
Bertrand Chapuis
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Descriptif auteur
Après avoir exercé la chirurgie à Saint Louis du Sénégal puis une formation en neurosciences, mon parcours de pédopsychiatre responsable d'un CMP et de médecin coordinateur en Foyer de vie pour adultes porteurs de handicaps psychiques m'ont conduit à m'intéresser à la naissance et à la rencontre du bébé avec son environnement.
Retraité des activités médicales.
Psychothérapeute Membre de l’École Française de Daseinsanalyse.
Président de l’Association FARE, organisme de formation et analyse de pratiques.
Intervenant à l'École de Psychothérapie Intégrative pour le module de Daseinsanalyse.
Titre(s), Diplôme(s) : Docteur en médecine
Fonction(s) actuelle(s) : Formateur
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C'est quoi comprendre...(en présence de l'autre). Jean, 12 ans, en hôpital de jour " C'est quoi égal ? "
Ce sous-titre en présence de l'autre mis entre parenthèse est un clin d'il aux écrits de Donald Winnicott. Pour le pédiatre qu'il était, il avait observé que l'apprentissage du petit enfant à la capacité d'être seul vers deux ans, se faisait en présence de l'autre. Mais de quel autre s'agit-il ? L'observation confirme qu'il s'agit d'un autre bien particulier : un autre parental, suffisamment adulte. Un autre qui ne soit pas trop loin, disposé au regard de l'enfant quand il en aura besoin, quand il aura besoin de solliciter cette présence pour se rassurer ; d'où ce ʺen présenceʺ de l'autre doit être entendu comme une présence silencieuse qui peut transitoirement se faire oublier.
C'est quoi comprendre. Quand ce thème a été évoqué, m'est venue spontanément par association, cette question formulée par Jean : C'est quoi égal ?
Que fallait-il comprendre des préoccupations de ce garçon de 12 ans que j'ai suivi en hôpital de jour il y a une trentaine d'année ? Continuant aujourd'hui encore à m'interroger, l'occasion de pouvoir le faire en votre présence, justifie le sous-titre donné à ce titre C'est quoi comprendre en présence de l'autre.
Comme souvent dans un titre, c'est le sous-titre qui l'éclaire et oriente vers ce qui va être traité.
Deux points importants sont à remarquer : d'abord, si cet autre est un enfant, qu'il soit du même âge ou plus âgé, ce n'est plus la capacité d'être seul qui est sollicitée, c'est plutôt la difficile capacité à relationner avec l'autre autrement que dans la rivalité envieuse. Ensuite, si nous pensons au nourrisson, le propos de Winicott s'inverse : le parental est confronté à la capacité d'être seul, en présence du bébé, pour tenter d'en comprendre quelque chose de ses pleurs de détresse souvent inconsolable. Notons également qu'une fois devenu adulte, on aura souvent plus de mal à être seul en présence de l'autre, surtout si on en attend de lui une présence à notre égard, ou encore d'être seul en présence des autres au sein d'une communauté. Il apparait donc essentiel de distinguer deux contextes de présence : le contexte vertical entre enfant et adulte d'une part qui sera la première partie de mon exposé traitant de mon thème de prédilection, la parentalité, et d'autre part le contexte horizontal entre enfants qui relève du thème de la fraternité, ou, ce qui sera la deuxième partie, entre adultes quand s'interroge la relation amoureuse. Finalement, il s'agit bien de se poser la question de savoir ce qu'il y a à comprendre de la solitude en fonction de qui est présent, en face ou à côté de nous. Qu'y a-t-il à entendre entre la capacité à comprendre et la capacité à être seul ? Pour toutes ces raisons, ce titre à la syntaxe enfantine "c'est quoi comprendre" a emporté notre adhésion bien qu'il n'ait pas fait l'unanimité du Conseil scientifique.
Le philosophe François Flahault, qui anime un séminaire d'anthropologie générale à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, écrit dans son essai sur la condition humaine, je cite : le caractère déplaisant de ce qu'il y aurait à comprendre est souvent plus fort que le désir de comprendre. Ainsi, nous, en tant qu'individu rationnel, nous préférons croire à la compréhension avec nos semblables afin de nous protéger de la violence de l'incompréhensible. Face à lui, nous en faisons un désaccord dont nous attribuons la cause à l'autre : il ne comprend rien ! Fin de citation.
