L'Aménagement touristique et ses nouveaux enjeux, nouveaux enjeux... touristiques bien évidemment.

Les contenus et objectifs de cet ouvrage, destiné aux étudiants en tourisme et à ceux qui s'intéressent au tourisme, sont exposés dans l'introduction.

Introduction
L'aménagement touristique consiste à façonner l'espace à des fins récréatives, et exige une vision prospective guidée par la double évaluation des ressources patrimoniales naturelles et culturelles d'une part, et du contexte socioéconomique du territoire concerné d'autre part, ce dans l'objectif de construire une offre cohérente en résonance avec le milieu d'implantation, le type de tourisme visé, et la rentabilité attendue. Au-delà de l'analyse input-output et du multiplicateur touristique, de l'élaboration de normes et standards, de calculs de ratio d'intensité et densité, traités par les économistes, donc au-delà du "comment", la question qui semble primordiale est : "pour qui ?". Pour qui aménager ? Quelle population touristique, pour quelles pratiques touristiques, et quelles conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales pour la région d'accueil ?

Au XIXe siècle et jusqu'à la décennie 1930, le développement de l'activité touristique est fondé sur les stations aristocratiques. L'ère du tourisme dit "de masse", sous l'impulsion de l'essor du tourisme populaire des années 1930 devenu, dans les années 1950, tourisme social, coïncide avec les premières opérations d'aménagement d'envergure sur le territoire français, et dans l'ensemble des pays du Nord. Multiplier des prix à portée de tous, donc faibles, selon le principe de la devise-lit(1), semble alors le choix adéquat. Par la suite, la pratique des vacances se banalise, se diversifie, et se mondialise. Les structures touristiques se professionnalisent, et se constituent en un secteur économique à forte rentabilité. Un demi-siècle après la mise en oeuvre d'aménagements intensifs sur le littoral et en espace montagnard reposant sur des ciblages de clientèles et d'activités selon des critères tombés depuis en désuétude, quel héritage ? Et quelles modalités de gestion de cet héritage ?

Une lecture cursive à orientation géopolitique des enjeux et évolutions de l'aménagement du territoire, puis une étude sectorielle plus technique des fondements de l'aménagement touristique en espaces rural, montagnard, et littoral, ouvrent cet ouvrage. Le tourisme urbain, convoquant tourisme culturel et tourisme d'affaires dans la recherche actuelle en aménagement, est abordé en transversalité. En effet, une station touristique est, par définition, une ville. Par ailleurs, des métropoles, telles Paris ou Londres, développent certes, au sein de leur vocation de polyvalence, des activités touristiques, sans pour autant être des stations proprement dites.

À la suite de travaux massifs de bétonnage systématique conduits pendant des décennies, analysés sommairement, notamment en nombre de lits à créer, conjuguant offres bon marché et souci très accessoire de la qualité, l'aménagement touristique du XXIe siècle tend à cultiver la nuance en homologuant les secteurs concernés, en considérant les conversions socioculturelles des clientèles, et en s'orientant vers un développement raisonné.

Un questionnement sur identification et quantification touristiques, assorti d'un réexamen des secteurs et acteurs, à partir plus précisément de l'exemple français, est mené. C'est là un motif constitutif, et une matière à controverse. Conjointement, l'évolution des clientèles, caractérisée par un tourisme de classe en émergence, exige l'adaptation de l'industrie touristique à de nouveaux comportements et modes de consommation, et participe de sa requalification. La mise en contexte éclaire le nouvel ordre touristique mondial entre déplacement du centre de gravité touristique vers l'Asie et forces concurrentielles extra-européennes.

Il s'agit ensuite de cerner l'industrie touristique en mettant en lumière les défis auxquels elle est confrontée en ce début de millénaire. L'exemple de l'entreprise Accor, désormais AccorHotels, révélateur de la dynamique touristique en cours, met en exergue deux pivots de structuration hôtelière : d'une part, le concept innovant de gestion des actifs ou asset light management ; d'autre part, l'impact des nouvelles technologies sur les systèmes d'information et de réservation. Enfin, la limitation du nombre de chaînes hôtelières, et la tentative de monopolisation de l'activité, participent de la reconfiguration en marche du secteur. La prise en compte des limites de l'exploitation des ressources naturelles est un impératif dont les origines et principes sont rappelés, avant étude des indicateurs du tourisme durable classés en trois groupes liés à l'environnemental, au social et à l'économique.

Enfin l'évolution de la station touristique, axe majeur de l'industrie du tourisme, et espace "qui reflète le plus rapidement les changements de comportements individuels et les évolutions de puissance économique" (2) est étudiée. La complexité de son action vise notamment à faire "cohabiter des activités et des enseignes hôtelières complémentaires" (3). L'affirmation de son urbanité et son rôle en matière d'aménagement, couplée à l'intégration des évolutions d'une hôtellerie conquérante, sont à concilier. La naissance du concept de station dans le laboratoire que fut Bath au XVIIIe siècle, ses composants et fonctionnements, sa diffusion et ses mutations au cours des siècles suivants, sont retracés. Puis les stratégies des nouvelles métropoles touristiques, et du haut de gamme, sont analysées.

Notes :
1. "Stratégie touristique uniquement fondée sur le rentrée de devises par l'immobilier de vacances", selon Jean-Pierre Lozato-Giotart, Éric Leroux et Michel Balfet, Management du tourisme. Territoires, offres et stratégies, Pearson France, 2012, 380p.
2. Georges Panayotis, "Un nouvel ordre se met en place", Hospitality, 12/08/2015.
3. Georges Panayotis, 12/08/2015, op.cit.