espèces de cyprès au Tassili des Ajjer, et précise en parlant des spécimens étudiés par Mlle A. CAMUS : "Il est probable que le premier échantillon était un avorton mal bâti", mais il n'exclut cependant pas totalement la possibilité d'un Cupressus dupreziana et d'un Cupressus lereddei distincts. (1952, Les Résineux de l'Afrique du Nord. Ecologie, reboisement).



1954. Au cours d'un itinéraire botanique dans le Massif du Hoggar, effectué en novembre 1953, Pierre QUÉZEL, Professeur à la Faculté des sciences d'Alger (successeur de M. GUINOCHET), trouve dans le lit de l'Oued Erherhi, sur la piste Tazrouk-Tin Tarabine, un tronc mort [qu'il déclare] de cyprès, qui dans la tradition indigène passe pour le dernier tarout du Hoggar, et en amont de ce tronc mort et dans le même oued, une grosse branche [qu'il déclare aussi] de cyprès.

En ce qui concerne le tronc mort, QUÉZEL note dans diverses publications : "Il n'est pas douteux que ce tarout

soit celui que signalait KILIAN sur la foi des indigènes… / individu, dont l'âge ne saurait excéder huit à dix siècles, végétait à 1100 mètres d'altitude… / tronc énorme, haut de plus de six mètres, et à sa base d'un diamètre de 2,60 mètres…". Quant à la branche, il apporte quelques précisions supplémentaires : "Nous avons trouvé dans ce même Oued Erherhi, à une dizaine de kilomètres en amont, apportée par les inondations, une grosse branche de cyprès en excellent état de conservation, morte depuis quelques dizaines d'années, alors que le tronc mort encore en place en aval, n'est plus vivant depuis au moins un siècle".(5)

QUÉZEL admet l'existence possible d'individus vivants dans le Massif du Hoggar, et estime que : "Il est infiniment probable que le cyprès du Tassili soit identique à celui du Hoggar ; toutefois il sera impossible de l'affirmer tant que des individus vivants, s'il en reste, n'auront pas été vus". (1954, Contribution à la flore de l'Afrique du Nord. IV : Contribution à la flore du Hoggar, et publications diverses).

[Il s'avérera qu'il ne s'agissait pas d'un tronc de cyprès et pas d'une branche de cyprès, ni de conifère ou résineux, ni de gymnosperme, mais d'Acacia sp., (B.B., 2016) (6)]



1957.La synonymie "Cupressus dupreziana A. Camus, 1926 = Cupressus lereddei Gaussen, 1950", est admise par LEREDDE dans son "Etude écologique et phytogéographique du Tassili N' Ajjer :

"Il est certain que la diagnose princeps de Mlle CAMUS pour Cupressus dupreziana ne correspond pas pour le cône à ceux récoltés dans la même station et très probablement en partie du même arbre… Elle correspond à un cône au moins miniature et de plus anormal. En suivant l'avis de l'éminent taxonomiste hollandais le Professeur Joseph LANJOUW de l'Université d'Utrecht [LANJOUW & coll., "Code international de la nomenclature botanique (CINB), 1956], le Professeur GAUSSEN, qui ne pensait pas pouvoir modifier une diagnose, m'a fait l'honneur en donnant une description exacte d'associer mon nom à cet arbre magnifique. Mais les nouvelles règles de nomenclature permettent la modifications des diagnoses originelles lorsqu'une erreur manifeste était reconnue".



1961. GAUSSEN lui-même, confirme l'existence d'une seule espèce de cyprès au Tassili des Ajjer, et clôt la polémique suscitée par la célèbre relique du Sahara algérien (7) :

"Dans l'article du Monde des Plantes où je créais l'espèce Lereddei, je remarquais que la diagnose originelle de Mlle CAMUS relative à Cupressus Dupreziana indiquait un cône de l2 à l8 x l0 à 15 mm avec dix écailles. Or, les échantillons apportés par LEREDDE (plusieurs centaines) avaient de 19 à 24 x 16 à 20 mm et douze écailles. La question était encore mal connue, il pouvait y avoir deux espèces dans ces contrées peu explorées, mais je disais : "ou bien les deux types appartiennent à la même espèce et Mlle CAMUS a eu la malchance de décrire comme type un arbre aberrant". Cela se passait en 1949 et au Congrès international de botanique (CIB) de Stockholm de 1950 les taxinomistes que j'avais consultés étaient d'accord sur l'intangibilité de la diagnose de Mlle CAMUS, aussi ai-je publié l'espèce Lereddei. Depuis, M. LEREDDE a fait un deuxième voyage au Tassili et a pu s'assurer qu'il n'y avait bien qu'une espèce et que l'échantillon type de Mlle CAMUS était une anomalie. Les nouvelles règles de la nomenclature adoptées après le CIB de Stockholm permettent des modifications de la diagnose originelle et il est évident que le binôme Cupressus dupreziana A. Camus a la priorité". (8)

GAUSSEN apporte les premières précisions quant à la capacité germinative des graines : "Il est possible que celle-ci soit variable suivant les années, mais au moins certaines années - les graines rapportées par LEREDDE ont germé à Toulouse - les graines sont normales et à pouvoir germinatif notable". (1961, A propos du Cyprès des Ajjer. Son intérêt forestier).



1965-1966. "Mission des Institut de recherches sahariennes (IRS) & Laboratoire de botanique de la Faculté des sciences - Université d'Alger". Décembre 1965 - Janvier 1966. Chef de la Mission : Jean-Paul BARRY. Guide sur le plateau du Tassili N'Ajjer : ABOUTALEN.