Autrement dit, de même que la solitude, si on est seul face à soi-même, peut devenir un isolement, de même, comprendre seul, face à soi-même ou dans l'entre soi, peut conduire à devenir dogmatique, c'est-à-dire péremptoire cherchant à faire autorité sur autrui. Tandis qu'apprendre à être seul, face à l'autre différent de soi, permet en permanence d'enrichir la relation. De même, se poser la question de ce qu'il y a à comprendre, face à cette différence de l'autre, révèle en permanence de l'imprévu, un imprévu impensable à penser seul.
À ce point de notre réflexion, le comprendre et la solitude semblent donc bien intimement liés. D'ailleurs, nous avons vu que le constat que fait Winnicott sur la capacité de l'enfant à être seul dépend d'une présence autre, celle d'un adulte qui a fait l'expérience d'un comprendre dans la solitude pour offrir à l'enfant une simple présence passive donnant l'impression d'une absence. Mais une absence transitoire pour l'enfant, lui laissant le temps de sa propre réflexion avant que de lui-même il resollicite une présence. Ce jeu de va et viens dont parle si bien Geneviève Haag dans ses boucles de retour est observé d'emblée entre le nourrisson et son environnement. Ce sont dans ces boucles de retour qu'opèrent les retournements créant les formes spatiales, ce qui permet au petit enfant de percevoir progressivement l'espace qui espace pour sortir de la fusion. Ainsi se fabrique sa propre contenance psychique, lui permettant de mieux percevoir ses propres sensations, de construire la représentation de ses formes et attaches corporelles pour mieux habiter son corps et de construire sa relation au monde extérieur. Le langage gestuel et corporel devient liens d'émerveillement donnant à la notion de capacité sa double dimension complexe, au sens propre et au sens figuré. Non seulement capacité en tant que possibilité, mais aussi et surtout capacité en tant que volume, espace capable d'accueillir. Ce volume de vacuité est un besoin indispensable à la construction psychique. C'est une capacité en besoin d'être révélée par la présence contenante du parental pour exister. Si cette capacité se développe toute seule en présence d'un autre qui est psychiquement absent, elle risque de faire le lit d'un syndrome autistique car une présence absente et passive n'est pas contenante. Ce besoin d'être initié doit donc être anticipé par l'adulte, un adulte qui a compris ce rôle de contenance.
Aider un enfant à entrer dans sa solitude n'est pas un but. Ce n'est que le moyen de lui permettre d'entrer dans le champ de sa propre compréhension ; ce que Kant appelle l'entendement. Avant de comprendre, il faut entendre. La faculté de comprendre par soi-même passe par la frontière poreuse entre le soi et l'environnement. À partir de Descartes, l'entendement devient la faculté de saisir l'intelligible en se distinguant des pures sensations. Ainsi, l'entendement se différencie de l'imagination, car il requiert en plus de l'âme et du corps, de la volonté ; de la volonté, car il faut du renoncement pour entrer dans le comprendre. La philosophie de Kant s'oppose au dogmatisme primaire en remettant en question la valeur objective des principes fondamentaux de la connaissance. On ne peut croire à une connaissance totalement objectivable ; la part de subjectivité est alors au risque de laisser planer un doute suprême sur tout ce que nous avons besoin de considérer comme étant de vraies connaissance, des vérités. Ce doute suprême peut devenir à son tour un dogmatisme secondaire en boucle de retour comme si aucune certitude n'était possible. Pour concevoir des certitudes possibles encore faut-il accepter qu'elles soient en rapport avec un contexte donné, qu'elles soient donc relatives et pas forcément partagées par l'autre. Pour Kant dans ses écrits sur Les lumières, l'entendement se conjugue avec la liberté individuelle d'exprimer sa compréhension des choses : cela devient la faculté de se déterminer sans vouloir l'imposer à autrui. Encore faut-il s'émanciper de la tutelle des bien-pensants et donc entrer dans le monde interne d'une certaine solitude.
