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LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
DEVENIR DILOMATE CUTUREL
Quels sont les différents métiers de la diplomatie culturelle ?
Quelles sont les modalités de recrutement ?
Quelles sont les informations disponibles pour effectuer des choix ?
Comment se passe la sélection des candidats ?
Quelles sont les perspectives de carrière ?
1. Les agents du réseau culturel à l'étranger
En 2023, le ministère des Affaires étrangères employait environ 1600 agents (hors volontaires internationaux et agents de droit local) dans les différentes composantes du réseau culturel à l'étranger : services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises, instituts de recherche français à l'étranger :
- Conseillers : coopération et action culturelle /directeur d'établissement culturel, coopération et action culturelle, culturel / directeur d'établissement culturel, science et technologie, régional de coopération et d'action culturelle, régional de coopération, enjeux globaux, conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint,
- Attachés : culturel, coopération et action culturelle, science et technologie, coopération, coopération régionale, coopération universitaire, coopération scientifique et universitaire, coopération éducative, coopération pour le français, audiovisuel, audiovisuel régional, livre, etc.,
- Directeurs d'instituts français, directeurs des cours,
- Directeurs d'alliances françaises,
- Directeurs d'établissements français de recherche,
- Secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints, agents comptables, agents comptables régionaux, agents comptables adjoints,
- Chargés de mission : culturels, pédagogiques, universitaires, administratifs, livre, coopération, tourisme, médiathèques, industries musicales, communication et informatique, chercheurs, etc.
2. Modalités de candidature
Les candidats à un poste de diplomate culturel peuvent être des agents titulaires du Quai d'Orsay ou bénéficiant d'un CDI, des fonctionnaires d'autres administrations ou des personnes non titulaires de la fonction publique.
Les diplomates culturels sont recrutés sur la base d'un appel à candidature. Tous les ans, au mois de juillet, le ministère des Affaires étrangères publie sur son site (rubrique emplois et concours) la liste des postes du réseau mis au mouvement. En outre, des appels intermédiaires apparaissent au cours des mois suivants.
NB : Depuis janvier 2024, le ministère des Affaires étrangères a mis en place une nouvelle plateforme "DiploEmploi" pour se porter candidat à un emploi en France ou à l'étranger.
Il est indiqué le pays, la ville, l'emploi, la date de prise de fonction et la date limite de candidature. Une fiche de poste peut être téléchargée
Les candidats doivent postuler en ligne en remplissant un dossier comprenant quatre rubriques :
- candidat : civilité, date naissance, années passées à l'étranger,
- situation familiale,
- profil : titulaire ou non de la fonction publique, vous exercez en France ou à l'étranger, depuis …, années passées à l'étranger, diplôme, compétences linguistique, compétences professionnelles, stages, expérience professionnelle.
Ils peuvent formuler huit vœux et renseigner la rubrique commentaires : motivations, souhaits d'orientation professionnelle, contraintes personnelles, observations sur la situation personnelle du candidat. Ils doivent joindre un curriculum vitae, une lettre de motivation et une attestation linguistique.
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent répondre plusieurs critères :
- être titulaire de la fonction publique. Exceptionnellement, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, des agents contractuels non-titulaires peuvent être recrutés,
- quel que soit le niveau des diplômes obtenus, avoir l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé,
- avoir des connaissances linguistiques suffisantes (il conviendra de joindre au dossier le résultat des tests de langue en cours de validité ou une copie de certification(s) déjà obtenue(s),
-répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France) ; la durée de séjour à l'étranger au cours des dix dernières années ne soit pas supérieure à sept ans, tous statuts confondus et quel que soit l'employeur considéré.
Il est précisé que les candidats retenus sont recrutés sous contrat à durée déterminée d'une durée initiale de 2 ans. Le contrat peut être renouvelé dans la limite de 4 ans.
A la fin du contrat, les fonctionnaires sont remis à disposition de leur administration d'origine par réintégration ou peuvent postuler à un nouveau poste. A l'issue du contrat, les agents non titulaires de la fonction publique ont le droit de bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi versée par le ministère.
3. Faire des choix
Si probablement le pays d'affectation constitue une donnée importante du choix des candidats, un certain nombre d'autres informations sont disponibles sur le site du ministère des Affaires étrangères et surtout dans les fiches de poste.
Site du ministère des Affaires étrangères
Le site du ministère des Affaires étrangères contient une rubrique : Le réseau de coopération et d'action culturelle et ses métiers.
Après une présentation succincte de réseau, il est possible d'accéder à une page : travailler dans le réseau de coopération et d'action culturelle : "Ces agents sont pour la plupart de postes de responsables d'équipe, capables de travailler en réseau, de communiquer et de s'exprimer en public, de conduire des projets et de diriger un établissement. Il leur est également demandé d'avoir une vision stratégique et innovante de ce que peut être la coopération et l'action culturelle des pays dans lesquels ils sont nommés".
Plus loin, sous l'intitulé En savoir plus sur les métiers du réseau de coopération et d'action culturelle quatre vidéos d'interview sont disponibles : une conseillère de coopération et d'action culturelle, un directeur d'établissement culturel, une directrice d'Alliance française et un secrétaire général qui présentent leurs métiers respectifs.
Il existe également une rubrique Qui sont les conseillers et conseillères de coopération et d'action culturelle (COCAC) ? : "Au sein des ambassades françaises, les conseillers et conseillères de coopération et d'action culturelle définissent et pilotent la stratégie de coopération dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la promotion de la langue française, des sciences et des technologies, du développement durable. Ils participent également à la mise en œuvre de politiques de solidarité, d'influence et d'attractivité de la France à l'étranger". Elle comprend une interview du conseiller de coopération et d'action culturelle et directeur de l'Institut français auprès de l'ambassade de France au Portugal qui répond aux questions suivantes : Quel est votre parcours ? Quelles sont les fonctions occupées par un COCAC ? En quoi consiste votre mission ? Quelle est votre journée type ? Que faites-vous concrètement au quotidien ? Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Quels sont vos principaux interlocuteurs ? Depuis que vous êtes en poste, quels sont les défis que vous avez dû relever ? Quels sont les obstacles auxquels vous êtes parfois confronté ? Quelles sont, selon vous, les qualités humaines et professionnelles indispensables pour occuper ce poste ?
Fiches de poste
Chaque poste mis au mouvement fait l'objet d'une fiche comprenant notamment les rubriques suivantes : activités principales, compétences, diplômes ou expérience professionnelle recommandée pour exercer les fonctions.
L'analyse des fiches des 236 postes mis au mouvement 2024 apporte un certain nombre de précisions.
Activités principales
Cette rubrique offre un aperçu de chaque métier : les actions à mener pour chaque type d'emploi et fréquemment celles concernant spécifiquement le poste à pourvoir, voire les tâches précises à accomplir constituant ainsi de véritables feuilles de route sont décrites.
Par exemple, pour les conseillers de coopération et d'action culturelle :
- Conseiller l'ambassadeur sur les questions relevant de l'ensemble des domaines d'expertise du conseiller,
- Assister le chef de poste diplomatique pour coordonner et animer le réseau des opérateurs et partenaires du ministère présents dans le pays,
- Définir et piloter la stratégie de coopération dans le cadre du plan d'action de l'ambassade en liaison avec les opérateurs français, les partenaires locaux ainsi que les bailleurs de fonds multilatéraux et européens,
- Promouvoir l'expertise française et l'image de la France,
- Définir et mettre en place une programmation annuelle,
- Suivre les projets envisagés au plan local par les opérateurs,
- Encadrer une équipe de spécialistes,
- Diriger l'ensemble des services d'un EAF et suivre son budget, en tant qu'ordonnateur principal,
- Piloter et animer le réseau de l'Institut français, de ses antennes et des instituts de recherche,
- Coordonner les opérateurs du ministère et ses partenaires (Alliances notamment) et suivre attentivement les établissements de l'AEFE ou des établissements scolaires conventionnés ou homologués,
Définir la stratégie de communication,
Rechercher des financements et lever des fonds auprès de bailleurs publics et privés.
Compétences
Les grilles de compétences se déclinent en cinq rubriques :
- Connaissance : acteurs français et locaux du domaine d'activité ; conduite et gestion de projet ; culture pluridisciplinaire ; environnement administratif, institutionnel et politique ; gestion budgétaire et comptable ; industries culturelles et créatives ; numérique et innovation ; promotion à l'export ; réseaux et procédures de la coopération,
- Savoir-faire : animer un réseau, une communauté ; communiquer ; conduire un projet, une démarche ; dialoguer, élaborer un plan d'action, un programme ; lever des fonds ; mener une veille ; négocier ; promouvoir une action, une démarche ; rendre compte,
- Savoir-être : adaptabilité au contexte interculturel ; aisance relationnelle ; esprit de synthèse ; être une force de proposition ; sens de l'analyse ; sens des relations publiques,
- Compétence outil : bureautique,
- Compétence linguistique : anglais, langue du pays d'affectation.
Pour chaque item, les possibilités sont : facultatif, débutant, pratique, maîtrise, expert.
Dans la plupart des fiches, les cases maîtrise ou expert sont cochées. Il est donc difficile d'en tirer des conclusions précises mais peut donner une idée de la nature des compétences recherchées.
Diplômes
Alors que le ministère des Affaires étrangères ne donne aucune indication quant aux diplômes nécessaires pour se porter candidat, le master II ou diplôme équivalent est mentionné dans la plupart des fiches de poste.
La discipline est rarement spécifiée sauf dans quelques cas : master de FLE pour les attachés de coopération pour le français ; diplôme de niveau master, de préférence dans les domaines du cinéma ou de l'audiovisuel pour les attachés audiovisuels.
Il y a quelques exceptions. Pour les attachés pour la science et la technologie, les attachés de coopération universitaire et les attachés de coopération scientifique et universitaire un doctorat voire une habilitation à diriger les recherches sont privilégiés. A l'inverse, pour les secrétaires généraux de service culturel ou d'établissement culturel ainsi que pour les agents comptables aucun diplôme n'est mentionné mais une expérience est requise.
Expérience professionnelle recommandée
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent avoir l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé.
Les informations contenues dans les fiches de poste peuvent être classées en trois catégories : pas de recommandation, expérience générale dans le domaine, expérience dans le réseau.
Dans quelques cas, la rédaction est très précise
Pour les directeurs d'alliance française, il est demandé au minimum une expérience avérée de direction d'un établissement public ou privé à l'étranger ou en France dans des institutions culturelles, le plus souvent dans le réseau des alliances. En outre, il est fréquemment sollicité une expérience d'enseignement du Français Langue Étrangère, d'organisation de cours de langue et de marketing, de management, de montage d'évènements culturels ainsi qu'une pratique du milieu associatif et de sa gouvernance. Pour les attachés audiovisuels une expérience professionnelle confirmée de plusieurs années est requise ainsi qu'une expérience à l'international, notamment dans le réseau de coopération. Pour les secrétaires généraux une expérience confirmée en gestion budgétaire et gestion des ressources humaines ainsi qu'une expérience préalable dans une ambassade, un institut Français ou en centrale est nécessaire.
4. La sélection des candidats
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères indique que lorsque la candidature est présélectionnée par la direction des ressources humaines, le candidat est convoqué à un entretien auquel participe la direction générale mondialisation, culture, enseignement et développement international. Si à l'issue de cet entretien, la candidature est retenue, elle est soumise à la validation de la commission de recrutement interne et transmise à l'ambassade de France dans le pays concerné pour agrément.
Dans la gouvernance de la diplomatie culturelle, les rôles sont bien répartis : l'administration centrale défini les grandes orientations et procède à la ventilation des crédits géographiques ; il appartient au réseau et plus précisément à ses agents de concevoir l'action qu'ils souhaitent mener, puis la mettre en œuvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour compléter la dotation allouée par le ministère des Affaires étrangères.
La diplomatie culturelle repose ainsi avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain, dans le réseau et le font vivre au quotidien : "une grande part des initiatives est entre les mains des responsables locaux, conseillers culturels et scientifiques, responsables des instituts et centres culturels qui disposent d'un pouvoir extraordinaire de facilitation, de progrès ou, dans certains cas, de nuisance" relève Marie Christine Kessler.
Une sélection pertinente des candidats est donc un gage essentiel pour la performance de la diplomatie culturelle : "les agents qui constituent notre réseau culturel sont une force tout autant qu'un talon d'Achille" déclarait Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes, lors de la présentation du rapport sur le réseau culturel à l'étranger à l'Assemblée nationale.
La perception de la façon dont les candidats sont choisis ayant été analysée dans notre thèse, nous nous limiterons ici à relever deux curiosités
Le poids des agents non-titulaires de la fonction publique
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent être titulaire de la fonction publique. Exceptionnellement, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, des agents contractuels non-titulaires peuvent être recrutés.
Pourtant, en 2020, les agents non-titulaires de la fonction publique représentaient 38,7% (28% en 2003) de l'effectif du réseau, les fonctionnaires détachés d'autres administrations 46,8% et les titulaires du ministère des Affaires étrangères et agents en CDI 14,3%.
Des choix privilégiant les agents du ministère des Affaires étrangères
Dans notre étude Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, nous relevions que sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle mis au mouvement 2019, seuls 50 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay et que seulement 16 avaient choisi un poste de conseiller culturel en première option.
Toutefois, dans sa short list, le ministère des Affaires étrangères avait présélectionné 72 vœux d'agents du Quai d'Orsay sur 115 formulés alors que seuls 69 vœux avaient été retenus sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique.
5. Perspectives de carrière
La politique des ressources humaines concernant les diplomates culturels fait l'objet de nombreuses critiques (parlementaires, syndicats, acteurs, agents du réseau, Cour des comptes, etc.).
Ainsi, dans son rapport de 2013, la Cour des comptes relevait que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau culturel à l'étranger comportait de nombreux inconvénients : "système pyramidal dans lequel la connaissance du terrain et des acteurs locaux et l'expertise acquise sont insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec les besoins du réseau et les compétences requises du fait de la prévalence de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les postes et incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non fonctionnaires dans la durée". Elle soulignait que "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constitue un enjeu majeur pour le réseau" et de recommander de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
Alors que les agents du réseau exercent de véritables métiers de savoir-faire qui s'acquiert progressivement sur le terrain au fil des postes occupés par accumulation d'expériences, le ministère des Affaires étrangères raisonne en termes d'emplois temporaires et remercie donc, après une ou deux affectations, des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues.
Une telle politique est évidemment néfaste pour le ministère des Affaires étrangères qui s'aliène ainsi des compétences. Elle est également frustrante pour les agents qui n'ont aucune véritable perspective de carrière (les fonctionnaires rentreront dans leur ministère d'origine, les autres chercheront du travail) sans l'assurance de trouver une affectation tenant compte de l'expérience acquise pour les uns ou un emploi pour les autres
Pour faire évoluer l'approche emploi en celle de métier les solutions sont connues et ont fait l'objet de plusieurs déclarations au plus haut niveau de l'Etat. Il suffirait de les mettre en œuvre…
6. Conclusion
Quoiqu'il en soit, nous faisons nôtre l'analyse de Jean Baillou : "Malgré l'absence de statut, malgré les lourdes sujétions du métier et les difficultés de réinsertion en France, les emplois de conseillers et attachés culturels, scientifiques et de coopération comptent parmi les emplois de la fonction publique française qui offrent le plus de possibilité d'initiative, d'action peu freinée, de responsabilité directe, de création dans des domaines très variés, et parfois d'aventure".
7.Bibliographie
Baillou Jean, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, 2 tomes, Editions du CNRS, Paris, 1984.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, L'Harmattan, 2020.
Haize Daniel, Les diplomates culturels : street-level bureaucrats, métiers flous ?
L' Harmattan 2022.
Kessler Marie Christine, Les relations scientifiques extérieures de la France, in l'action extérieure de l'Etat, Revue française d'Administration Publique, n°77, janvier mars 1996.
Migaud Didier, Audition du Premier président de la Cour des comptes, sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger, Assemblée nationale, 2013
Ministère des Affaires étrangères, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/emplois-stages-concours/
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Quelles sont les modalités de recrutement ?
Quelles sont les informations disponibles pour effectuer des choix ?
Comment se passe la sélection des candidats ?
Quelles sont les perspectives de carrière ?
1. Les agents du réseau culturel à l'étranger
En 2023, le ministère des Affaires étrangères employait environ 1600 agents (hors volontaires internationaux et agents de droit local) dans les différentes composantes du réseau culturel à l'étranger : services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises, instituts de recherche français à l'étranger :
- Conseillers : coopération et action culturelle /directeur d'établissement culturel, coopération et action culturelle, culturel / directeur d'établissement culturel, science et technologie, régional de coopération et d'action culturelle, régional de coopération, enjeux globaux, conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint,
- Attachés : culturel, coopération et action culturelle, science et technologie, coopération, coopération régionale, coopération universitaire, coopération scientifique et universitaire, coopération éducative, coopération pour le français, audiovisuel, audiovisuel régional, livre, etc.,
- Directeurs d'instituts français, directeurs des cours,
- Directeurs d'alliances françaises,
- Directeurs d'établissements français de recherche,
- Secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints, agents comptables, agents comptables régionaux, agents comptables adjoints,
- Chargés de mission : culturels, pédagogiques, universitaires, administratifs, livre, coopération, tourisme, médiathèques, industries musicales, communication et informatique, chercheurs, etc.
2. Modalités de candidature
Les candidats à un poste de diplomate culturel peuvent être des agents titulaires du Quai d'Orsay ou bénéficiant d'un CDI, des fonctionnaires d'autres administrations ou des personnes non titulaires de la fonction publique.
Les diplomates culturels sont recrutés sur la base d'un appel à candidature. Tous les ans, au mois de juillet, le ministère des Affaires étrangères publie sur son site (rubrique emplois et concours) la liste des postes du réseau mis au mouvement. En outre, des appels intermédiaires apparaissent au cours des mois suivants.
NB : Depuis janvier 2024, le ministère des Affaires étrangères a mis en place une nouvelle plateforme "DiploEmploi" pour se porter candidat à un emploi en France ou à l'étranger.
Il est indiqué le pays, la ville, l'emploi, la date de prise de fonction et la date limite de candidature. Une fiche de poste peut être téléchargée
Les candidats doivent postuler en ligne en remplissant un dossier comprenant quatre rubriques :
- candidat : civilité, date naissance, années passées à l'étranger,
- situation familiale,
- profil : titulaire ou non de la fonction publique, vous exercez en France ou à l'étranger, depuis …, années passées à l'étranger, diplôme, compétences linguistique, compétences professionnelles, stages, expérience professionnelle.
Ils peuvent formuler huit vœux et renseigner la rubrique commentaires : motivations, souhaits d'orientation professionnelle, contraintes personnelles, observations sur la situation personnelle du candidat. Ils doivent joindre un curriculum vitae, une lettre de motivation et une attestation linguistique.
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent répondre plusieurs critères :
- être titulaire de la fonction publique. Exceptionnellement, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, des agents contractuels non-titulaires peuvent être recrutés,
- quel que soit le niveau des diplômes obtenus, avoir l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé,
- avoir des connaissances linguistiques suffisantes (il conviendra de joindre au dossier le résultat des tests de langue en cours de validité ou une copie de certification(s) déjà obtenue(s),
-répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France) ; la durée de séjour à l'étranger au cours des dix dernières années ne soit pas supérieure à sept ans, tous statuts confondus et quel que soit l'employeur considéré.
Il est précisé que les candidats retenus sont recrutés sous contrat à durée déterminée d'une durée initiale de 2 ans. Le contrat peut être renouvelé dans la limite de 4 ans.
A la fin du contrat, les fonctionnaires sont remis à disposition de leur administration d'origine par réintégration ou peuvent postuler à un nouveau poste. A l'issue du contrat, les agents non titulaires de la fonction publique ont le droit de bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi versée par le ministère.
3. Faire des choix
Si probablement le pays d'affectation constitue une donnée importante du choix des candidats, un certain nombre d'autres informations sont disponibles sur le site du ministère des Affaires étrangères et surtout dans les fiches de poste.
Site du ministère des Affaires étrangères
Le site du ministère des Affaires étrangères contient une rubrique : Le réseau de coopération et d'action culturelle et ses métiers.
Après une présentation succincte de réseau, il est possible d'accéder à une page : travailler dans le réseau de coopération et d'action culturelle : "Ces agents sont pour la plupart de postes de responsables d'équipe, capables de travailler en réseau, de communiquer et de s'exprimer en public, de conduire des projets et de diriger un établissement. Il leur est également demandé d'avoir une vision stratégique et innovante de ce que peut être la coopération et l'action culturelle des pays dans lesquels ils sont nommés".
Plus loin, sous l'intitulé En savoir plus sur les métiers du réseau de coopération et d'action culturelle quatre vidéos d'interview sont disponibles : une conseillère de coopération et d'action culturelle, un directeur d'établissement culturel, une directrice d'Alliance française et un secrétaire général qui présentent leurs métiers respectifs.
Il existe également une rubrique Qui sont les conseillers et conseillères de coopération et d'action culturelle (COCAC) ? : "Au sein des ambassades françaises, les conseillers et conseillères de coopération et d'action culturelle définissent et pilotent la stratégie de coopération dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la promotion de la langue française, des sciences et des technologies, du développement durable. Ils participent également à la mise en œuvre de politiques de solidarité, d'influence et d'attractivité de la France à l'étranger". Elle comprend une interview du conseiller de coopération et d'action culturelle et directeur de l'Institut français auprès de l'ambassade de France au Portugal qui répond aux questions suivantes : Quel est votre parcours ? Quelles sont les fonctions occupées par un COCAC ? En quoi consiste votre mission ? Quelle est votre journée type ? Que faites-vous concrètement au quotidien ? Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Quels sont vos principaux interlocuteurs ? Depuis que vous êtes en poste, quels sont les défis que vous avez dû relever ? Quels sont les obstacles auxquels vous êtes parfois confronté ? Quelles sont, selon vous, les qualités humaines et professionnelles indispensables pour occuper ce poste ?
Fiches de poste
Chaque poste mis au mouvement fait l'objet d'une fiche comprenant notamment les rubriques suivantes : activités principales, compétences, diplômes ou expérience professionnelle recommandée pour exercer les fonctions.
L'analyse des fiches des 236 postes mis au mouvement 2024 apporte un certain nombre de précisions.
Activités principales
Cette rubrique offre un aperçu de chaque métier : les actions à mener pour chaque type d'emploi et fréquemment celles concernant spécifiquement le poste à pourvoir, voire les tâches précises à accomplir constituant ainsi de véritables feuilles de route sont décrites.
Par exemple, pour les conseillers de coopération et d'action culturelle :
- Conseiller l'ambassadeur sur les questions relevant de l'ensemble des domaines d'expertise du conseiller,
- Assister le chef de poste diplomatique pour coordonner et animer le réseau des opérateurs et partenaires du ministère présents dans le pays,
- Définir et piloter la stratégie de coopération dans le cadre du plan d'action de l'ambassade en liaison avec les opérateurs français, les partenaires locaux ainsi que les bailleurs de fonds multilatéraux et européens,
- Promouvoir l'expertise française et l'image de la France,
- Définir et mettre en place une programmation annuelle,
- Suivre les projets envisagés au plan local par les opérateurs,
- Encadrer une équipe de spécialistes,
- Diriger l'ensemble des services d'un EAF et suivre son budget, en tant qu'ordonnateur principal,
- Piloter et animer le réseau de l'Institut français, de ses antennes et des instituts de recherche,
- Coordonner les opérateurs du ministère et ses partenaires (Alliances notamment) et suivre attentivement les établissements de l'AEFE ou des établissements scolaires conventionnés ou homologués,
Définir la stratégie de communication,
Rechercher des financements et lever des fonds auprès de bailleurs publics et privés.
Compétences
Les grilles de compétences se déclinent en cinq rubriques :
- Connaissance : acteurs français et locaux du domaine d'activité ; conduite et gestion de projet ; culture pluridisciplinaire ; environnement administratif, institutionnel et politique ; gestion budgétaire et comptable ; industries culturelles et créatives ; numérique et innovation ; promotion à l'export ; réseaux et procédures de la coopération,
- Savoir-faire : animer un réseau, une communauté ; communiquer ; conduire un projet, une démarche ; dialoguer, élaborer un plan d'action, un programme ; lever des fonds ; mener une veille ; négocier ; promouvoir une action, une démarche ; rendre compte,
- Savoir-être : adaptabilité au contexte interculturel ; aisance relationnelle ; esprit de synthèse ; être une force de proposition ; sens de l'analyse ; sens des relations publiques,
- Compétence outil : bureautique,
- Compétence linguistique : anglais, langue du pays d'affectation.
Pour chaque item, les possibilités sont : facultatif, débutant, pratique, maîtrise, expert.
Dans la plupart des fiches, les cases maîtrise ou expert sont cochées. Il est donc difficile d'en tirer des conclusions précises mais peut donner une idée de la nature des compétences recherchées.
Diplômes
Alors que le ministère des Affaires étrangères ne donne aucune indication quant aux diplômes nécessaires pour se porter candidat, le master II ou diplôme équivalent est mentionné dans la plupart des fiches de poste.
La discipline est rarement spécifiée sauf dans quelques cas : master de FLE pour les attachés de coopération pour le français ; diplôme de niveau master, de préférence dans les domaines du cinéma ou de l'audiovisuel pour les attachés audiovisuels.
Il y a quelques exceptions. Pour les attachés pour la science et la technologie, les attachés de coopération universitaire et les attachés de coopération scientifique et universitaire un doctorat voire une habilitation à diriger les recherches sont privilégiés. A l'inverse, pour les secrétaires généraux de service culturel ou d'établissement culturel ainsi que pour les agents comptables aucun diplôme n'est mentionné mais une expérience est requise.
Expérience professionnelle recommandée
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent avoir l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé.
Les informations contenues dans les fiches de poste peuvent être classées en trois catégories : pas de recommandation, expérience générale dans le domaine, expérience dans le réseau.
Dans quelques cas, la rédaction est très précise
Pour les directeurs d'alliance française, il est demandé au minimum une expérience avérée de direction d'un établissement public ou privé à l'étranger ou en France dans des institutions culturelles, le plus souvent dans le réseau des alliances. En outre, il est fréquemment sollicité une expérience d'enseignement du Français Langue Étrangère, d'organisation de cours de langue et de marketing, de management, de montage d'évènements culturels ainsi qu'une pratique du milieu associatif et de sa gouvernance. Pour les attachés audiovisuels une expérience professionnelle confirmée de plusieurs années est requise ainsi qu'une expérience à l'international, notamment dans le réseau de coopération. Pour les secrétaires généraux une expérience confirmée en gestion budgétaire et gestion des ressources humaines ainsi qu'une expérience préalable dans une ambassade, un institut Français ou en centrale est nécessaire.
4. La sélection des candidats
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères indique que lorsque la candidature est présélectionnée par la direction des ressources humaines, le candidat est convoqué à un entretien auquel participe la direction générale mondialisation, culture, enseignement et développement international. Si à l'issue de cet entretien, la candidature est retenue, elle est soumise à la validation de la commission de recrutement interne et transmise à l'ambassade de France dans le pays concerné pour agrément.
Dans la gouvernance de la diplomatie culturelle, les rôles sont bien répartis : l'administration centrale défini les grandes orientations et procède à la ventilation des crédits géographiques ; il appartient au réseau et plus précisément à ses agents de concevoir l'action qu'ils souhaitent mener, puis la mettre en œuvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour compléter la dotation allouée par le ministère des Affaires étrangères.
La diplomatie culturelle repose ainsi avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain, dans le réseau et le font vivre au quotidien : "une grande part des initiatives est entre les mains des responsables locaux, conseillers culturels et scientifiques, responsables des instituts et centres culturels qui disposent d'un pouvoir extraordinaire de facilitation, de progrès ou, dans certains cas, de nuisance" relève Marie Christine Kessler.
Une sélection pertinente des candidats est donc un gage essentiel pour la performance de la diplomatie culturelle : "les agents qui constituent notre réseau culturel sont une force tout autant qu'un talon d'Achille" déclarait Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes, lors de la présentation du rapport sur le réseau culturel à l'étranger à l'Assemblée nationale.
La perception de la façon dont les candidats sont choisis ayant été analysée dans notre thèse, nous nous limiterons ici à relever deux curiosités
Le poids des agents non-titulaires de la fonction publique
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent être titulaire de la fonction publique. Exceptionnellement, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, des agents contractuels non-titulaires peuvent être recrutés.
Pourtant, en 2020, les agents non-titulaires de la fonction publique représentaient 38,7% (28% en 2003) de l'effectif du réseau, les fonctionnaires détachés d'autres administrations 46,8% et les titulaires du ministère des Affaires étrangères et agents en CDI 14,3%.
Des choix privilégiant les agents du ministère des Affaires étrangères
Dans notre étude Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, nous relevions que sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle mis au mouvement 2019, seuls 50 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay et que seulement 16 avaient choisi un poste de conseiller culturel en première option.
Toutefois, dans sa short list, le ministère des Affaires étrangères avait présélectionné 72 vœux d'agents du Quai d'Orsay sur 115 formulés alors que seuls 69 vœux avaient été retenus sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique.
5. Perspectives de carrière
La politique des ressources humaines concernant les diplomates culturels fait l'objet de nombreuses critiques (parlementaires, syndicats, acteurs, agents du réseau, Cour des comptes, etc.).
Ainsi, dans son rapport de 2013, la Cour des comptes relevait que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau culturel à l'étranger comportait de nombreux inconvénients : "système pyramidal dans lequel la connaissance du terrain et des acteurs locaux et l'expertise acquise sont insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec les besoins du réseau et les compétences requises du fait de la prévalence de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les postes et incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non fonctionnaires dans la durée". Elle soulignait que "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constitue un enjeu majeur pour le réseau" et de recommander de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
Alors que les agents du réseau exercent de véritables métiers de savoir-faire qui s'acquiert progressivement sur le terrain au fil des postes occupés par accumulation d'expériences, le ministère des Affaires étrangères raisonne en termes d'emplois temporaires et remercie donc, après une ou deux affectations, des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues.
Une telle politique est évidemment néfaste pour le ministère des Affaires étrangères qui s'aliène ainsi des compétences. Elle est également frustrante pour les agents qui n'ont aucune véritable perspective de carrière (les fonctionnaires rentreront dans leur ministère d'origine, les autres chercheront du travail) sans l'assurance de trouver une affectation tenant compte de l'expérience acquise pour les uns ou un emploi pour les autres
Pour faire évoluer l'approche emploi en celle de métier les solutions sont connues et ont fait l'objet de plusieurs déclarations au plus haut niveau de l'Etat. Il suffirait de les mettre en œuvre…
6. Conclusion
Quoiqu'il en soit, nous faisons nôtre l'analyse de Jean Baillou : "Malgré l'absence de statut, malgré les lourdes sujétions du métier et les difficultés de réinsertion en France, les emplois de conseillers et attachés culturels, scientifiques et de coopération comptent parmi les emplois de la fonction publique française qui offrent le plus de possibilité d'initiative, d'action peu freinée, de responsabilité directe, de création dans des domaines très variés, et parfois d'aventure".
7.Bibliographie
Baillou Jean, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, 2 tomes, Editions du CNRS, Paris, 1984.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, L'Harmattan, 2020.
Haize Daniel, Les diplomates culturels : street-level bureaucrats, métiers flous ?
L' Harmattan 2022.
Kessler Marie Christine, Les relations scientifiques extérieures de la France, in l'action extérieure de l'Etat, Revue française d'Administration Publique, n°77, janvier mars 1996.