Les 34 relevés floristiques effectués dans le groupement végétal tassilien à cyprès par J.-P. BARRY & L. FAUREL montrent l'extrême pauvreté de la couverture végétale tant en espèces qu'en individus (93 espèces dont quelques rares thérophytes).

On peut considérer que diverses espèces sont dans une certaine mesure liées (coefficient de communauté de Jaccard / analyse différentielle de Czekanowski) à la présence du Cupressus dupreziana A. Camus, et qu'elles constituent avec lui, au sens des phytosociologues, l'ossature d'une véritable association végétale.

A ce point de vue les espèces les plus notables seraient semble-t-il : Olea laperrini Batt. et Trab. / Myrtus nivellei Batt. et Trab. ssp. nivellei / Globularia alypum L. ssp. arabica (Jaub. et Spach) Maire / et peut-être : Lavandula pubescens Decne. ssp. antineae (Maire) De Miré et Quézel / Varthemia sericea (Batt. et Trab.) Diels ssp. incanescens Maire / Phagnalon saxatile (L.) Cass. ssp. purpurascens (Sch. Bip.) Maire.



Bernard BELIN et Louis FAUREL [Extrait (complété par B. BELIN) de : J.-P. BARRY, B. BELIN, J.-Cl. CELLES, D. DUBOST, L. FAUREL, P. HETHENER (9), "Essai de monographie du Cupressus dupreziana A. Camus, cyprès endémique du Tassili des Ajjer (Sahara Central)", Bulletin de la Société d'Histoire Naturelle de l'Afrique du Nord, Alger, 1970, Tome 61, 1/2, p. 95-168 / Travaux du Laboratoire forestier de Toulouse, 1973, Tome I, vol. IX, art. II.]



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2016 : ADDENDUM



2001-2005. Une équipe du Parc National du Tassili a répertorié 233 individus vivants en 2001 et une carte de leur aire naturelle fut établie (ABDOUN et BEDDIAF, 2002) (10)(11) Une comparaison avec un ancien inventaire (GRIM, 1972) a montré une perte de 8% (morts par dessèchement ou par coupes le plus souvent. La surprise fut, cependant, la découverte de deux jeunes cyprès parmi les vieux, ce qui rend caduque sa qualification de relique. Il se reproduit in situ et quelques une de ses plantules persistent sous le climat hyperaride actuel.

Les recherches sur l'âge des cyprès entamées en 1967 ont abouti en 2002 à la connaissance de la vitesse de croissance en circonférence et des datations au radiocarbone réalisées à l'Université d'Arizona à Tucson (Etats-Unis). Ces dernières ont concerné les vieux sujets de plus d'UN mètre de diamètre du tronc. Leurs âges varient entre un et trois mille ans (ABDOUN et al.,, 2005) (12).



2015. Le suivi de l'état des arbres entre 2014 et 2015 a mené une équipe recomposée dans des oueds différents où 6 individus nouveaux furent observés et ajoutés au total, mais en même temps, plusieurs pieds sont retrouvés morts ce qui maintient le compte autour de 233 sujets.

Fatiha ABDOUN, Laboratoire d'écologie végétale et environnement, Faculté des sciences biologiques, Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene, Bab Ezzouar Alger,.


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NOTES


1.

La détermination faite par DUVEYRIER pour le résineux des Ajjer s'est donc avérée fausse mais elle s'explique fort bien étant donné que le Thuya de Berbérie, Tetraclinis articulata (Vahl) Masters 1892 [= Thuya articulata Vahl 1791 = Callitris quadrivalvis Vent. 1808 = Callitris articulata (Vahl) Link 1831], est une des Gymnospermes les plus répandues dans les zones sèches de l'Afrique du Nord, où aucun Cupressus n'était alors connu à l'état spontané. D'autre part DUVEYRIER, pour identifier le tarout du Tassili des Ajjer au Thuya de Berbérie, tire argument de raisons linguistiques et aussi du fait que les deux espèces fournissent l'une et l'autre une résine et un goudron. (Il convient de rappeler que le Juniperus phoenicea L., autre conifère largement répandu dans toute l'Afrique du Nord depuis les dunes littorales jusqu'aux derniers reliefs de l'Atlas saharien, est lui aussi dénommé 'ar'ar par les Arabes, et que d'autre part on en extrait une résine et un goudron, ce dernier très utilisé pour le traitement de la gale des chameaux).



2.

Diagnose de Cupressus dupreziana par Mlle A. CAMUS (très laconique ne comportant aucune indication ayant trait aux dimensions du cyprès de Tamerit que A. CAMUS supposait d'ailleurs être un spécimen unique) :

"Cupressus Dupreziana A. Camus nov. sp. - Arbor procera. Rami compressi, foliis patulis 1,5-2 mm longis. Ramuli compressi, foliis parvis obtusiusculis 1 mm. longis. Fructus subovoideus, apice rotundatus, 12-18 mm. longus, 10-15 mm. diam. Squamae 10, planisculae, rugosae, mucronulatae. Semina compressa, pallida, 5-6 mm. longa, late alata. Tassili des Azdjers : entre Rhât et Djanet (LAVAUDEN)".



3.

Diagnose de Cupressus lereddei par H. GAUSSEN (encore plus laconique que celle de Mlle A. Camus) :

"Cupressus Lereddei H. Gaussen : Arbor habito Cupressi Duprezianae similis ; strobilis longioribus, circa 18-24 mm., 16-20 latis ; squamis 10-12 saepe 12".



4.