De nombreuses situations clinique que nous rencontrons dans nos thérapies témoignent des impasses, pères et manques à cette émancipation, impasses dont nous parlera Nathalie Soussi le 13 avril puisque je viens de reprendre le titre de son intervention. Mais de nombreux exemples se trouvent aussi dans la littérature. Cette solitude en impasse, c'est celle de Marlène, personnage central du roman de Marie-Hélène Lafon, "Le soir du chien". Ecoutez : En noir, dans le soleil, elle lisait. Les autres, autour d'elle, étaient presque nus, insolents de peau...Elle lisait comme elle aurait parlé, ou elle parlait comme elle aurait lu. Je ne savais pas toujours très bien la différence, et elle non plus. Elle ne faisait jamais de commentaires. C'était comme ça. Elle n'avait pas été une bonne élève. Elle avait détesté l'école, et les explications, et la pesanteur des autres, et le monde donné à comprendre. Elle se moquait de comprendre. Elle ne voulait pas. Elle était très seule. Quand elle lisait, je restais là, souvent, sans rien faire...Les autres femmes n'aimaient pas Marlène. Elles n'étaient pas méchantes. Elles vivaient autrement, c'est tout. Elles croyaient savoir comment il faut vivre : tenir les maisons et élever les enfants étaient leur compréhension de l'existence. Elles lui en voulaient de cette puissance qui se dégageait de sa présence et de son silence, puissance qu'elles ne comprenaient pas et qui se perdait en commérages.
Jean, lui, a 12 ans. Il est à l'hôpital de jour depuis 4 ans après deux années de soins en CMP qui n'ont pas permis de le maintenir à l'école ordinaire, l'école des enfants ordinaires qui acceptent, tant bien que mal, de faire avec le monde donné à comprendre par la maîtresse ou le maître. Jean, lui, se rebelle, interroge, dérange, dérange de ne pas rentrer dans le rang. À l'inverse de Marlène, il fait sans cesse des commentaires. On est en 1988, en tant que jeune chef de clinique dans le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des Hospices Civils de Strasbourg, j'apprends encore dans le registre de la psychose. La loi de 2005 sur les handicaps et les droits à compensation est encore loin. Dans ce service, le patron m'imprègne de phénoménologie et fait sans cesse référence à la corporéité dans la Daseinsanalyse de Binswanger. Pour lui, Jean doit être orienté en ITEP pour canaliser les poussées de libido pubertaire dans des savoir-faire et peut-être apprendre un métier qui lui permettra de devenir travailleur handicapé. Pour le praticien hospitalier avec qui j'assure la responsabilité de l'hôpital de jour, au contraire, l'entrée dans l'adolescence est un moment fécond où peuvent se donner à comprendre les processus psychotiques à l'uvre dans la psyché grâce aux savoir-dire particulier de la psychose. Il m'initie à une certaine jouissance du jeu entre signifiant et signifié, jeu qui est sans cesse à l'uvre dans l'inconscient. Dans le cas de Jean, il part de l'hypothèse que le signifiant clé est "taire". La mère de Jean est secrétaire. L'occasion est trop belle pour évoquer l'idée que Jean serait victime d'un secret de famille que porterait sa mère et qu'il faut taire. D'une façon générale, ce que la clinique permet de comprendre, comprendre au sens d'entendre, entendre au sens de l'entendement, c'est que dans la genèse des symptômes quand se libère la parole, il y a soit de l'inceste soit de l'incestuel tel que Paul-Claude Racamier l'a défini : l'incestuel est à la psyché ce que l'inceste est au corps. Autrement dit, l'incestuel est la pénétration d'une psyché immature par une psyché dominante, même sans intention de dominer. Racamier a décrit l'incestuel en écoutant les récits de vie de certains patients. Ce qu'il comprenait, c'est qu'ils avaient été victime de pénétrations traumatiques souvent à répétition depuis leur plus tendre enfance de la part d'un adulte ou d'une communauté d'adultes ; pénétration traumatique parce qu'imposée, traumatique parce qu'elle impose une emprise sur la psyché de celui