Migaud Didier, Audition du Premier président de la Cour des comptes, sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger, Assemblée nationale, 2013
Ministère des Affaires étrangères, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/emplois-stages-concours/
Instituts français et alliances françaises
Pour son action culturelle extérieure, la Grande-Bretagne dispose du British Council, l'Allemagne de l'Institut Goethe, l'Espagne de l'Institut Cervantès. La France, quant à elle, à côté des services de coopération et d'action culturelle, s'appuie sur deux réseaux : l'un public (les centres culturels et instituts français), l'autre associatif (les alliances françaises) pour un même objectif d'enseignement de la langue et de promotion de la culture française.
En 2022, ce double réseau était composé de 95 instituts français disposant de 137 antennes, de 6 centres culturels franco-étrangers et de 830 alliances françaises.
L'Alliance française "Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l'étranger" a été fondée en 1883. A l'origine, elle se préoccupait de regrouper à l'étranger les "amis de la France". C'est à partir de 1945 que l'enseignement du français deviendra le cur de l'activité des alliances françaises dans le monde. Celles-ci sont le fruit d'initiatives locales, le plus souvent sous la forme d'association à but non lucratif, avec à leur têtes des "comités" élus.
Les premiers instituts français ont été créées au début du XXe siècle par des universités françaises qui ouvrirent des antennes à l'étranger les afin de permettre à leurs étudiants et chercheurs de continuer leurs travaux dans le pays étudié. Créés par l'État français, et chargés spécifiquement de la diffusion de la langue et de la culture françaises, les centres culturels français, ont vu principalement le jour dans la seconde moitié du XXe siècle.
Nous nous intéressons en premier lieu aux évolutions récentes intervenues à Paris avec la création de l'Institut français et la transformation de la Fondation Alliance Française en Fondation des alliances françaises, puis, sur le terrain, à la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres culturels et instituts.
Nous analyserons ensuite le fonctionnement du dispositif et plus précisément l'articulation entre les différents acteurs : le ministère des Affaires étrangères, l'Institut français, la Fondation des alliances françaises ; le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des alliances françaises ainsi que, sur le terrain, les instituts, les alliances et les ambassades.
Enfin, nous tenterons de mesurer l'impact des évolutions intervenues sur la pertinence la performance de la diplomatie culturelle.
1. Principales évolutions
L'Institut français
L'idée d'un grand établissement culturel à vocation internationale, qui aurait pris le British Council ou le Goethe Institut pour modèles, a alimenté les réflexions des parlementaires et politiques depuis de nombreuses années.
Créé par la loi relative à l'action extérieure de l'État du 27 juillet 2010, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), Institut français, placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères, puis également du ministère de la Culture et de la communication, se substitue, avec un périmètre d'action élargi et des moyens renforcés, à l'association CulturesFrance créée en 2006 par la fusion de l'Association française d'action artistique (AFAA) et de l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), fondées respectivement en 1922 et 1946.
Il a notamment pour missions : la promotion et l'accompagnement à l'étranger de la culture française ; le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ; le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l'étranger ; la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ; la promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique française ; le soutien à une large circulation des écrits, des uvres et des auteurs, en particulier francophones ; la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ; l'information du réseau culturel français à l'étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l'offre culturelle française ; le conseil et la formation professionnelle des personnels français et étrangers concourant à ces missions et notamment des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
L'Institut français se devait être la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. En fait, après plusieurs volte-face, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, a finalement opté pour le statu quo : le réseau demeurerait rattaché au ministère des Affaires étrangères. Les parlementaires ont toutefois inscrit dans la loi la mise en place d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut français qui a été conduite de 2011 à 2013 dans douze postes représentatifs de la diversité du réseau. Après plusieurs rapports d'évaluation, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international a annoncé le 22 octobre 2013 sa décision de ne pas rattacher l'ensemble des instituts français à l'étranger à l'opérateur Institut français "principalement pour des raisons de cohérence politique et institutionnelle".
L'idée de faire de l'Institut français la tête du réseau culturel et de lui confier un large pan de la diplomatie culturelle a donc avorté. Au delà de nombreuses oppositions au sein du ministère des Affaires étrangères, la décision était largement prévisible pour des raisons essentiellement techniques. Le réseau culturel dispose, en effet, d'un champ d'action plus large (coopération scientifique, coopération universitaire, aide au développement, etc.) que celui confié à l'Institut français. En cas de rattachement, il aurait fallu créer des bureaux locaux de l'EPIC parisien, juridiquement indépendant de l'ambassade, pour la seule action culturelle, les autres missions étant prises en charge par d'autres agents au sein des ambassades. Le rattachement présentait aussi un surcoût budgétaire estimé à 52 millions d'euros correspondant au transfert d'emplois vers l'Institut français. Il posait également, avec l'introduction d'une personnalité juridique distincte de l'ambassade, des problèmes de nature politique, juridique et financière.
La Fondation des alliances françaises
Jusqu'en 2007, l'Alliance française de Paris était structurée autour de deux pôles : l'enseignement de la langue française (l'École de Paris) et les relations avec les alliances dans le monde.
Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés en janvier 2008 afin de distinguer les activités d'enseignement de l'école du boulevard Raspail de la coordination du réseau international. La Fondation Alliance française s'occupe désormais exclusivement des alliances françaises à l'étranger. Elle assure la coordination, l'animation et le conseil du réseau des alliances françaises à travers le monde. Propriétaire de la marque "Alliance française", la fondation est seule habilitée à autoriser leur création et leur labellisation.
Dans son rapport d'activités 2008, elle précise ainsi ses missions : développer dans le monde l'enseignement et l'usage de la langue française, contribuer à accroître l'influence intellectuelle et morale de la France et l'intérêt pour toutes les cultures francophones, favoriser les échanges entre cultures et de contribuer en général à l'épanouissement de la diversité culturelle ainsi que ses deux grands objectifs pour la décennie : adapter le réseau international aux exigences du temps et préparer les alliances à une relève efficace du réseau culturel extérieur, quand cela lui est demandé.
A partir de la mi-2017, la Fondation Alliance française a connu une situation financière très délicate, liée d'une part, à ses difficultés à faire face aux dépenses qu'elle avait engagées dans le cadre d'un ambitieux plan de modernisation souhaité par ses dirigeants, "Alliance 2020" (protection de la marque, développement du numérique, professionnalisation des agents, etc.) et, d'autre part, à un contentieux immobilier qui l'opposait à l'Alliance française Paris Ile-de-France au sujet des locaux du 101 boulevard Raspail à Paris qui avaient été donnés à la Fondation à sa création en 2007 et pour la location desquels l'Alliance française Paris Ile-de-France refusait de verser les loyers dus.
Début 2018, constatant que la situation financière de la Fondation ne permettait pas d'établir un budget conservant à celle-ci les moyens de poursuivre ses activités, le président, Jérôme Clément, ainsi que cinq autres administrateurs, ont remis leur démission. Une mission a alors été confiée aux trois inspections des ministères des Affaires étrangères, de l'Education nationale et de l'Intérieur, puis un rapport commandé à l'ambassadeur de France Pierre Vimont.
Le conseil d'administration du 11 juillet 2018, suivant les propositions de Mr Vimont, a décidé de réduire l'activité de la Fondation, en particulier le plan de modernisation du réseau (le plan Alliance 2020 dont la plupart des actions ont été suspendues), de réduire les dépenses, y compris de fonctionnement et de recentrer ses activités aux missions de régulation et d'animation du réseau des alliances. En outre, le principe d'une représentation élargie des alliances dans les instances a également été retenu tout comme le règlement du différend avec l'Alliance Française Paris Ile-de-France.
Adoptés lors du conseil d'administration du 14 octobre 2019, les nouveaux statuts de la ont été approuvés par le décret du 19 février 2020. Dans son rapport d'activité de 2019, la désormais Fondation des alliances françaises indique que ces nouveaux statuts permettent notamment d'ouvrir plus largement la gouvernance aux représentants des alliances françaises, de repréciser les missions de la Fondation et de prendre acte du nouveau périmètre patrimonial de la dotation de la Fondation consécutif au protocole d'accord entre l'Alliance Française de Paris Ile-de-France et la Fondation.
Fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les centres culturels et les instituts français
Débutée en 2009 et achevée en 2012, la nouvelle structuration du réseau a créé sous le label "institut français" un établissement unique regroupant le service de coopération et d'action culturelle et le ou les centres culturels ou instituts français, dirigés par le conseiller culturel, dotés de l'autonomie administrative, budgétaire et financière.
Elle s'inscrivait également dans le projet, qui ne s'est finalement pas concrétisé, de rattachement de ces nouvelles entités à l'Institut français créé par la loi 2010-873 du 7 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État.
Selon la Cour des comptes, cette évolution, censée donner une meilleure lisibilité au réseau et lui faire bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion afin de lui permettre de développer son autofinancement, avait pour objectif de procurer un gain de 110 à 130 équivalents temps plein (ETP) selon les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
En outre, la création d'établissements uniques a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires : ceux-ci sont fréquemment amenés à prendre en charge sur leurs recettes propres le fonctionnement du service culturel ainsi que des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. et également de fonctionnement dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées.
Ceci dit, la nouvelle organisation renforce l'autonomie du réseau puisqu'elle fait du conseiller culturel le seul ordonnateur de l'ensemble des crédits délégués par le ministère des Affaires étrangères pour les activités culturelles et de coopération ainsi que des ressources liées à l'autofinancement et celles levées sur place auprès de ses partenaires.
On relèvera que plusieurs de ces nouvelles structures ont été dissoutes et leurs activités réintégrées aux services de coopération et d'action culturelle, comme les instituts d'Amérique centrale et du Brésil en 2020.
2. Fonctionnement du dispositif : l'articulation entre les différents acteurs
Le ministère des Affaires étrangères et l'Institut français
Le ministère des Affaires étrangères assure avec le ministère de la Culture la tutelle de l'EPIC. Il dispose de cinq représentants au conseil administration. Depuis 2016, le président exécutif de l'Institut Français est un diplomate.
Le ministère des Affaires étrangères est le principal bailleur de l'Institut Français. La subvention pour charge de service public s'est élevée à 28,79 millions d'euros en 2021.
L'Institut est doté d'un contrat d'objectifs et de moyens conformément à la loi de 2010. Celui qui couvre la période 2020-2022 fixe quatre grandes priorités : accompagner le rayonnement de la culture et des industries culturelles et créatives françaises et francophones, promouvoir la langue française et soutenir les centres de langue, renforcer la démarche partenariale au service du développement international, poursuivre la modernisation de la gestion de l'établissement.
Cet exercice reste largement formel comme le soulignent les sénateurs Ronan Le Gleut et André Vallini dans leur rapport d'information : "Le COP 2017-2019 de l'Institut français est arrivé à échéance depuis bientôt un an. Le nouveau COP 2020-2022 couvre une période déjà en partie écoulée" puis "le format de ce COP énonce des objectifs et des indicateurs de performance sans aucun engagement de la part de l'État en termes de moyens. Il s'agit davantage d'une lettre de mission que d'un contrat".
Pour sa part, la Cour des comptes relève dans son rapport sur le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'Etat, une gouvernance lourde pour une stratégie très globale sans ciblage thématique. Elle met en outre l'accent sur la confusion qui apparaît entre les rôles opérationnels de l'opérateur et ceux de sa direction de tutelle, qui garde la responsabilité d'un certain nombre de programmes, voire d'actions, dans un champ similaire et sans coordination explicite.
Elle note ainsi que le ministère développe sa propre stratégie de promotion des industries culturelles et créatives françaises en apportant un soutien direct à différentes structures qui concourent à l'exportation (cinéma, programmes audiovisuels, musique et livre). Il dispose d'un réseau propre de 32 attachés audiovisuels dans le monde (en juin 2019). En outre, des dotations pour opérations permettent aux instituts français, de financer des projets dans le cadre de la promotion du français ou de la culture; l'Institut français peut être informé de ces opérations mais n'en a pas l'initiative et n'y est associé que ponctuellement selon les sollicitations des postes.
Enfin, elle considère que l'Institut n'est associé que de manière marginale, alors même que l'enjeu de formation est majeur et qu'il dispose dans ses missions d'un mandat à ce titre, au stage des nouveaux partants en poste. Pourtant, le "double métier" de ces derniers, compétents en matière de coopération et d'aide au développement d'une part, de culture d'autre part, justifierait pleinement l'implication forte d'une tête de réseau à même de former et d'animer des équipes qui soient conscientes de la valeur ajoutée de l'établissement public parisien et susceptibles de travailler avec lui, pour que leurs besoins de terrain soient pris en compte.
Le ministère des Affaires étrangères et la Fondation des alliances françaises
Le ministère des Affaires étrangères alloue une subvention annuelle à la Fondation (0,687 millions d'euros en 2021).
Depuis la première convention entre la Direction générale et l'Alliance française de Paris en 1981, la répartition des responsabilités entre les deux partenaires a évolué vers un système de codécision de plus en plus poussé en particulier sur le choix des personnels expatriés et l'attribution de subventions immobilières.
Toutefois, suite aux difficultés de la Fondation, la convention entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance Française signée en 2019 (une nouvelle convention-cadre de trois ans -2021-2023- a été signée le 30 juin 2021) a rebattu les cartes.
Ainsi, la Fondation n'est plus associée au processus de recrutement pour les emplois d'expatriés dans les alliances (directeurs et chargés de mission). Les subventions accordées à la Fondation pour le soutien au réseau (subventions aux délégations générales de la Fondation et subventions pour réalisation d'actions de professionnalisation des agents locaux) sont désormais allouées pour les premières aux postes diplomatiques en vue de les répartir au profit du réseau et pour les secondes à l'Institut français chargé du suivi de la réalisation de la professionnalisation. Enfin, les mandats de délégués généraux de la Fondation sont supprimés.
En outre, le ministère des Affaires étrangères ainsi que le ministère de l'Intérieur exercent dorénavant une fonction de commissaires du gouvernement dans la gouvernance de la Fondation, sortant de la situation de membre avec droit de vote.
Le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des alliances françaises
Le rapprochement entre la Fondation et l'Institut français est une question récurrente depuis la création de ce dernier.
Une première convention tripartite a été signée avec le ministère des Affaires étrangères en juin 2012 afin de préciser les domaines de collaboration entre l'Institut français et la Fondation Alliance Française : formation des personnels du réseau, ouverture de l'ensemble des dispositifs de programmation culturelle de l'Institut français aux alliances françaises (appels à projets artistiques, Fonds d'Alembert pour le débat d'idées, plan d'appui aux médiathèques, fonds numérique d'appui à l'enseignement du français, etc.).
La nouvelle convention tripartite du 2 octobre 2019 clarifie le partage des rôles entre ces deux acteurs. Ainsi, le soutien au Français langue étrangère, à la diffusion culturelle, à la professionnalisation des agents du réseau des alliances françaises et à la démarche qualité sont désormais confiés à l'Institut français, la Fondation Alliance Française étant recentrée sur la régulation et l'animation de son réseau.
Les présidents des deux institutions disposent désormais d'un siège au conseil d'administration de l'autre.
Un projet de co-localisation des deux institutions a été envisagé à l'horizon 2020 : "A Paris, Institut français et Alliance seront réunis dans un même lieu pour renforcer les synergies des acteurs qui concourent à la langue française dans le monde" (Discours de Président de la République le 20 mars 2018 à l'Académie française : une ambition pour la langue française et le plurilinguisme). L'idée d'héberger l'Institut français dans les locaux de la Fondation, contre laquelle celle-ci était vent debout, a finalement été abandonnée et l'Institut français emménagera à l'horizon du printemps 2023 dans un nouveau bâtiment à Paris.
Le ministère des Affaires étrangères, les instituts français et les alliances françaises
Le principe du fonctionnement tant des alliances françaises que des instituts est l'autofinancement, voire le cofinancement pour les actions menées.
Le ministère des Affaires étrangères soutient ces deux réseaux mais de manière différente tant en ce qui concerne le montant des dotations annuelles que les méthodes et finalités. D'une part, il y affecte des personnels et d'autre part il participe aux dépenses de fonctionnement des instituts ou, à l'imitative des services de coopération et action culturelle des ambassades, cofinance des projets pour les alliances françaises conventionnées.
Le ministère des Affaires étrangères et les instituts français
Au sein du ministère des Affaires étrangères, les instituts dépendent de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, via la direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau (dénommée direction de la diplomatie d'influence depuis l'arrêté du 9 août 2022) et plus spécifiquement la sous-direction du réseau de coopération et d'action culturelle. La tutelle est lâche et porte principalement sur le contrôle de gestion.
Les instituts sont dotés de l'autonomie financière (financière conformément au décret n° 76-832 du 24 août 1976) mais ne disposent pas d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État.
En 2021, les dotations de fonctionnement se sont élevées à 33,63 millions d'euros.
S'agissant des ressources humaines, le périmètre a profondément évolué depuis la fusion des services de coopération et d'action culturelle avec centres et instituts. Dans de très nombreux postes le service culturel se trouve aujourd'hui réduit au conseiller culturel / directeur d'établissement culturel, les autres agents (attachés et chargés de mission) étant affectés à l'institut avec le secrétaire général et l'agent comptable.
Sur la base de la décision du 10 juin 2020 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, le nombre d'agents affectés dans les instituts sensu stricto (directeurs délégués, directeurs d'antennes, directeurs des cours, chargés de mission culturel, médiathécaires, secrétaire généraux et agents comptables) s'élève à 249 agents en 2020 sur un total de 458 agents identifiés institut français. Il y avait en outre 169 volontaires internationaux (chiffres 2019).
Le ministère des Affaires étrangères et les alliances françaises
Pour les alliances françaises, chaque association locale se doit d'assumer les couts de son fonctionnement par les recettes générées principalement par l'activité d'enseignement. Ainsi une alliance dont les dépenses seraient supérieures aux recettes serait irrémédiablement condamnée une fois ses réserves de trésorerie épuisées
Le ministère des Affaires étrangères soutient les alliances françaises par le biais de la prise en charge d'agents expatriés (directeurs et chargés de mission) ainsi que de volontaires internationaux. En 2020, 161 agents civils ainsi que 56 volontaires internationaux uvraient dans les alliances françaises.
Sur le terrain, depuis les années quatre-vingt-dix, une politique de signature de conventions-cadres entre les alliances françaises et les services de coopération et d'action culturelle des ambassades est mise en uvre. Ces conventions peuvent prévoir des subventions publiques qui peuvent aller jusqu'à confier la gestion de l'action culturelle à l'Alliance française locale.
En 2021, les subventions aux alliances françaises locales se sont élevées à 5,95 millions d'euros. Il s'y ajoute des crédits dédiés aux actions d'animation et de modernisation du réseau des alliances (0,62 millions d'euros).
L'Institut français et le réseau des instituts et alliances françaises
A coté des directions coopérations, dialogues, langues et sociétés, création artistique et industries culturelles, mobilités et manifestations internationales, communication et mécénat, l'Institut français dispose d'une direction appui au réseau culturel français à l'étranger qui, selon le rapport d'activité 2021, accompagne le réseau culturel par des actions de formation des agents, des offres en ligne et sites à disposition du réseau ainsi que sa transformation numérique. En 2021, l'Institut français a consacré 2% de son budget à la coordination avec le réseau.
L'Institut gère également un certain nombre de fonds transférés du ministère des Affaires étrangères à CulturesFrance ainsi que de nouvelles missions attribuées par le ministère des Affaires étrangères comme la promotion de la langue française, des savoirs et des idées. Sur le terrain les instituts français ainsi que les alliances peuvent accéder à ces fonds qui fonctionnent selon une procédure d'appel à projets et sous forme de cofinancements :
- le programme d'aide à la publication permet à des maisons d'édition étrangères d'obtenir des aides à la cession de droits pour la traduction d'auteurs de langue française, initialement publiés en France.
- le fonds médiathèques soutient la modernisation des médiathèques françaises a l'étranger
- le fonds d'Alembert soutient les opérations de débat d'idées (table-rondes, dialogues, forums, cycles de rencontres) organisées par le réseau culturel français
- le fonds langue française finance des projets portant sur l'attractivité de la langue française au sein des systèmes éducatifs, le renouvellement de l'image de la langue et de son enseignement ou le renforcement de la place du français comme langue d'insertion professionnelle
Enfin, l'Institut a lancé en 2019 "La Collection" propositions artistiques légères et modulables à destination des instituts et des alliances françaises mettant en avant la création contemporaine française.
La Fondation des alliances françaises et les alliances françaises
Les alliances françaises sont des associations de droit local. Elles sont indépendantes de tant statutairement que financièrement de la Fondation des alliances françaises qui ne dispose donc que d'une autorité morale sur les alliances et, de ce fait, n'en exerce pas le pilotage.
La Fondation était cependant présente sur le terrain par le biais de délégués généraux financés par le ministère des Affaires étrangères. Ces délégations étaient plus ou moins étoffées (5 agents au Brésil en 1995). Au fil du temps, la fonction de délégué général a été confiée à un agent assurant également la direction d'une alliance.
Selon la convention de 2011 entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance française, les principales missions-types du délégué général sont : coordonner la mise en uvre des missions de service public déléguées par l'ambassade aux alliances françaises du pays, apporter un soutien d'ordre administratif, pédagogique et culturel aux alliances, transmettre aux alliances françaises les orientations et recommandations de la Fondation et de veiller à ce qu'elles soient prises en compte, veiller au respect de l'éthique associative de la part des alliances du pays d'exercice et à la conformité de leurs statuts et de leurs actions avec les statuts-types et les idéaux de l'Alliance française et s'assurer de la reconnaissance, par les autorités locales et par la Fondation, des statuts de chacune des alliances.
Suite aux turbulences intervenues en 2018 et dans le cadre de la convention triennale entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation du 30 juin 2021, la fonction de délégué général a été supprimée et remplacée par celle de coordinateur des alliances françaises.
Aujourd'hui, dans quelques pays, cette coordination est assurée par un agent du service culturel comme aux Etats-Unis, en Espagne, en Inde ou en Chine (le COCAC adjoint), mais le plus souvent la coordination des alliances revient au directeur de la principale alliance implantée dans le pays.
Si la Fondation n'a guère apprécié cette évolution, celle-ci semble relever finalement plutôt du symbole, les missions des coordinateurs n'étant pas fondamentalement différentes de celles des délégués généraux.
3. Conclusions
L'impact des évolutions intervenues parait contrasté.
Si, après des errements, le recentrage de la Fondation des alliances françaises à Paris sur son cur de métier et une meilleure implication des alliances françaises de l'étranger va dans le bon sens, le rôle de l'Institut français peut paraître superflu dans la mesure où le réseau culturel officiel à l'étranger continue de faire partie intégrante des ambassades, comme le souligne Christian Lequesne dans son Ethnographie du Quai d'Orsay.
Pour la Cour des comptes, l'Institut français est le fruit hybride d'une réflexion inachevée : "En définitive, l'Institut français est pris entre deux logiques qui tendent à devenir contradictoires : l'une tend à préserver l'action culturelle dans la sphère d'action directe des ambassadeurs, l'autre suppose que l'établissement dispose des moyens d'une véritable autonomie d'action sur un réseau qu'il piloterait".
En outre, comme elle le relève, l'intervention de l'Institut français n'est pas sans susciter quelques critiques de certains postes : "pour eux, l'Institut doit avoir avant tout un rôle de soutien logistique et de prestation de service plutôt que de concepteur d'une programmation de leurs activités".
Plusieurs parlementaires sont allés dans le même sens. Ainsi, le député Fréderic Petit propose de "clarifier et resserrer les relations entre l'Institut et le réseau pour que le premier joue vraiment son rôle d'appui auprès du second". Il lui semble en outre "nécessaire de recentrer les missions de l'Institut Français sur son rôle de soutien au réseau dans son ensemble et d'alléger son action d'opérateur culturel en propre". Pour les députés Michel Herbillon et Sira Silla "L'Institut doit servir de relais entre l'étranger et la France, d'interface entre les postes et les professionnels de la culture en France".
La fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les centres culturels et instituts français n'apporte pas grand chose sauf des économies d'emplois. En outre, comme le souligne la Cour des comptes, la visibilité de l'ensemble du réseau culturel pâtit à l'étranger de la confusion des "marques" du fait de la coexistence de l'Institut français à Paris et des instituts français, juridiquement et financièrement indépendants de celui-ci, à l'étranger.
L'actuelle volonté de rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des Alliances françaises peut laisser perplexe puisque il s'agit de deux structures très différentes. Si la Fondation des alliances françaises est bien une tète de réseau, l'Institut français est un opérateur culturel et artistique à l'international parmi d'autres. En 2021, le budget de l'Institut français s'élevait à 39 millions d'euros contre 2 millions pour la Fondation des alliances françaises ; les deux institutions disposaient respectivement de 141 et 10 salariés.
Les réformes parisiennes n'ont guère impacté le réseau des instituts qui n'a pas été rattaché à l'Institut français et dispose de l'autonomie financière ni celui des alliances françaises qui sont des associations de droit privé local, indépendantes tant statutairement que financièrement de la Fondation des Alliances françaises. Dans les deux cas les tutelles sont lâches permettant aux instituts et aux alliances françaises de disposer d'une grande marge de manuvre.
Ceci dit, ce double réseau est confronté à une triple fragilité.
Fondé sur l'autofinancement, son fonctionnement peut être mis à mal comme l'a montré la crise sanitaire se traduisant par une diminution importante de ses ressources propres, posant la question de la viabilité financière de certaines stuctures. Le nombre d'élèves dans les instituts et les alliances conventionnées a ainsi chuté de 1 150 257 en 2019 à 760 493 en 2020 en raison de la pandémie alors que le taux d'autofinancement pour les instituts, hors personnel rémunéré par le ministère des affaires étrangères, passait de 75 % en 2019 à 68% en 2020.
Le coût de l'entretien des bâtiments peut s'avérer une contrainte importante. Alors qu'à Berlin le projet de vente en 2013 de la Maison de France, qui abrite l'Institut et son déménagement dans les locaux de l'ambassade a finalement été abandonné, en 2016, le palais Clam Gallas à Vienne a été cédé au Qatar et l'institut français relocalisé tout comme celui des Pays-Bas suite à la mise en vente de la Maison Descartes à Amsterdam.
Enfin, tout comme pour la diplomatie culturelle dans son ensemble, les instituts et alliances sont fortement dépendantes des financements extrabudgétaires. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, déclarait lors du stage nouveaux partants en ambassade le 30 juin 2008 : "notre diplomatie publique d'influence ne peut plus dépendre uniquement du financement de l'Etat. Vous connaissez la situation générale des finances publiques. [ ] Soyons donc réalistes et lucides : il faut nous battre pour défendre nos moyens budgétaires, mais il nous faudra aussi savoir mobiliser ailleurs des ressources complémentaires nécessaires aux ambitions qui nous animent". Mais celle-ci sont très volatiles : 100 millions d'euros en 2009, 205 en 2013, 161 en 2016, 180 en 2019, 83 en 2020, 160 en 2021.
Si l'existence de deux réseaux pour un même objectif n'est guère cohérent, une réunification, parfois évoquée, ne parait guère possible, sauf marginalement par la fermeture d'un centre ou l'ouverture d'une alliance.
Quoiqu'il en soit, la question n'est pas tant la cohérence de ce réseau (deux types de structures pour le même objectif) que sa pertinence aujourd'hui. En effet, le développement des instituts et les alliances françaises remonte à une époque où il y avait une moindre circulation des biens culturels. Ils disposaient alors de l'exclusivité dans la présentation d'une vitrine française. Alors que l'environnement s'est profondément transformé sous l'effet principalement de la mondialisation et du basculement numérique, ces structures n'ont pas fondamentalement évolué au fil des ans : les instituts tout comme les alliances ne sont plus en situation de monopole : l'enseignement de la langue française tout comme les manifestations culturelles sont aujourd'hui des marchés dynamiques et concurrentiels.
Durant la période 2011-2022, les crédits du ministère des Affaires étrangères pour les deux réseaux instituts et alliances françaises ont légèrement progressé (40,96 millions d'euros en 2011, 42,20 en 2022) alors que les moyens destinés à la diplomatie culturelle dans son ensemble étaient fortement réduits : le budget du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence sensu stricto (hors en enseignement français et diplomatie économique et développement du tourisme) est passé de 336,81 en 2011 à 283,07 millions d'euros en 2022, soit une baisse de 16% (30% en euros constants).
Dans un tel contexte, le soutien aux instituts et alliances apparaît donc prioritaire alors que les crédits dont bénéficient d'autres types d'intervention comme, par exemple, les bourses et échanges d'expertise de l'action Coopération culturelle et promotion du français du programme 185 ont chuté respectivement de 30 et 40 % pendant cette même période.
Des choix ont donc été faits. Sont-ils les plus pertinents ? Il a là matière à réflexion !
4. Bibliographie
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En 2022, ce double réseau était composé de 95 instituts français disposant de 137 antennes, de 6 centres culturels franco-étrangers et de 830 alliances françaises.
L'Alliance française "Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l'étranger" a été fondée en 1883. A l'origine, elle se préoccupait de regrouper à l'étranger les "amis de la France". C'est à partir de 1945 que l'enseignement du français deviendra le cur de l'activité des alliances françaises dans le monde. Celles-ci sont le fruit d'initiatives locales, le plus souvent sous la forme d'association à but non lucratif, avec à leur têtes des "comités" élus.
Les premiers instituts français ont été créées au début du XXe siècle par des universités françaises qui ouvrirent des antennes à l'étranger les afin de permettre à leurs étudiants et chercheurs de continuer leurs travaux dans le pays étudié. Créés par l'État français, et chargés spécifiquement de la diffusion de la langue et de la culture françaises, les centres culturels français, ont vu principalement le jour dans la seconde moitié du XXe siècle.
Nous nous intéressons en premier lieu aux évolutions récentes intervenues à Paris avec la création de l'Institut français et la transformation de la Fondation Alliance Française en Fondation des alliances françaises, puis, sur le terrain, à la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres culturels et instituts.
Nous analyserons ensuite le fonctionnement du dispositif et plus précisément l'articulation entre les différents acteurs : le ministère des Affaires étrangères, l'Institut français, la Fondation des alliances françaises ; le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des alliances françaises ainsi que, sur le terrain, les instituts, les alliances et les ambassades.
Enfin, nous tenterons de mesurer l'impact des évolutions intervenues sur la pertinence la performance de la diplomatie culturelle.
1. Principales évolutions
L'Institut français
L'idée d'un grand établissement culturel à vocation internationale, qui aurait pris le British Council ou le Goethe Institut pour modèles, a alimenté les réflexions des parlementaires et politiques depuis de nombreuses années.
Créé par la loi relative à l'action extérieure de l'État du 27 juillet 2010, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), Institut français, placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères, puis également du ministère de la Culture et de la communication, se substitue, avec un périmètre d'action élargi et des moyens renforcés, à l'association CulturesFrance créée en 2006 par la fusion de l'Association française d'action artistique (AFAA) et de l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), fondées respectivement en 1922 et 1946.
Il a notamment pour missions : la promotion et l'accompagnement à l'étranger de la culture française ; le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ; le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l'étranger ; la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ; la promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique française ; le soutien à une large circulation des écrits, des uvres et des auteurs, en particulier francophones ; la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ; l'information du réseau culturel français à l'étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l'offre culturelle française ; le conseil et la formation professionnelle des personnels français et étrangers concourant à ces missions et notamment des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
L'Institut français se devait être la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. En fait, après plusieurs volte-face, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, a finalement opté pour le statu quo : le réseau demeurerait rattaché au ministère des Affaires étrangères. Les parlementaires ont toutefois inscrit dans la loi la mise en place d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut français qui a été conduite de 2011 à 2013 dans douze postes représentatifs de la diversité du réseau. Après plusieurs rapports d'évaluation, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international a annoncé le 22 octobre 2013 sa décision de ne pas rattacher l'ensemble des instituts français à l'étranger à l'opérateur Institut français "principalement pour des raisons de cohérence politique et institutionnelle".
