Claude Gontran
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Descriptif auteur
A travers mes travaux sur la pensée grecque, qu'il s'agisse de la tragédie de Sophocle ou de la philosophie d'Epicure, je m'attache à mettre en évidence un trait qui me semble dominant dans la pensée grecque classique : la volonté de donner à cette pensée un fondement pratique : un Grec ne pense pas de façon gratuite, mais cherche à inscrire sa pensée dans sa présence active au sein de la cité. Dans le cas d'Epicure, cette volonté passe par la corrélation pratique entre la compréhension de notre monde et la recherche du bonheur. L'une n'est pas le moyen de l'autre, mais les deux vont de pair.
Né à Grenoble en 1955, je suis agrégé de Lettres classiques, en retraite. J'ai soutenu deux thèses à l'université de Rouen, l'une en 2006 en grec ancien, sur l'"Oedipe roi" de Sophocle, l'autre en 2020, en philosophie, sur Epicure.
Présentation du livre "Pour une relecture d'Epicure" :
Que reste-t-il d’Épicure quand on l’a dépouillé de tout ce dont l’ont affublé les épicuriens – la déclinaison des atomes, la logique mécanique des critères de vérité, les dieux logés dans les intermondes, le repliement sur le cercle fermé des amis rassemblés autour du « sage » ? Il reste tout ! C’est du moins le pari de cet ouvrage : redécouvrir Épicure tel qu’en lui-même, à travers ses seules œuvres.
Ce sera l’occasion de s’interroger sur des similitudes entre la Lettre à Hérodote et le Livre XXV du traité De la nature, dont nous avons conservé quelques fragments du début absolu et de longs passages jusqu’à la fin. Il en ressort que les deux œuvres suivent en partie le même parcours circulaire, une periodeia : partant d’une appréhension globale du monde que nous offrent nos affects (pathè), dictée par le besoin d’ataraxie (pathologikos tropos), il aboutit, de proche en proche, à la compréhension concrète de ce monde comme réseau de causes, aitiai, dont nous faisons partie (aitiologikos tropos). Épicure fonde ainsi son matérialisme sur la pratique : dans notre activité vivante, et non pas comme pures consciences, nous appréhendons la phusis à laquelle nous avons part. Nous y forgeons le vivant indestructible et bienheureux : nous-mêmes.
Un second ouvrage doit paraître prochaienement chez L'Harmattan : "L'épicurisme antique après Epicure. De l'amitié divine à l'enseignement d'une sagesse : un horizon perdu de vue". Il s'interroge sur les raisons de l'évolution de l'épicurisme après sa fondation, et justifie ainsi l'écart entre notre lecture d'Epicure et les études qui analyse la pensée du fondateur à travers celles de ses successeurs. Il complète ainsi la démarche du premier ouvrage.
Voici le détail du plan de l'ouvrage :
Pour une relecture d’Épicure
Les fondements pratiques de son matérialisme
Claude Gontran
Paris, L’Harmattan, 2024
TABLE DES MATIÈRES
PREMIERE PARTIE : LE PATHOLOGIKOS TROPOS
QUESTIONS DE TERMINOLOGIE, AUTOUR DE LA NOTION DE PERIODEIA
CHAPITRE 2 : QUESTIONS DE TERMINOLOGIE,
AUTOUR DE LA NOTION DE PROLEPSE
1.2.2. « Rassemblé », agrégat et « dense »
1.2.3. De Démocrite à Épicure, sur le fondement matériel de la pensée
1.2.4. De Démocrite à Épicure sur la langue : fondement naturel ou convention ?
1.3.2. La question de la vérité et de la fausseté dans le domaine des sensations
DE L’INSENSIBLE AU SENSIBLE : MOUVEMENT DES ATOMES ET TEMPS DANS LA LETTRE À HÉRODOTE
1.4.1. Le mouvement selon l’aiôn
1.4.2. Le mouvement selon le temps : les simulacres
1.4.3. Le mouvement selon le temps : les perceptions sensibles
LA SENSATION POSE L’ÂME, L’ÂME POSE LES PROPRIÉTÉS ET LES ACCIDENTS
1.5.1. La sensation pose l’âme
1.5.2. L’unité de l’âme et du reste du corps
1.5.3. L’âme pose les propriétés et les accidents
LE ROLE DU TEMPS DANS LE PASSAGE
2.1.1. Dans les paragraphes 72-73 de la Lettre à Hérodote
LA FORMATION DES MONDES ET DE LA COMMUNAUTE HUMAINE
2.2.1. Dans la Lettre à Hérodote : la formation des mondes et le langage
2.2.1.1. La formation des mondes
2.2.1.2. La communauté humaine et le langage
2.3.2. La communauté humaine : le rôle de la dianoia
DU SOUVENIR DES FINS À L’ÉTIOLOGIE,
DU LIVRE XXV À LA LETTRE À HÉRODOTE
2.4.1. Le besoin de l’absence de trouble
2.4.2. Contradictions au sein du vivant
2.4.3. Vers une causalité non nécessaire : le saut qualitatif du passage à l’âme
2.4.4. Les contradictions surmontées
DE LA PROLEPSE DU VIVANT INDESTRUCTIBLE ET BIENHEUREUX
Titre(s), Diplôme(s) : doctorat de grec ancien en 2006 ; doctorat de philosophie en 2020.