Il faut souligner que la description de MAIRE est beaucoup plus détaillée que celle de Mlle A. CAMUS et qu'elle a de toute évidence été établie sur des matériaux d'étude plus consistants. Elle indique les dimensions atteintes par l'espèce et donne notamment pour les cônes des dimensions extrêmes plus amples, et un nombre d'écailles moins strict, ce qui la fait correspondre à la fois au Cupressus dupreziana sensu A. Camus et au Cupressus lereddei sensu H. Gaussen :

"Arbre pouvant atteindre 12 mètres de hauteur, avec un tronc de 4 mètres de diamètre, à port de Juniperus phoenicea, à rameaux très denses, à feuillage vert un peu glaucescent. Rameaux et ramules plus ou moins aplatis dans un seul plan ; rameaux à écorce brun rouge, puis à rhytidomes écailleux gris brun, portant dans leurs parties jeunes des feuilles assez espacées, opposées, décussées, oblongues-acuminées, longuement soudées à l'axe, et portant dans cette partie soudée non carénée plusieurs glandes résinifères linéaires, parallèles, plus ou moins glauques-pruineuses, à acumen libre plus ou moins étalé ; ramules couverts de feuilles étroitement apprimées, imbriquées, opposées décussées, ovales, obtuses, 1-1,5 mm, les faciales planes, les latérales obtusément carénées sur le dos, toutes mates, pourvues d'une seule glande résinifère plus ou moins apparente. Cônes portés par des ramules très courts, solitaires, ovoïdes ou ellipsoïdeaux, 12-24 x 10-17 mm, brun clair, mats ou peu brillants ; écailles 10-12, à écusson plus large que haut, rugueux radialement, à mucron central laminaire arrondi, très court, à peine saillant. Graines brun cannelle, ovales-suborbiculaires, plus ou moins aplaties, 4-6 x 5 mm, largement ailées.

Ravins des montagnes du Sahara central ; très rare. Tassili-n-Ajjer : plateau dit Edehi, dans l'Oued Tamerit ! (DUPREZ, LAVAUDEN, KILIAN, LHOTE), Oued Amezar ! (KILIAN), 1.700-1.900 m.

Espèce en voie de disparition, qui n'est plus guère représentée que par une dizaine d'individus vivants, dont les graines sont ordinairement stériles. Sur une centaine de graines examinées nous n'avons pu pendant longtemps en trouver aucune contenant un embryon et un endosperme bien conformés. Toutefois, en 1943, à la suite de pluies abondantes, le Lieutenant d'ESTIENNE d'ORVES a récolté un jeune semis du C. Dupreziana au bord d'une guelta en aval des arbres survivants, et nous a rapporté des graines dans l'une desquelles nous avons trouvé un embryon. Nous avons alors semé tout le reste du lot et obtenu deux pieds qui croissent actuellement au Jardin Botanique de l'Université d'Alger où ils se développent parfaitement. La jeune plante a 2 cotylédons, elle est glauque et a des feuilles de jeunesse aciculaires semblables à celles du C. sempervirens.

Le C. Dupreziana aurait existé aussi, jadis, dans le Hoggar et un tronc mort se trouverait encore dans l'Oued Tin-Tarabine (KILIAN, d'après des renseignements indigènes). Aire géographique : Endémique". (1952, Flore de l'Afrique du Nord, Volume I).

[La Flore de l'Afrique du Nord de MAIRE comprend 16 volumes publiés entre 1952 et 1987 par les soins de GUINOCHET, FAUREL et QUÉZEL / Elle s'arrête (Volume XVI) au genre Vicia (Légumineuses)].



5.

Lorsqu'on sait la longue persistance sur le terrain des bois morts, en place ou abattus, dans les régions sahariennes où nulle pourriture ne peut pratiquement intervenir, il est difficile de comprendre pourquoi QUÉZEL peut affirmer que le tronc et la branche observés dans l'Oued Erherhi, sur la piste Tazrouk - Tin Tarabine, sont morts à des époques différentes !



6. [B.B., 2016]

"D'après les examens pratiqués sur les échantillons de Paris et sur place - par Michel THINON (Faculté des sciences et techniques de Marseille Saint-Jérôme, département Botanique et écologie méditerranéenne) -, ce qui avait été considéré par QUÉZEL comme provenant de cyprès (échantillon prélevé dans l'Oued Tin Tarabine) s'est révélé être de l'acacia". (Jean DUBIEF, L'Ajjer, Sahara central, 1999). [B.B., 2016]



7.

Une observation faite sur le terrain (Décembre 1965-Janvier 1966) nous parait pouvoir faire comprendre pourquoi l'on a pu décrire deux espèces distinctes de cyprès au Tassili des Ajjer, alors qu'il n'en existe qu'une en réalité :

- A l'époque de notre récolte, les cônes étaient adhérents aux rameaux et ils présentaient à peu près tous une taille et un nombre d'écailles conformes à la description établie en 1950 par H. GAUSSEN pour le Cupressus lereddei ;

- Quelques cônes, en général trouvés à terre, étaient nettement plus petits, avaient souvent un nombre d'écailles réduit, et correspondaient ainsi à la description donnée par Mlle A. CAMUS pour le Cupressus dupreziana ;

- Ces derniers cônes étaient, soit parasités par un insecte resté indéterminé car les adultes étaient déjà éclos et sortis, soit avortés et ne renfermant que des graines très mal développées et elles-mêmes abortives ;

- Il est vraisemblable que les échantillons - ou peut-être l'échantillon unique - de LAVAUDEN décrits en 1926 par Mlle A. CAMUS correspondaient à des cônes du second type, ramassés à terre.



8. [B.B., 2016]

Cupressus dupreziana A. Camus, 1926 (= Cupressus lereddei Gaussen, 1950).