L'idée de faire de l'Institut français la tête du réseau culturel et de lui confier un large pan de la diplomatie culturelle a donc avorté. Au delà de nombreuses oppositions au sein du ministère des Affaires étrangères, la décision était largement prévisible pour des raisons essentiellement techniques. Le réseau culturel dispose, en effet, d'un champ d'action plus large (coopération scientifique, coopération universitaire, aide au développement, etc.) que celui confié à l'Institut français. En cas de rattachement, il aurait fallu créer des bureaux locaux de l'EPIC parisien, juridiquement indépendant de l'ambassade, pour la seule action culturelle, les autres missions étant prises en charge par d'autres agents au sein des ambassades. Le rattachement présentait aussi un surcoût budgétaire estimé à 52 millions d'euros correspondant au transfert d'emplois vers l'Institut français. Il posait également, avec l'introduction d'une personnalité juridique distincte de l'ambassade, des problèmes de nature politique, juridique et financière.
La Fondation des alliances françaises
Jusqu'en 2007, l'Alliance française de Paris était structurée autour de deux pôles : l'enseignement de la langue française (l'École de Paris) et les relations avec les alliances dans le monde.
Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés en janvier 2008 afin de distinguer les activités d'enseignement de l'école du boulevard Raspail de la coordination du réseau international. La Fondation Alliance française s'occupe désormais exclusivement des alliances françaises à l'étranger. Elle assure la coordination, l'animation et le conseil du réseau des alliances françaises à travers le monde. Propriétaire de la marque "Alliance française", la fondation est seule habilitée à autoriser leur création et leur labellisation.
Dans son rapport d'activités 2008, elle précise ainsi ses missions : développer dans le monde l'enseignement et l'usage de la langue française, contribuer à accroître l'influence intellectuelle et morale de la France et l'intérêt pour toutes les cultures francophones, favoriser les échanges entre cultures et de contribuer en général à l'épanouissement de la diversité culturelle ainsi que ses deux grands objectifs pour la décennie : adapter le réseau international aux exigences du temps et préparer les alliances à une relève efficace du réseau culturel extérieur, quand cela lui est demandé.
A partir de la mi-2017, la Fondation Alliance française a connu une situation financière très délicate, liée d'une part, à ses difficultés à faire face aux dépenses qu'elle avait engagées dans le cadre d'un ambitieux plan de modernisation souhaité par ses dirigeants, "Alliance 2020" (protection de la marque, développement du numérique, professionnalisation des agents, etc.) et, d'autre part, à un contentieux immobilier qui l'opposait à l'Alliance française Paris Ile-de-France au sujet des locaux du 101 boulevard Raspail à Paris qui avaient été donnés à la Fondation à sa création en 2007 et pour la location desquels l'Alliance française Paris Ile-de-France refusait de verser les loyers dus.
Début 2018, constatant que la situation financière de la Fondation ne permettait pas d'établir un budget conservant à celle-ci les moyens de poursuivre ses activités, le président, Jérôme Clément, ainsi que cinq autres administrateurs, ont remis leur démission. Une mission a alors été confiée aux trois inspections des ministères des Affaires étrangères, de l'Education nationale et de l'Intérieur, puis un rapport commandé à l'ambassadeur de France Pierre Vimont.
Le conseil d'administration du 11 juillet 2018, suivant les propositions de Mr Vimont, a décidé de réduire l'activité de la Fondation, en particulier le plan de modernisation du réseau (le plan Alliance 2020 dont la plupart des actions ont été suspendues), de réduire les dépenses, y compris de fonctionnement et de recentrer ses activités aux missions de régulation et d'animation du réseau des alliances. En outre, le principe d'une représentation élargie des alliances dans les instances a également été retenu tout comme le règlement du différend avec l'Alliance Française Paris Ile-de-France.
Adoptés lors du conseil d'administration du 14 octobre 2019, les nouveaux statuts de la ont été approuvés par le décret du 19 février 2020. Dans son rapport d'activité de 2019, la désormais Fondation des alliances françaises indique que ces nouveaux statuts permettent notamment d'ouvrir plus largement la gouvernance aux représentants des alliances françaises, de repréciser les missions de la Fondation et de prendre acte du nouveau périmètre patrimonial de la dotation de la Fondation consécutif au protocole d'accord entre l'Alliance Française de Paris Ile-de-France et la Fondation.
Fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les centres culturels et les instituts français
Débutée en 2009 et achevée en 2012, la nouvelle structuration du réseau a créé sous le label "institut français" un établissement unique regroupant le service de coopération et d'action culturelle et le ou les centres culturels ou instituts français, dirigés par le conseiller culturel, dotés de l'autonomie administrative, budgétaire et financière.
Elle s'inscrivait également dans le projet, qui ne s'est finalement pas concrétisé, de rattachement de ces nouvelles entités à l'Institut français créé par la loi 2010-873 du 7 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État.
Selon la Cour des comptes, cette évolution, censée donner une meilleure lisibilité au réseau et lui faire bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion afin de lui permettre de développer son autofinancement, avait pour objectif de procurer un gain de 110 à 130 équivalents temps plein (ETP) selon les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
En outre, la création d'établissements uniques a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires : ceux-ci sont fréquemment amenés à prendre en charge sur leurs recettes propres le fonctionnement du service culturel ainsi que des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. et également de fonctionnement dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées.
Ceci dit, la nouvelle organisation renforce l'autonomie du réseau puisqu'elle fait du conseiller culturel le seul ordonnateur de l'ensemble des crédits délégués par le ministère des Affaires étrangères pour les activités culturelles et de coopération ainsi que des ressources liées à l'autofinancement et celles levées sur place auprès de ses partenaires.
On relèvera que plusieurs de ces nouvelles structures ont été dissoutes et leurs activités réintégrées aux services de coopération et d'action culturelle, comme les instituts d'Amérique centrale et du Brésil en 2020.
2. Fonctionnement du dispositif : l'articulation entre les différents acteurs
Le ministère des Affaires étrangères et l'Institut français
Le ministère des Affaires étrangères assure avec le ministère de la Culture la tutelle de l'EPIC. Il dispose de cinq représentants au conseil administration. Depuis 2016, le président exécutif de l'Institut Français est un diplomate.
Le ministère des Affaires étrangères est le principal bailleur de l'Institut Français. La subvention pour charge de service public s'est élevée à 28,79 millions d'euros en 2021.
L'Institut est doté d'un contrat d'objectifs et de moyens conformément à la loi de 2010. Celui qui couvre la période 2020-2022 fixe quatre grandes priorités : accompagner le rayonnement de la culture et des industries culturelles et créatives françaises et francophones, promouvoir la langue française et soutenir les centres de langue, renforcer la démarche partenariale au service du développement international, poursuivre la modernisation de la gestion de l'établissement.
Cet exercice reste largement formel comme le soulignent les sénateurs Ronan Le Gleut et André Vallini dans leur rapport d'information : "Le COP 2017-2019 de l'Institut français est arrivé à échéance depuis bientôt un an. Le nouveau COP 2020-2022 couvre une période déjà en partie écoulée" puis "le format de ce COP énonce des objectifs et des indicateurs de performance sans aucun engagement de la part de l'État en termes de moyens. Il s'agit davantage d'une lettre de mission que d'un contrat".
Pour sa part, la Cour des comptes relève dans son rapport sur le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'Etat, une gouvernance lourde pour une stratégie très globale sans ciblage thématique. Elle met en outre l'accent sur la confusion qui apparaît entre les rôles opérationnels de l'opérateur et ceux de sa direction de tutelle, qui garde la responsabilité d'un certain nombre de programmes, voire d'actions, dans un champ similaire et sans coordination explicite.
Elle note ainsi que le ministère développe sa propre stratégie de promotion des industries culturelles et créatives françaises en apportant un soutien direct à différentes structures qui concourent à l'exportation (cinéma, programmes audiovisuels, musique et livre). Il dispose d'un réseau propre de 32 attachés audiovisuels dans le monde (en juin 2019). En outre, des dotations pour opérations permettent aux instituts français, de financer des projets dans le cadre de la promotion du français ou de la culture; l'Institut français peut être informé de ces opérations mais n'en a pas l'initiative et n'y est associé que ponctuellement selon les sollicitations des postes.
Enfin, elle considère que l'Institut n'est associé que de manière marginale, alors même que l'enjeu de formation est majeur et qu'il dispose dans ses missions d'un mandat à ce titre, au stage des nouveaux partants en poste. Pourtant, le "double métier" de ces derniers, compétents en matière de coopération et d'aide au développement d'une part, de culture d'autre part, justifierait pleinement l'implication forte d'une tête de réseau à même de former et d'animer des équipes qui soient conscientes de la valeur ajoutée de l'établissement public parisien et susceptibles de travailler avec lui, pour que leurs besoins de terrain soient pris en compte.
Le ministère des Affaires étrangères et la Fondation des alliances françaises
Le ministère des Affaires étrangères alloue une subvention annuelle à la Fondation (0,687 millions d'euros en 2021).
Depuis la première convention entre la Direction générale et l'Alliance française de Paris en 1981, la répartition des responsabilités entre les deux partenaires a évolué vers un système de codécision de plus en plus poussé en particulier sur le choix des personnels expatriés et l'attribution de subventions immobilières.
Toutefois, suite aux difficultés de la Fondation, la convention entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance Française signée en 2019 (une nouvelle convention-cadre de trois ans -2021-2023- a été signée le 30 juin 2021) a rebattu les cartes.
Ainsi, la Fondation n'est plus associée au processus de recrutement pour les emplois d'expatriés dans les alliances (directeurs et chargés de mission). Les subventions accordées à la Fondation pour le soutien au réseau (subventions aux délégations générales de la Fondation et subventions pour réalisation d'actions de professionnalisation des agents locaux) sont désormais allouées pour les premières aux postes diplomatiques en vue de les répartir au profit du réseau et pour les secondes à l'Institut français chargé du suivi de la réalisation de la professionnalisation. Enfin, les mandats de délégués généraux de la Fondation sont supprimés.
En outre, le ministère des Affaires étrangères ainsi que le ministère de l'Intérieur exercent dorénavant une fonction de commissaires du gouvernement dans la gouvernance de la Fondation, sortant de la situation de membre avec droit de vote.
Le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des alliances françaises
Le rapprochement entre la Fondation et l'Institut français est une question récurrente depuis la création de ce dernier.
Une première convention tripartite a été signée avec le ministère des Affaires étrangères en juin 2012 afin de préciser les domaines de collaboration entre l'Institut français et la Fondation Alliance Française : formation des personnels du réseau, ouverture de l'ensemble des dispositifs de programmation culturelle de l'Institut français aux alliances françaises (appels à projets artistiques, Fonds d'Alembert pour le débat d'idées, plan d'appui aux médiathèques, fonds numérique d'appui à l'enseignement du français, etc.).
La nouvelle convention tripartite du 2 octobre 2019 clarifie le partage des rôles entre ces deux acteurs. Ainsi, le soutien au Français langue étrangère, à la diffusion culturelle, à la professionnalisation des agents du réseau des alliances françaises et à la démarche qualité sont désormais confiés à l'Institut français, la Fondation Alliance Française étant recentrée sur la régulation et l'animation de son réseau.
Les présidents des deux institutions disposent désormais d'un siège au conseil d'administration de l'autre.
Un projet de co-localisation des deux institutions a été envisagé à l'horizon 2020 : "A Paris, Institut français et Alliance seront réunis dans un même lieu pour renforcer les synergies des acteurs qui concourent à la langue française dans le monde" (Discours de Président de la République le 20 mars 2018 à l'Académie française : une ambition pour la langue française et le plurilinguisme). L'idée d'héberger l'Institut français dans les locaux de la Fondation, contre laquelle celle-ci était vent debout, a finalement été abandonnée et l'Institut français emménagera à l'horizon du printemps 2023 dans un nouveau bâtiment à Paris.
Le ministère des Affaires étrangères, les instituts français et les alliances françaises
Le principe du fonctionnement tant des alliances françaises que des instituts est l'autofinancement, voire le cofinancement pour les actions menées.
Le ministère des Affaires étrangères soutient ces deux réseaux mais de manière différente tant en ce qui concerne le montant des dotations annuelles que les méthodes et finalités. D'une part, il y affecte des personnels et d'autre part il participe aux dépenses de fonctionnement des instituts ou, à l'imitative des services de coopération et action culturelle des ambassades, cofinance des projets pour les alliances françaises conventionnées.
Le ministère des Affaires étrangères et les instituts français
Au sein du ministère des Affaires étrangères, les instituts dépendent de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, via la direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau (dénommée direction de la diplomatie d'influence depuis l'arrêté du 9 août 2022) et plus spécifiquement la sous-direction du réseau de coopération et d'action culturelle. La tutelle est lâche et porte principalement sur le contrôle de gestion.
Les instituts sont dotés de l'autonomie financière (financière conformément au décret n° 76-832 du 24 août 1976) mais ne disposent pas d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État.
En 2021, les dotations de fonctionnement se sont élevées à 33,63 millions d'euros.
S'agissant des ressources humaines, le périmètre a profondément évolué depuis la fusion des services de coopération et d'action culturelle avec centres et instituts. Dans de très nombreux postes le service culturel se trouve aujourd'hui réduit au conseiller culturel / directeur d'établissement culturel, les autres agents (attachés et chargés de mission) étant affectés à l'institut avec le secrétaire général et l'agent comptable.
Sur la base de la décision du 10 juin 2020 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, le nombre d'agents affectés dans les instituts sensu stricto (directeurs délégués, directeurs d'antennes, directeurs des cours, chargés de mission culturel, médiathécaires, secrétaire généraux et agents comptables) s'élève à 249 agents en 2020 sur un total de 458 agents identifiés institut français. Il y avait en outre 169 volontaires internationaux (chiffres 2019).
Le ministère des Affaires étrangères et les alliances françaises
Pour les alliances françaises, chaque association locale se doit d'assumer les couts de son fonctionnement par les recettes générées principalement par l'activité d'enseignement. Ainsi une alliance dont les dépenses seraient supérieures aux recettes serait irrémédiablement condamnée une fois ses réserves de trésorerie épuisées
Le ministère des Affaires étrangères soutient les alliances françaises par le biais de la prise en charge d'agents expatriés (directeurs et chargés de mission) ainsi que de volontaires internationaux. En 2020, 161 agents civils ainsi que 56 volontaires internationaux uvraient dans les alliances françaises.
Sur le terrain, depuis les années quatre-vingt-dix, une politique de signature de conventions-cadres entre les alliances françaises et les services de coopération et d'action culturelle des ambassades est mise en uvre. Ces conventions peuvent prévoir des subventions publiques qui peuvent aller jusqu'à confier la gestion de l'action culturelle à l'Alliance française locale.
En 2021, les subventions aux alliances françaises locales se sont élevées à 5,95 millions d'euros. Il s'y ajoute des crédits dédiés aux actions d'animation et de modernisation du réseau des alliances (0,62 millions d'euros).
L'Institut français et le réseau des instituts et alliances françaises
A coté des directions coopérations, dialogues, langues et sociétés, création artistique et industries culturelles, mobilités et manifestations internationales, communication et mécénat, l'Institut français dispose d'une direction appui au réseau culturel français à l'étranger qui, selon le rapport d'activité 2021, accompagne le réseau culturel par des actions de formation des agents, des offres en ligne et sites à disposition du réseau ainsi que sa transformation numérique. En 2021, l'Institut français a consacré 2% de son budget à la coordination avec le réseau.
L'Institut gère également un certain nombre de fonds transférés du ministère des Affaires étrangères à CulturesFrance ainsi que de nouvelles missions attribuées par le ministère des Affaires étrangères comme la promotion de la langue française, des savoirs et des idées. Sur le terrain les instituts français ainsi que les alliances peuvent accéder à ces fonds qui fonctionnent selon une procédure d'appel à projets et sous forme de cofinancements :
- le programme d'aide à la publication permet à des maisons d'édition étrangères d'obtenir des aides à la cession de droits pour la traduction d'auteurs de langue française, initialement publiés en France.
- le fonds médiathèques soutient la modernisation des médiathèques françaises a l'étranger
- le fonds d'Alembert soutient les opérations de débat d'idées (table-rondes, dialogues, forums, cycles de rencontres) organisées par le réseau culturel français
- le fonds langue française finance des projets portant sur l'attractivité de la langue française au sein des systèmes éducatifs, le renouvellement de l'image de la langue et de son enseignement ou le renforcement de la place du français comme langue d'insertion professionnelle
Enfin, l'Institut a lancé en 2019 "La Collection" propositions artistiques légères et modulables à destination des instituts et des alliances françaises mettant en avant la création contemporaine française.
La Fondation des alliances françaises et les alliances françaises
Les alliances françaises sont des associations de droit local. Elles sont indépendantes de tant statutairement que financièrement de la Fondation des alliances françaises qui ne dispose donc que d'une autorité morale sur les alliances et, de ce fait, n'en exerce pas le pilotage.
La Fondation était cependant présente sur le terrain par le biais de délégués généraux financés par le ministère des Affaires étrangères. Ces délégations étaient plus ou moins étoffées (5 agents au Brésil en 1995). Au fil du temps, la fonction de délégué général a été confiée à un agent assurant également la direction d'une alliance.
Selon la convention de 2011 entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance française, les principales missions-types du délégué général sont : coordonner la mise en uvre des missions de service public déléguées par l'ambassade aux alliances françaises du pays, apporter un soutien d'ordre administratif, pédagogique et culturel aux alliances, transmettre aux alliances françaises les orientations et recommandations de la Fondation et de veiller à ce qu'elles soient prises en compte, veiller au respect de l'éthique associative de la part des alliances du pays d'exercice et à la conformité de leurs statuts et de leurs actions avec les statuts-types et les idéaux de l'Alliance française et s'assurer de la reconnaissance, par les autorités locales et par la Fondation, des statuts de chacune des alliances.
Suite aux turbulences intervenues en 2018 et dans le cadre de la convention triennale entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation du 30 juin 2021, la fonction de délégué général a été supprimée et remplacée par celle de coordinateur des alliances françaises.
Aujourd'hui, dans quelques pays, cette coordination est assurée par un agent du service culturel comme aux Etats-Unis, en Espagne, en Inde ou en Chine (le COCAC adjoint), mais le plus souvent la coordination des alliances revient au directeur de la principale alliance implantée dans le pays.
Si la Fondation n'a guère apprécié cette évolution, celle-ci semble relever finalement plutôt du symbole, les missions des coordinateurs n'étant pas fondamentalement différentes de celles des délégués généraux.
3. Conclusions
L'impact des évolutions intervenues parait contrasté.
Si, après des errements, le recentrage de la Fondation des alliances françaises à Paris sur son cur de métier et une meilleure implication des alliances françaises de l'étranger va dans le bon sens, le rôle de l'Institut français peut paraître superflu dans la mesure où le réseau culturel officiel à l'étranger continue de faire partie intégrante des ambassades, comme le souligne Christian Lequesne dans son Ethnographie du Quai d'Orsay.
Pour la Cour des comptes, l'Institut français est le fruit hybride d'une réflexion inachevée : "En définitive, l'Institut français est pris entre deux logiques qui tendent à devenir contradictoires : l'une tend à préserver l'action culturelle dans la sphère d'action directe des ambassadeurs, l'autre suppose que l'établissement dispose des moyens d'une véritable autonomie d'action sur un réseau qu'il piloterait".
En outre, comme elle le relève, l'intervention de l'Institut français n'est pas sans susciter quelques critiques de certains postes : "pour eux, l'Institut doit avoir avant tout un rôle de soutien logistique et de prestation de service plutôt que de concepteur d'une programmation de leurs activités".
Plusieurs parlementaires sont allés dans le même sens. Ainsi, le député Fréderic Petit propose de "clarifier et resserrer les relations entre l'Institut et le réseau pour que le premier joue vraiment son rôle d'appui auprès du second". Il lui semble en outre "nécessaire de recentrer les missions de l'Institut Français sur son rôle de soutien au réseau dans son ensemble et d'alléger son action d'opérateur culturel en propre". Pour les députés Michel Herbillon et Sira Silla "L'Institut doit servir de relais entre l'étranger et la France, d'interface entre les postes et les professionnels de la culture en France".
La fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les centres culturels et instituts français n'apporte pas grand chose sauf des économies d'emplois. En outre, comme le souligne la Cour des comptes, la visibilité de l'ensemble du réseau culturel pâtit à l'étranger de la confusion des "marques" du fait de la coexistence de l'Institut français à Paris et des instituts français, juridiquement et financièrement indépendants de celui-ci, à l'étranger.
L'actuelle volonté de rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des Alliances françaises peut laisser perplexe puisque il s'agit de deux structures très différentes. Si la Fondation des alliances françaises est bien une tète de réseau, l'Institut français est un opérateur culturel et artistique à l'international parmi d'autres. En 2021, le budget de l'Institut français s'élevait à 39 millions d'euros contre 2 millions pour la Fondation des alliances françaises ; les deux institutions disposaient respectivement de 141 et 10 salariés.
Les réformes parisiennes n'ont guère impacté le réseau des instituts qui n'a pas été rattaché à l'Institut français et dispose de l'autonomie financière ni celui des alliances françaises qui sont des associations de droit privé local, indépendantes tant statutairement que financièrement de la Fondation des Alliances françaises. Dans les deux cas les tutelles sont lâches permettant aux instituts et aux alliances françaises de disposer d'une grande marge de manuvre.
Ceci dit, ce double réseau est confronté à une triple fragilité.
Fondé sur l'autofinancement, son fonctionnement peut être mis à mal comme l'a montré la crise sanitaire se traduisant par une diminution importante de ses ressources propres, posant la question de la viabilité financière de certaines stuctures. Le nombre d'élèves dans les instituts et les alliances conventionnées a ainsi chuté de 1 150 257 en 2019 à 760 493 en 2020 en raison de la pandémie alors que le taux d'autofinancement pour les instituts, hors personnel rémunéré par le ministère des affaires étrangères, passait de 75 % en 2019 à 68% en 2020.
Le coût de l'entretien des bâtiments peut s'avérer une contrainte importante. Alors qu'à Berlin le projet de vente en 2013 de la Maison de France, qui abrite l'Institut et son déménagement dans les locaux de l'ambassade a finalement été abandonné, en 2016, le palais Clam Gallas à Vienne a été cédé au Qatar et l'institut français relocalisé tout comme celui des Pays-Bas suite à la mise en vente de la Maison Descartes à Amsterdam.
Enfin, tout comme pour la diplomatie culturelle dans son ensemble, les instituts et alliances sont fortement dépendantes des financements extrabudgétaires. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, déclarait lors du stage nouveaux partants en ambassade le 30 juin 2008 : "notre diplomatie publique d'influence ne peut plus dépendre uniquement du financement de l'Etat. Vous connaissez la situation générale des finances publiques. [ ] Soyons donc réalistes et lucides : il faut nous battre pour défendre nos moyens budgétaires, mais il nous faudra aussi savoir mobiliser ailleurs des ressources complémentaires nécessaires aux ambitions qui nous animent". Mais celle-ci sont très volatiles : 100 millions d'euros en 2009, 205 en 2013, 161 en 2016, 180 en 2019, 83 en 2020, 160 en 2021.
Si l'existence de deux réseaux pour un même objectif n'est guère cohérent, une réunification, parfois évoquée, ne parait guère possible, sauf marginalement par la fermeture d'un centre ou l'ouverture d'une alliance.
Quoiqu'il en soit, la question n'est pas tant la cohérence de ce réseau (deux types de structures pour le même objectif) que sa pertinence aujourd'hui. En effet, le développement des instituts et les alliances françaises remonte à une époque où il y avait une moindre circulation des biens culturels. Ils disposaient alors de l'exclusivité dans la présentation d'une vitrine française. Alors que l'environnement s'est profondément transformé sous l'effet principalement de la mondialisation et du basculement numérique, ces structures n'ont pas fondamentalement évolué au fil des ans : les instituts tout comme les alliances ne sont plus en situation de monopole : l'enseignement de la langue française tout comme les manifestations culturelles sont aujourd'hui des marchés dynamiques et concurrentiels.
Durant la période 2011-2022, les crédits du ministère des Affaires étrangères pour les deux réseaux instituts et alliances françaises ont légèrement progressé (40,96 millions d'euros en 2011, 42,20 en 2022) alors que les moyens destinés à la diplomatie culturelle dans son ensemble étaient fortement réduits : le budget du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence sensu stricto (hors en enseignement français et diplomatie économique et développement du tourisme) est passé de 336,81 en 2011 à 283,07 millions d'euros en 2022, soit une baisse de 16% (30% en euros constants).
Dans un tel contexte, le soutien aux instituts et alliances apparaît donc prioritaire alors que les crédits dont bénéficient d'autres types d'intervention comme, par exemple, les bourses et échanges d'expertise de l'action Coopération culturelle et promotion du français du programme 185 ont chuté respectivement de 30 et 40 % pendant cette même période.
Des choix ont donc été faits. Sont-ils les plus pertinents ? Il a là matière à réflexion !
4. Bibliographie
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Les agents du réseau culturel et de coopération de la France à l'étranger 1995-2020
Communication au colloque international Histoire de la diplomatie culturelle française XIXe-XXIe siècles (4-6 mai 2022) Université de la Sorbonne-Nouvelle
Cette étude se propose d'analyser les principales évolutions qui ont affecté les agents du réseau culturel et de coopération de la France à l'étranger (services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises, instituts français de recherche) pendant ces vingt-cinq années.
Trois faits caractérisent cette période : une importante déflation du nombre d'emplois, une diversification des métiers et une recomposition du profil des agents.
De 1995 à 2020, les effectifs du réseau culturel et de coopération de la France à l'étranger ont été amputés de 20%. Cette importante déflation a affecté la plupart des postes diplomatiques comme en Allemagne qui a perdu la moitié de ses agents. Seul le réseau en Chine a connu une forte croissance de ses ressources humaines.
Au fil des ans, les métiers du réseau se sont diversifiés : 24 métiers différents en 1995, 33 en 2008 et 47 en 2020. Cette évolution s'est accompagnée d'un important redéploiement des agents : les nouveaux métiers (attachés audiovisuels, attachés de coopération universitaire) sont en forte progression alors que l'effectif des attachés de coopération pour le français, des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturels (centres et instituts) a été fortement réduit.
Pendant de très nombreuses années, les fonctionnaires issus d'autres administrations que le ministère des Affaires étrangères (Education nationale en particulier) ont constitué l'essentiel des agents du réseau. Une nouvelle politique de recrutement a entrainé une recomposition des profils privilégiant les agents du Quai d'Orsay ainsi que des non titulaires de la fonction publique.
En conclusion de cette étude, nous nous interrogerons sur les conséquences de ces évolutions quant à la performance de la diplomatie culturelle.
1. Une déflation des effectifs
De 1995 à 2020, le réseau a vu ses effectifs amputés de 20% passant de 1153 à 919 agents (hors pays de l'ex-ministère de la coopération et coopérants du service national -volontaires internationaux). Cette chute s'est accélérée au fil des ans : - 5, 6%, de 1995 à 2008, - 20% de 2008 à 2020.
Hors conjoncture, le réseau culturel en Syrie n'existe plus en 2020 (20 agents en 1995) tout comme au Yémen et en l'Afghanistan (1 seul agent en 2020 contre 6 en 2008), cette importante déflation des effectifs a entrainé de profonds changements dans la répartition géographique des agents du réseau.
Ainsi, en 1995, 19 postes étaient dotés de plus de 20 agents, en 2008 seuls 13 sont concernés, nombre ramené à 10 en 2020. Le nombre total d'agents pour ces postes est passé de 549 en 1995 à 435 en 2008 puis à 325 en 2020. Dans les petits réseaux, 25 postes ne comptaient qu'un seul agent en 2020 contre 15 en 1995. Pour 13 d'entre eux, le réseau était limité en 2020 au seul directeur de l'alliance française.
Dans la très grande majorité des pays les effectifs culturels ont chuté durant ces vingt-cinq années : huit ont été amputés de plus de 50% (Allemagne, Maroc, Egypte, Portugal, Cambodge, Pays-Bas, Autriche, Hongrie) et seize entre 27 et 45 %. Les réductions les plus significatives ont concerné l'Allemagne et le Maroc qui ont perdu respectivement 41 et 35 agents. Dans neuf pays la baisse a été de 10 à 20 : Brésil, Italie, Egypte, Royaume-Uni, Portugal, Espagne, Russie, Cambodge, Argentine.
Seuls neuf postes ont vu leurs effectifs progresser pendant la période analysée. Le réseau en Chine a vu ses effectifs dopés passant de 20 à 54 agents, alors que d'autres ont progressé dans de moindres proportions : Algérie, Jérusalem (territoires palestiniens) ainsi qu'en Ukraine, Belgique, Etats-Unis, Inde, Afrique du Sud et Nigeria.
Nous analyserons en détail l'évolution des réseaux en Allemagne et en Chine puis, plus synthétiquement, celle de quelques réseaux qui ont subi des pertes importantes (Maroc, Brésil, Italie) et à l'opposé ceux d'Algérie et de Jérusalem (Territoires palestiniens) qui on connu une progression du nombre d'agents.
Allemagne
En 1995, le réseau en Allemagne était le plus important du monde avec 80 agents. Il était organisé comme suit :
- 11 agents aux services culturel et scientifique à l'ambassade,
- 67 dans 26 implantations (7 instituts français, 10 centres culturels et de coopération linguistique, 3 centres culturels, 1 centre culturel franco-allemand d'échanges culturel, 1 institut d'études françaises, 1 secrétariat franco-allemand pour les échanges en formation professionnelle,
- 2 au centre de recherche.
En 2008, le réseau en Allemagne restait le plus développé mais ne comportait plus que 56 agents :
- 9 agents aux services culturel et scientifique à l'ambassade,
- 6 dans les 6 antennes du service culturel,
- 37 dans les implantations ramenées à 13 (11 centres culturels et de coopération linguistique, 1 institut français, 1 secrétariat franco-allemand pour les échanges en formation professionnelle),
- 4 dans deux centres de recherche.
En 2020, le réseau en Allemagne ne comprenait plus que 39 agents et perdait sa place de premier réseau au profit de la Chine :
- 14 agents aux services culturel et scientifique et à l'institut français d'Allemagne,
- 1 dans l'antenne du service de coopération et d'action culturelle,
- 23 dans les 12 antennes de l'institut français,
- 2 au centre de recherche.
On relève donc un léger renforcement du nombre d'agents au niveau de l'ambassade et surtout une chute du nombre d'agents (de 67 à 23) principalement liée à la réduction du nombre d'implantations (26 en 1995, 18 en 2008, 13 en 2020).
Chine
En 1995, le réseau culturel en Chine se situait au 15ème rang avec 20 agents. En 2020, il était devenu le plus important au monde avec 54 agents.
En 1995, le réseau en Chine et à Hong Kong (alors colonie britannique) comprenait :
- 6 agents au service culturel, scientifique et de coopération à Pékin et 3 à Hong Kong,
- 2 à l'antenne de Shanghai,
- 2 dans les 2 centres culturels,
- 3 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 4 à l'alliance française (Hong Kong).
En 2008, les effectifs avaient doublé passant à 44 agents :
- 8 agents au service de coopération et d'action culturelle à Pékin, 3 au service scientifique, 3 au SCAC à Hong Kong,
- 5 dans les antennes du SCAC
- 1 à l'antenne du service scientifique à Wuhan,
- 4 au centre culturel et de coopération linguistique à Pékin et 1 à l'annexe de Wuhan,
- 3 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 16 dans 14 alliances françaises.