Fonction(s) actuelle(s) : Professeur agrégé de Lettres classiques, en retraite, membre du laboratoire ERIAC (Université de Rouen).
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AUTRES PARUTIONS
Présentation de L’épicurisme antique après Épicure.
De l’amitié divine à l’enseignement d’une sagesse : un horizon perdu de vue
Un premier chapitre résume, sous forme d’une succession de thèmes, les analyses de mon étude d’Épicure lui-même, Pour une relecture d’Épicure. Les fondements pratiques de son matérialisme (L’Harmattan, mars 2024), dont voici les grandes lignes. Épicure a donné à son atomisme un fondement pratique, dans le sens où c’est en fonction des besoins vitaux de notre existence – son développement sans trouble – que nous pensons le monde : la même exigence de l’absence de trouble (ataraxie) se manifeste, conjointement, aussi bien dans l’ataraxie objective dans la nature que dans celle de notre conscience, la seconde ne pouvant pas se trouver en contradiction avec la première. Il en résulte que, par-delà la dissolution des composés d’atomes, nous concevons par prolepse le tout de la nature dans sa tendance vivante à l’indestructibilité, dans le même mouvement que nous œuvrons à l’indestructibilité des liens sociaux et politiques de l’amitié par-delà la mort de chacun d’entre nous. L’indestructibilité physique se traduit sur le plan éthique par la félicité, le bonheur divin. Or, par la vie dans l’amitié, nous tendons à réaliser, en tant que mortels, la même indestructibilité et la même félicité divines, libérées des fausses représentations contradictoires de dieux indestructibles et bienheureux, pourtant chargés de la responsabilité de veiller au bon ordre du monde. C’est enfin dans la perspective du plaisir que doit être pensée la vie bienheureuse.
Les deux chapitres suivants concernent l’évolution de « l’école » : le chapitre 2 montre son extension dans la période hellénistique et sous l’Empire romain. Il s’agit d’y montrer qu’une véritable perspective politique universelle a présidé à la constitution de cercles épicuriens dans toutes les régions où l’hellénisme s’était répandu, avec l’ambition de faire triompher le règne politique de l’amitié sur le fondement juridique de l’entente pour ne pas se nuire mutuellement. Cette extension remarquable dans l’espace et dans le temps des cercles épicuriens s’est toutefois heurtée aux résistances politiques des pouvoirs en place, qui ont d’emblée vu sous un meilleur jour la formation concurrente du stoïcisme. Le chapitre revient précisément sur le combat acharné des autres écoles de pensée contre l’épicurisme, combat qui ne connaît pas de précédent historique. Je m’intéresse plus précisément aux polémiques des stoïciens contre l’épicurisme, et notamment à la façon dont les notions épicuriennes de « prolepse » et de « familiarité » (oikeiotès) ont été reprises pour être dévoyées (l’oikeiotès devenue okeiôsis) depuis le stoïcien Chrysippe. Sont évoqués également dans cette levée de boucliers Cicéron et Plutarque. Je m’intéresse alors à la façon dont, pris au piège de ces polémiques, les épicuriens ont perdu de vue l’horizon politique de l’amitié universelle pour lui substituer un enseignement de sagesse, un art de vivre concurrent de celui des stoïciens – mais qui lui a souvent été comparé, quand ce n’est pas pour voir dans l’éthique épicurienne une ascèse stoïcienne qui ne s’avoue pas. La figure du sage, modèle pour ses disciples dans le cadre étroit de son enseignement, s’est substituée à celle de l’ami, vouée à se propager à l’échelle de toute l’humanité. Une telle sagesse, repensant le plaisir dans des termes consensuels, parfaitement compatible avec les exigences des pouvoirs en place, est le prix à payer pour l’intégration de l’épicurisme dans les formes nouvelles, sous l’Empire de cette paideia que le fondateur du Jardin appelait à fuir à toutes jambes.