Scientifiquement NE sont PAS validées les deux dénominations ultérieures utilisées dans leurs publications respectives par John SILBA de l'Université d'État de New York (1981, Phytologia, 49, 4 : 398) et par Alexey Vladimir BOBROV & Aleksander Pavlovich MELIKYAN de l'Université d'État de Moscou (2006, Komarovia, 4, 72), à savoir : "Cupressus sempervirens var. dupreziana (A. Camus) Silba" ramenant le cyprès du Tassili des Ajjer à l'état d'une simple variété du cyprès méditerranéen commun et, à l'opposé, "Tassilicyparis dupreziana (A. Camus) A. V. Bobrov & Melikyan" allant jusqu'à créer un genre nouveau à espèce unique !

Il en est de même pour la dénomination : "Cupressus dupreziana A. Camus var. dupreziana Griffiths, 1998", ce trinôme voulant distinguer ainsi le cyprès du Tassili des Ajjer d'avec le cyprès du Maroc ou cyprès de l'Atlas : "Cupressus atlantica Gaussen, 1926" - lequel étant concomitamment ramené par le même auteur (Griffiths) à l'état d'une variété du cyprès du Tassili des Ajjer (!) - rebaptisé aussi pour la circonstance : "Cupressus dupreziana A. Camus var. atlantica (Gaussen) Griffiths, 1998" ?!

Que ne feraient pas certains pseudo-inventeurs aux seules fins que leur patronyme figure à la suite du nom binominal linnéen d'une espèce !? [B.B., 2016]



9.

Jean-Paul BARRY, Professeur à la Faculté des sciences d'Alger, puis à la Faculté des sciences de Nice (Laboratoire d'écologie des régions arides) ; Bernard BELIN, Assistant des Facultés des sciences à l'Université d'Alger, puis Chercheur à l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (Section botanique et biologie végétale) à Paris ; Jean-Claude CELLES, Daniel DUBOST et Pierre HETHENER, Assistants des Facultés des sciences à l'Université d'Alger ; Louis FAUREL, Maître de conférences à la Faculté des sciences d'Alger, puis Directeur-adjoint à l'École Pratique des Hautes Études (Laboratoire de mycologie et phytopathologie tropicales) à Paris.

Accompagnant de la Mission sur le plateau du Tassili N'Ajjer : Georges ARBUZ, Ethnologue (Cf. "La situation économique de Djanet en 1965", Travaux de l'Institut de recherches sahariennes, Alger, 1966, Tome XXV).

Collaboration post-mission : Marc LAFERRÈRE, Centre d'études scientifiques du Service de l'hydraulique de l'Algérie.



10.

Fatiha ABDOUN, "Etude de la dynamique spatio-temporelle des populations de Cupressus dupreziana A. Camus au Tassili n'Ajjer (Algérie)", 2002, Thèse soutenue à l'Université Aix-Marseille 3.



11.

Fatiha ABDOUN et Mohamed BEDDIAF, "Cupressus dupreziana A. Camus, répartition, dépérissement et régénération au Tassili n'Ajjer, Sahara Central", Comptes rendus de l'Académie des sciences, Biologies, Paris, 2002, 325: 617-627.



12.

Fatiha ABDOUN et al., "Radial growth of the Sahara's oldest trees : Cupressus dupreziana A. Camus", Trees : structure and function, Berlin (Germany), November 2005, 19 (6) : 661-670, with 34 Reads.





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ESSAI de MONOGRAPHIE [Extraits de : J.-P. BARRY, B. BELIN, J.-Cl. CELLES, D. DUBOST, L. FAUREL, P. HETHENER, "Essai de monographie du Cupressus dupreziana A. Camus, cyprès endémique du Tassili des Ajjer (Sahara Central)", Bulletin de la Société d'Histoire Naturelle de l'Afrique du Nord, Alger, 1970, Tome 61, 1/2, p. 95-168 / Travaux du Laboratoire forestier de Toulouse, 1973, Tome I, vol. IX, art. II.]

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Le Cupressus dupreziana A. Camus constitue une des reliques les plus remarquables du monde végétal, et l'existence dans les montagnes du Sahara central d'un cyprès endémique a suscité depuis plus d'un siècle l'intérêt des biologistes. Malheureusement les observations faites sur cet arbre relictuel sont éparses dans des travaux de nature très diverse, dont certains peu accessibles et aujourd'hui oubliés ; en outre ces éléments sont disparates et d'une valeur parfois toute relative, car résultant souvent de simples compilations et de rappels de faits non vérifiés. Il était donc extrêmement intéressant qu'une synthèse critique en soit faite, et que tout ce que nous connaissons aujourd'hui avec certitude sur le cyprès du Tassili soit regroupé en un travail unique. Ceci était d'autant plus souhaitable que, si le Cupressus dupreziana pose de nombreux problèmes d'ordre biologique, il paraît susceptible de présenter un grand intérêt sylvicole pour des reboisements futurs en régions arides.

Le Cupressus dupreziana A. Camus apparaît comme inéluctablement condamné dans son aire naturelle, et il l'est à échéance d'autant plus brève que toute protection efficace est impossible dans cette région, et que le développement du tourisme représente un danger supplémentaire. Il est heureux que des cultures en jardins botaniques ou en pépinières forestières nous rassurent sur la conservation de l'espèce dans l'avenir.
Avant qu'il ne soit trop tard un bilan formel des peuplements de cyprès du plateau d'Edehi, beaucoup plus précis que celui fourni ici, pourrait et devrait être dressé. En raison de la topographie locale et des difficultés d'utilisation des photographies aériennes, ce serait un travail long et difficile, nécessitant des moyens matériels importants mais que l'intérêt justifierait amplement.