En 2020, le dispositif s'étoffait encore de dix agents supplémentaires :
- 8 agents au service de coopération et d'action culturelle à Pékin, 2 au SCAC de Hong Kong,
- 4 dans les deux antennes du SCAC,
- 10 à l'Institut français à Pékin et 9 dans les cinq antennes,
- 4 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 16 dans 16 alliances françaises,
- 1 médecin-chef.
Le développement du réseau en Chine est spectaculaire et unique : il est dû au développement des alliances et à la montée en puissance de l'institut français et des ses antennes
La déflation des effectifs se traduit différemment selon les réseaux.
Maroc : forte baisse au SCAC, baisse dans les implantations
En 1995,61 agents :
- 27 au service culturel,
- 32 dans 9 centres culturels et un institut français,
- 2 dans deux alliances françaises.
En 2020, 26 agents :
- 5 au service culturel,
- 21 dans dix instituts français.
Brésil : disparition de la moitié des agents dans les alliances françaises
En 1995, 52 agents :
- 8 au service culturel à l'ambassade,
- 6 dans les deux antennes et 3 dans les 3 bureaux,
- 35 dans 22 alliances françaises, dont 5 à la délégation générale.
En 2020, 35 agents :
- 7 au service culturel à l'ambassade,
- 10 dans les 4 antennes,
- 18 dans 15 alliances françaises.
Italie : baisse générale
En 1995, 35 agents :
- 5 au service culturel, 1 au service scientifique, 4 au bureau coopération linguistique et éducatif, 5 au bureau coopération linguistique et artistique,
- 17 dans les 6 centres culturels et de coopération linguistique,
- 3 dans les 3 alliances françaises.
En 2020, 19 agents :
- 1 au service culturel,
- 8 à l'institut français d'Italie à Rome et 8 dans ses 4 antennes,
- 2 dans les alliances françaises.
Pour les réseaux qui ont progressé :
Algérie : retour à la normale (pendant la "décennie noire" des années quatre-vingt-dix la coopération avec l'Algérie a été fortement ralentie)
1995 : 4 agents au SCAC,
2020 : 16 agents
- 7 au SCAC,
- 9 dans les 4 implantations de l'Institut français d'Algérie.
Jérusalem (Territoires palestiniens) : renforcement général
1995 : 8 agents
- 3 au SCAC,
- 4 au centre culturel et à son antenne,
- 1 à l'alliance française.
2020 : 15 agents
- 7 au SCAC,
- 6 à l'Institut français de Jérusalem et ses 3 antennes,
- 2 à l'antenne de Jérusalem de l'Institut français du Proche-Orient.
Commentaires
La baisse du nombre d'agents dans le réseau culturel à l'étranger est une conséquence de la politique de l'Etat visant à la maîtrise des finances publiques et son corollaire d'économies sur la masse salariale de la fonction publique : exercices de Révision générale des politiques publiques (RGPP) commencé en 2007 puis remplacé en 2012 par La modernisation de l'action publique (MAP) et en 2017 par le programme Action publique 2022 (AP2022).
Ceci dit, le ministère des Affaires étrangères a arbitré différemment pour les trois programmes qui composent la mission Action extérieure de l'Etat dont les effectifs ont chuté de 15,3% de 2011 à 2020 : baisse de 3,6 % pour le programme Français à l'étranger et affaires consulaires, de 16,8% pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde et de 28,4 % pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence, ceci à périmètre constant (agents en administration centrale et dans le réseau, incluant les volontaires internationaux, hors recrutés locaux).
2. Une diversification des métiers
Aujourd'hui, les métiers dans le réseau culturel et de coopération peuvent être regroupés comme suit :
- conseillers : coopération et action culturelle /directeur d'établissement culturel, coopération et action culturelle, culturel / directeur d'établissement culturel, science et technologie, régional de coopération et d'action culturelle, régional de coopération, enjeux globaux, et conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint,
- attachés : culturel, coopération et action culturelle, science et technologie, coopération, coopération régionale, coopération universitaire, coopération scientifique et universitaire, coopération éducative, coopération pour le français, audiovisuel, audiovisuel régional, livre, etc.,
- directeurs d'instituts français, directeurs des cours,
- directeurs d'alliances françaises,
- directeurs d'établissements français de recherche
- secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints, agents comptables, agents comptables régionaux, agents comptables adjoints,
- chargés de mission : culturels, pédagogiques, universitaires, administratifs, livre, coopération, tourisme, médiathèques, industries musicales, communication et informatique, chercheurs, etc.
A côté des métiers historiques, conseiller, attaché (culturel, scientifique, coopération, linguistique, etc.), directeur de centre culturel ou d'institut français, directeur d'alliance française, secrétaire général, agent comptable, etc., de nouvelles fonctions ont vu progressivement le jour : attaché audiovisuel, de coopération universitaire, de coopération éducative, livre, ainsi qu'un nombre important de chargés de mission dans les domaines les plus divers. En outre de nombreux emplois d'agents à vocation régionale ont été crées : conseiller régional de coopération, attaché audiovisuel régional, agent comptable régional.
Au fil des ans, un important redéploiement des agents est intervenu. Les nouveaux métiers sont en forte progression : triplement du nombre d'attachés audiovisuels, augmentation de 50% des attachés de coopération universitaire, alors que le nombre d'agents pour certains métiers a fortement diminué : l'effectif des attachés de coopération pour le français a été réduit de 70% et celui des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturels (centres et instituts) de l'ordre de 50%.
Gagnants
Inexistants en 1995, le nombre d'attachés de coopération universitaire et d'attachés de coopération scientifique et universitaire est passé de 47 en 2008 à 69 en 2020, soit une progression de 47%. Quelques réseaux sont particulièrement dotés : Chine 6 agents, Etats-Unis 4, Inde 3, Allemagne 3, Canada 2.
L'audiovisuel (attaché, attaché régional, chargé de mission) a considérablement progressé : 9 agents en 1995, 25 en 2020 malgré un infléchissement (34 en 2008). Il existe ainsi des attachés audiovisuels dans les pays suivants : Algérie, Allemagne, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis (3), Grèce, Inde, Israël, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Taiwan, Tunisie et des attachés audiovisuels régionaux en Afrique du sud, Argentine, Émirats arabes unis, Kenya, Nigeria, Singapour
Absents en 1995 et 2008, il y avait en 2020 2 attachés pour le livre et 11 chargés de mission.
Les emplois d'attachés de coopération éducative sont passés de 23 en 1995 (ils se dénommaient alors attaché de coopération linguistique et éducatif) à 24 en 2008 et 34 en 2020.
L'effectif des divers conseillers a fortement progressé : de 82 en 1995 à 144 en 2008 puis 152 en 2020 en raison de l'augmentation du nombre de conseillers adjoints (13 en 1995 et 2008, 25 en 2020) et de la transformation des emplois de nombreux chef de poste culturel d'attaché en conseiller ainsi que de la disparition des "faisant fonction", le plus souvent secrétaire d'ambassade ou consul.
Le nombre d'emplois régionaux (agent comptable régional, attaché audiovisuel régional, conseiller régional de coopération) a également progressé : 1 agent en 1995, 29 en 2008, 35 en 2020.
Les personnels (directeurs et chargés de mission) des instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) ont été peu affectés par la déflation générale des effectifs : 61 agents en 1995, 66 en 2008, 57 en 2020.
Perdants
La baisse la plus significative a concerné les attachés de coopération pour le français (attachés linguistique en 1995, auparavant conseillers pédagogiques) dont le nombre est passé de 251 en 1995 à 131 en 2008 pour être ramené à 75 en 2020. Ainsi, il y avait en 1995 18 attachés de coopération linguistique en Egypte, pour seulement un attaché de coopération pour le français en 2008 et en 2020. Au Maroc, le nombre d'agents est passé de 14 en 1995 à 3 en 2008 et 2 en 2020 ; en Russie de 13 en 1995 à 7 en 2008 et aucun en 2020.
Les agents des alliances françaises (directeurs et chargés de mission) ont été également fortement impactés : 278 agents 1995, 186 en 2008, 153 en 2020. Il y avait en 1995 au Brésil 31 agents dans 23 alliances françaises et 5 agents à la délégation générale. En 2008, le nombre agents n'était plus que 19 pour 15 alliances. En 2020, ce nombre était ramené à 18 pour le même nombre d'implantations.
Il en est de même pour les personnels d'encadrement des instituts et centres culturels directeurs, directeur des cours) : 102 en 1995, 91 en 2008, 58 en 2020 soit une chute de 43%. Il y avait ainsi en Allemagne 23 directeurs d'instituts et centres culturels en 1995, il n'y a plus que 7 directeurs délégués en 2020.
Le nombre de secrétaires généraux et adjoints a également baissé : 92 en 1995, 78 en 2008, 64 en 2020.
D'autres métiers ont disparu progressivement : directeurs de centres d'étude et de documentation scientifique et technique (CEDUST) : 7 en 1995, 2 en 2008 ; bibliothécaires de centres culturels et d'instituts français : 18 en 1995, 14 en 2008, 1 en 2020.
Commentaires
La multiplication des métiers semble plus correspondre à un besoin affichage qu'une véritable évolution. Par exemple, la coopération universitaire existait bien avant la création des postes d'attachés de coopération scientifique et universitaire ou d'attaché de coopération universitaire, la distinction ne semblant pas flagrante.
En fait, les différentes fonctions d'attachés ne relèvent pas de métiers fondamentalement différents. Comme l'indique le ministère des Affaires étrangères dans son site, "les activités principales de l'attaché de coopération sont : l'identification et la négociation de projets de coopération bilatérale dans le cadre de la politique définie par l'ambassadeur et le conseiller de coopération et d'action culturelle, le suivi des programmes dans le cadre de l'enveloppe budgétaire, le suivi des actions financées sur crédits publics notamment en matière d'aide à la coopération, le développement des relations avec les autorités locales et avec les bénéficiaires des actions de coopération, le développement des réseaux professionnels et de la communication afin de promouvoir la visibilité de la coopération". En résumé, l'essentiel est la maitrise d'un savoir-faire plutôt que celle d'un domaine de compétence.
On relèvera que bien que la promotion de la langue française soit une priorité constante de la diplomatie culturelle, les effectifs des attachés de coopération pour le français ainsi que des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturel (centres et instituts) ont vu leurs effectifs chuter de 70% pour les premiers et de 45% pour les autres.
3. Une recomposition du profil des agents
Les candidats à un emploi dans le réseau peuvent être des agents titulaires du Quai d'Orsay, ceux bénéficiant d'un CDI, des fonctionnaires d'autres administrations et des agents non titulaires de la fonction publique.
Les conditions de recrutement des agents du réseau sont peu contraignantes : dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent obligatoirement répondre à trois critères : disposer de l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé, quel que soit le niveau de diplôme obtenu ; avoir des connaissances linguistiques suffisantes ; répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France), la durée de séjour du candidat à l'étranger au cours des dix dernières années ne devant pas être supérieure à sept ans.
Alors que les agents issus du ministère de l'Éducation nationale (Enseignement supérieur et recherche inclus) constituaient l'essentiel des agents du réseau, la politique des ressources humaines culturelle du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée, au tournant des deux siècles, sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant des personnels non fonctionnaires spécialistes par exemple de l'animation culturelle et de nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay.
Le poids des agents du ministère de l'Education nationale dans le réseau s'explique par un ensemble de facteurs : l'Education nationale est dans la fonction publique d'Etat le principal employeur de fonctionnaires loin devant les autres ministères. La promotion et la diffusion de la langue française représentant un secteur important de l'action culturelle extérieure de la France dans le monde, il est logique que les professeurs de français soient nombreux dans le réseau ; les conseillers et attachés pour la science et la technologie, les attachés de coopération universitaire et les chercheurs sont essentiellement issus des universités ou du CNRS ; les conseillers attachés et d'administration scolaire et universitaire fournissent une très grande partie des personnels administratifs (secrétaires généraux et agents comptables) des services culturels et des établissements dotés de l'autonomie financière.
La nouvelle stratégie de recrutement a profondément modifié la répartition entre ces différents profils. Ainsi, la proportion d'agents du Quai d'Orsay est passée de 2,5% en 1995 à 8,4 en 2002 et à 14% en 2020 ; celle des agents non titulaires de la fonction publique de 16,7% en 1995 à 26,6 en 2002 et 38,7 en 2020. A l'inverse, la proportion des agents issus d'autres administrations a été ramenée de 80,7 % en 1995 à 65 en 2002 et 46,8 en 2020 ; celle des fonctionnaires du ministère de l'Education nationale (Enseignement supérieur et recherche compris) de 75,4 à 55,5 puis 33% en 2020.
Commentaires
Depuis uns vingtaine d'années, la politique du ministère des Affaires étrangères est d'ouvrir largement le recrutement à toutes les compétences et d'augmenter le nombre de diplomates dans le réseau.
Cette stratégie se trouve confrontée à deux écueils
En premier lieu, les diplomates ont peu d'appétence pour les métiers du réseau. Ainsi, dans notre étude sur le mouvement de 2019 des conseillers culturels nous relevions que sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle à pouvoir, seuls 50 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay et que seulement 16 avaient choisi un poste de conseiller culturel en première option alors qu'aucun n'avait postulé pour des postes importants comme la Chine, l'Allemagne, la Russie, la Brésil ou la Turquie. Le ministère des Affaires étrangères compense ce manque d'intérêt en privilégiant ses agents. Dans l'exemple ci-dessus, il avait présélectionné 72 vux d'agents du Quai d'Orsay sur 115 formulés alors que seuls 69 vux avaient été retenus sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique.
Par ailleurs, les agents non fonctionnaires n'effectuent en règle générale qu'un voir deux séjours à l'étranger avant de retourner sur le marché du travail car la loi dite Dutreil de 2005 ne permet pas de renouveler un CDD au-delà de six années sauf à le transformer en CDI ce que veut éviter le ministère des Affaires étrangères. Il fait ainsi le choix de se séparer d'agents qualifiés et expérimentés plutôt que de leur permettre de valoriser le savoir faire acquis sur le terrain au fil des postes occupés. Les agents du réseau exercent donc des emplois précaires alors que, comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport de 2013, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau".
4. Conclusions
Quelles sont les conséquences de ces évolutions au regard de la performance de cette politique publique ? La chute des effectifs a eu un impact négatif ? Le développement de nouveaux métiers et l'évolution des profils ont, au contraire, entrainé une plus grande efficacité ?
Il est difficile de répondre pertinemment à ces interrogations.
D'une part, la question de la performance n'a été introduite que récemment : la production au Parlement de projets annuels de performances, annexés aux projets de lois de finances ne date que de 2006 avec la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). D'autre part, de nombreux indicateurs de performance utilisés pour le programme 185 de la mission Action extérieure de l'État ne reflètent que partiellement l'activité du réseau : plusieurs objectifs majeurs de la diplomatie culturelle ne sont pas évalués. Enfin, les indicateurs sont volatiles : de 2006 à 2021 on dénombre seulement six indicateurs pérennes sur trente-neuf.
Tirer des enseignements de ces indicateurs reste complexe comme le montrent ces deux exemples suivants.
Le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements culturels français (instituts et centres culturels, alliances françaises conventionnées) est globalement stable : 1 079 420 en 2012, 1 150 257 en 2019. Que faut-il en conclure ? La diminution du nombre d'agents dans les alliances françaises et instituts français n'a pas eu d'impact ou le nombre d'élèves aurait été supérieur avec des effectifs d'agents plus importants.
La progression du nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France (188 492 en 2017, 192 000 en 2018 et 202 151 en 2019) est-elle liée à l'augmentation du nombre d'attachés coopération universitaire ou développement de la mobilité internationale ?
Quoiqu'il en soit, on retiendra que la dégradation des ressources humaines du réseau s'inscrit dans une baisse globale des moyens consacrés à la diplomatie culturelle. Ainsi, en 2001 la Direction générale de la coopération internationale et du développement disposait d'un budget de 193 millions d'euros pour coopération culturelle et langue française et de 160,3 Meuros pour coopération universitaire et de recherche. En 2020, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence était doté de 63,8 millions d'euros pour la coopération culturelle et promotion du français et de 94,3 Meuros pour l'enseignement supérieur et la recherche. Sur cette vingtaine d'années la chute est de 55% en euros courants et de 65% en euros constants.
5. Bibliographie
Annexes aux projets de lois de finances, Action extérieure de l'État : programme Rayonnement culturel et scientifique devenu en 2011 Diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2006 à 2020.
Conseil de modernisation des politiques publiques, 2008 et 2010.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France à l'étranger, Paris, 2013.
Cour des comptes, Le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'Etat, Communication à la commission des finances du Sénat, 2020.
DGCID, Rapport annuel d'activité de la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement, Paris, Ministère des Affaires étrangères, 2002.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, L'Harmattan, 2020.
Haize Daniel, La performance de la diplomatie culturelle, Paris, L'Harmattan, 2021.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels culturels et de coopération, Annuaire du réseau culturel, 1995.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels culturels et de coopération, Les personnels du réseau de coopération et d'action culturelle, 2002.
Ministère des Affaires étrangères, décisions des 1er juillet 2008 et 10 juin 2020 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels contractuels, statistiques du mouvement 2020, 2021.
Ministère des Affaires étrangères, Les métiers du réseau de coopération et d'action culturelle, site France diplomatie.
Lire plus
Cette étude se propose d'analyser les principales évolutions qui ont affecté les agents du réseau culturel et de coopération de la France à l'étranger (services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises, instituts français de recherche) pendant ces vingt-cinq années.
Trois faits caractérisent cette période : une importante déflation du nombre d'emplois, une diversification des métiers et une recomposition du profil des agents.
De 1995 à 2020, les effectifs du réseau culturel et de coopération de la France à l'étranger ont été amputés de 20%. Cette importante déflation a affecté la plupart des postes diplomatiques comme en Allemagne qui a perdu la moitié de ses agents. Seul le réseau en Chine a connu une forte croissance de ses ressources humaines.
Au fil des ans, les métiers du réseau se sont diversifiés : 24 métiers différents en 1995, 33 en 2008 et 47 en 2020. Cette évolution s'est accompagnée d'un important redéploiement des agents : les nouveaux métiers (attachés audiovisuels, attachés de coopération universitaire) sont en forte progression alors que l'effectif des attachés de coopération pour le français, des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturels (centres et instituts) a été fortement réduit.
Pendant de très nombreuses années, les fonctionnaires issus d'autres administrations que le ministère des Affaires étrangères (Education nationale en particulier) ont constitué l'essentiel des agents du réseau. Une nouvelle politique de recrutement a entrainé une recomposition des profils privilégiant les agents du Quai d'Orsay ainsi que des non titulaires de la fonction publique.
En conclusion de cette étude, nous nous interrogerons sur les conséquences de ces évolutions quant à la performance de la diplomatie culturelle.
1. Une déflation des effectifs
De 1995 à 2020, le réseau a vu ses effectifs amputés de 20% passant de 1153 à 919 agents (hors pays de l'ex-ministère de la coopération et coopérants du service national -volontaires internationaux). Cette chute s'est accélérée au fil des ans : - 5, 6%, de 1995 à 2008, - 20% de 2008 à 2020.
Hors conjoncture, le réseau culturel en Syrie n'existe plus en 2020 (20 agents en 1995) tout comme au Yémen et en l'Afghanistan (1 seul agent en 2020 contre 6 en 2008), cette importante déflation des effectifs a entrainé de profonds changements dans la répartition géographique des agents du réseau.
Ainsi, en 1995, 19 postes étaient dotés de plus de 20 agents, en 2008 seuls 13 sont concernés, nombre ramené à 10 en 2020. Le nombre total d'agents pour ces postes est passé de 549 en 1995 à 435 en 2008 puis à 325 en 2020. Dans les petits réseaux, 25 postes ne comptaient qu'un seul agent en 2020 contre 15 en 1995. Pour 13 d'entre eux, le réseau était limité en 2020 au seul directeur de l'alliance française.
Dans la très grande majorité des pays les effectifs culturels ont chuté durant ces vingt-cinq années : huit ont été amputés de plus de 50% (Allemagne, Maroc, Egypte, Portugal, Cambodge, Pays-Bas, Autriche, Hongrie) et seize entre 27 et 45 %. Les réductions les plus significatives ont concerné l'Allemagne et le Maroc qui ont perdu respectivement 41 et 35 agents. Dans neuf pays la baisse a été de 10 à 20 : Brésil, Italie, Egypte, Royaume-Uni, Portugal, Espagne, Russie, Cambodge, Argentine.
Seuls neuf postes ont vu leurs effectifs progresser pendant la période analysée. Le réseau en Chine a vu ses effectifs dopés passant de 20 à 54 agents, alors que d'autres ont progressé dans de moindres proportions : Algérie, Jérusalem (territoires palestiniens) ainsi qu'en Ukraine, Belgique, Etats-Unis, Inde, Afrique du Sud et Nigeria.
Nous analyserons en détail l'évolution des réseaux en Allemagne et en Chine puis, plus synthétiquement, celle de quelques réseaux qui ont subi des pertes importantes (Maroc, Brésil, Italie) et à l'opposé ceux d'Algérie et de Jérusalem (Territoires palestiniens) qui on connu une progression du nombre d'agents.
Allemagne
En 1995, le réseau en Allemagne était le plus important du monde avec 80 agents. Il était organisé comme suit :
- 11 agents aux services culturel et scientifique à l'ambassade,
- 67 dans 26 implantations (7 instituts français, 10 centres culturels et de coopération linguistique, 3 centres culturels, 1 centre culturel franco-allemand d'échanges culturel, 1 institut d'études françaises, 1 secrétariat franco-allemand pour les échanges en formation professionnelle,
- 2 au centre de recherche.
En 2008, le réseau en Allemagne restait le plus développé mais ne comportait plus que 56 agents :
- 9 agents aux services culturel et scientifique à l'ambassade,
- 6 dans les 6 antennes du service culturel,
- 37 dans les implantations ramenées à 13 (11 centres culturels et de coopération linguistique, 1 institut français, 1 secrétariat franco-allemand pour les échanges en formation professionnelle),
- 4 dans deux centres de recherche.
En 2020, le réseau en Allemagne ne comprenait plus que 39 agents et perdait sa place de premier réseau au profit de la Chine :
- 14 agents aux services culturel et scientifique et à l'institut français d'Allemagne,
- 1 dans l'antenne du service de coopération et d'action culturelle,
- 23 dans les 12 antennes de l'institut français,
- 2 au centre de recherche.
On relève donc un léger renforcement du nombre d'agents au niveau de l'ambassade et surtout une chute du nombre d'agents (de 67 à 23) principalement liée à la réduction du nombre d'implantations (26 en 1995, 18 en 2008, 13 en 2020).
Chine
En 1995, le réseau culturel en Chine se situait au 15ème rang avec 20 agents. En 2020, il était devenu le plus important au monde avec 54 agents.
En 1995, le réseau en Chine et à Hong Kong (alors colonie britannique) comprenait :
- 6 agents au service culturel, scientifique et de coopération à Pékin et 3 à Hong Kong,
- 2 à l'antenne de Shanghai,
- 2 dans les 2 centres culturels,
- 3 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 4 à l'alliance française (Hong Kong).
En 2008, les effectifs avaient doublé passant à 44 agents :
- 8 agents au service de coopération et d'action culturelle à Pékin, 3 au service scientifique, 3 au SCAC à Hong Kong,
- 5 dans les antennes du SCAC
- 1 à l'antenne du service scientifique à Wuhan,
- 4 au centre culturel et de coopération linguistique à Pékin et 1 à l'annexe de Wuhan,
- 3 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 16 dans 14 alliances françaises.
En 2020, le dispositif s'étoffait encore de dix agents supplémentaires :
- 8 agents au service de coopération et d'action culturelle à Pékin, 2 au SCAC de Hong Kong,
- 4 dans les deux antennes du SCAC,
- 10 à l'Institut français à Pékin et 9 dans les cinq antennes,
- 4 au centre d'études françaises sur la Chine contemporaine,
- 16 dans 16 alliances françaises,
- 1 médecin-chef.
Le développement du réseau en Chine est spectaculaire et unique : il est dû au développement des alliances et à la montée en puissance de l'institut français et des ses antennes
La déflation des effectifs se traduit différemment selon les réseaux.
Maroc : forte baisse au SCAC, baisse dans les implantations
En 1995,61 agents :
- 27 au service culturel,
- 32 dans 9 centres culturels et un institut français,
- 2 dans deux alliances françaises.
En 2020, 26 agents :
- 5 au service culturel,
- 21 dans dix instituts français.
Brésil : disparition de la moitié des agents dans les alliances françaises
En 1995, 52 agents :
- 8 au service culturel à l'ambassade,
- 6 dans les deux antennes et 3 dans les 3 bureaux,
- 35 dans 22 alliances françaises, dont 5 à la délégation générale.
En 2020, 35 agents :
- 7 au service culturel à l'ambassade,
- 10 dans les 4 antennes,
- 18 dans 15 alliances françaises.
Italie : baisse générale
En 1995, 35 agents :
- 5 au service culturel, 1 au service scientifique, 4 au bureau coopération linguistique et éducatif, 5 au bureau coopération linguistique et artistique,
- 17 dans les 6 centres culturels et de coopération linguistique,
- 3 dans les 3 alliances françaises.
En 2020, 19 agents :
- 1 au service culturel,
- 8 à l'institut français d'Italie à Rome et 8 dans ses 4 antennes,
- 2 dans les alliances françaises.
Pour les réseaux qui ont progressé :
Algérie : retour à la normale (pendant la "décennie noire" des années quatre-vingt-dix la coopération avec l'Algérie a été fortement ralentie)
1995 : 4 agents au SCAC,
2020 : 16 agents
- 7 au SCAC,
- 9 dans les 4 implantations de l'Institut français d'Algérie.
Jérusalem (Territoires palestiniens) : renforcement général
1995 : 8 agents
- 3 au SCAC,
- 4 au centre culturel et à son antenne,
- 1 à l'alliance française.
2020 : 15 agents
- 7 au SCAC,
- 6 à l'Institut français de Jérusalem et ses 3 antennes,
- 2 à l'antenne de Jérusalem de l'Institut français du Proche-Orient.
Commentaires
La baisse du nombre d'agents dans le réseau culturel à l'étranger est une conséquence de la politique de l'Etat visant à la maîtrise des finances publiques et son corollaire d'économies sur la masse salariale de la fonction publique : exercices de Révision générale des politiques publiques (RGPP) commencé en 2007 puis remplacé en 2012 par La modernisation de l'action publique (MAP) et en 2017 par le programme Action publique 2022 (AP2022).
Ceci dit, le ministère des Affaires étrangères a arbitré différemment pour les trois programmes qui composent la mission Action extérieure de l'Etat dont les effectifs ont chuté de 15,3% de 2011 à 2020 : baisse de 3,6 % pour le programme Français à l'étranger et affaires consulaires, de 16,8% pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde et de 28,4 % pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence, ceci à périmètre constant (agents en administration centrale et dans le réseau, incluant les volontaires internationaux, hors recrutés locaux).
2. Une diversification des métiers
Aujourd'hui, les métiers dans le réseau culturel et de coopération peuvent être regroupés comme suit :
- conseillers : coopération et action culturelle /directeur d'établissement culturel, coopération et action culturelle, culturel / directeur d'établissement culturel, science et technologie, régional de coopération et d'action culturelle, régional de coopération, enjeux globaux, et conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint,
- attachés : culturel, coopération et action culturelle, science et technologie, coopération, coopération régionale, coopération universitaire, coopération scientifique et universitaire, coopération éducative, coopération pour le français, audiovisuel, audiovisuel régional, livre, etc.,
- directeurs d'instituts français, directeurs des cours,
- directeurs d'alliances françaises,
- directeurs d'établissements français de recherche
- secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints, agents comptables, agents comptables régionaux, agents comptables adjoints,
- chargés de mission : culturels, pédagogiques, universitaires, administratifs, livre, coopération, tourisme, médiathèques, industries musicales, communication et informatique, chercheurs, etc.
A côté des métiers historiques, conseiller, attaché (culturel, scientifique, coopération, linguistique, etc.), directeur de centre culturel ou d'institut français, directeur d'alliance française, secrétaire général, agent comptable, etc., de nouvelles fonctions ont vu progressivement le jour : attaché audiovisuel, de coopération universitaire, de coopération éducative, livre, ainsi qu'un nombre important de chargés de mission dans les domaines les plus divers. En outre de nombreux emplois d'agents à vocation régionale ont été crées : conseiller régional de coopération, attaché audiovisuel régional, agent comptable régional.
Au fil des ans, un important redéploiement des agents est intervenu. Les nouveaux métiers sont en forte progression : triplement du nombre d'attachés audiovisuels, augmentation de 50% des attachés de coopération universitaire, alors que le nombre d'agents pour certains métiers a fortement diminué : l'effectif des attachés de coopération pour le français a été réduit de 70% et celui des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturels (centres et instituts) de l'ordre de 50%.
Gagnants
Inexistants en 1995, le nombre d'attachés de coopération universitaire et d'attachés de coopération scientifique et universitaire est passé de 47 en 2008 à 69 en 2020, soit une progression de 47%. Quelques réseaux sont particulièrement dotés : Chine 6 agents, Etats-Unis 4, Inde 3, Allemagne 3, Canada 2.
L'audiovisuel (attaché, attaché régional, chargé de mission) a considérablement progressé : 9 agents en 1995, 25 en 2020 malgré un infléchissement (34 en 2008). Il existe ainsi des attachés audiovisuels dans les pays suivants : Algérie, Allemagne, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis (3), Grèce, Inde, Israël, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Taiwan, Tunisie et des attachés audiovisuels régionaux en Afrique du sud, Argentine, Émirats arabes unis, Kenya, Nigeria, Singapour
Absents en 1995 et 2008, il y avait en 2020 2 attachés pour le livre et 11 chargés de mission.
Les emplois d'attachés de coopération éducative sont passés de 23 en 1995 (ils se dénommaient alors attaché de coopération linguistique et éducatif) à 24 en 2008 et 34 en 2020.
L'effectif des divers conseillers a fortement progressé : de 82 en 1995 à 144 en 2008 puis 152 en 2020 en raison de l'augmentation du nombre de conseillers adjoints (13 en 1995 et 2008, 25 en 2020) et de la transformation des emplois de nombreux chef de poste culturel d'attaché en conseiller ainsi que de la disparition des "faisant fonction", le plus souvent secrétaire d'ambassade ou consul.
Le nombre d'emplois régionaux (agent comptable régional, attaché audiovisuel régional, conseiller régional de coopération) a également progressé : 1 agent en 1995, 29 en 2008, 35 en 2020.
Les personnels (directeurs et chargés de mission) des instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) ont été peu affectés par la déflation générale des effectifs : 61 agents en 1995, 66 en 2008, 57 en 2020.
Perdants
La baisse la plus significative a concerné les attachés de coopération pour le français (attachés linguistique en 1995, auparavant conseillers pédagogiques) dont le nombre est passé de 251 en 1995 à 131 en 2008 pour être ramené à 75 en 2020. Ainsi, il y avait en 1995 18 attachés de coopération linguistique en Egypte, pour seulement un attaché de coopération pour le français en 2008 et en 2020. Au Maroc, le nombre d'agents est passé de 14 en 1995 à 3 en 2008 et 2 en 2020 ; en Russie de 13 en 1995 à 7 en 2008 et aucun en 2020.
Les agents des alliances françaises (directeurs et chargés de mission) ont été également fortement impactés : 278 agents 1995, 186 en 2008, 153 en 2020. Il y avait en 1995 au Brésil 31 agents dans 23 alliances françaises et 5 agents à la délégation générale. En 2008, le nombre agents n'était plus que 19 pour 15 alliances. En 2020, ce nombre était ramené à 18 pour le même nombre d'implantations.