qui est dépendant du fait de son immaturité. Cela pouvait être la réminiscence d'être réveillé tôt tous les matins avec l'ordre d'aller chercher du bois pour allumer le poêle. Et souvent la victime se tait. Il faut du temps pour que la parole se libère de l'emprise des adultes. Jean, lui, ne se tait pas. Il est en rébellion de se sentir à son tour héritier d'un secret à taire que porterait sa mère et que couvrirait le père silencieux qui ne prend pas partie. Alors, non seulement Jean ne se tait pas, mais en plus il n'a de cesse de faire des commentaires. Pour sa famille la question est comment taire ses commentaires ?... Pour nous, cliniciens, au contraire, son commentaire est son savoir-dire. Notre proposition, "c'est quoi comprendre" en présence de Jean, prend alors tout son sens. Que faut-il comprendre, que faut-il entendre des commentaires de Jean, partant du postulat que sa parole est le témoin de sa présence, même si son savoir être paraît psychotique. À côté du signifiant et du signifié, le praticien hospitalier tente de m'initier au nouage borroméen du réel, du symbolique et de l'imaginaire. Je dis bien tente, car je continue aujourd'hui à m'interroger sur chacun de ces trois termes. Je sens bien que c'est autour du réel, du symbolique et de l'imaginaire que se logent les risques de malentendus dans nos échanges. Y aurait-il toujours de l'incompréhension là où on voudrait tout partager ? Faut-il un consensus pour chacun de ces termes ? Faut-il toujours mettre du sens dans tout, et si le sens fait symbole, le symbole est-il toujours de même nature ? Peut-il être de nature différente ? Par exemple, il y aurait un symbolique signifiant à comprendre, et un symbolique arbitraire pour lequel il n'y a rien à comprendre : un objet, un signe, une image qui par convention signifie quelque chose comme les deux petits traits horizontaux du signe mathématique égal. D'ailleurs qu'est-ce que cette symbolique-là a à voir avec l'étymologie grec sùmbolon signifiant "objet coupé en deux dont les partis réunies à la suite d'une quête, permettent aux détenteurs de se reconnaître". La racine sùn signifiant ensemble et bolon signifiant lancer, jeter. Cette origine d'une séparation du "un en deux" pour pouvoir se reconnaitre aux retrouvailles, fait qu'étymologiquement "symbole" est l'antonyme de "diable" puisque diabolos en grec signifie qui désunit. Les écritures scientifique et technique ne font-elles pas un usage extensif du concept de symbole en y incluant l'abstraction ? Que peut-on comprendre de cet usage extensif ? A priori, c'est qu'il a fait passer la dimension de la coupure du "un en deux" à un autre paradigme, celui de la reconnaissance du "un" par tous, nécessitant un consensus dans lequel l'aspect culturel est prédominant.
La philosophe, Anne Souriau, dans son Vocabulaire d'esthétique écrit "le symbole ne doit pas être confondu avec le signe, car il n'est pas conventionnel et intellectuel. Le symbole est un appel de l'imagination sensible vers un spirituel qu'il suggère sans le signifier". Le symbole est un appel de l'imagination sensible vers un spirituel, j'entends dans cette phrase deux des trois composants du nouage borroméen : le symbolique et l'imaginaire. Le troisième terme, le spirituel a-t-il à voir avec le réel ? Je crois avoir compris que le réel est plus que la réalité puisque pour les lacaniens, le désir n'a pas d'objet propre. Il est hors champ de la réalité ; faut-il alors intégrer du spirituel à la réalité du réel. Cela donnerait : le désir n'a pas d'objet propre puisqu'il ne s'agit ni d'un objet matériel à proprement parler, ni d'un objet spirituel défini puisqu'il n'est que suggéré sans être signifié. Encore dit autrement, le désir comprendre n'est pas de l'ordre de l'avoir, avoir raison, ni non plus de l'ordre de l'être, être la vérité comprise. Le désir ne peut être qu'existentiel et donc jamais satisfait. Mais peut-être ou plutôt certainement que je n'ai pas tout compris ? La question de Jean peut-elle nous aider ?