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Le projet <em>"BURGUND"</em> (1940) Expulsion des Franc-Comtois... remplacés par des Sud-Tyroliens !

Nous sommes en 1940 ! Le projet Burgund envisage l'expulsion d'une partie de la population franc-comtoise...
Le projet Burgund a été révélé en 1985 - dans son ouvrage Umsiedlung Südtirol 1939-1940 - par Karl STUHLPFARRER, Assistant à l'Institut d'Histoire contemporaine de l'Université de Vienne, actuellement Professeur à l'Institut d'Histoire de l'Université de Klagenfurt.(1)
"Il ne semble pas que [le projet Burgund] soit parvenu à la connaissance de la population comtoise, ni à l'époque, ni de nos jours", commente Joseph ROVAN en 1988. Il nous paraît qu'en 2009 il en est encore pratiquement ainsi.

Avec le projet Burgund il est question à la fois... de la Franche-Comté... et du Südtirol (Tyrol du Sud), actuelle Province autonome de Bolzano, au Nord de l'Italie, région frontalière avec l'Autriche, au Sud du col du Brenner.
L'idée du projet Burgund - envisagé par les dirigeants nazis - trouve sa source en 1919 avec le traité de Saint Germain-en-Laye. En application de celui-ci l'Autriche est amputée du Südtirol (lié jusqu'alors au Tyrol autrichien au Nord) à majorité germanophone et du Trentino qui sont rattachés à l'Italie.
Trentino et Südtirol correspondent à l'actuelle Région autonome Trentin-Haut Adige (Trentino-Alto Adigo / Trient-Südtirol).
Le Südtirol est alors peuplé de 200 000 germanophones et 90 000 italophones. (Et quelques milliers d'habitants de certaines vallées du nord parlant le "ladin", langue voisine du romanche, proches des germanophones).

A partir de 1922, le Südtirol - devenu Alto Adige (Haut-Adige) - fait l'objet d'une campagne d'italianisation orchestrée par le régime fasciste mussolinien : usage généralisé de la langue italienne et interdiction de la langue allemande, italianisation des noms de lieux (Bozen devient Bolzano, Brixen : Bressanone, Sterzing : Vipiteno, Brüneck : Brunico, Meran : Merano, etc.), immigration favorisée depuis les régions du Sud de l'Italie, italianisation de certains noms de familles et interdiction des prénoms allemands, noms allemands rayés des tombes, etc.
Cette situation est évidemment source de tensions et de conflits entre les deux ethnies.

Pour l'Allemagne nazie les südtiroler germanophones, attachés à leur sol et à leurs traditions, apparaissent comme le symbole des diverses minorités germaniques à l'étranger (Volksdeutsche) "menacées dans leur intégrité culturelle, voire physique" : Sudètes de Bohême et Moravie, Allemands des Carpathes (Tchéco-Slovaquie), colonies allemandes de Banat (Roumanie), de Bessarabie (Ukraine), de la Volga (Russie), etc.

En dépit de ses objectifs pangermanistes (hégémonistes et expansionnistes), Hitler sacrifie à l'alliance avec l'Italie faschiste de Mussolini et ne revendique pas le territoire du Südtirol.
En 1939 les Tyroliens du Sud de langue allemande obtiennent le "droit d'opter en faveur du Reich en emportant leurs meubles et en recevant une indemnisation intégrale des autorités italiennes".
Parallèlement - "les populations [étant pour Hitler et le nazisme] des objets qu'on déplace comme du bétail" - le transfert autoritaire de la minorité germanique sud-tyrolienne est envisagé.
Les Süd-Tyroliens germanophones se divisent d'une part en opposants à un tel transfert - d'aucuns étaient "opposés à l'idée d'occuper un pays dont les possesseurs auraient été chassés" / nombre d'entre eux seront ultérieurement déportés en camps de concentration - et d'autre part en optants en faveur de la solution décidée par Hitler. S'instaure une "véritable guerre civile morale".
Pour convaincre les Süd-Tyroliens les nazis firent publier la "promesse qu'ils resteraient tous ensemble dans un nouveau pays" où ils retrouveraient la montagne, le même climat et la possibilité de poursuivre leurs activités (agriculture, viticulture, élevage).
Il restait à "conquérir le pays idoine et en chasser les habitants" !

Parmi divers projets : le projet "BURGUND" !

13 juin 1940. Le projet Burgund est évoqué par le Reichsführer S.S. Heinrich Himmler à Coblence devant le Haut commandement allemand.

L'idée de la SS est de "créer un "État" burgund autonome au sein du Reich" englobant en partie la Franche-Comté. Le territoire devra être à cette fin conquis par la Wehrmacht.
L'Office des affaires étrangères (Auswärtige Amt) allemand - anticipant la campagne de France - considère que "si le peuple allemand a fait le sacrifice, pour mettre définitivement fin aux tensions sur la frontière germano-italienne, de retirer son ethnie de la région au sud du Brenner [Südtirol], une exigence correspondante pourra être adressée de meilleur droit encore au peuple français battu en rase campagne".
Il est prévu un rapide transfert des populations, vallée après vallée, village après village. Ce transfert, prévu à travers l'Autriche et la Suisse, devrait être achevé au printemps 1941.

18 juin 1940. Lors de sa rencontre avec Mussolini à Munich, Hitler l'informe que "les sud-tyroliens se verraient attribuer comme nouvelle Heimat [patrie] la Franche-Comté".