Il en est de même pour les personnels d'encadrement des instituts et centres culturels directeurs, directeur des cours) : 102 en 1995, 91 en 2008, 58 en 2020 soit une chute de 43%. Il y avait ainsi en Allemagne 23 directeurs d'instituts et centres culturels en 1995, il n'y a plus que 7 directeurs délégués en 2020.
Le nombre de secrétaires généraux et adjoints a également baissé : 92 en 1995, 78 en 2008, 64 en 2020.
D'autres métiers ont disparu progressivement : directeurs de centres d'étude et de documentation scientifique et technique (CEDUST) : 7 en 1995, 2 en 2008 ; bibliothécaires de centres culturels et d'instituts français : 18 en 1995, 14 en 2008, 1 en 2020.
Commentaires
La multiplication des métiers semble plus correspondre à un besoin affichage qu'une véritable évolution. Par exemple, la coopération universitaire existait bien avant la création des postes d'attachés de coopération scientifique et universitaire ou d'attaché de coopération universitaire, la distinction ne semblant pas flagrante.
En fait, les différentes fonctions d'attachés ne relèvent pas de métiers fondamentalement différents. Comme l'indique le ministère des Affaires étrangères dans son site, "les activités principales de l'attaché de coopération sont : l'identification et la négociation de projets de coopération bilatérale dans le cadre de la politique définie par l'ambassadeur et le conseiller de coopération et d'action culturelle, le suivi des programmes dans le cadre de l'enveloppe budgétaire, le suivi des actions financées sur crédits publics notamment en matière d'aide à la coopération, le développement des relations avec les autorités locales et avec les bénéficiaires des actions de coopération, le développement des réseaux professionnels et de la communication afin de promouvoir la visibilité de la coopération". En résumé, l'essentiel est la maitrise d'un savoir-faire plutôt que celle d'un domaine de compétence.
On relèvera que bien que la promotion de la langue française soit une priorité constante de la diplomatie culturelle, les effectifs des attachés de coopération pour le français ainsi que des directeurs d'alliances françaises et d'établissements culturel (centres et instituts) ont vu leurs effectifs chuter de 70% pour les premiers et de 45% pour les autres.
3. Une recomposition du profil des agents
Les candidats à un emploi dans le réseau peuvent être des agents titulaires du Quai d'Orsay, ceux bénéficiant d'un CDI, des fonctionnaires d'autres administrations et des agents non titulaires de la fonction publique.
Les conditions de recrutement des agents du réseau sont peu contraignantes : dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent obligatoirement répondre à trois critères : disposer de l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé, quel que soit le niveau de diplôme obtenu ; avoir des connaissances linguistiques suffisantes ; répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France), la durée de séjour du candidat à l'étranger au cours des dix dernières années ne devant pas être supérieure à sept ans.
Alors que les agents issus du ministère de l'Éducation nationale (Enseignement supérieur et recherche inclus) constituaient l'essentiel des agents du réseau, la politique des ressources humaines culturelle du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée, au tournant des deux siècles, sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant des personnels non fonctionnaires spécialistes par exemple de l'animation culturelle et de nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay.
Le poids des agents du ministère de l'Education nationale dans le réseau s'explique par un ensemble de facteurs : l'Education nationale est dans la fonction publique d'Etat le principal employeur de fonctionnaires loin devant les autres ministères. La promotion et la diffusion de la langue française représentant un secteur important de l'action culturelle extérieure de la France dans le monde, il est logique que les professeurs de français soient nombreux dans le réseau ; les conseillers et attachés pour la science et la technologie, les attachés de coopération universitaire et les chercheurs sont essentiellement issus des universités ou du CNRS ; les conseillers attachés et d'administration scolaire et universitaire fournissent une très grande partie des personnels administratifs (secrétaires généraux et agents comptables) des services culturels et des établissements dotés de l'autonomie financière.
La nouvelle stratégie de recrutement a profondément modifié la répartition entre ces différents profils. Ainsi, la proportion d'agents du Quai d'Orsay est passée de 2,5% en 1995 à 8,4 en 2002 et à 14% en 2020 ; celle des agents non titulaires de la fonction publique de 16,7% en 1995 à 26,6 en 2002 et 38,7 en 2020. A l'inverse, la proportion des agents issus d'autres administrations a été ramenée de 80,7 % en 1995 à 65 en 2002 et 46,8 en 2020 ; celle des fonctionnaires du ministère de l'Education nationale (Enseignement supérieur et recherche compris) de 75,4 à 55,5 puis 33% en 2020.
Commentaires
Depuis uns vingtaine d'années, la politique du ministère des Affaires étrangères est d'ouvrir largement le recrutement à toutes les compétences et d'augmenter le nombre de diplomates dans le réseau.
Cette stratégie se trouve confrontée à deux écueils
En premier lieu, les diplomates ont peu d'appétence pour les métiers du réseau. Ainsi, dans notre étude sur le mouvement de 2019 des conseillers culturels nous relevions que sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle à pouvoir, seuls 50 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay et que seulement 16 avaient choisi un poste de conseiller culturel en première option alors qu'aucun n'avait postulé pour des postes importants comme la Chine, l'Allemagne, la Russie, la Brésil ou la Turquie. Le ministère des Affaires étrangères compense ce manque d'intérêt en privilégiant ses agents. Dans l'exemple ci-dessus, il avait présélectionné 72 vux d'agents du Quai d'Orsay sur 115 formulés alors que seuls 69 vux avaient été retenus sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique.
Par ailleurs, les agents non fonctionnaires n'effectuent en règle générale qu'un voir deux séjours à l'étranger avant de retourner sur le marché du travail car la loi dite Dutreil de 2005 ne permet pas de renouveler un CDD au-delà de six années sauf à le transformer en CDI ce que veut éviter le ministère des Affaires étrangères. Il fait ainsi le choix de se séparer d'agents qualifiés et expérimentés plutôt que de leur permettre de valoriser le savoir faire acquis sur le terrain au fil des postes occupés. Les agents du réseau exercent donc des emplois précaires alors que, comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport de 2013, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau".
4. Conclusions
Quelles sont les conséquences de ces évolutions au regard de la performance de cette politique publique ? La chute des effectifs a eu un impact négatif ? Le développement de nouveaux métiers et l'évolution des profils ont, au contraire, entrainé une plus grande efficacité ?
Il est difficile de répondre pertinemment à ces interrogations.
D'une part, la question de la performance n'a été introduite que récemment : la production au Parlement de projets annuels de performances, annexés aux projets de lois de finances ne date que de 2006 avec la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). D'autre part, de nombreux indicateurs de performance utilisés pour le programme 185 de la mission Action extérieure de l'État ne reflètent que partiellement l'activité du réseau : plusieurs objectifs majeurs de la diplomatie culturelle ne sont pas évalués. Enfin, les indicateurs sont volatiles : de 2006 à 2021 on dénombre seulement six indicateurs pérennes sur trente-neuf.
Tirer des enseignements de ces indicateurs reste complexe comme le montrent ces deux exemples suivants.
Le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements culturels français (instituts et centres culturels, alliances françaises conventionnées) est globalement stable : 1 079 420 en 2012, 1 150 257 en 2019. Que faut-il en conclure ? La diminution du nombre d'agents dans les alliances françaises et instituts français n'a pas eu d'impact ou le nombre d'élèves aurait été supérieur avec des effectifs d'agents plus importants.
La progression du nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France (188 492 en 2017, 192 000 en 2018 et 202 151 en 2019) est-elle liée à l'augmentation du nombre d'attachés coopération universitaire ou développement de la mobilité internationale ?
Quoiqu'il en soit, on retiendra que la dégradation des ressources humaines du réseau s'inscrit dans une baisse globale des moyens consacrés à la diplomatie culturelle. Ainsi, en 2001 la Direction générale de la coopération internationale et du développement disposait d'un budget de 193 millions d'euros pour coopération culturelle et langue française et de 160,3 Meuros pour coopération universitaire et de recherche. En 2020, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence était doté de 63,8 millions d'euros pour la coopération culturelle et promotion du français et de 94,3 Meuros pour l'enseignement supérieur et la recherche. Sur cette vingtaine d'années la chute est de 55% en euros courants et de 65% en euros constants.
5. Bibliographie
Annexes aux projets de lois de finances, Action extérieure de l'État : programme Rayonnement culturel et scientifique devenu en 2011 Diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2006 à 2020.
Conseil de modernisation des politiques publiques, 2008 et 2010.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France à l'étranger, Paris, 2013.
Cour des comptes, Le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'Etat, Communication à la commission des finances du Sénat, 2020.
DGCID, Rapport annuel d'activité de la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement, Paris, Ministère des Affaires étrangères, 2002.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats, L'Harmattan, 2020.
Haize Daniel, La performance de la diplomatie culturelle, Paris, L'Harmattan, 2021.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels culturels et de coopération, Annuaire du réseau culturel, 1995.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels culturels et de coopération, Les personnels du réseau de coopération et d'action culturelle, 2002.
Ministère des Affaires étrangères, décisions des 1er juillet 2008 et 10 juin 2020 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération.
Ministère des Affaires étrangères, Sous-direction des personnels contractuels, statistiques du mouvement 2020, 2021.
Ministère des Affaires étrangères, Les métiers du réseau de coopération et d'action culturelle, site France diplomatie.
LES DIPLOMATES CULTURELS : STREET-LEVEL BUREAUCRATS, METIERS FLOUS ?
Les travaux de Michael Lipsky (la street-level bureaucracy) et de Gilles Jeannot (les métiers flous) mettent en avant la liberté dont disposent certains agents publics dans l'exercice de leurs fonctions : "street-level bureaucrats as policy makers" pour Michael Lipsky ; "leur travail n'est plus simplement l'adaptation à une commande, il est l'action publique" pour Gilles Jeannot.
Ils nous paraissent pouvoir s'appliquer aux diplomates culturels. En effet, dans notre thèse, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger, un réseau, des hommes nous avons montré le rôle cardinal exercé par le réseau et ses agents dans la conduite de la diplomatie culturelle de la France, ce qui nous avait conduit à la qualifier de politique publique "inversée".
A la lumière de ces travaux, nous tenterons de cerner les satisfactions mais aussi les frustrations liées aux conditions d'exercice des agents du réseau culturel à l'étranger.
1. Les concepts
Dans Street-Level Bureaucracy : Dillemmas of the Individual in Public Services, Michael Lipsky distingue trois éléments constituant les caractéristiques communes aux fonctionnaires de terrain : interactions directes et régulières avec les citoyens, pouvoir discrétionnaire dans le cadre de cette relation et autonomie relative vis-à-vis de leur organisation. Il précise que ces fonctionnaires disposent d'un pouvoir discrétionnaire car leurs décisions ont un impact sur les bénéficiaires d'une politique publique. L'autonomie relative des acteurs au sein de l'administration permet aux agents d'exercer un pouvoir de décision vis-à-vis des usagers. Ce pouvoir repose sur la nature, le montant et la qualité des prestations offertes par l'administration, le choix d'un recours à des sanctions, la durée de la procédure (qu'ils peuvent accélérer ou retarder), le niveau de communication de l'information. Michael Lipsky va jusqu'à considérer que les fonctionnaires de terrain sont de véritables faiseurs de politique publique (policy-makers). Sans eux, une politique publique n'aurait aucun effet concret. Dans certains cas, ils peuvent même contribuer à redéfinir l'orientation de l'action publique en en modifiant les finalités. Pour Lipsky, afin de comprendre la politique publique, il faut regarder les pratiques sur le terrain
Pour Gilles Jeannot (Les métiers flous - Travail et action publique), la singularité des métiers flous est liée à la convergence de plusieurs caractéristiques : une forte autonomie des tâches dans le cadre de prescriptions ouvertes, l'inscription dans des organisations définies de manière ambiguë, une certaine précarité de l'emploi éloignée des statuts les plus protégés de fonctionnaires et enfin une certaine difficulté à faire émerger une identité professionnelle comme alternative à cette inscription dans la fonction publique. Gilles Jeannot relève que les agents exerçant des métiers flous inventent : ils sont dans la nécessité d'adaptation à des situations, ils définissent le problème, ils construisent le sens. Il y a comme un renversement du modèle hiérarchique : ce qui devait être programme de tâches à accomplir devient matériau à exploiter. Ils ont une marge d'autonomie et de manuvre : leur travail n'est plus simplement l'adaptation à une commande : "c'est sur le terrain en non dans les hautes sphères de décision que les choses se jouent".
2. Satisfactions
Street-level bureaucrats ou métiers flous, la principale satisfaction des agents du réseau concerne leur liberté d'action et les possibilités d'initiatives.
Lors d'une réception à Athènes où j'exerçais les fonctions de conseiller culturel, l'ambassadeur dit à mon épouse : "Vous savez Cristina, Daniel, il est très bien, il me dit toujours oui. Mais il fait ce qu'il veut, il n'en fait qu'à sa tête".
En fait, cette liberté d'action est inhérente à la gouvernance de la diplomatie culturelle comme l'explique le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans son discours du 16 juillet 2018 lors des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle : "Comment le réseau agit-il donc aujourd'hui ? Comment peut-il, comment doit-il s'y prendre pour répondre aux objectifs majeurs que je viens de lui assigner? Cela en décevra certains, cela en rassurera d'autres : je n'ai sur le mode d'emploi aucune indication particulière à vous donner. Autant sur le terrain des finalités, il m'appartient de définir les orientations, je viens de le faire, autant celui des modalités, des pratiques, vous revient pleinement. Or c'est là que l'essentiel se joue. Il faut redire qu'il n'y a pas de stratégie générique ou a priori qui serait définie depuis Paris : il y a la réalité du terrain, la spécificité d'un environnement, bien sûr le cadrage du Département, mais surtout l'appréciation de l'ambassadeur, du COCAC et de leurs équipes, à partir de là, la définition d'une stratégie ad hoc".
Celle-ci a été confortée par la fusion des services de coopération et d'action culturelle et les instituts français qui fait du conseiller culturel l'ordonnateur non seulement des crédits générés sur le terrain (recettes des cours de langue, certifications, partenariats) mais également de ceux délégués par le ministère des Affaires étrangères pour les activités de coopération.
Le témoignage d'un conseiller culturel illustre cette liberté d'action ainsi que la diversité d'un métier particulièrement enrichissant : "Incarner une politique, lui donner vie, la traduire en projets ; analyser, concevoir, monter, mettre en uvre, suivre des projets ; aboutir à des réalisations concrètes ; être un passeur, un médiateur, un facilitateur ; renforcer les échanges, la mobilité, la connaissance mutuelle ; contribuer au développement d'ambitions et projets de société".
Par une analogie musicale, Laurent Devèze décrit ainsi la fonction d'un conseiller culturel : "véritable chef d'orchestre des services culturels, le conseiller est chargé d'exécuter une partition composée de nombreux instruments (coopération artistique, scientifique et technique, linguistique) et dont l'écriture lui incombe".
Il n'existe plus aujourd'hui de moyens de s'informer de la nature des actions menées sur le terrain par le réseau : mis en ligne en septembre 2009 par le ministère français des Affaires étrangères, le site internet "Latitude France" qui permettait de suivre l'actualité du réseau de coopération et d'action culturelle français dans le monde a aujourd'hui disparu
Xavier North en donne toutefois un éclairage dans son Portrait du diplomate en jardinier : "il suffit d'un court séjour à l'étranger pour percevoir que les politiques culturelles extérieures ont des styles aussi différents les uns des autres que peuvent l'être la belle ordonnance d'un jardin à la française, le mystère ensauvagé d'un jardin à l'italienne, ou l'imagination artiste d'un jardin à l'anglaise".
3. Frustrations
Dans l'enquête que nous avions menée pour notre thèse auprès des conseillers culturels, leurs déceptions portaient sur la diminution des moyens budgétaires et humains mais aussi sur le manque de reconnaissance du métier, la précarité de leur statut et l'absence de perspectives professionnelles valorisantes.
Ces derniers points correspondent aux caractéristiques des métiers flous : inscription dans des organisations définies de manière ambiguë, précarité de l'emploi et enfin difficulté à faire immerger une identité professionnelle.
L'inscription dans des organisations définies de manière ambiguë
Dans son enquête sur les attachés audiovisuels, Romain Lecler cite Nicolas : "Quand tu as la réunion d'ambassade, tu as l'attaché militaire, l'attaché économique, tout le monde très sérieux et l'attaché audiovisuel est là et dit : "Vendredi, sort le nouveau film de Claude Chabrol !" [rires] Tu as l'impression d'être le saltimbanque de la bande alors qu'en fait l'attaché militaire est très sérieux, il est là, il dit : "Oui, il y a la corvette qui va venir"... mais en fait c'est ridicule. C'est tout aussi important que le film de François Ozon sorte".
La diplomatie considère volontiers la culture comme un genre mineur comparé au genre majeur que sont l'observation et l'action politique. Les "culturels" ne font pas partie du même monde que les diplomates. D'ailleurs, les agents du Quai D'Orsay sont très peu nombreux à exercer des fonctions culturelles dans le réseau à l'étranger. Ainsi, sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle à pouvoir au mouvement 2019, seuls 18 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay.
Difficulté à faire immerger une identité professionnelle
Alors que sur le terrain le travail des agents du réseau est apprécié par les partenaires étrangers, il est de moins en moins reconnu en France. Une telle évolution s'explique d'une part par la diminution des crédits qui sont alloués au réseau par le ministère des Affaires étrangères réduisant la possibilité d'initier, de soutenir, d'accompagner des projets. D'autre part, l'internationalisation croissante de la société fait que les acteurs français et étrangers universitaires, chercheurs, agents artistiques, éditeurs, etc. sont chaque fois plus en relation directe.
Cette difficulté de reconnaissance est particulièrement prégnante pour les agents qui uvrent à cheval entre une logique de service public et d'entreprise privée. Ainsi, dans son enquête sur les attachés audiovisuels, Romain Lecler relève que la spécialité des attachés audiovisuels demeure largement incomprise, voire même contestée par les professionnels dont ils sont censés être les intermédiaires à l'étranger, au premier rang desquels les exportateurs de films et de programmes de télévision. Ces derniers se disent au mieux indifférents, au pire hostile. Côté cinéma, un ancien directeur d'exportations remet même en cause l'ensemble du réseau, qui "ne sert strictement à rien". Une autre prétend n'avoir "jamais compris ce qu'ils faisaient" et dénonce une dépense "gabegique".
Précarité des emplois
Les agents du réseau sont, pour l'essentiel, des agents détachés d'autres administrations ou des non titulaires de la fonction publique recrutés en CDD. Aujourd'hui, ils n'effectuent en règle générale qu'un voire deux séjours à l'étranger avant de retourner dans leur administration d'origine ou sur le marché du travail.
En effet, la loi dite Dutreil de 2005 ne permet plus de renouveler un CDD au-delà de six années. Dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, le ministère des Affaires étrangères remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues : "on vous laisse tomber comme des vieilles chaussettes" (propos de Ludovic, attaché audiovisuel rapporté par Romain Lecler).
Cette pratique de contrats "kleenex", comme les qualifie le syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères, prive ce dernier de compétences et engendre une frustration des agents qui doivent quitter leurs fonctions sans l'assurance de trouver un emploi pour les uns ou une affectation tenant compte de l'expérience acquise pour les autres.
Or, comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport de 2013, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constitue un enjeu majeur pour le réseau" et de recommander de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
La question de l'organisation d'un parcours professionnel pour les agents du réseau a été clairement exprimée à plusieurs reprises.
Ainsi, le quatrième axe la réforme Juppé-Lévitte de 1994 proposait pour les agents du réseau "une nouvelle gestion des carrière qui permît aux hommes, sur la valeur desquels avait toujours reposé l'action culturelle extérieure de la France, un véritable épanouissement professionnel sans rupture entre le séjour à l'étranger et le retour en France".
A l'occasion des Journées du réseau français à l'étranger du 16 juillet 2009, le ministre Bernard Kouchner déclarait : "la gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel doit être profondément renouvelée et modernisée". S'agissant de la gestion des carrières de ces agents, il précisait : "l'objectif est de constituer et de conserver un vivier d'agents motivés et compétents, et de leur assurer un parcours professionnel dans leur métier, en concertation avec tous les acteurs de la politique culturelle extérieure".
En clôture des journées nationales du réseau, le 17 juillet 2013, Laurent Fabius soulignant la richesse que représente les agents du réseau, la diversité de leur compétences et de leurs expériences, convenait que "cette richesse peut sans doute être encore mieux valorisée", en précisant avoir "demandé à la direction des ressources humaines du Quai d'Orsay de porter une attention augmentée au suivi des parcours professionnels. Il s'agit en particulier de faciliter les allers et retours entre le réseau et la France, de valoriser les expériences de chacun et de permettre aux agents, notamment par la formation, d'être totalement en phase avec les nouvelles réalités culturelles et de développement."
Malheureusement, ces "bonnes intentions" sont restées lettre morte. Pour le ministère des Affaires étrangères, les métiers du réseau ne paraissent être que des sortes de parenthèses dans d'autres carrières ou parcours.
4. Conclusions
Au cur de la diplomatie culturelle, les agents du réseau sont beaucoup plus que de simples exécutants d'une politique décidée à Paris. Ils exercent de fait une triple fonction : ils doivent en premier lieu concevoir l'action qu'ils souhaitent mener, puis la mettre en uvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour pallier à la faiblesse de la dotation que leur alloue le ministère des Affaires étrangères. Ils constituent la pièce maitresse de la diplomatie culturelle de la France.
Nombreux sont ceux qui ont mis en avant le rôle des agents du réseau dans la diplomatie culturelle :
Jacques Rigaud : "Il faut admettre que les relations culturelles, par leur variété, leur rapidité d'évolution, leur contenu éminemment humain ne seront jamais au nombre de ces tâches que l'on peut institutionnaliser dans des conditions telles que les organes, les mécanismes, les procédures puissent pallier l'insuffisance des hommes. C'est peut-être tout l'intérêt de ces relations culturelles que de dépendre aussi directement de la valeur personnelle de ceux qui la conduisent".
Albert Salon : "L'importance énorme, presque démesurée, des hommes dans notre action culturelle dans le monde".
François Roche : "L'efficacité de la diplomatie culturelle dépend de la qualité de ses acteurs [ ] ils conduisent les relations culturelles scientifiques et techniques de la France".
Alain Bry : " La compétence des femmes et des hommes [ ] est difficilement discutable. Les questions ne se posent pas en termes de structures ou de budgets, la performance de la diplomatie culturelle dépendra de la qualité des femmes et des hommes qui vont uvrer dans ces structures et utiliser ces budgets".
Alain Dubosclard : "Polycentrique, polyphonique, l'action culturelle extérieure n'est-elle pas condamnée à trouver sa teneur et son expression à travers les initiatives menées sur le terrain ? Davantage que les déclarations de principe, c'est la qualité des hommes et la manière dont ils conduisent leur mission, leur pratique, les conditions objectives dans lesquelles leurs actes sont rendus opératoires, qui dessinent ce qu'est véritablement l'action culturelle de la France à l'étranger. Peut-il en être d'ailleurs autrement ?".
Cour des comptes : "Il n'est pas douteux que ce réseau constitue, par son ampleur et ses actifs, au premier rang desquels le dynamisme et la créativité de ses équipes, un atout essentiel pour le rayonnement et l'attractivité".
Michel Herbillon, Sira Sylla : "La diplomatie culturelle repose avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain dans le réseau et le font vivre au quotidien".
***
En guise de postface, nous citerons Jean Baillou : "Malgré l'absence de statut, malgré les lourdes sujétions du métier et les difficultés de réinsertion en France, les emplois de conseillers et attachés culturels, scientifiques et de coopération comptent parmi les emplois de la fonction publique française qui offrent le plus de possibilité d'initiative, d'action peu freinée, de responsabilité directe, de création dans des domaines très variés, et parfois d'aventure".
5. Bibliographie
Baillou Jean (sous la direction de), Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, 2 tomes, Editions du CNRS, Paris, 1984.
Bry Alain, La Cendrillon culturelle du Quai d'Orsay, avril 1945-décembre 1998, impr. Grou-Radenez, Paris, 1999.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013.
Devèze Laurent, Le conseiller culturel in Waresquiel de Emmanuel (sous la direction), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Larousse-CNRS, Paris, 2001.
Dubois Vincent, Le rôle des street-level bureaucrats dans la conduite de l'action publique en France, 2012,.
Dubosclard Alain, L'action culturelle de la France aux Etats-Unis, de la première guerre mondiale à la fin des années 1960, Université Paris I, 2002.
Fabius Laurent, allocution lors des journées nationales du réseau, 17 juillet 2013.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger, un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Herbillon Michel, Sylla Sira, La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?, Paris, Assemblée nationale, 2018.
Jeannot Gilles, Les métiers flous - Travail et action publique (seconde édition augmentée), Octares Editions, Toulouse, 2011.
Jeannot Gilles, De l'autonomie dans le travail à la précarité dans l'emploi : les métiers flous dans les partenariats d'action publique in Eymeri-Douzans, Jean-Michel, Bouckaert Geert, dir, La France et ses administrations. Un état des savoirs, Bruxelles, Bruylant, 2013.
Kouchner Bernard, allocution lors des Journées du réseau français à l'étranger, 16 juillet 2009.
Lipsky Michael, Street-Level Bureaucracy : Dillemmas of the Individual in Public Services, New-York, Russel safe fondation, 1980.
Lecler Romain, Être dans une administration sans en être. Le cas des attachés audiovisuels aux Affaires étrangères, Gouvernement et action publique 2017/3 (N° 3).
Le Drian Jean-Yves, discours prononcé lors des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, Paris, 16 juillet 2018.
North Xavier, Portrait du diplomate en jardinier, sur l'action culturelle de la France à l'étranger, Le Banquet, n°11, 1977.
Rigaud Jacques, Les relations culturelles extérieures de la France, Rapport au ministre des Affaires étrangères, Paris, La Documentation française, 1979.
Roche François, Pigniau Bernard, Histoires de diplomatie culturelle des origines à 1995, Ministère des Affaires étrangères, ADPF- La Documentation française, Paris, 1995.
Salon Albert, L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, Paris, Université de Paris I, 1981.
Ministère des Affaires étrangères, https://www.diplomatie.gouv.fr/
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Ils nous paraissent pouvoir s'appliquer aux diplomates culturels. En effet, dans notre thèse, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger, un réseau, des hommes nous avons montré le rôle cardinal exercé par le réseau et ses agents dans la conduite de la diplomatie culturelle de la France, ce qui nous avait conduit à la qualifier de politique publique "inversée".
A la lumière de ces travaux, nous tenterons de cerner les satisfactions mais aussi les frustrations liées aux conditions d'exercice des agents du réseau culturel à l'étranger.
1. Les concepts
Dans Street-Level Bureaucracy : Dillemmas of the Individual in Public Services, Michael Lipsky distingue trois éléments constituant les caractéristiques communes aux fonctionnaires de terrain : interactions directes et régulières avec les citoyens, pouvoir discrétionnaire dans le cadre de cette relation et autonomie relative vis-à-vis de leur organisation. Il précise que ces fonctionnaires disposent d'un pouvoir discrétionnaire car leurs décisions ont un impact sur les bénéficiaires d'une politique publique. L'autonomie relative des acteurs au sein de l'administration permet aux agents d'exercer un pouvoir de décision vis-à-vis des usagers. Ce pouvoir repose sur la nature, le montant et la qualité des prestations offertes par l'administration, le choix d'un recours à des sanctions, la durée de la procédure (qu'ils peuvent accélérer ou retarder), le niveau de communication de l'information. Michael Lipsky va jusqu'à considérer que les fonctionnaires de terrain sont de véritables faiseurs de politique publique (policy-makers). Sans eux, une politique publique n'aurait aucun effet concret. Dans certains cas, ils peuvent même contribuer à redéfinir l'orientation de l'action publique en en modifiant les finalités. Pour Lipsky, afin de comprendre la politique publique, il faut regarder les pratiques sur le terrain
Pour Gilles Jeannot (Les métiers flous - Travail et action publique), la singularité des métiers flous est liée à la convergence de plusieurs caractéristiques : une forte autonomie des tâches dans le cadre de prescriptions ouvertes, l'inscription dans des organisations définies de manière ambiguë, une certaine précarité de l'emploi éloignée des statuts les plus protégés de fonctionnaires et enfin une certaine difficulté à faire émerger une identité professionnelle comme alternative à cette inscription dans la fonction publique. Gilles Jeannot relève que les agents exerçant des métiers flous inventent : ils sont dans la nécessité d'adaptation à des situations, ils définissent le problème, ils construisent le sens. Il y a comme un renversement du modèle hiérarchique : ce qui devait être programme de tâches à accomplir devient matériau à exploiter. Ils ont une marge d'autonomie et de manuvre : leur travail n'est plus simplement l'adaptation à une commande : "c'est sur le terrain en non dans les hautes sphères de décision que les choses se jouent".
2. Satisfactions
Street-level bureaucrats ou métiers flous, la principale satisfaction des agents du réseau concerne leur liberté d'action et les possibilités d'initiatives.
Lors d'une réception à Athènes où j'exerçais les fonctions de conseiller culturel, l'ambassadeur dit à mon épouse : "Vous savez Cristina, Daniel, il est très bien, il me dit toujours oui. Mais il fait ce qu'il veut, il n'en fait qu'à sa tête".
En fait, cette liberté d'action est inhérente à la gouvernance de la diplomatie culturelle comme l'explique le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans son discours du 16 juillet 2018 lors des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle : "Comment le réseau agit-il donc aujourd'hui ? Comment peut-il, comment doit-il s'y prendre pour répondre aux objectifs majeurs que je viens de lui assigner? Cela en décevra certains, cela en rassurera d'autres : je n'ai sur le mode d'emploi aucune indication particulière à vous donner. Autant sur le terrain des finalités, il m'appartient de définir les orientations, je viens de le faire, autant celui des modalités, des pratiques, vous revient pleinement. Or c'est là que l'essentiel se joue. Il faut redire qu'il n'y a pas de stratégie générique ou a priori qui serait définie depuis Paris : il y a la réalité du terrain, la spécificité d'un environnement, bien sûr le cadrage du Département, mais surtout l'appréciation de l'ambassadeur, du COCAC et de leurs équipes, à partir de là, la définition d'une stratégie ad hoc".
Celle-ci a été confortée par la fusion des services de coopération et d'action culturelle et les instituts français qui fait du conseiller culturel l'ordonnateur non seulement des crédits générés sur le terrain (recettes des cours de langue, certifications, partenariats) mais également de ceux délégués par le ministère des Affaires étrangères pour les activités de coopération.
Le témoignage d'un conseiller culturel illustre cette liberté d'action ainsi que la diversité d'un métier particulièrement enrichissant : "Incarner une politique, lui donner vie, la traduire en projets ; analyser, concevoir, monter, mettre en uvre, suivre des projets ; aboutir à des réalisations concrètes ; être un passeur, un médiateur, un facilitateur ; renforcer les échanges, la mobilité, la connaissance mutuelle ; contribuer au développement d'ambitions et projets de société".
Par une analogie musicale, Laurent Devèze décrit ainsi la fonction d'un conseiller culturel : "véritable chef d'orchestre des services culturels, le conseiller est chargé d'exécuter une partition composée de nombreux instruments (coopération artistique, scientifique et technique, linguistique) et dont l'écriture lui incombe".
Il n'existe plus aujourd'hui de moyens de s'informer de la nature des actions menées sur le terrain par le réseau : mis en ligne en septembre 2009 par le ministère français des Affaires étrangères, le site internet "Latitude France" qui permettait de suivre l'actualité du réseau de coopération et d'action culturelle français dans le monde a aujourd'hui disparu
Xavier North en donne toutefois un éclairage dans son Portrait du diplomate en jardinier : "il suffit d'un court séjour à l'étranger pour percevoir que les politiques culturelles extérieures ont des styles aussi différents les uns des autres que peuvent l'être la belle ordonnance d'un jardin à la française, le mystère ensauvagé d'un jardin à l'italienne, ou l'imagination artiste d'un jardin à l'anglaise".