À l'hôpital de jour, Jean a quelques heures de classe avec l'enseignant spécialisé, détaché de l'Éducation Nationale. C'est dans ce contexte que le savoir-dire de Jean nous conduit peut-être sur la piste de cette distinction à faire entre signe et symbole pour éviter le risque de confusion. Ce matin-là, ils sont trois dans la petite salle qui sert de classe. À côté de Jean, il y a Fabrice et Romain. Autant Jean est agité dans sa tête, autant Fabrice est agité dans son corps. Romain, lui, serait plutôt comme une coquille vide à l'intérieur ; ou plus exactement comme un panier percé qui absorbe tout ce qui se passe à l'extérieur mais qui ne retient rien. Ce matin-là, le maître essaye de faire comprendre la division aux trois élèves. Il trace à la craie sur le tableau noir, un grand cercle qui symbolise un gâteau et le barre d'un trait horizontal en son milieu. Il a l'idée d'expliquer que le trait de la division, c'est comme une soustraction puisqu'une fois coupé en deux, on donne une moitié de gâteau à l'autre, ou l'autre la prend. On peut noter que comme pour le sùmbolon grec, le un est coupé en deux mais cette fois pas pour les mêmes raisons. Il ne s'agira pas de se reconnaître pour se retrouver, mais au contraire de se séparer, avec si possible deux parties égales pour qu'il n'y est pas de jaloux. Bien sûr, Fabrice s'agite sur sa chaise. Comme Marlène, il déteste l'école et ses explications. Il ne veut rien entendre car il ne veut rien en comprendre. L'enseignant s'adresse gentiment à lui : "Fabrice, si tu n'écoutes pas, tu ne pourras pas comprendre". "Ça m'est égal" répond Fabrice. Et voilà notre Jean partis dans ses commentaires : "C'est quoi égal ?" demande-t-il au professeur. Mais de quel égal Jean vient-il de parler ? Du "ça m'est égal" de Fabrice ou d'un autre égal ? Pour l'enseignant tout content de pouvoir reprendre la leçon, il entend le signe mathématique et entreprend de tracer sur le tableau noir le signe égal pour expliquer que les deux moitiés du gâteau sont de la même grosseur. C'est sans compter que les explications du maître ne font qu'attiser les commentaires de Jean. Voyant le signe égal au tableau noir, Jean tout excité demande : "Et pourquoi égal, c'est pas deux fois moins !". Un peu désemparé par la question, l'enseignant s'entend lui répondre : "Parce que c'est comme ça. On a décidé il y a longtemps, d'autres avant nous, qu'on écrirait le signe égal comme ça. Et maintenant tout le monde est obligé d'accepter que c'est comme ça sinon on ne se comprendrait plus."
Je vous laisse imaginer les commentaires de Jean qui ont suivi : "Et pourquoi on est obligé ? Et c'est qui les autres avant nous ? Et pourquoi ça changerait pas ? Et qui décide ?".
Nous sommes bien confrontés à un symbolique arbitraire, un signe, pour lequel il nous faut renoncer à comprendre ; ou comprendre qu'il n'y a rien à comprendre ; rien à comprendre d'autre sinon que nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter le code, comme tout le monde, si on veut se faire comprendre ou du moins se faire entendre.
Signature :
Bertrand Chapuis
Comprendre en présence de l'autre nécessiterait donc d'accepter de prendre ensemble un sens commun aux deux, avec les compromis nécessaires puisque le sens de l'un n'est pas forcément le sens de l'autre. Est-ce pour cela que le symbole qui fait lien entre les signifiants de chacun (tout en les séparant) est un trait horizontal arbitraire, comme celui qui sépare tout en les reliant le signifiant du signifié ? Est-ce cela qu'il faut comprendre pour apprendre ? Apprendre à entrer dans le monde commun des autres et en partager avec eux la pesanteur. Apprendre, c'est un peu mourir à soi-même pour faire de la place à l'altérité.