10 juillet 1940. un mémorandum du Commissariat du Reich pour la Consolidation de l'ethnie allemande (Reichskommissar für die Festigung des deutschen Volkstums) - placé sous l'autorité de Himmler - note que "la Franche-Comté doit être regardée comme une région idéale pour l'établissement du groupe ethnique sud-tyrolien".
Le nombre d'optants sud-tyroliens étant estimé à "guère plus de 150 000", les minorités et colonies allemandes du Sud de la Russie et de certaines régions de Roumanie pourraient aussi être appelées à repeupler Burgund.
Le Commissariat du Reich exercerait l'autorité de cette "enclave SS dans la Franche-Comté occupée" et "disposerait des biens de la population autochtone [environ 480.000 personnes] déjà partie [nous sommes en plein exode] ou à faire partir".
"L'indemnisation due aux optants par l'Etat italien serait transférée à la charge des autorités françaises qui auraient, elles, à indemniser les populations comtoises expulsées".
Karl STUHLPFARRER n'apporte pas de précisions quant au devenir de la population Franc-Comtoise.(2)

18 juillet 1940. Himmler reçoit Peter Hofer, le responsable de la Communauté de travail des optants en faveur de l'Allemagne (Arbeitsgemeinschaft der Optenten für Deutschland / ADO), à Berlin, et lui assure que Hitler lui-même a attribué la Franche-Comté aux sud-Tyroliens.
Les villes et villages franc-comtois prendraient les noms allemands des villes et villages abandonnés du Sud-Tyrol : Besançon deviendrait : Bozen, Dôle : Brixen, Pontarlier : Bruneck. Les limites du territoire ne sont pas encore fixées et il est même envisagé que Chalons-sur-Saône devienne Meran et Auxonne : Sterzing.(3)

19 juillet / 23 juillet 1940. Peter Hofer et un groupe de responsables sud-tyroliens effectuent un voyage de reconnaissance - les conduisant notamment à Belfort, Montbéliard, Dôle et Dijon - au terme duquel sont proposés à Himmler plusieurs projets de tracés de la limite occidentale du futur "Sud-Tyrol franc-comtois" destinés à être soumis à Hitler.

27 juillet 1940. un projet détaillé d'ordonnance sur l'établissement du groupe ethnique est élaboré par le Commissariat du Reich. Y sont apportées certaines précisions concernant "les limites du territoire autonome, son inclusion dans le Reich, l'évacuation et l'expropriation de la population". Et le repeuplement par des sud-tyroliens, et éventuellement d'autres minorités allemandes.
Est envisagée la constitution de la Burgund consistant en un territoire - d'une superficie d'environ 9500 m2 - recouvrant la presque totalité du Doubs et une partie des départements du Jura, de la Côte d'Or, de la Haute-Saône et de la Saône-et-Loire.(4)
Il est fait état - outre les activités agricoles - du tourisme, des lieux de villégiature dans le Jura et dans le Haut-Doubs autour de Pontarlier, et du thermalisme à Plombières, Luxeuil, Salins, Lons-le-Saunier.
La capitale du territoire aurait pu être Besançon devenant Bozen (voire Dôle - que visita Himmler - devenant Brixen ?).

13 août / 14 septembre 1940. En vue de construire en Franche-Comté une "société modèle selon les idéaux nationaux-socialistes", 450 responsables désignés par Peter Hofer et la Communauté de travail des optants en faveur de l'Allemagne reçoivent une formation politique à l'Ecole de cadres centrale des SS, à Sonthofen, dans l'Allgäu (Bavière méridionale).

Fin 1940. Bien que les préparatifs aient continué et que Himmler ait informé l'ambassadeur d'Italie que le transfert allait bientôt commencer, le projet Burgund - tenu secret en France par les autoritées allemandes nazies - est abandonné.
Le fait que "certains dirigeants SS [auraient eu] tendance à considérer les Franc-comtois comme des descendants des Nibelungen, susceptibles, en restant sur place, de se regermaniser" a-t-il contribué à cet abandon ?!

Le projet Burgund est un parmi les divers projets cogités par les dirigeants nazis pour l'accueil des Sud-Tyroliens germanophones.
Préalablement, il avait été envisagé successivement que ceux-ci s'installent dans la vallée de la Warthe et dans les Beskides (Pologne), puis dans les Vosges alsaciennes où ils "pourraient renforcer et confirmer l'esprit hésitant des Alsaciens et former une solide muraille contre l'influence française".

Après l'abandon du projet Burgund il fut envisagé que les Sud-Tyroliens s'installent dans la partie méridionale de la Styrie (Autriche), puis dans une région limitrophe de la Carniole (Slovénie) et en dernier en Crimée (Ukraine).

Finalement les Süd-Tyroliens germanophones restèrent en Italie, au Südtirol devenu de nos jours la Province autonome de Bolzano (En italien : Provincia autonoma di Bolzano / En allemand : Autonome Provinz Bozen / En ladin : Provinzia autonòma de Bulsan) disposant d'une très large autonomie
et
les Franc-Comtois demeurèrent fort heureusement en Franche-Comté !

[A partir de la thèse de Karl STUHLPFARRER sur le Südtirol datant de 1985, il serait souhaitable que soit entrepris un travail de recherche - compte tenu des connaissances actuelles en matière d'archives du IIIe Reich - s'intéressant spécifiquement à ce projet Burgund ayant envisagé l'expulsion des Franc-Comtois en 1940. Ainsi d'ailleurs qu'à un autre projet inabouti lui-aussi heureusement - exposé trois ans plus tard par Himmler dans un discours en date du 5 mars 1943 - consistant à recréer l'Ancienne Bourgogne (das alte Burgund) et comprenant "die französische Schweiz, die Picardie mit Amiens, [die] Champagne mit Reims und Troyes, die Franche-Comté mit Dijon, Chalon und Nevers, Hainut und Luxemburg" (Géographiquement : un arc orienté NW / SE de l'embouchure de la Somme à la Suisse, recouvrant pour partie Picardie, Hainaut, Luxembourg, Champagne, Bourgogne, Franche-Comté et Suisse romande). Réminiscences historiques de la Très Grande Bourgogne et de la Lotharingie ?!]