3. Frustrations
Dans l'enquête que nous avions menée pour notre thèse auprès des conseillers culturels, leurs déceptions portaient sur la diminution des moyens budgétaires et humains mais aussi sur le manque de reconnaissance du métier, la précarité de leur statut et l'absence de perspectives professionnelles valorisantes.
Ces derniers points correspondent aux caractéristiques des métiers flous : inscription dans des organisations définies de manière ambiguë, précarité de l'emploi et enfin difficulté à faire immerger une identité professionnelle.
L'inscription dans des organisations définies de manière ambiguë
Dans son enquête sur les attachés audiovisuels, Romain Lecler cite Nicolas : "Quand tu as la réunion d'ambassade, tu as l'attaché militaire, l'attaché économique, tout le monde très sérieux et l'attaché audiovisuel est là et dit : "Vendredi, sort le nouveau film de Claude Chabrol !" [rires] Tu as l'impression d'être le saltimbanque de la bande alors qu'en fait l'attaché militaire est très sérieux, il est là, il dit : "Oui, il y a la corvette qui va venir"... mais en fait c'est ridicule. C'est tout aussi important que le film de François Ozon sorte".
La diplomatie considère volontiers la culture comme un genre mineur comparé au genre majeur que sont l'observation et l'action politique. Les "culturels" ne font pas partie du même monde que les diplomates. D'ailleurs, les agents du Quai D'Orsay sont très peu nombreux à exercer des fonctions culturelles dans le réseau à l'étranger. Ainsi, sur les 326 candidats aux 44 postes de conseillers de coopération et d'action culturelle à pouvoir au mouvement 2019, seuls 18 étaient des agents titulaires du Quai d'Orsay.
Difficulté à faire immerger une identité professionnelle
Alors que sur le terrain le travail des agents du réseau est apprécié par les partenaires étrangers, il est de moins en moins reconnu en France. Une telle évolution s'explique d'une part par la diminution des crédits qui sont alloués au réseau par le ministère des Affaires étrangères réduisant la possibilité d'initier, de soutenir, d'accompagner des projets. D'autre part, l'internationalisation croissante de la société fait que les acteurs français et étrangers universitaires, chercheurs, agents artistiques, éditeurs, etc. sont chaque fois plus en relation directe.
Cette difficulté de reconnaissance est particulièrement prégnante pour les agents qui uvrent à cheval entre une logique de service public et d'entreprise privée. Ainsi, dans son enquête sur les attachés audiovisuels, Romain Lecler relève que la spécialité des attachés audiovisuels demeure largement incomprise, voire même contestée par les professionnels dont ils sont censés être les intermédiaires à l'étranger, au premier rang desquels les exportateurs de films et de programmes de télévision. Ces derniers se disent au mieux indifférents, au pire hostile. Côté cinéma, un ancien directeur d'exportations remet même en cause l'ensemble du réseau, qui "ne sert strictement à rien". Une autre prétend n'avoir "jamais compris ce qu'ils faisaient" et dénonce une dépense "gabegique".
Précarité des emplois
Les agents du réseau sont, pour l'essentiel, des agents détachés d'autres administrations ou des non titulaires de la fonction publique recrutés en CDD. Aujourd'hui, ils n'effectuent en règle générale qu'un voire deux séjours à l'étranger avant de retourner dans leur administration d'origine ou sur le marché du travail.
En effet, la loi dite Dutreil de 2005 ne permet plus de renouveler un CDD au-delà de six années. Dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, le ministère des Affaires étrangères remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues : "on vous laisse tomber comme des vieilles chaussettes" (propos de Ludovic, attaché audiovisuel rapporté par Romain Lecler).
Cette pratique de contrats "kleenex", comme les qualifie le syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères, prive ce dernier de compétences et engendre une frustration des agents qui doivent quitter leurs fonctions sans l'assurance de trouver un emploi pour les uns ou une affectation tenant compte de l'expérience acquise pour les autres.
Or, comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport de 2013, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ces compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constitue un enjeu majeur pour le réseau" et de recommander de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
La question de l'organisation d'un parcours professionnel pour les agents du réseau a été clairement exprimée à plusieurs reprises.
Ainsi, le quatrième axe la réforme Juppé-Lévitte de 1994 proposait pour les agents du réseau "une nouvelle gestion des carrière qui permît aux hommes, sur la valeur desquels avait toujours reposé l'action culturelle extérieure de la France, un véritable épanouissement professionnel sans rupture entre le séjour à l'étranger et le retour en France".
A l'occasion des Journées du réseau français à l'étranger du 16 juillet 2009, le ministre Bernard Kouchner déclarait : "la gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel doit être profondément renouvelée et modernisée". S'agissant de la gestion des carrières de ces agents, il précisait : "l'objectif est de constituer et de conserver un vivier d'agents motivés et compétents, et de leur assurer un parcours professionnel dans leur métier, en concertation avec tous les acteurs de la politique culturelle extérieure".
En clôture des journées nationales du réseau, le 17 juillet 2013, Laurent Fabius soulignant la richesse que représente les agents du réseau, la diversité de leur compétences et de leurs expériences, convenait que "cette richesse peut sans doute être encore mieux valorisée", en précisant avoir "demandé à la direction des ressources humaines du Quai d'Orsay de porter une attention augmentée au suivi des parcours professionnels. Il s'agit en particulier de faciliter les allers et retours entre le réseau et la France, de valoriser les expériences de chacun et de permettre aux agents, notamment par la formation, d'être totalement en phase avec les nouvelles réalités culturelles et de développement."
Malheureusement, ces "bonnes intentions" sont restées lettre morte. Pour le ministère des Affaires étrangères, les métiers du réseau ne paraissent être que des sortes de parenthèses dans d'autres carrières ou parcours.
4. Conclusions
Au cur de la diplomatie culturelle, les agents du réseau sont beaucoup plus que de simples exécutants d'une politique décidée à Paris. Ils exercent de fait une triple fonction : ils doivent en premier lieu concevoir l'action qu'ils souhaitent mener, puis la mettre en uvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour pallier à la faiblesse de la dotation que leur alloue le ministère des Affaires étrangères. Ils constituent la pièce maitresse de la diplomatie culturelle de la France.
Nombreux sont ceux qui ont mis en avant le rôle des agents du réseau dans la diplomatie culturelle :
Jacques Rigaud : "Il faut admettre que les relations culturelles, par leur variété, leur rapidité d'évolution, leur contenu éminemment humain ne seront jamais au nombre de ces tâches que l'on peut institutionnaliser dans des conditions telles que les organes, les mécanismes, les procédures puissent pallier l'insuffisance des hommes. C'est peut-être tout l'intérêt de ces relations culturelles que de dépendre aussi directement de la valeur personnelle de ceux qui la conduisent".
Albert Salon : "L'importance énorme, presque démesurée, des hommes dans notre action culturelle dans le monde".
François Roche : "L'efficacité de la diplomatie culturelle dépend de la qualité de ses acteurs [ ] ils conduisent les relations culturelles scientifiques et techniques de la France".
Alain Bry : " La compétence des femmes et des hommes [ ] est difficilement discutable. Les questions ne se posent pas en termes de structures ou de budgets, la performance de la diplomatie culturelle dépendra de la qualité des femmes et des hommes qui vont uvrer dans ces structures et utiliser ces budgets".
Alain Dubosclard : "Polycentrique, polyphonique, l'action culturelle extérieure n'est-elle pas condamnée à trouver sa teneur et son expression à travers les initiatives menées sur le terrain ? Davantage que les déclarations de principe, c'est la qualité des hommes et la manière dont ils conduisent leur mission, leur pratique, les conditions objectives dans lesquelles leurs actes sont rendus opératoires, qui dessinent ce qu'est véritablement l'action culturelle de la France à l'étranger. Peut-il en être d'ailleurs autrement ?".
Cour des comptes : "Il n'est pas douteux que ce réseau constitue, par son ampleur et ses actifs, au premier rang desquels le dynamisme et la créativité de ses équipes, un atout essentiel pour le rayonnement et l'attractivité".
Michel Herbillon, Sira Sylla : "La diplomatie culturelle repose avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain dans le réseau et le font vivre au quotidien".
***
En guise de postface, nous citerons Jean Baillou : "Malgré l'absence de statut, malgré les lourdes sujétions du métier et les difficultés de réinsertion en France, les emplois de conseillers et attachés culturels, scientifiques et de coopération comptent parmi les emplois de la fonction publique française qui offrent le plus de possibilité d'initiative, d'action peu freinée, de responsabilité directe, de création dans des domaines très variés, et parfois d'aventure".
5. Bibliographie
Baillou Jean (sous la direction de), Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, 2 tomes, Editions du CNRS, Paris, 1984.
Bry Alain, La Cendrillon culturelle du Quai d'Orsay, avril 1945-décembre 1998, impr. Grou-Radenez, Paris, 1999.
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Dubois Vincent, Le rôle des street-level bureaucrats dans la conduite de l'action publique en France, 2012,
Dubosclard Alain, L'action culturelle de la France aux Etats-Unis, de la première guerre mondiale à la fin des années 1960, Université Paris I, 2002.
Fabius Laurent, allocution lors des journées nationales du réseau, 17 juillet 2013.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger, un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
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Ministère des Affaires étrangères, https://www.diplomatie.gouv.fr/
LA PERFORMANCE DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE
Les écrits sur la diplomatie culturelle portent, pour l'essentiel, sur la stratégie, les moyens, l'organisation mais plus rarement sur ses résultats et son impact.
Or, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 prévoit, dans son article 51, la production au Parlement de projets annuels de performances, annexés aux projets de lois de finances et précisant "la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié".
Pour mesurer la performance de la diplomatie culturelle, nous avons donc analysé les "Bleus budgétaires", plus spécifiquement la rubrique Objectifs et indicateurs de performance, annexés aux projets de lois de finances de 2005 à 2021 pour le programme 185 de la mission Action extérieure de l'État Rayonnement culturel et scientifique de 2006 à 2010 puis Diplomatie culturelle et d'influence à partir de 2011. Chaque indicateur comprend des chiffres et commentaires présentant la source des données et le périmètre d'application puis la justification des prévisions et de la cible ainsi que les résultats obtenus.
Les trente-neuf indicateurs différents identifiés pendant cette période ont été classés en quatre catégories : les pérennes, les éphémères, les nouveaux et les délaissés.
Après avoir décrit chacun d'entre eux, nous tenterons de mesurer leur pertinence, leur utilité et leur solidité pour la conduite de cette politique publique.
1. LES INDICATEURS PERENNES
De 2005 à 2021, seuls six indicateurs ont été stables.
Nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements culturels français
Cet indicateur a été créé en 2005 pour les instituts et centres culturels. Depuis 2011, il concerne également les alliances françaises conventionnées).
Le nombre d'élèves inscrits aux cours de français affiche une grande stabilité : 1 079 420
en 2012, 1 150 257 en 2019.
Nombre de candidats aux certifications et tests de langue française
Depuis 2006, l'indicateur comptabilise les candidats inscrits aux examens pour l'obtention des certifications et tests de langue française proposés par le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) et la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).
On observe une forte croissance du nombre de candidats : 490 161 en 2012, 603 358 en 2019.
Pourcentage de bacheliers étrangers issus de l'enseignement français à l'étranger poursuivant leurs études supérieures en France
Cet indicateur, qui a vu le jour en 2010 est globalement stable : 38% en 2007, 43% en 2019 ; il s'était élevé à 49,4% en 2012.
Part des ressources propres dans les ressources des établissements scolaires français à l'étranger (AEFE)
L'indicateur concerne, depuis 2008, les établissements scolaires en gestion directe et conventionnés. Les établissements uniquement homologués ne sont pas pris en compte.
La part des ressources propres est stable : 61,9% en 2006, 63,5 en 2018 et 65 en 2019.
Taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires
Créé en 2006 pour les instituts et centre culturels dotés de l'autonomie financière du programme 185, cet indicateur a élargi son périmètre à l'ensemble des pays du monde en 2011. Depuis 2014, il concerne les structures résultant de la fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière, hors personnel rémunéré par le ministère des Affaires étrangères.
Le taux est globalement stable : 76% en 2018, 75 % en 2019.
Montant des cofinancements levés
Depuis 2009, l'indicateur mesure le montant des cofinancements mobilisés par le réseau : contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération (projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) pour laquelle l'action du poste a été déterminante.
Les chiffres sont très volatiles : 100 millions d'euros en 2009, 205 en 2013, 161 en 2016, 175 en 2018, 180 en 2019).
2. LES NOUVEAUX INDICATEURS
Deux nouveaux indicateurs ont été crées en 2011 et 2012, cinq en 2019 et 2020 puis six en 2021.
Nombre d'heures-élèves de cours de langue des établissements culturels français
Créé en 2011, cet indicateur, disparu en 2019, a été rétabli en 2020.
Il estime le nombre d'heures-élèves vendues pour les cours de langue. Il complète l'indicateur Élèves inscrits aux cours de langue dans les établissements culturels français.
Le nombre s'est élevé à 39 997 344 en 2018 et à 40 854 605 en 2019.
Nombre d'élèves inscrits dans une section ou un établissement scolaire labellisé FranceÉducation
Créé en 2012, le Label FrancÉducation est attribué par le ministère des Affaires étrangères aux filières d'excellence bilingues francophones proposant un enseignement renforcé de la langue française et d'au moins une discipline non linguistique en français, conformément au programme officiel du pays d'accueil.
Après avoir estimé en 2014 et 2015 le nombre d'établissements Label FranceÉducation, l'indicateur fait référence depuis 2016 au nombre d'élèves inscrits dans établissements privés ou publics travaillant sur programme national et présentant des sections bilingues francophones de haut niveau. Il y avait en 2019, 393 filières bilingues implantées dans 58 pays.
La progression du nombre d'élèves est significative : 19 289 en 2014, 95 743 en 2018, 130 000 en 2019.
Taux de croissance du nombre d'abonnés aux réseaux sociaux gérés par le réseau culturel et de coopération
Cet indicateur fait référence à l'évolution d'une année sur l'autre du nombre d'abonnés aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) directement gérés par le réseau culturel (service de coopération et d'action culturelle, établissements à autonomie financière pluridisciplinaires et alliances françaises conventionnées).
En 2019, le nombre d'abonnés était de 4,9 millions. Une croissance de 5% est prévue pour 2020.
Taux de croissance du nombre d'élèves étrangers inscrits dans les établissements du réseau AEFE
L'indicateur mesure le taux de croissance du nombre d'élèves étrangers inscrits (67 % des effectifs scolarisés) dans le réseau piloté par l'AEFE.
Il s'est élevé à + 3% 2018 et + 5,4 en 2019.
Nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France
Cet indicateur se substitue à celui mesurant le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français (188 492 en 2017 ; 192 000 en 2018 et 202 151 en 2019).
Nombre de projets de recherche mis en uvre dans le réseau culturel et de coopération dans le cadre d'un partenariat Hubert Curien
Les programmes Hubert Curien sont des outils d'amorçage de coopérations scientifiques entre équipes françaises et étrangères de recherche. Ils financent les premiers déplacements d'équipes scientifiques, généralement sur une base paritaire entre la France et le pays partenaire.
Le nombre de projets est sable : 1300 en 2017, 1330 en 2018, 1334 en 2019.
Nombre de professeurs formés par le réseau dans les systèmes éducatifs locaux
Ce nouvel indicateur tend à montrer l'impact des actions de formation des professeurs de français enseignants dans des établissements scolaires publics ou privés locaux partenaires et/ou bénéficiaires des actions de la coopération en éducation menées par les postes. Les données ont été collectées pour la première fois en 2019 : 36 387 professeurs ont été formés par le réseau.
Part des projets culturels organisés en ligne ou en format hybride (mêlant virtuel et présentiel)
L'objectif est de mesurer l'évolution du nombre de projets culturels organisés totalement ou partiellement en ligne par le réseau.
L'objectif est de 12% pour 2021.
Part du volume des crédits consacrés aux projets culturels incluant une action spécifique en direction des professionnels des secteurs culturels
L'objectif est de mesurer l'évolution de la part de crédit consacrée à des actions en direction des professionnels des secteurs culturels.
La prévision pour 2021 s'élève à 5%.
Taux de croissance du nombre d'élèves dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger
La prévision pour la rentrée 2021 est une augmentation de l'ordre de +1 % des effectifs, inférieure au rythme de croissance des années précédentes (autour de +3,5 %).
Taux de professeurs ayant bénéficié du plan de formation de l'enseignement français à l'étranger
L'estimation du taux d'enseignants des établissements homologués du réseau AEFE qui bénéficieront du plan de formation en 2021 est 23%.
Nombre de mensualités avec allocation versées à des boursiers du gouvernement français
Il s'est élevé à 39 708 en 2018 et à 42 732 en 2019, le nombre de boursiers sur cette période est passé de 11 250 à 11 843.
Taux de réussite des boursiers du gouvernement français
Il s'agit d'un nouvel indicateur pour lequel aucune donnée n'est encore disponible.
3. LES INDICATEURS EPHEMERES
Huit indicateurs ont eu une durée d'existence plus ou moins longue.
Nombre d'étudiants inscrits dans les filières universitaires francophones
Cet indicateur a existé de 2006 à 2010.
Il y avait 4 050 étudiants dans ces filières en 2008.
Nombre d'élèves inscrits dans les sections scolaires bilingues
Cet indicateur a existé de 2006 à 2013.
Par enseignement bilingue, on entend l'enseignement d'une ou plusieurs disciplines non linguistiques en langue française dans un pays où le français n'est pas la langue officielle d'enseignement.
1 649 738 élèves étaient recensés en 2011.
Nombre d'utilisateurs actifs sur l'application Immersion France dans l'objectif Renforcer l'influence culturelle de la France en Europe et dans le monde
En 2017 et 2018, un indicateur a mesuré le nombre d'utilisateurs actifs sur l'application Immersion France comprenant 400 offres de formation destinée aux étrangers désireux de venir étudier le français en France.
4 000 utilisateurs actifs ont été recensés après le lancement de l'application.
Coût moyen par élève pour l'État (AEFE)
Cet indicateur qui a existé de 2008 à 2014 concerne les établissements en gestion directe et conventionnés du réseau.
Le coût moyen par élève pour l'État en 2011 s'est élevé à 2 750 euros avec bourse et à 2 293 euros hors bourse.
Evaluation de la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des contrats d'objectifs et de performance (COP)
L'indicateur mesurant la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des contrats d'objectifs et de performance (COP) a concerné de 2009 à 2011 l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger et CulturesFrance. En 2012,'indicateur s'applique également aux trois opérateurs créés par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 (Institut Français, Campus France, France Expertise Internationale). En 2014, France Expertise Internationale n'est plus évalué. L'indicateur a été supprimé en 2015.
L'atteinte des objectifs fixés dans les contrats a été calculée comme suit :
AEFE : 2011 : 92% ; 2012 : 95% ; prévision 2014 : 99%
Institut français : 2011 : 92% ; 2012 : 81% ; prévision 2014 : 95%
Campus France : prévision 2014 : 95%.
Nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français
De 2007 à 2018, l'attractivité de la France dans la formation des élites est prise en compte avec un indicateur mesure le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français.
Les chiffres sont globalement stables : 128 972 étudiants étrangers inscrits en 2013, 130 700 en 2015.
Nombre de visiteurs du site de l'ADIT (Agence pour la diffusion de l'information technologique) dédié à la base de connaissances produites par les services scientifiques
De 2005 à 2014 un indicateur a mesuré le nombre de visiteurs du site de l'Agence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) dédié à la base de connaissances produites par les services scientifiques (bulletins électroniques et rapports d'ambassades).
Le nombre d'adresses IP uniques connectées est passé de 452 115 en 2005 à 10 800 000
en 2014.
Nombre de projets et de programmes culturels avec cofinancements extérieurs / nombre total de projets et de programmes culturels accompagnés par le réseau
En 2020, cet indicateur a mesuré nombre de projets culturels (diffusion artistique, partenariats entre structures, projets d'accompagnements des politiques culturelles, promotion des industries culturelles et créatives) soutenus ou organisés par les services de coopération et d'action culturelle, les établissements à autonomie financière pluridisciplinaires et les alliances françaises conventionnées en partenariat avec des acteurs locaux (associations, sociétés privées, partenaires publics dans les différents pays).
Le pourcentage s'est élevé à 93% en 2017 et 94% en 2018.
4. LES INDICATEURS DELAISSES
Douze indicateurs créés entre 2005 et 2007 n'ont jamais été mis en uvre.
Il en a été ainsi pour le taux d'apprenants de français dans les systèmes éducatifs nationaux en 2005 et le nombre et la répartition des élèves français, nationaux et étrangers tiers dans les établissements d'enseignement français à l'étranger en 2008.
Cela a été également le cas pour les partenariats universitaires et scientifiques : nombre de thèses en cotutelle et de co-publications, partenariats recherche/entreprises impliquant la France et un ou plusieurs pays étrangers en 2005 ; taux d'appels d'offres européens remportés par l'expertise française en 2006 ; qualité des projets éligibles aux programmes conjoints de recherche de 2006 à 2008 et part des jumelages institutionnels de la Commission européenne remportés par les opérateurs français en 2007 et 2008.
Il en a été de même pour l'objectif Promouvoir les idées, expressions artistiques et productions audiovisuelles françaises et ses indicateurs : résonance dans les médias étrangers des uvres et productions intellectuelles et des manifestations culturelles françaises, diffusion des films français à l'étranger, audience dans le monde et dans certaines métropoles de TV5 et de RFI en 2005 ; nombre de retombées médiatiques des activités du réseau de coopération et d'action culturelle en 2006 et montant des ventes de programmes audiovisuels, de livres, de disques et de films français de 2006 à 2008.
5. CONCLUSIONS
Selon le Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances, les indicateurs de performance doivent être :
- pertinents, c'est-à-dire permettre d'apprécier les résultats réellement obtenus (cohérents avec l'objectif, se rapportant à un aspect substantiel du résultat attendu, permettant de porter un jugement, évitant les effets contraires à ceux recherchés),
- utiles (disponibles à intervalles réguliers, se prêtant à des comparaisons, exploités par les administrations, compréhensibles),
- solides (pérennes, de fiabilité incontestable, tout en étant élaborés à un coût raisonnable),
- vérifiables et auditables.
Pertinence
Dans l'ensemble, les indicateurs du programme 185 ne paraissent guère adaptés à l'évaluation de la diplomatie culturelle.
En premier lieu, l'importance accordée à la capacité financière du réseau peut paraître démesurée : trois indicateurs des six pérennes (part des ressources propres pour les établissements français à l'étranger, taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires, montant des cofinancements levés) sont concernés.
Quelques indicateurs semblent redondants : nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements du réseau culturel et du réseau des alliances françaises avec nombre d'heures/élèves de cours de langue des établissements du réseau culturel et du réseau des alliances françaises.
Certains présentent un intérêt limité : nombre de projets et de programmes culturels avec cofinancements extérieurs / nombre total de projets et de programmes culturels accompagnés par le réseau, part des projets culturels organisés en ligne ou en format hybride (mêlant virtuel et présentiel), part du volume des crédits consacrés aux projets culturels incluant une action spécifique en direction des professionnels des secteurs culturels.
D'autres doivent être relativisés : ainsi, pour l'indicateur du montant des cofinancements levés il convient de noter la forte concentration au plan géographique (six pays représentent près de la moitié des cofinancements recensés en 2016, principalement en Amérique latine et en Asie). S'agissant du taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires, la moyenne obtenue reflète peu la réalité puisque si l'institut franco- japonais de Tokyo et la Maison française de Washington ou encore les instituts d'Athènes de Madrid ou Barcelone s'autofinancent à plus de 90%, d'autres comme ceux de Phnom Penh ou Dakar ne dépassent pas 60%.
Il peut parfois sembler difficile d'apprécier ce qui relève objectivement de la politique publique. Ainsi, le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat puis le nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France n'est probablement pas uniquement lié aux actions menées au titre de la diplomatie culturelle.
Mais surtout, les indicateurs du programme 185 s'avèrent insuffisants : plusieurs objectifs majeurs de la diplomatie culturelle ne sont pas évalués comme la présence de la culture et des idées françaises à l'étranger ou le développement de l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pourtant plusieurs des indicateurs créés, comme le nombre de retombées médiatiques des activités du réseau de coopération et d'action culturelle, le montant des ventes de programmes audiovisuels, de livres, de disques et de films français ou le nombre de thèses en cotutelle et de co-publications ont été délaissés.
Enfin, certains indicateurs pourtant importants, comme l'évaluation de la performance des opérateurs, ont rapidement disparus.
Utilité
Si les indicateurs sont disponibles annuellement dans le cadre des projets de lois de finances, ils ne se prêtent guère à des comparaisons.
En effet, la plupart des données recueillies sont stables dans la durée ce qui rend les comparaisons peu intéressantes. Il y a certes des exceptions comme pour le montant des cofinancements levés mais les chiffres sont très volatiles ou la hausse du nombre de candidats aux certifications et tests de langue française probablement plus liée à la multiplication des types de certifications et au caractère obligatoire du test de connaissance du français dans de nombreuses situations comme l'accès à l'université française qu' à l'augmentation du nombre d'apprenants, d'ailleurs stable.
Au delà du choix des indicateurs, de leur pertinence par rapport aux objectifs affichés et de la fiabilité des chiffres, la véritable question a trait à leur utilisation. Rien n'indique qu'ils soient exploités par le ministère des Affaires étrangères. Ils ne semblent pas non plus intéresser les parlementaires. Leurs rapports sur les projets des lois de finances se consacrent pour l'essentiel à l'évolution des crédits et des dépenses et très rarement à l'analyse des objectifs et indicateurs de performance qui constituent pourtant le quart des Bleus budgétaires.
Solidité
Durant la période étudiée on dénombre trente-neuf indicateurs différents mais seulement six pérennes.
Leur fiabilité dépend principalement de la source des données. Les chiffres concernant le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue dans les établissements culturels, des candidats aux certifications et tests de langue française ou le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat ne peuvent être discutés. Par contre certains indicateurs peuvent paraître subjectifs comme le montant des cofinancements levés ou l'évaluation de la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens ou des contrats d'objectifs et de performance d'ailleurs abandonnée.
***
Au terme de cette analyse, il n'apparaît guère possible d'apprécier véritablement la performance de la diplomatie culturelle au travers d'indicateurs souvent réducteurs, parfois décalés. En outre, la question des moyens financiers et humains qui lui sont consacrés n'est pas prise en compte alors que leur baisse au cours de la période analysée ne peut être sans conséquence sur la nature et le volume des actions évaluées, donc sur leur performance.
Ceci dit, évaluer la performance de cette politique publique qui sert à "influencer, séduire, instruire, convaincre, diffuser un modèle, créer un climat de confiance voire d'intimité, construire et nourrir des relations dans le temps long, durables et profondes, partager une vision du monde, se faire mieux que des alliés : des amis", comme le soulignent les députés Michel Herbillon et Sira Sylla, tient sans nul doute de la gageure.
6. BIBLIOGRAPHIE
Annexes aux projets de lois de finances, Action extérieure de l'État : Rayonnement culturel et scientifique (2005 à 2010), Diplomatie culturelle et d'influence (2011 à 2021).
Cour des comptes, La mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives, 2011.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, La diplomatie culturelle française : une puissance douce ?, CERISCOPE, Sciences Po, 2013.
Herbillon Michel, Sylla Sira, La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?, Assemblée nationale, 2018.
Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Secrétariat d'État au budget et à la réforme budgétaire, Commission des finances de l'Assemblée nationale, Commission des finances du Sénat, Cour des Comptes, Comité interministériel d'audit des programmes, La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs, Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, 2004.
Lire plus
Or, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 prévoit, dans son article 51, la production au Parlement de projets annuels de performances, annexés aux projets de lois de finances et précisant "la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié".
Pour mesurer la performance de la diplomatie culturelle, nous avons donc analysé les "Bleus budgétaires", plus spécifiquement la rubrique Objectifs et indicateurs de performance, annexés aux projets de lois de finances de 2005 à 2021 pour le programme 185 de la mission Action extérieure de l'État Rayonnement culturel et scientifique de 2006 à 2010 puis Diplomatie culturelle et d'influence à partir de 2011. Chaque indicateur comprend des chiffres et commentaires présentant la source des données et le périmètre d'application puis la justification des prévisions et de la cible ainsi que les résultats obtenus.
Les trente-neuf indicateurs différents identifiés pendant cette période ont été classés en quatre catégories : les pérennes, les éphémères, les nouveaux et les délaissés.
Après avoir décrit chacun d'entre eux, nous tenterons de mesurer leur pertinence, leur utilité et leur solidité pour la conduite de cette politique publique.
1. LES INDICATEURS PERENNES
De 2005 à 2021, seuls six indicateurs ont été stables.
Nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements culturels français
Cet indicateur a été créé en 2005 pour les instituts et centres culturels. Depuis 2011, il concerne également les alliances françaises conventionnées).
Le nombre d'élèves inscrits aux cours de français affiche une grande stabilité : 1 079 420
en 2012, 1 150 257 en 2019.
Nombre de candidats aux certifications et tests de langue française
Depuis 2006, l'indicateur comptabilise les candidats inscrits aux examens pour l'obtention des certifications et tests de langue française proposés par le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) et la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).
On observe une forte croissance du nombre de candidats : 490 161 en 2012, 603 358 en 2019.
Pourcentage de bacheliers étrangers issus de l'enseignement français à l'étranger poursuivant leurs études supérieures en France
Cet indicateur, qui a vu le jour en 2010 est globalement stable : 38% en 2007, 43% en 2019 ; il s'était élevé à 49,4% en 2012.
Part des ressources propres dans les ressources des établissements scolaires français à l'étranger (AEFE)
L'indicateur concerne, depuis 2008, les établissements scolaires en gestion directe et conventionnés. Les établissements uniquement homologués ne sont pas pris en compte.
La part des ressources propres est stable : 61,9% en 2006, 63,5 en 2018 et 65 en 2019.
Taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires
Créé en 2006 pour les instituts et centre culturels dotés de l'autonomie financière du programme 185, cet indicateur a élargi son périmètre à l'ensemble des pays du monde en 2011. Depuis 2014, il concerne les structures résultant de la fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière, hors personnel rémunéré par le ministère des Affaires étrangères.
Le taux est globalement stable : 76% en 2018, 75 % en 2019.
Montant des cofinancements levés
Depuis 2009, l'indicateur mesure le montant des cofinancements mobilisés par le réseau : contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération (projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) pour laquelle l'action du poste a été déterminante.
Les chiffres sont très volatiles : 100 millions d'euros en 2009, 205 en 2013, 161 en 2016, 175 en 2018, 180 en 2019).
2. LES NOUVEAUX INDICATEURS
Deux nouveaux indicateurs ont été crées en 2011 et 2012, cinq en 2019 et 2020 puis six en 2021.
Nombre d'heures-élèves de cours de langue des établissements culturels français
Créé en 2011, cet indicateur, disparu en 2019, a été rétabli en 2020.
Il estime le nombre d'heures-élèves vendues pour les cours de langue. Il complète l'indicateur Élèves inscrits aux cours de langue dans les établissements culturels français.
Le nombre s'est élevé à 39 997 344 en 2018 et à 40 854 605 en 2019.
Nombre d'élèves inscrits dans une section ou un établissement scolaire labellisé FranceÉducation
Créé en 2012, le Label FrancÉducation est attribué par le ministère des Affaires étrangères aux filières d'excellence bilingues francophones proposant un enseignement renforcé de la langue française et d'au moins une discipline non linguistique en français, conformément au programme officiel du pays d'accueil.