Le chapitre 3 revient plus précisément sur les cas des deux épicuriens d’époque romaine les plus célèbres, Philodème et Lucrèce, pour étudier en quoi les traités de l’un, le poème de l’autre, s’éloignent de l’esprit d’Épicure, auquel tous deux pourtant se disent fidèles, de bonne foi. Philodème assume surtout un rôle de professeur et de directeur de conscience ; il s’intéresse à la thérapeutique des passions, selon la vision d’une humanité malade, indûment attribuée, selon moi, à Épicure ; sous la pression des condamnations de la conception épicurienne l’amitié (philia), considérée comme l’instrument d’un plaisir égoïste par les stoïciens et les académiciens – sur fond de l’exaltation romaine du mos majorum –, il réduit sa portée à l’enseignement d’une sagesse individuelle ; il réserve à une physique des dieux l’indestructibilité, alors que, selon Épicure, celle-ci fait l’objet d’une prolepse concernant aussi bien les hommes vivant dans l’amitié que les dieux. Lucrèce, de son côté, néglige la notion d’amitié et sa portée politique, préférant se réfugier derrière les remparts bien fortifiés du sage, coupé de la foule. Il fonde cette éthique sur une conception « scientifique » de l’atomisme épicurien, à laquelle j’oppose une représentation du monde issue du rapport pratique que nous entretenons avec lui, fondement épistémologique pour des connaissances scientifiques. A l’indestructibilité par l’amitié, il substitue l’image pessimiste de la mors immortalis et de la peste d’Athènes. Même son combat contre l’oppression religieuse paraît contestable d’un point de vue épicurien, car il s’en prend à des représentations humaines alors qu’il renonce à construire le lien politique de l’amitié qui, assurant la sécurité parmi les hommes, les libère des craintes de l’au-delà. Concernant la théorie de la déclinaison des atomes, qui trouve son expression la plus complète chez Lucrèce, mais dont je conteste l’existence chez Épicure, je renvoie le lecteur au premier chapitre.
Le dernier chapitre est consacré à discuter la question du rapport de l’épicurisme à une forme de religiosité, laquelle, selon moi, n’a jamais caractérisé les épicuriens eux-mêmes. Une tendance moderne d’interprétation de l’épicurisme, étayée notamment sur le témoignage de Plutarque, fait d’Epicure soit un véritable gourou à la tête d’une secte, soit un dieu auquel on rend un culte à mystère. A ces analyses que je conteste, j’oppose ensuite un authentique dévoiement, un véritable basculement devenu étranger et hostile à l’épicurisme : il s’agit de la prédication de l’apôtre Paul, qui reprend – sans l’affirmer explicitement – les notions clés de l’éthique d’Épicure, l’amitié, la félicité et l’indestructibilité, pour les dévoyer dans une perspective chrétienne.
Ma conclusion porte sur le rôle irréductible de l’attitude épicurienne, que ce soit celle du fondateur ou celle de ses successeurs, faisant du plaisir, « fin de la vie bienheureuse » selon Épicure, la pierre de touche de la résistance à toutes les oppressions qui se sont toujours fondées sur sa condamnation.
Voici le détail du plan de l'ouvrage :
L’épicurisme antique après Épicure
De l’amitié divine à un enseignement de sagesse : un horizon perdu de vue
Claude Gontran
Paris, L’Harmattan, 2024
TABLE DES MATIÈRES
1.1. Épicure est-il l’auteur de la théorie du clinamen ?
1.2. La prolepse et les critères de vérité
1.4. Le plaisir est-il la fin ?
1.5. Les Maximes capitales : une periodeia totale
L’ESSOR DU JARDIN, LES ATTAQUES SUBIES ET LEURS EFFETS
2.1. Conditions et formes de l’essor du Jardin
2.2. Les attaques contre la doctrine épicurienne
2.3. Effets de ces attaques sur l’évolution de l’épicurisme
CHAPITRE 3 : PHILODÈME ET LUCRÈCE
LE DÉVOIEMENT VERS LA RELIGIOSITÉ EN QUESTION, DE L’ÉPICURISME AUX ÉPITRES DE SAINT PAUL
4.1. Peut-on parler de dérive religieuse de l’épicurisme ?
4.2. Le dévoiement religieux : Saint Paul