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RÉFLEXIONS SUR LE PROJET "BURGUND"
par
Jean NURDIN,
Professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Bourgogne

L'article de Bernard BELIN (Cf. ci-dessus) au sujet de l'expulsion des Francs-Comtois au début de l'occupation est d'un intérêt historique évident. La bibliographie a le mérite de signaler diverses sources, en particulier l'ouvrage de Karl STUHLPFARRER "Umsiedlung Südtirol 1939-1940" qui a exploité les archives de Himmler.

Il est notoire que les dictateurs des régimes totalitaires n'ont pas hésité à déplacer, voire à massacrer des populations d'Europe centrale et orientale. Staline a déporté les "Allemands de la Volga" et refoulé vers l'Ouest la moitié de la Pologne, entraînant par là l'exode de 10 à 12 millions d'Allemands.

Quant à Hitler, son objectif majeur était de reprendre et d'amplifier la politique expansionniste du Reich de Guillaume II, sous une forme beaucoup plus brutale, afin d'assurer au peuple allemand un "espace vital" indispensable à son hégémonie et de regrouper en un bloc homogène la diaspora des "Volksdeutsche" (allemands de souche) disséminés à travers le continent.

Tel est le cadre général dans lequel il convient de replacer l'affaire des Tyroliens du Sud.

En dépit de l'apparence monolithique du système, la volonté politique du régime nazi n'était pas toujours univoque. Elle pouvait être velléitaire, irrésolue, confuse, soumise aux ambitions et aux conflits d'intérêts. C'est ainsi que fut envisagé successivement les transferts des Tyroliens en Pologne, en Franche-Comté, puis en Crimée.

En janvier 1940, Albrecht Haushofer, fils de Karl Haushofer, le père de la géopolitique et professeur de Rudolph Hess à Munich, déconseille le transfert des Tyroliens en Pologne. Plus tard il s'oppose même à leur implantation dans le nord de la France. Tout cela pour des raisons d'acclimatation, une population de montagnards ne pouvant pas vivre dans un pays de plaine (Cf. Conrad F. Latour : Sûdtirol und die achse Berlin-Rom 1938-1943, Deutsche Verlagsanstalt, 1962).

Il est vrai qu'à cette époque, le Ministère de l'intérieur du Reich préparait des plans pour le tracé de la future frontière occidentale de l'Allemagne. La France perdrait la Flandre, la Lorraine et l'Alsace, la Franche-Comté et une partie de la Champagne et de la Bourgogne (Cf. R. Poidevin : L'Allemagne et le monde au 20ème siècle, Masson, Paris, 1983, p. 144). Il est donc tout-à-fait concevable qu'une délégation de Tyroliens du Sud soit venue prospecter en Bourgogne-Franche Comté pendant l'été 1940.

Les autorités d'occupation ont-elles pris des mesures particulières de préparation à cet événement historique ? Apparemment pas. A ma connaissance, le seul indice d'une tentative d'assimilation des populations de nos contrées au Reich fut la campagne de presse qui, au milieu de la guerre, invitait à se faire naturaliser allemandes les personnes d'origine germanique ou parlant l'allemand ou ayant des affinités avec la culture allemande.

Certes les occupants ont certainement conscience de l'importance stratégique de la région. Ils ont donné une grande extension à la région militaire de Dijon, appelée "Militärverwaltungsbezirk C". Ils y ont installé des services de la Gestapo (Police secrète d'Etat), décision sinistre entre toutes et exceptionnelle pour une ville de province. On note par ailleurs la création en 1944 d'une délégation bourguignonne de la "Brigade d'assaut SS France" qui n'eut à peu près aucune influence. Rappelons aussi à titre documentaire, les écrits d'un curieux personnage originaire du Chalonnais et nommé Johannès Thomasset. Ses "Pages bourguignonnes" parurent en 1940 dans le périodique de la SS "Schwarzes Korps". L'auteur y prônait la germanité de la Bourgogne et de la Comté, qui devaient comme l'Alsace et la Lorraine, retourner dans le giron germanique. Thomasset fut emprisonné en 1944, mais son influence était nulle.

Il s'avère que, contrairement au séparatisme breton, les Allemands n'ont jamais encouragé un éventuel séparatisme bourguignon. Leur inclination envers les pays bourguignons avait sans doute des motivations stratégiques et économiques, mais aussi historiques et légendaires. Le discours prononcé par Himmler et cité par Bernard Belin est en l'occurrence tout-à-fait significatif. Il s'agissait bel et bien de recréer "l'Ancienne Bourgogne", celle des Grands Ducs d'Occident, et même de restaurer le Saint Empire Romain Germanique de Frédéric Barberousse.

Cette idée saugrenue n'était pas nouvelle. Elle remontait aux billevesées de pangermanistes du 19ème siècle qui, eux mêmes avaient puisé aux sources de la mythologie romantique. Car l'idéologie nazie et les doctrines antirationalistes qui l'ont précédée sont au fond une dérive extrême et effrayante de la pensée romantique.