Après avoir estimé en 2014 et 2015 le nombre d'établissements Label FranceÉducation, l'indicateur fait référence depuis 2016 au nombre d'élèves inscrits dans établissements privés ou publics travaillant sur programme national et présentant des sections bilingues francophones de haut niveau. Il y avait en 2019, 393 filières bilingues implantées dans 58 pays.
La progression du nombre d'élèves est significative : 19 289 en 2014, 95 743 en 2018, 130 000 en 2019.
Taux de croissance du nombre d'abonnés aux réseaux sociaux gérés par le réseau culturel et de coopération
Cet indicateur fait référence à l'évolution d'une année sur l'autre du nombre d'abonnés aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) directement gérés par le réseau culturel (service de coopération et d'action culturelle, établissements à autonomie financière pluridisciplinaires et alliances françaises conventionnées).
En 2019, le nombre d'abonnés était de 4,9 millions. Une croissance de 5% est prévue pour 2020.
Taux de croissance du nombre d'élèves étrangers inscrits dans les établissements du réseau AEFE
L'indicateur mesure le taux de croissance du nombre d'élèves étrangers inscrits (67 % des effectifs scolarisés) dans le réseau piloté par l'AEFE.
Il s'est élevé à + 3% 2018 et + 5,4 en 2019.
Nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France
Cet indicateur se substitue à celui mesurant le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français (188 492 en 2017 ; 192 000 en 2018 et 202 151 en 2019).
Nombre de projets de recherche mis en uvre dans le réseau culturel et de coopération dans le cadre d'un partenariat Hubert Curien
Les programmes Hubert Curien sont des outils d'amorçage de coopérations scientifiques entre équipes françaises et étrangères de recherche. Ils financent les premiers déplacements d'équipes scientifiques, généralement sur une base paritaire entre la France et le pays partenaire.
Le nombre de projets est sable : 1300 en 2017, 1330 en 2018, 1334 en 2019.
Nombre de professeurs formés par le réseau dans les systèmes éducatifs locaux
Ce nouvel indicateur tend à montrer l'impact des actions de formation des professeurs de français enseignants dans des établissements scolaires publics ou privés locaux partenaires et/ou bénéficiaires des actions de la coopération en éducation menées par les postes. Les données ont été collectées pour la première fois en 2019 : 36 387 professeurs ont été formés par le réseau.
Part des projets culturels organisés en ligne ou en format hybride (mêlant virtuel et présentiel)
L'objectif est de mesurer l'évolution du nombre de projets culturels organisés totalement ou partiellement en ligne par le réseau.
L'objectif est de 12% pour 2021.
Part du volume des crédits consacrés aux projets culturels incluant une action spécifique en direction des professionnels des secteurs culturels
L'objectif est de mesurer l'évolution de la part de crédit consacrée à des actions en direction des professionnels des secteurs culturels.
La prévision pour 2021 s'élève à 5%.
Taux de croissance du nombre d'élèves dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger
La prévision pour la rentrée 2021 est une augmentation de l'ordre de +1 % des effectifs, inférieure au rythme de croissance des années précédentes (autour de +3,5 %).
Taux de professeurs ayant bénéficié du plan de formation de l'enseignement français à l'étranger
L'estimation du taux d'enseignants des établissements homologués du réseau AEFE qui bénéficieront du plan de formation en 2021 est 23%.
Nombre de mensualités avec allocation versées à des boursiers du gouvernement français
Il s'est élevé à 39 708 en 2018 et à 42 732 en 2019, le nombre de boursiers sur cette période est passé de 11 250 à 11 843.
Taux de réussite des boursiers du gouvernement français
Il s'agit d'un nouvel indicateur pour lequel aucune donnée n'est encore disponible.
3. LES INDICATEURS EPHEMERES
Huit indicateurs ont eu une durée d'existence plus ou moins longue.
Nombre d'étudiants inscrits dans les filières universitaires francophones
Cet indicateur a existé de 2006 à 2010.
Il y avait 4 050 étudiants dans ces filières en 2008.
Nombre d'élèves inscrits dans les sections scolaires bilingues
Cet indicateur a existé de 2006 à 2013.
Par enseignement bilingue, on entend l'enseignement d'une ou plusieurs disciplines non linguistiques en langue française dans un pays où le français n'est pas la langue officielle d'enseignement.
1 649 738 élèves étaient recensés en 2011.
Nombre d'utilisateurs actifs sur l'application Immersion France dans l'objectif Renforcer l'influence culturelle de la France en Europe et dans le monde
En 2017 et 2018, un indicateur a mesuré le nombre d'utilisateurs actifs sur l'application Immersion France comprenant 400 offres de formation destinée aux étrangers désireux de venir étudier le français en France.
4 000 utilisateurs actifs ont été recensés après le lancement de l'application.
Coût moyen par élève pour l'État (AEFE)
Cet indicateur qui a existé de 2008 à 2014 concerne les établissements en gestion directe et conventionnés du réseau.
Le coût moyen par élève pour l'État en 2011 s'est élevé à 2 750 euros avec bourse et à 2 293 euros hors bourse.
Evaluation de la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des contrats d'objectifs et de performance (COP)
L'indicateur mesurant la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des contrats d'objectifs et de performance (COP) a concerné de 2009 à 2011 l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger et CulturesFrance. En 2012,'indicateur s'applique également aux trois opérateurs créés par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 (Institut Français, Campus France, France Expertise Internationale). En 2014, France Expertise Internationale n'est plus évalué. L'indicateur a été supprimé en 2015.
L'atteinte des objectifs fixés dans les contrats a été calculée comme suit :
AEFE : 2011 : 92% ; 2012 : 95% ; prévision 2014 : 99%
Institut français : 2011 : 92% ; 2012 : 81% ; prévision 2014 : 95%
Campus France : prévision 2014 : 95%.
Nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français
De 2007 à 2018, l'attractivité de la France dans la formation des élites est prise en compte avec un indicateur mesure le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat de l'enseignement supérieur français.
Les chiffres sont globalement stables : 128 972 étudiants étrangers inscrits en 2013, 130 700 en 2015.
Nombre de visiteurs du site de l'ADIT (Agence pour la diffusion de l'information technologique) dédié à la base de connaissances produites par les services scientifiques
De 2005 à 2014 un indicateur a mesuré le nombre de visiteurs du site de l'Agence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) dédié à la base de connaissances produites par les services scientifiques (bulletins électroniques et rapports d'ambassades).
Le nombre d'adresses IP uniques connectées est passé de 452 115 en 2005 à 10 800 000
en 2014.
Nombre de projets et de programmes culturels avec cofinancements extérieurs / nombre total de projets et de programmes culturels accompagnés par le réseau
En 2020, cet indicateur a mesuré nombre de projets culturels (diffusion artistique, partenariats entre structures, projets d'accompagnements des politiques culturelles, promotion des industries culturelles et créatives) soutenus ou organisés par les services de coopération et d'action culturelle, les établissements à autonomie financière pluridisciplinaires et les alliances françaises conventionnées en partenariat avec des acteurs locaux (associations, sociétés privées, partenaires publics dans les différents pays).
Le pourcentage s'est élevé à 93% en 2017 et 94% en 2018.
4. LES INDICATEURS DELAISSES
Douze indicateurs créés entre 2005 et 2007 n'ont jamais été mis en uvre.
Il en a été ainsi pour le taux d'apprenants de français dans les systèmes éducatifs nationaux en 2005 et le nombre et la répartition des élèves français, nationaux et étrangers tiers dans les établissements d'enseignement français à l'étranger en 2008.
Cela a été également le cas pour les partenariats universitaires et scientifiques : nombre de thèses en cotutelle et de co-publications, partenariats recherche/entreprises impliquant la France et un ou plusieurs pays étrangers en 2005 ; taux d'appels d'offres européens remportés par l'expertise française en 2006 ; qualité des projets éligibles aux programmes conjoints de recherche de 2006 à 2008 et part des jumelages institutionnels de la Commission européenne remportés par les opérateurs français en 2007 et 2008.
Il en a été de même pour l'objectif Promouvoir les idées, expressions artistiques et productions audiovisuelles françaises et ses indicateurs : résonance dans les médias étrangers des uvres et productions intellectuelles et des manifestations culturelles françaises, diffusion des films français à l'étranger, audience dans le monde et dans certaines métropoles de TV5 et de RFI en 2005 ; nombre de retombées médiatiques des activités du réseau de coopération et d'action culturelle en 2006 et montant des ventes de programmes audiovisuels, de livres, de disques et de films français de 2006 à 2008.
5. CONCLUSIONS
Selon le Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances, les indicateurs de performance doivent être :
- pertinents, c'est-à-dire permettre d'apprécier les résultats réellement obtenus (cohérents avec l'objectif, se rapportant à un aspect substantiel du résultat attendu, permettant de porter un jugement, évitant les effets contraires à ceux recherchés),
- utiles (disponibles à intervalles réguliers, se prêtant à des comparaisons, exploités par les administrations, compréhensibles),
- solides (pérennes, de fiabilité incontestable, tout en étant élaborés à un coût raisonnable),
- vérifiables et auditables.
Pertinence
Dans l'ensemble, les indicateurs du programme 185 ne paraissent guère adaptés à l'évaluation de la diplomatie culturelle.
En premier lieu, l'importance accordée à la capacité financière du réseau peut paraître démesurée : trois indicateurs des six pérennes (part des ressources propres pour les établissements français à l'étranger, taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires, montant des cofinancements levés) sont concernés.
Quelques indicateurs semblent redondants : nombre d'élèves inscrits aux cours de langue des établissements du réseau culturel et du réseau des alliances françaises avec nombre d'heures/élèves de cours de langue des établissements du réseau culturel et du réseau des alliances françaises.
Certains présentent un intérêt limité : nombre de projets et de programmes culturels avec cofinancements extérieurs / nombre total de projets et de programmes culturels accompagnés par le réseau, part des projets culturels organisés en ligne ou en format hybride (mêlant virtuel et présentiel), part du volume des crédits consacrés aux projets culturels incluant une action spécifique en direction des professionnels des secteurs culturels.
D'autres doivent être relativisés : ainsi, pour l'indicateur du montant des cofinancements levés il convient de noter la forte concentration au plan géographique (six pays représentent près de la moitié des cofinancements recensés en 2016, principalement en Amérique latine et en Asie). S'agissant du taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière pluridisciplinaires, la moyenne obtenue reflète peu la réalité puisque si l'institut franco- japonais de Tokyo et la Maison française de Washington ou encore les instituts d'Athènes de Madrid ou Barcelone s'autofinancent à plus de 90%, d'autres comme ceux de Phnom Penh ou Dakar ne dépassent pas 60%.
Il peut parfois sembler difficile d'apprécier ce qui relève objectivement de la politique publique. Ainsi, le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat puis le nombre d'étudiants étrangers en mobilité inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur en France n'est probablement pas uniquement lié aux actions menées au titre de la diplomatie culturelle.
Mais surtout, les indicateurs du programme 185 s'avèrent insuffisants : plusieurs objectifs majeurs de la diplomatie culturelle ne sont pas évalués comme la présence de la culture et des idées françaises à l'étranger ou le développement de l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pourtant plusieurs des indicateurs créés, comme le nombre de retombées médiatiques des activités du réseau de coopération et d'action culturelle, le montant des ventes de programmes audiovisuels, de livres, de disques et de films français ou le nombre de thèses en cotutelle et de co-publications ont été délaissés.
Enfin, certains indicateurs pourtant importants, comme l'évaluation de la performance des opérateurs, ont rapidement disparus.
Utilité
Si les indicateurs sont disponibles annuellement dans le cadre des projets de lois de finances, ils ne se prêtent guère à des comparaisons.
En effet, la plupart des données recueillies sont stables dans la durée ce qui rend les comparaisons peu intéressantes. Il y a certes des exceptions comme pour le montant des cofinancements levés mais les chiffres sont très volatiles ou la hausse du nombre de candidats aux certifications et tests de langue française probablement plus liée à la multiplication des types de certifications et au caractère obligatoire du test de connaissance du français dans de nombreuses situations comme l'accès à l'université française qu' à l'augmentation du nombre d'apprenants, d'ailleurs stable.
Au delà du choix des indicateurs, de leur pertinence par rapport aux objectifs affichés et de la fiabilité des chiffres, la véritable question a trait à leur utilisation. Rien n'indique qu'ils soient exploités par le ministère des Affaires étrangères. Ils ne semblent pas non plus intéresser les parlementaires. Leurs rapports sur les projets des lois de finances se consacrent pour l'essentiel à l'évolution des crédits et des dépenses et très rarement à l'analyse des objectifs et indicateurs de performance qui constituent pourtant le quart des Bleus budgétaires.
Solidité
Durant la période étudiée on dénombre trente-neuf indicateurs différents mais seulement six pérennes.
Leur fiabilité dépend principalement de la source des données. Les chiffres concernant le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue dans les établissements culturels, des candidats aux certifications et tests de langue française ou le nombre d'étudiants étrangers inscrits en master et doctorat ne peuvent être discutés. Par contre certains indicateurs peuvent paraître subjectifs comme le montant des cofinancements levés ou l'évaluation de la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d'objectifs et de moyens ou des contrats d'objectifs et de performance d'ailleurs abandonnée.
***
Au terme de cette analyse, il n'apparaît guère possible d'apprécier véritablement la performance de la diplomatie culturelle au travers d'indicateurs souvent réducteurs, parfois décalés. En outre, la question des moyens financiers et humains qui lui sont consacrés n'est pas prise en compte alors que leur baisse au cours de la période analysée ne peut être sans conséquence sur la nature et le volume des actions évaluées, donc sur leur performance.
Ceci dit, évaluer la performance de cette politique publique qui sert à "influencer, séduire, instruire, convaincre, diffuser un modèle, créer un climat de confiance voire d'intimité, construire et nourrir des relations dans le temps long, durables et profondes, partager une vision du monde, se faire mieux que des alliés : des amis", comme le soulignent les députés Michel Herbillon et Sira Sylla, tient sans nul doute de la gageure.
6. BIBLIOGRAPHIE
Annexes aux projets de lois de finances, Action extérieure de l'État : Rayonnement culturel et scientifique (2005 à 2010), Diplomatie culturelle et d'influence (2011 à 2021).
Cour des comptes, La mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives, 2011.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, La diplomatie culturelle française : une puissance douce ?, CERISCOPE, Sciences Po, 2013.
Herbillon Michel, Sylla Sira, La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?, Assemblée nationale, 2018.
Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Secrétariat d'État au budget et à la réforme budgétaire, Commission des finances de l'Assemblée nationale, Commission des finances du Sénat, Cour des Comptes, Comité interministériel d'audit des programmes, La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs, Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, 2004.
Le réseau culturel à l'étranger : ethnographie des candidats
Le réseau culturel à l'étranger emploie dans ses différentes composantes (services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises, instituts de recherche français à l'étranger) environ 1600 agents (hors volontaires internationaux) directement rémunérés par le ministère des Affaires étrangères.
Comme tous les diplomates, ils sont affectés dans un pays pendant quelques années avant une nouvelle destination ou un retour en France. Quelques 300 postes sont en relève chaque été.
A notre connaissance, aucune étude n'a été menée sur le profil des candidats à un emploi dans le réseau. Quelques données sont disponibles dans l'ouvrage Une culture tamisée, les centres et instituts culturels français en Europe de Pierre Grémion et Odile Chenal et dans notre thèse, mais sont ciblées sur les agents déjà en poste. Plus récemment, Romain Lecler s'est intéressé aux pratiques de recrutement des attachés audiovisuels.
Afin de tenter de cerner le sujet, nous avons choisi de nous intéresser aux postes de conseiller culturel mis au mouvement 2019.
Le ministère des Affaires étrangères présente le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) comme "chef d'orchestre du dispositif de coopération et stratège". Il décrit ainsi ses activités principales : le conseil à l'ambassadeur sur les questions relevant du domaine d'expertise du conseiller, la définition et le pilotage de la stratégie de coopération dans le cadre du plan d'action de l'ambassadeur en liaison avec les partenaires locaux ainsi que les bailleurs de fonds multilatéraux et européens, l'encadrement d'une équipe de spécialistes, la direction de l'ensemble des services d'un établissement à autonomie financière (EAF), le pilotage du réseau de l'EAF et de ses antennes, des instituts de recherche, la coordination des opérateurs du ministère et de ses partenaires (Alliances françaises notamment) et le suivi des établissements de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger ou des établissements scolaires conventionnés ou homologués et la définition de la stratégie de communication, notamment en ce qui concerne l'évolution des outils numériques.
Pour mener à bien cette analyse nous avons exploité les informations que le ministère des Affaires étrangères a bien voulu nous communiquer. Celles-ci se présentent comme une extraction des données collectées sur les candidats "nettoyées" des éléments confidentiels comme l'état civil et également des mentions relatives aux diplômes et à la situation professionnelle.
Après avoir détaillé les critères généraux de recrutement pour les emplois du réseau et plus spécifiquement le profil du conseiller culturel tels qu'ils figurent dans le site du ministère des Affaires étrangères puis les modalités de candidature et la liste des postes à pouvoir, nous analyserons les vux d'affectation des postulants ainsi que les principales caractéristiques des candidatures (nombre de candidats, âge, sexe, statut, etc.) Enfin, nous étudierons les résultats de la présélection effectuée par le ministère des Affaires étrangères.
1. Conditions de recrutement des agents du réseau
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent obligatoirement répondre à trois critères : disposer de l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé, quel que soit le niveau de diplôme obtenu ; avoir des connaissances linguistiques suffisantes (les candidats doivent joindre à leur candidature le résultat de tests de langue en cours de validité ou une copie de certifications(s) déjà obtenue(s) ; répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France), la durée de séjour du candidat à l'étranger au cours des dix dernières années ne devant pas être supérieure à sept ans.
S'agissant des emplois de conseiller de coopération et d'action culturelle, le ministère des Affaires étrangères précise que les postulants doivent savoir piloter un réseau, porter une vision pluridisciplinaire et innovante, manager des équipes, entretenir un réseau de contacts dans un contexte interculturel, savoir travailler en réseau, définir des priorités, s'exprimer en public, négocier, conduire des projets, diriger un établissement à autonomie financière et avoir le sens des relations humaines. Ils doivent également avoir une bonne connaissance des questions européennes et multilatérales, des techniques des secteurs de coopération, des principaux acteurs de la coopération internationale, en management, des principes de la gestion budgétaire et des ressources humaines.
Il précise qu'accéder à ce type de poste nécessite une maîtrise de l'anglais et/ou de la langue du pays, d'être titulaire d'un diplôme Bac+5, une expérience réussie de l'expatriation, une expertise technique des secteurs de coopération et indique recruter pour la plupart de ces postes des managers d'équipe, qui savent travailler en réseau, communiquer et s'exprimer en public, conduire des projets, diriger un établissement et avoir une vision stratégique et innovante de ce que peut être la coopération et l'action culturelle des pays dans lesquels ils sont nommés.
2. Modalités de candidature
Tous les ans, au mois de juillet, le ministère des Affaires étrangères publie sur son site la liste des postes du réseau mis au mouvement.
Celle-ci indique le pays, la ville, fonction, la date de prise de fonction et la date limite de candidature.
Les candidats peuvent s'informer sur les emplois qui les intéressent en consultant les fiches de poste qui comprennent une dizaine de rubriques parmi lesquelles la définition synthétique du poste, les activités principales, le savoir-faire, les connaissances, les qualités personnelles requises ainsi que les conditions particulières d'exercice, et les acquis professionnels souhaitables pour exercer l'emploi.
Les candidats à un poste dans le réseau doivent postuler en remplissant un dossier comprenant quatre rubriques :
- candidat : civilité, date naissance, années passées à l'étranger,
- situation familiale,
- profil : diplôme, compétences, stages, langue, situation professionnelle, expérience professionnelle,
- vux : liste des vux, commentaires : motivations, souhaits d'orientation, professionnelle, contraintes personnelles, observations sur la situation personnelle du candidat.
Ils doivent joindre un curriculum vitae, une lettre de motivation et attestation linguistique.
3. Postes à pourvoir
Il y avait 44 postes d'encadrement à pouvoir au mouvement 2019.
- Conseiller de coopération et d'action culturelle (34) :
Albanie, Angola, Azerbaïdjan
Bahreïn, Bosnie-Herzégovine, Brésil
Chili, Chine, Colombie
Djibouti
Egypte
Grèce, Guinée
Haïti
Indonésie, Iran, Irlande
Jérusalem (Territoires palestiniens), Jordanie
Lettonie, Lituanie
Mexique
Niger, Nigéria
Pakistan, Pérou
Qatar
République dominicaine, République de Serbie
Slovénie, Sri Lanka
Tchad
Turquie
Venezuela
- Conseiller culturel (3) :
Allemagne
Etats-Unis
Russie
Conseiller régional de coopération et d'action culturelle (2) :
Sainte-Lucie
San José
- Conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint (5) :
Irak
Liban
Maroc
République Centrafricaine
Tunisie
4. Principales caractéristiques des candidatures
Le document fourni par le ministère des Affaires étrangères permet d'extraire un certain nombre d'informations.
Le nombre candidats est élevé : 360 soit 8 par poste proposé.
L'âge des postulants va de 23 à 64 ans avec une moyenne de 45 ans
Ils sont très majoritairement masculins : 75% d'hommes.
Le ministère des Affaires étrangères distingue quatre types de statuts : les agents titulaires du Quai d'Orsay, ceux bénéficiant d'un CDI, les fonctionnaires d'autres administrations et les agents non titulaires de la fonction publique. La répartition des candidats est la suivante :
- fonctionnaires d'autres administrations : 161 (44%),
- agents non titulaires de la fonction publique : (40%),
- agents titulaires : 50 (14%),
- agents en CDI : 15 (4%).
NB : Il peut avoir une petite marge d'erreur dans ces chiffres en raison de l'existence d'une catégorie "autres" (quelques candidats).
Les candidats peuvent formuler jusqu'à huit vux. Ceux-ci peuvent porter sur d'autres emplois que ceux de COCAC, les chancelleries diplomatiques pour les agents titulaires du ministère des Affaires étrangères ou d'autre postes du réseau (attachés sectoriels, instituts, alliances française).
Au total, 1017 vux ont été formulés, soit, en moyenne, 23 vux par poste :
- agents non titulaires de la fonction publique : 457
- fonctionnaires d'autres administrations : 445
- agents titulaires : 82
- agents en CDI : 33
Dix affectations recueillent plus de 30 vux : République dominicaine : 50 ; Grèce : 41 ; Tunisie (COCAC adjoint) : 40 ; Liban (COCAC adjoint) : 38 ; Etats-Unis : 38 ; Colombie : 32 ; Irlande : 32 ; Irak (COCAC adjoint) : 32 ; Guinée : 30 ; Sri Lanka : 30.
Vingt pays réunissent entre 20 et 30 vux : Russie : 20 ; Djibouti : 20 ; Lituanie : 20 ; Sainte-Lucie : 21 ; Pérou : 22 ; République de Serbie : 22 ; Maroc (COCAC adjoint) : 22 ; Bahreïn : 21 ; Iran : 21 ; Lettonie : 21 ; Brésil : 23 ; Jérusalem/Territoires Palestiniens : 23 ; Chili : 24 ; Haïti : 24 ; Israël : 24 ; Niger : 24 ; Azerbaïdjan : 25 ; Tchad : 27 ; Albanie : 27 ; Slovénie : 28.
A l'opposé, quatre affectations obtiennent moins de 10 vux : Angola : 9 ; Pakistan : 9 ; Turquie : 6 ; Jordanie : 4.
S'agissant du premier vu formulé, dix pays recueillent plus de 10 vux : Tunisie (COCAC adjoint) : 34 ; Tchad : 22 ; Russie : 18 ; Irak (COCAC adjoint) : 16 ; Etats-Unis : 12 ; Egypte : 11 ; Grèce : 11 ; Colombie : 10 ; République dominicaine : 10 ; Sri Lanka : 10, alors que trois postes n'obtiennent aucun premier vu : Angola, Bosnie-Herzégovine et Turquie.
5. Short list
Le ministère des Affaires étrangères procède à une première sélection, la short list.
143 vux ont été présélectionnés pour 39 des 44 postes proposés au mouvement. En effet, certains postes n'ont pas été pourvus (Maroc, Venezuela, Jordanie, Pakistan, Slovénie) en raison de notamment de leur transformation ou de la prolongation du titulaire.
Le plus souvent la short list comprend trois candidatures par poste mais cinq pour la Grèce, la Colombie, la Guinée, Djibouti, la Lituanie, le Brésil ; 6 pour les Etats-Unis, 7 pour la République de Serbie et l'Irlande. Il n'y a qu'une candidature présélectionnée pour le Royaume de Bahreïn.
L'âge va de 28 à 62 ans avec une moyenne de 51 ans soit plus élevée que pour les postulants (45 ans).
Ils sont très majoritairement masculins : 28 femmes soit 80 % d'hommes contre 75 pour les candidatures.
Pour cette première sélection, le ministère des Affaires étrangères a retenu 141 vux sur les 1017 formulés, soit 14%. Ils se répartissent comme suit :
- agents titulaires : 56 vux retenus sur 82 formulés
- agents en CDI : 16 vux sur 33
- fonctionnaires d'autres administrations : 48 sur 457
- agents non titulaires de la fonction publique : 21 sur 445.
6. Commentaires
Nous avons conscience que cette étude ne constitue qu'une approche imparfaite de cette ethnographie des candidats à un poste dans le réseau culturel à l'étranger : l'absence d'informations relatives aux diplômes, à la situation professionnelle, au parcours et aux motivations des postulants limite sa pertinence.
D'une manière générale l'information sur les métiers du réseau culturel à l'étranger reste très générale. Les fiches décrivant chacun des postes proposés sont le plus souvent peu détaillées. Sauf exception, les profils de poste ne précisent pas les vraies questions, les difficultés, les enjeux que les candidats peuvent parfois connaître par leurs réseaux ou, le plus souvent, découvriront quelques mois après leur arrivée en poste. Enfin, il n'est pas certain que se soient les profils publiés qui déterminent les postulants à se porter candidat à tel poste plutôt que tel autre. Leur choix est sans doute lié à des critères personnels, financiers pour certains.
Le total des candidats est élevé : 369 soit 8.4 par poste, tout comme le nombre de vux exprimés (1017 vux ont été formulés, soit, en moyenne, 23 vux pour chaque emploi).
S'agissant des vux formulés, il est intéressant de relever que les postes les mieux dotés en moyens financiers et humains - donc les plus intéressants - ne sont pas plébiscités. Ainsi, la Chine ne recueille que 14 vux dont 6 premiers vux et l'Allemagne 11 vux et seulement 3 en n°1. A l'opposé, la République dominicaine est le pays qui recueille le plus de vux (50 et 10 vux 1) alors que le poste de Saint Domingue ne bénéficie que de moyens très limités.
Le nombre de postulants non titulaires de la fonction publique est important (143) alors les candidatures des agents du Quai d'Orsay (50 titulaires et 15 CDI) sont limitées. Ceux-ci ne manifestent d'ailleurs qu'une appétence limitée pour ces emplois puisque seuls 16 titulaires ont formulé un vu 1 : Etats-Unis (3), Costa Rica (2), Irak (2), Grèce, Guinée, Haïti, Iran, Jérusalem, Egypte, Liban, Maroc, Slovénie (1) mais pas grands postes Chine Allemagne, Russie, Brésil ou Turquie
La présélection du ministère des Affaires étrangères privilégie donc les agents du Quai d'Orsay : 72 vux retenus sur 115 formulés alors que seuls 69 vux ont été choisis sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique. Alors que pour ces derniers seuls les premiers vux ont été retenus, les derniers choix des titulaires ont été pris en compte.
Statistiquement, les agents titulaires du Quai d'Orsay ont donc toutes les chances d'obtenir un poste puisqu'il y a plus de vux retenus que de candidats alors pour les fonctionnaires d'autres administrations et les agents non titulaires de la fonction publique la probabilité d'être sectionné n'est que de 7%.
Deux paradoxes peuvent être relevés.
Les agents du ministère sont clairement favorisés dans la présélection alors qu'ils ne manifestent que peu d'intérêt pour les postes de COCAC.
Alors que la politique du ministère privilégie depuis de nombreuses années l'accès aux emplois du réseau à de nouveaux profils (limitant ainsi les agents de l'Education nationale) dépourvus du statut de fonctionnaire (administrateurs et animateurs culturels par exemple), seuls 21 des 445 vux formulés par les 143 candidats non-fonctionnaires ont été retenus.
La diplomatie culturelle repose avant tout sur les agents qui travaillent dans le réseau, sur le terrain. Comme le souligne le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères dans son discours du 16 juillet 2018 lors des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, les conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) exercent un métier passionnant mais difficile : "Manager et gestionnaire, en même temps que conseiller de l'ambassadeur, défricheur de tendances et bâtisseur de projets, vous couvrez une amplitude considérable de métiers et de domaines. Vous dirigez une PME, parfois de taille importante ; vous devez notamment veiller à l'équilibre financier, avec un taux d'autofinancement remarquable, mais avec des ressources propres qui vont et viennent ; vous avez un dialogue social à mener, un ambassadeur à satisfaire ; et vous vous demandez parfois comment assumer l'impact de décisions prises à Paris".
7. Bibliographie
Grémion Pierre, Chenal Odile, Une culture tamisée, les centres et instituts culturels français en Europe, CNRS, Paris, 1980.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Diplomatie culturelle : les priorités de la France, Paris, L'Harmattan, 2019.
Lecler Romain, Une diplomatie audiovisuelle à la carte. Ce que les pratiques de recrutement révèlent de la "politique audiovisuelle extérieure" française", Revue internationale de politique comparée, 2016/2 (Vol. 23), p. 175-197. DOI : 10.3917/ripc.232.0175. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2016-2-page-175.htm
Le Drian Jean-Yves, Discours du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, Paris, 16 juillet 2018.
Ministère des Affaires étrangères, Les métiers du réseau culturel et de coopération, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/missions-organisation/le-reseau-de-cooperation-et-d-action-culturelle/les-metiers-du-reseau-de-cooperation-et-d-action-culturelle/
Ministère des Affaires étrangères, Transparence, liste des candidats par offre, 2019.
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Comme tous les diplomates, ils sont affectés dans un pays pendant quelques années avant une nouvelle destination ou un retour en France. Quelques 300 postes sont en relève chaque été.
A notre connaissance, aucune étude n'a été menée sur le profil des candidats à un emploi dans le réseau. Quelques données sont disponibles dans l'ouvrage Une culture tamisée, les centres et instituts culturels français en Europe de Pierre Grémion et Odile Chenal et dans notre thèse, mais sont ciblées sur les agents déjà en poste. Plus récemment, Romain Lecler s'est intéressé aux pratiques de recrutement des attachés audiovisuels.
Afin de tenter de cerner le sujet, nous avons choisi de nous intéresser aux postes de conseiller culturel mis au mouvement 2019.
Le ministère des Affaires étrangères présente le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) comme "chef d'orchestre du dispositif de coopération et stratège". Il décrit ainsi ses activités principales : le conseil à l'ambassadeur sur les questions relevant du domaine d'expertise du conseiller, la définition et le pilotage de la stratégie de coopération dans le cadre du plan d'action de l'ambassadeur en liaison avec les partenaires locaux ainsi que les bailleurs de fonds multilatéraux et européens, l'encadrement d'une équipe de spécialistes, la direction de l'ensemble des services d'un établissement à autonomie financière (EAF), le pilotage du réseau de l'EAF et de ses antennes, des instituts de recherche, la coordination des opérateurs du ministère et de ses partenaires (Alliances françaises notamment) et le suivi des établissements de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger ou des établissements scolaires conventionnés ou homologués et la définition de la stratégie de communication, notamment en ce qui concerne l'évolution des outils numériques.