Pour en revenir à Frédéric 1er de Hohenstaufen, que les Italiens avaient baptisé "Barbarossa", il me semble assez singulier que d'une part cet illustre Empereur ait séjourné à Dôle avec son épouse Béatrix, comtesse de Bourgogne, et qu'il existe encore une place Barberousse à l'emplacement de son château. Et que Hitler donna le nom de "Barbarossa" à son plan hallucinant de conquête de l'Est Européen. Et ici l'histoire se mêle à la légende. L'Empereur se noya en Orient en 1190 à la Troisième Croisade. Une légende populaire raconta plus tard que l'Empereur dormait dans une caverne de la Montagne du Kyffhäuser en Thuringe. Entouré de ses chevaliers, il attendait la résurrection de l'Empire. Il y a lieu de penser que pour Hitler le Troisième Reich était le successeur de Saint Empire.

Les Burgondes, eux aussi, relèvent très largement de la légende. Ce peuple germanique venu de Scandinavie a laissé fort peu de traces écrites, une seule chose est sûre, il a donné son nom à la Bourgogne. Un colloque international, réuni à Dijon par les archéologues a conclu en ce sens.

"Le nom même de la Bourgogne est un mythe", affirmait Jean-Philippe Lecat, ancien ministre et député de la Côte d'Or à un collègue au cours d'un autre colloque (Autour de l'Idée bourguignonne, de la Province à la Région et de la France à l'Europe, Conseil Régional de Bourgogne, 2 et 3 décembre 1989).

Dans une certaine mesure, le fameux projet "Burgund" émane de la fable, du mythe, de la vieille tradition du "Niebelungenlied" (Chant des Niebelungen), épopée nationale allemande du 13ème siècle, poème héroïque narrant le massacre des Rois burgondes par les Huns au temps des grandes invasions.

Bibliographie

1985. Karl STUHLPFARRER, Umsiedlung Südtirol 1939-1940, Löcker Verlag, Wien-München, 1985, 2 vol., 931 p. [p. 649-669 : Siedlungsgebiet Burgund], Bibliogr. (archives inédites répertoriées / documents, mémoires, journaux / littérature contemporaine / etc.).

1987. Joseph PINARD [Interwiev par Francis Loridan], Histoire locale / Les Nazis l'avaient décidé : le projet "Burgund" prévoyait l'expulsion des Franc-Comtois... au profit des Sud-Tyroliens, Besançon Votre Ville, n° 109, décembre 1987, 24 p. [p. 2]. 
[Préalablement publiée la même année 1987 par le quotidien L'Est Républicain sous la signature de Francis LORIDAN, l'interwiev de Joseph Pinard - lequel se réfère à Joseph ROVAN et à l'article rédigé par celui-ci pour la revue Commentaire - a été rééditée en 2007, in : Joseph PINARD, 50 Chroniques d'Histoire comtoise, 1.Vie quotidienne et événements, Editions Cêtre, 2007, 240 p. (p. 214-216)].

1988. Joseph ROVAN, Les Tyroliens en Franche-Comté, Un projet de transfert de population pendant la guerre, Commentaire, Eté 1988, Vol. 11, n° 42, p. 409-608 [p. 512-516].
[Des extraits du "Commentaire" ci-dessus ont été publiés sous la référence : Joseph ROVAN, Et les Tyroliens restèrent au Tyrol, ou un projet de transfert de population pendant la guerre, Généalogie Franc-Comtoise, Besançon, n° 86, 2e trimestre 2001, 82 p. [p. 57-59].

1988. Joseph PINARD, Une ténébreuse affaire méconnue : le projet nazi d'expulsion des Franc-Comtois pendant la dernière guerre, Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, Nouvelle Série, n° 30, 1988, VIII-150 p.
[p. 115-132].


Notes :
(1) Karl STUHLPFARRER se réfère à de nombreuses archives inédites (documents cotés) : Bundesarchiv Koblenz / National Archives Washington / Österreiches Staatsarchiv, Allgemeines Verwaltungsarchiv / Amt der Tiroler Landesregierung, Referat S, Innsbrück / Arbeitsgemeinschaft der Optanten für Deutschland / etc.
Umsiedlung Südtirol 1939-1940 - ouvrage rédigé en allemand (épuisé) que l'Univ.-Prof. Dr. Karl STUHLPFARRER a eu l'extrême obligeance de nous faire parvenir - a fait l'objet des commentaires en français de Joseph ROVAN, Professeur émérite de civilisation allemande de l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris III.
Les révélations de Karl STUHLPFARRER et les commentaires de Joseph ROVAN ont été relayés au plan franc-comtois (presse quotidienne, bulletin municipal, mémoires de société savante et chroniques d'histoire locale) par Joseph PINARD, Agrégé d'histoire, ancien député du Doubs et spécialiste de l'histoire contemporaine.
[Les citations non référencées et entre guillemets sont des traductions du texte allemand de Karl STUHLPFARRER].

(2) Selon le romancier, historien, journaliste et scénariste André BESSON - Les Maquis de Franche-Comté, France Empire, 1998, 294 p. [p. 285] - les "480.000 Français résidant dans cette zone seraient déportés dans les pays de l'Est de l'Europe pour remplacer les populations slaves massacrées" !?

(3)Karl STUHLPFARRER (p. 657) : "Besançon würde Bozen, Charlons (sic) sollte Meran, Dôle könnte Brixen, Pontarlier Bruneck und Auxonne Sterzing". Vesoul (intégré au projet Burgund ?) n'est pas cité !

(4)Karl STUHLPFARRER (p. 661) : "Es war aus nahezu dem ganzen Departement Doubs, einem Viertel der Departements Jura und Côte d'Or, einem Sechstel bzw. einem Zehntel der Departements Haute-Saône bzw. Saône bzw. Saône et Loire gebildet". (sic)
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