Pour mener à bien cette analyse nous avons exploité les informations que le ministère des Affaires étrangères a bien voulu nous communiquer. Celles-ci se présentent comme une extraction des données collectées sur les candidats "nettoyées" des éléments confidentiels comme l'état civil et également des mentions relatives aux diplômes et à la situation professionnelle.
Après avoir détaillé les critères généraux de recrutement pour les emplois du réseau et plus spécifiquement le profil du conseiller culturel tels qu'ils figurent dans le site du ministère des Affaires étrangères puis les modalités de candidature et la liste des postes à pouvoir, nous analyserons les vux d'affectation des postulants ainsi que les principales caractéristiques des candidatures (nombre de candidats, âge, sexe, statut, etc.) Enfin, nous étudierons les résultats de la présélection effectuée par le ministère des Affaires étrangères.
1. Conditions de recrutement des agents du réseau
Dans son site, le ministère des Affaires étrangères, indique que les candidats à un poste dans le réseau doivent obligatoirement répondre à trois critères : disposer de l'expérience nécessaire pour le type de poste demandé, quel que soit le niveau de diplôme obtenu ; avoir des connaissances linguistiques suffisantes (les candidats doivent joindre à leur candidature le résultat de tests de langue en cours de validité ou une copie de certifications(s) déjà obtenue(s) ; répondre au principe de mobilité (alternance de séjours entre la France et l'étranger avec un temps de séjour minimal de deux ans en France), la durée de séjour du candidat à l'étranger au cours des dix dernières années ne devant pas être supérieure à sept ans.
S'agissant des emplois de conseiller de coopération et d'action culturelle, le ministère des Affaires étrangères précise que les postulants doivent savoir piloter un réseau, porter une vision pluridisciplinaire et innovante, manager des équipes, entretenir un réseau de contacts dans un contexte interculturel, savoir travailler en réseau, définir des priorités, s'exprimer en public, négocier, conduire des projets, diriger un établissement à autonomie financière et avoir le sens des relations humaines. Ils doivent également avoir une bonne connaissance des questions européennes et multilatérales, des techniques des secteurs de coopération, des principaux acteurs de la coopération internationale, en management, des principes de la gestion budgétaire et des ressources humaines.
Il précise qu'accéder à ce type de poste nécessite une maîtrise de l'anglais et/ou de la langue du pays, d'être titulaire d'un diplôme Bac+5, une expérience réussie de l'expatriation, une expertise technique des secteurs de coopération et indique recruter pour la plupart de ces postes des managers d'équipe, qui savent travailler en réseau, communiquer et s'exprimer en public, conduire des projets, diriger un établissement et avoir une vision stratégique et innovante de ce que peut être la coopération et l'action culturelle des pays dans lesquels ils sont nommés.
2. Modalités de candidature
Tous les ans, au mois de juillet, le ministère des Affaires étrangères publie sur son site la liste des postes du réseau mis au mouvement.
Celle-ci indique le pays, la ville, fonction, la date de prise de fonction et la date limite de candidature.
Les candidats peuvent s'informer sur les emplois qui les intéressent en consultant les fiches de poste qui comprennent une dizaine de rubriques parmi lesquelles la définition synthétique du poste, les activités principales, le savoir-faire, les connaissances, les qualités personnelles requises ainsi que les conditions particulières d'exercice, et les acquis professionnels souhaitables pour exercer l'emploi.
Les candidats à un poste dans le réseau doivent postuler en remplissant un dossier comprenant quatre rubriques :
- candidat : civilité, date naissance, années passées à l'étranger,
- situation familiale,
- profil : diplôme, compétences, stages, langue, situation professionnelle, expérience professionnelle,
- vux : liste des vux, commentaires : motivations, souhaits d'orientation, professionnelle, contraintes personnelles, observations sur la situation personnelle du candidat.
Ils doivent joindre un curriculum vitae, une lettre de motivation et attestation linguistique.
3. Postes à pourvoir
Il y avait 44 postes d'encadrement à pouvoir au mouvement 2019.
- Conseiller de coopération et d'action culturelle (34) :
Albanie, Angola, Azerbaïdjan
Bahreïn, Bosnie-Herzégovine, Brésil
Chili, Chine, Colombie
Djibouti
Egypte
Grèce, Guinée
Haïti
Indonésie, Iran, Irlande
Jérusalem (Territoires palestiniens), Jordanie
Lettonie, Lituanie
Mexique
Niger, Nigéria
Pakistan, Pérou
Qatar
République dominicaine, République de Serbie
Slovénie, Sri Lanka
Tchad
Turquie
Venezuela
- Conseiller culturel (3) :
Allemagne
Etats-Unis
Russie
Conseiller régional de coopération et d'action culturelle (2) :
Sainte-Lucie
San José
- Conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint (5) :
Irak
Liban
Maroc
République Centrafricaine
Tunisie
4. Principales caractéristiques des candidatures
Le document fourni par le ministère des Affaires étrangères permet d'extraire un certain nombre d'informations.
Le nombre candidats est élevé : 360 soit 8 par poste proposé.
L'âge des postulants va de 23 à 64 ans avec une moyenne de 45 ans
Ils sont très majoritairement masculins : 75% d'hommes.
Le ministère des Affaires étrangères distingue quatre types de statuts : les agents titulaires du Quai d'Orsay, ceux bénéficiant d'un CDI, les fonctionnaires d'autres administrations et les agents non titulaires de la fonction publique. La répartition des candidats est la suivante :
- fonctionnaires d'autres administrations : 161 (44%),
- agents non titulaires de la fonction publique : (40%),
- agents titulaires : 50 (14%),
- agents en CDI : 15 (4%).
NB : Il peut avoir une petite marge d'erreur dans ces chiffres en raison de l'existence d'une catégorie "autres" (quelques candidats).
Les candidats peuvent formuler jusqu'à huit vux. Ceux-ci peuvent porter sur d'autres emplois que ceux de COCAC, les chancelleries diplomatiques pour les agents titulaires du ministère des Affaires étrangères ou d'autre postes du réseau (attachés sectoriels, instituts, alliances française).
Au total, 1017 vux ont été formulés, soit, en moyenne, 23 vux par poste :
- agents non titulaires de la fonction publique : 457
- fonctionnaires d'autres administrations : 445
- agents titulaires : 82
- agents en CDI : 33
Dix affectations recueillent plus de 30 vux : République dominicaine : 50 ; Grèce : 41 ; Tunisie (COCAC adjoint) : 40 ; Liban (COCAC adjoint) : 38 ; Etats-Unis : 38 ; Colombie : 32 ; Irlande : 32 ; Irak (COCAC adjoint) : 32 ; Guinée : 30 ; Sri Lanka : 30.
Vingt pays réunissent entre 20 et 30 vux : Russie : 20 ; Djibouti : 20 ; Lituanie : 20 ; Sainte-Lucie : 21 ; Pérou : 22 ; République de Serbie : 22 ; Maroc (COCAC adjoint) : 22 ; Bahreïn : 21 ; Iran : 21 ; Lettonie : 21 ; Brésil : 23 ; Jérusalem/Territoires Palestiniens : 23 ; Chili : 24 ; Haïti : 24 ; Israël : 24 ; Niger : 24 ; Azerbaïdjan : 25 ; Tchad : 27 ; Albanie : 27 ; Slovénie : 28.
A l'opposé, quatre affectations obtiennent moins de 10 vux : Angola : 9 ; Pakistan : 9 ; Turquie : 6 ; Jordanie : 4.
S'agissant du premier vu formulé, dix pays recueillent plus de 10 vux : Tunisie (COCAC adjoint) : 34 ; Tchad : 22 ; Russie : 18 ; Irak (COCAC adjoint) : 16 ; Etats-Unis : 12 ; Egypte : 11 ; Grèce : 11 ; Colombie : 10 ; République dominicaine : 10 ; Sri Lanka : 10, alors que trois postes n'obtiennent aucun premier vu : Angola, Bosnie-Herzégovine et Turquie.
5. Short list
Le ministère des Affaires étrangères procède à une première sélection, la short list.
143 vux ont été présélectionnés pour 39 des 44 postes proposés au mouvement. En effet, certains postes n'ont pas été pourvus (Maroc, Venezuela, Jordanie, Pakistan, Slovénie) en raison de notamment de leur transformation ou de la prolongation du titulaire.
Le plus souvent la short list comprend trois candidatures par poste mais cinq pour la Grèce, la Colombie, la Guinée, Djibouti, la Lituanie, le Brésil ; 6 pour les Etats-Unis, 7 pour la République de Serbie et l'Irlande. Il n'y a qu'une candidature présélectionnée pour le Royaume de Bahreïn.
L'âge va de 28 à 62 ans avec une moyenne de 51 ans soit plus élevée que pour les postulants (45 ans).
Ils sont très majoritairement masculins : 28 femmes soit 80 % d'hommes contre 75 pour les candidatures.
Pour cette première sélection, le ministère des Affaires étrangères a retenu 141 vux sur les 1017 formulés, soit 14%. Ils se répartissent comme suit :
- agents titulaires : 56 vux retenus sur 82 formulés
- agents en CDI : 16 vux sur 33
- fonctionnaires d'autres administrations : 48 sur 457
- agents non titulaires de la fonction publique : 21 sur 445.
6. Commentaires
Nous avons conscience que cette étude ne constitue qu'une approche imparfaite de cette ethnographie des candidats à un poste dans le réseau culturel à l'étranger : l'absence d'informations relatives aux diplômes, à la situation professionnelle, au parcours et aux motivations des postulants limite sa pertinence.
D'une manière générale l'information sur les métiers du réseau culturel à l'étranger reste très générale. Les fiches décrivant chacun des postes proposés sont le plus souvent peu détaillées. Sauf exception, les profils de poste ne précisent pas les vraies questions, les difficultés, les enjeux que les candidats peuvent parfois connaître par leurs réseaux ou, le plus souvent, découvriront quelques mois après leur arrivée en poste. Enfin, il n'est pas certain que se soient les profils publiés qui déterminent les postulants à se porter candidat à tel poste plutôt que tel autre. Leur choix est sans doute lié à des critères personnels, financiers pour certains.
Le total des candidats est élevé : 369 soit 8.4 par poste, tout comme le nombre de vux exprimés (1017 vux ont été formulés, soit, en moyenne, 23 vux pour chaque emploi).
S'agissant des vux formulés, il est intéressant de relever que les postes les mieux dotés en moyens financiers et humains - donc les plus intéressants - ne sont pas plébiscités. Ainsi, la Chine ne recueille que 14 vux dont 6 premiers vux et l'Allemagne 11 vux et seulement 3 en n°1. A l'opposé, la République dominicaine est le pays qui recueille le plus de vux (50 et 10 vux 1) alors que le poste de Saint Domingue ne bénéficie que de moyens très limités.
Le nombre de postulants non titulaires de la fonction publique est important (143) alors les candidatures des agents du Quai d'Orsay (50 titulaires et 15 CDI) sont limitées. Ceux-ci ne manifestent d'ailleurs qu'une appétence limitée pour ces emplois puisque seuls 16 titulaires ont formulé un vu 1 : Etats-Unis (3), Costa Rica (2), Irak (2), Grèce, Guinée, Haïti, Iran, Jérusalem, Egypte, Liban, Maroc, Slovénie (1) mais pas grands postes Chine Allemagne, Russie, Brésil ou Turquie
La présélection du ministère des Affaires étrangères privilégie donc les agents du Quai d'Orsay : 72 vux retenus sur 115 formulés alors que seuls 69 vux ont été choisis sur les 902 exprimés pour les fonctionnaires d'autres administrations et les candidats non titulaires de la fonction publique. Alors que pour ces derniers seuls les premiers vux ont été retenus, les derniers choix des titulaires ont été pris en compte.
Statistiquement, les agents titulaires du Quai d'Orsay ont donc toutes les chances d'obtenir un poste puisqu'il y a plus de vux retenus que de candidats alors pour les fonctionnaires d'autres administrations et les agents non titulaires de la fonction publique la probabilité d'être sectionné n'est que de 7%.
Deux paradoxes peuvent être relevés.
Les agents du ministère sont clairement favorisés dans la présélection alors qu'ils ne manifestent que peu d'intérêt pour les postes de COCAC.
Alors que la politique du ministère privilégie depuis de nombreuses années l'accès aux emplois du réseau à de nouveaux profils (limitant ainsi les agents de l'Education nationale) dépourvus du statut de fonctionnaire (administrateurs et animateurs culturels par exemple), seuls 21 des 445 vux formulés par les 143 candidats non-fonctionnaires ont été retenus.
La diplomatie culturelle repose avant tout sur les agents qui travaillent dans le réseau, sur le terrain. Comme le souligne le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères dans son discours du 16 juillet 2018 lors des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, les conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) exercent un métier passionnant mais difficile : "Manager et gestionnaire, en même temps que conseiller de l'ambassadeur, défricheur de tendances et bâtisseur de projets, vous couvrez une amplitude considérable de métiers et de domaines. Vous dirigez une PME, parfois de taille importante ; vous devez notamment veiller à l'équilibre financier, avec un taux d'autofinancement remarquable, mais avec des ressources propres qui vont et viennent ; vous avez un dialogue social à mener, un ambassadeur à satisfaire ; et vous vous demandez parfois comment assumer l'impact de décisions prises à Paris".
7. Bibliographie
Grémion Pierre, Chenal Odile, Une culture tamisée, les centres et instituts culturels français en Europe, CNRS, Paris, 1980.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Haize Daniel, Diplomatie culturelle : les priorités de la France, Paris, L'Harmattan, 2019.
Lecler Romain, Une diplomatie audiovisuelle à la carte. Ce que les pratiques de recrutement révèlent de la "politique audiovisuelle extérieure" française", Revue internationale de politique comparée, 2016/2 (Vol. 23), p. 175-197. DOI : 10.3917/ripc.232.0175. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2016-2-page-175.htm
Le Drian Jean-Yves, Discours du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, Paris, 16 juillet 2018.
Ministère des Affaires étrangères, Les métiers du réseau culturel et de coopération, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/missions-organisation/le-reseau-de-cooperation-et-d-action-culturelle/les-metiers-du-reseau-de-cooperation-et-d-action-culturelle/
Ministère des Affaires étrangères, Transparence, liste des candidats par offre, 2019.
DIPLOMATIE CULTURELLE : LES PRIORITES DE LA FRANCE
Dans notre thèse puis nos différentes publications, nous avons mis l'accent sur le rôle du réseau culturel à l'étranger et de ses agents dans la conception et la mise en uvre de la diplomatie culturelle de la France.
Le ministère des Affaires étrangères n'en dispose pas moins d'un levier important puisqu'il lui attribue des moyens financiers et humains.
Les crédits géographiques mis en place auprès des postes diplomatiques émanent de deux programmes de la mission Action extérieure de l'Etat : 185, Diplomatie culturelle et d'influence et 209, Solidarité à l'égard des pays en développement.
A la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006, le découpage était géographique : le programme 185 Rayonnement culturel et scientifique avait pour objectif la mise en uvre la coopération avec les Etats membres de l'Union européenne et les grands pays du monde développé. Le programme 209 concernait, quant à lui, les pays éligibles à l'aide publique au développement telle que définie par l'OCDE.
Depuis 2011, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) quelle que soit la zone géographique à laquelle elles s'appliquent. Le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement met en uvre l'aide bilatérale française dans les pays pauvres et soutient également des pays émergents à enjeux globaux.
La ventilation des enveloppes géographiques n'est explicitée dans aucun document officiel, en particulier les bleus budgétaires. Quelques éléments figurent ici ou là, par exemple dans le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel à l'étranger.
L'analyse qui suit porte sur les années 2009 et 2016, en fonction des données que nous avons pu recueillir.
Les moyens humains mis à disposition du réseau sont destinés aux services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises et instituts français de recherche à l'étranger.
Le ministère des Affaires étrangères publie tous les ans au Journal officiel la répartition des emplois dans le réseau en application de l'arrêté du 1er juillet 1996 modifié relatif aux conditions d'application au personnel culturel et de coopération en service à l'étranger du décret 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger. Ces décisions ne prennent pas en compte les volontaires internationaux affectés dans le réseau et, a fortiori les agents recrutés localement. En cohérence avec l'analyse des moyens budgétaires, l'étude porte sur les années 2016 et 2008 en raison des difficultés d'exploitation de la décision de 2009.
Pour des raisons techniques, cet article ne prend pas en compte les tableaux que l'on trouvera dans le fichier PDF situé dans rubrique "articles et contributions de l'auteur".
Moyens financiers
Le montant des moyens alloués aux postes diplomatiques présente une grande disparité puisque, pour l'année 2016, il allait de 7,63 millions d'euros pour le Maroc à 9 500 euros pour Trinité et Tobago.
Seize d'entre eux ont reçu des dotations supérieures à 2 millions d'euros, 29 entre 1 et 2 ; 25 entre 0, 5 et 1 ; 57 entre 0,1 et 0,5 et 24 en dessous de 100 000 euros
La dotation de ces seize postes correspondait à 42% du montant total des enveloppes-pays.
Deux se situaient au dessus de 7 millions d'euros (Maroc et Algérie) ; 5 entre 4 et 5 (Chine, Inde, Tunisie, Brésil et Turquie) ; 3 entre 3 et 4 (Etats-Unis, Allemagne, Russie) ; 6 entre 2 et 3 millions d'euros (Vietnam, Liban, Mexique, Egypte, Jérusalem et Mali).
Le trait saillant de la période 2009-2016 est la baisse des moyens accordés au réseau culturel à l'étranger. Ainsi, pour ces seize postes les mieux dotés, le montant total des enveloppes est passé de 87 millions d'euros en 2009 à 61 millions en 2016, soit une chute de 35% en euros constants.
Seuls deux postes ont bénéficié d'un accroissement de leurs moyens : le Brésil (+23%) et les Etats-Unis (+20).
L'enveloppe pour l'action culturelle et de coopération avec l'Inde est restée globalement stable (-3%). Le Mexique, la Chine et la Turquie ont été relativement épargnés avec une baisse de 15 à 20%.
Par contre, le Maroc, la Tunisie, la Russie et le Vietnam ont perdu plus de 30% de leur budget ; l'Algérie, l'Allemagne, le Liban, Jérusalem et le Mali plus de 40%.
Moyens humains
En 2016, les dix-sept postes dotés de plus de quinze agents ((Equivalent temps plein travaillé - ETPT) ont mobilisé 40% des effectifs du réseau.
Comme pour les moyens financiers, la disparité est grande pour les moyens humains : 60 agents en Chine, 2 au Paraguay.
Quatre postes étaient dotés de 40 à 50 agents en 2016 (Etats-Unis, Inde, Brésil, Allemagne) ; 6 de 20 à 30 (Maroc, Japon, Mexique, Liban, Russie, Espagne) ; 6 de 15 à 20 (Italie, Madagascar, Tunisie, Afrique du sud, Royaume-Uni et Canada).
Les moyens humains accordés à ces postes pour la période 2008-2016 sont également en baisse : ces 17 postes disposaient de 470 ETPT en 2016 contre 499 en 2008, soit une perte de 29 emplois (- 6%). Celle-ci reste toutefois inférieure à celle enregistrée pour l'ensemble du réseau : 1181 ETPT en 2016 contre 1666 en 2008, soit une baisse de 30%.
Seuls trois postes ont vu leur nombre d'agents augmenter : la Chine (+16), le Liban (+8) et l'Inde (+6).
Les baisses les plus prononcées concernent l'Allemagne (-16), l'Italie (-9), le Maroc (-7) et la Russie (-6).
Ensemble des moyens
La somme des moyens financiers et humains montre clairement les priorités géographiques du ministère des Affaires étrangères pour la diplomatie culturelle.
Compte tenu des données figurant dans les Bleus budgétaires, on peut raisonnablement estimer le coût d'un emploi dans le réseau à 100 000 euros par an.
En 2016, vingt-deux étaient dotés de plus de 3 millions d'euros.
Les postes en Chine et au Maroc ont bénéficié des moyens les plus importants (plus de 10 millions d'euros). Ils sont suivis par le Brésil, l'Algérie et l'Inde (plus de 8 millions) puis les Etats-Unis et l'Allemagne (7 millions) et la Tunisie (6 millions).
D'autres ont disposé d'un budget conséquent mais inférieur de moitié à ceux les mieux dotés : Russie, Turquie (5 millions) puis Mexique, Liban, Japon et Vietnam (4 millions).
Enfin, huit postes se situaient entre 3 et 4 millions : l'Egypte, l'Afrique du sud, Jérusalem, le Sénégal, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et Madagascar.
Conclusion
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le bleu budgétaire du programme 185 précise que la politique culturelle et d'influence française à l'étranger vise en particulier le développement des relations avec les pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil) et les pays méditerranéens, mais également avec les "nouveaux émergents" (Afrique du Sud, Indonésie, Vietnam, Colombie, Mexique, Turquie).
La réalité, comme l'on vient de le voir, est différente puisque des postes de grands pays développés comme les Etats-Unis ou le Japon ainsi que de certains pays européens (Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) figurent parmi mes mieux dotés, ce qui n'est pas le cas pour l'Indonésie ou la Colombie.
Il est d'ailleurs fréquemment reproché au ministère des Affaires étrangères son manque de clarté tout en relevant la difficulté de l'exercice : "la définition des priorités géographiques demeure toujours difficile, malgré un besoin ressenti de faire des choix et de rompre avec l'approche universaliste", comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur le réseau culturel à l'étranger.
Il est par exemple possible de s'interroger sur le sens de l'action du réseau dans les pays les plus développés : pour certains, la diffusion de la culture passe de moins en moins par le réseau. C'est une offre commerciale pour un public solvable qui doit être proposée dans les équipements culturels des villes. A cette approche, le ministère des Affaires étrangères oppose, pour justifier une présence dans ces pays, la notion de "pays prescripteurs", censés donner le ton de la vie culturelle mondiale, où se déroulent les débats d'idées et où se jouent les enjeux scientifiques.
Ceci dit, au delà de la question des priorités, ce que l'on retiendra est la dégradation considérable des moyens mis à la disposition du réseau culturel à l'étranger pourtant "cur battant" de la diplomatie culturelle comme le soulignent les députés Michel Herbillon et Sira Sylla dans leur rapport La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?
Bibliographie
Annexe au projet de loi de finances pour 2016, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2015.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013, 160 p.
Décision du 15 juin 2016 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, ww.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2016/6/15/MAEA1615950S/jo/texte
Décision du 1er juillet 2008 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2008/7/1/MAEA0817961S/jo/texte
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Herbillon Michel, Sylla Sira, La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?, Paris, Assemblée nationale, 2018.
Signature :
Daniel HAIZE
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Le ministère des Affaires étrangères n'en dispose pas moins d'un levier important puisqu'il lui attribue des moyens financiers et humains.
Les crédits géographiques mis en place auprès des postes diplomatiques émanent de deux programmes de la mission Action extérieure de l'Etat : 185, Diplomatie culturelle et d'influence et 209, Solidarité à l'égard des pays en développement.
A la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006, le découpage était géographique : le programme 185 Rayonnement culturel et scientifique avait pour objectif la mise en uvre la coopération avec les Etats membres de l'Union européenne et les grands pays du monde développé. Le programme 209 concernait, quant à lui, les pays éligibles à l'aide publique au développement telle que définie par l'OCDE.
Depuis 2011, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) quelle que soit la zone géographique à laquelle elles s'appliquent. Le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement met en uvre l'aide bilatérale française dans les pays pauvres et soutient également des pays émergents à enjeux globaux.
La ventilation des enveloppes géographiques n'est explicitée dans aucun document officiel, en particulier les bleus budgétaires. Quelques éléments figurent ici ou là, par exemple dans le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel à l'étranger.
L'analyse qui suit porte sur les années 2009 et 2016, en fonction des données que nous avons pu recueillir.
Les moyens humains mis à disposition du réseau sont destinés aux services de coopération et d'action culturelle, instituts français, alliances françaises et instituts français de recherche à l'étranger.
Le ministère des Affaires étrangères publie tous les ans au Journal officiel la répartition des emplois dans le réseau en application de l'arrêté du 1er juillet 1996 modifié relatif aux conditions d'application au personnel culturel et de coopération en service à l'étranger du décret 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger. Ces décisions ne prennent pas en compte les volontaires internationaux affectés dans le réseau et, a fortiori les agents recrutés localement. En cohérence avec l'analyse des moyens budgétaires, l'étude porte sur les années 2016 et 2008 en raison des difficultés d'exploitation de la décision de 2009.
Pour des raisons techniques, cet article ne prend pas en compte les tableaux que l'on trouvera dans le fichier PDF situé dans rubrique "articles et contributions de l'auteur".
Moyens financiers
Le montant des moyens alloués aux postes diplomatiques présente une grande disparité puisque, pour l'année 2016, il allait de 7,63 millions d'euros pour le Maroc à 9 500 euros pour Trinité et Tobago.
Seize d'entre eux ont reçu des dotations supérieures à 2 millions d'euros, 29 entre 1 et 2 ; 25 entre 0, 5 et 1 ; 57 entre 0,1 et 0,5 et 24 en dessous de 100 000 euros
La dotation de ces seize postes correspondait à 42% du montant total des enveloppes-pays.
Deux se situaient au dessus de 7 millions d'euros (Maroc et Algérie) ; 5 entre 4 et 5 (Chine, Inde, Tunisie, Brésil et Turquie) ; 3 entre 3 et 4 (Etats-Unis, Allemagne, Russie) ; 6 entre 2 et 3 millions d'euros (Vietnam, Liban, Mexique, Egypte, Jérusalem et Mali).
Le trait saillant de la période 2009-2016 est la baisse des moyens accordés au réseau culturel à l'étranger. Ainsi, pour ces seize postes les mieux dotés, le montant total des enveloppes est passé de 87 millions d'euros en 2009 à 61 millions en 2016, soit une chute de 35% en euros constants.
Seuls deux postes ont bénéficié d'un accroissement de leurs moyens : le Brésil (+23%) et les Etats-Unis (+20).
L'enveloppe pour l'action culturelle et de coopération avec l'Inde est restée globalement stable (-3%). Le Mexique, la Chine et la Turquie ont été relativement épargnés avec une baisse de 15 à 20%.
Par contre, le Maroc, la Tunisie, la Russie et le Vietnam ont perdu plus de 30% de leur budget ; l'Algérie, l'Allemagne, le Liban, Jérusalem et le Mali plus de 40%.
Moyens humains
En 2016, les dix-sept postes dotés de plus de quinze agents ((Equivalent temps plein travaillé - ETPT) ont mobilisé 40% des effectifs du réseau.
Comme pour les moyens financiers, la disparité est grande pour les moyens humains : 60 agents en Chine, 2 au Paraguay.
Quatre postes étaient dotés de 40 à 50 agents en 2016 (Etats-Unis, Inde, Brésil, Allemagne) ; 6 de 20 à 30 (Maroc, Japon, Mexique, Liban, Russie, Espagne) ; 6 de 15 à 20 (Italie, Madagascar, Tunisie, Afrique du sud, Royaume-Uni et Canada).
Les moyens humains accordés à ces postes pour la période 2008-2016 sont également en baisse : ces 17 postes disposaient de 470 ETPT en 2016 contre 499 en 2008, soit une perte de 29 emplois (- 6%). Celle-ci reste toutefois inférieure à celle enregistrée pour l'ensemble du réseau : 1181 ETPT en 2016 contre 1666 en 2008, soit une baisse de 30%.
Seuls trois postes ont vu leur nombre d'agents augmenter : la Chine (+16), le Liban (+8) et l'Inde (+6).
Les baisses les plus prononcées concernent l'Allemagne (-16), l'Italie (-9), le Maroc (-7) et la Russie (-6).
Ensemble des moyens
La somme des moyens financiers et humains montre clairement les priorités géographiques du ministère des Affaires étrangères pour la diplomatie culturelle.
Compte tenu des données figurant dans les Bleus budgétaires, on peut raisonnablement estimer le coût d'un emploi dans le réseau à 100 000 euros par an.
En 2016, vingt-deux étaient dotés de plus de 3 millions d'euros.
Les postes en Chine et au Maroc ont bénéficié des moyens les plus importants (plus de 10 millions d'euros). Ils sont suivis par le Brésil, l'Algérie et l'Inde (plus de 8 millions) puis les Etats-Unis et l'Allemagne (7 millions) et la Tunisie (6 millions).
D'autres ont disposé d'un budget conséquent mais inférieur de moitié à ceux les mieux dotés : Russie, Turquie (5 millions) puis Mexique, Liban, Japon et Vietnam (4 millions).
Enfin, huit postes se situaient entre 3 et 4 millions : l'Egypte, l'Afrique du sud, Jérusalem, le Sénégal, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et Madagascar.
Conclusion
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le bleu budgétaire du programme 185 précise que la politique culturelle et d'influence française à l'étranger vise en particulier le développement des relations avec les pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil) et les pays méditerranéens, mais également avec les "nouveaux émergents" (Afrique du Sud, Indonésie, Vietnam, Colombie, Mexique, Turquie).
La réalité, comme l'on vient de le voir, est différente puisque des postes de grands pays développés comme les Etats-Unis ou le Japon ainsi que de certains pays européens (Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) figurent parmi mes mieux dotés, ce qui n'est pas le cas pour l'Indonésie ou la Colombie.
Il est d'ailleurs fréquemment reproché au ministère des Affaires étrangères son manque de clarté tout en relevant la difficulté de l'exercice : "la définition des priorités géographiques demeure toujours difficile, malgré un besoin ressenti de faire des choix et de rompre avec l'approche universaliste", comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur le réseau culturel à l'étranger.
Il est par exemple possible de s'interroger sur le sens de l'action du réseau dans les pays les plus développés : pour certains, la diffusion de la culture passe de moins en moins par le réseau. C'est une offre commerciale pour un public solvable qui doit être proposée dans les équipements culturels des villes. A cette approche, le ministère des Affaires étrangères oppose, pour justifier une présence dans ces pays, la notion de "pays prescripteurs", censés donner le ton de la vie culturelle mondiale, où se déroulent les débats d'idées et où se jouent les enjeux scientifiques.
Ceci dit, au delà de la question des priorités, ce que l'on retiendra est la dégradation considérable des moyens mis à la disposition du réseau culturel à l'étranger pourtant "cur battant" de la diplomatie culturelle comme le soulignent les députés Michel Herbillon et Sira Sylla dans leur rapport La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?
Bibliographie
Annexe au projet de loi de finances pour 2016, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2015.
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013, 160 p.
Décision du 15 juin 2016 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, ww.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2016/6/15/MAEA1615950S/jo/texte
Décision du 1er juillet 2008 fixant la répartition des emplois du réseau culturel et de coopération, www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2008/7/1/MAEA0817961S/jo/texte
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012.
Herbillon Michel, Sylla Sira, La diplomatie culturelle et d'influence de la France : quelle stratégie à dix ans ?, Paris, Assemblée nationale, 2018.
Signature :
Daniel HAIZE
LA DIPLOMATIE CULTURELLE DE LA FRANCE DE 1995 A NOS JOURS : PRINCIPAUX REPERES
Publié en 1995 à l'occasion de cinquantième anniversaire de la direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques, l'ouvrage Histoires de diplomatie culturelle des origines à 1995 retrace l'évolution de cette structure du ministère des Affaires étrangères et plus globalement celle de la diplomatie culturelle de la France.
Cet article se propose d'analyser les principales transformations intervenues depuis cette date : l'élargissement des compétences de la direction générale, son externalisation croissante, l'organisation du réseau culturel à l'étranger, la professionnalisation des agents du réseau et enfin la diminution des moyens financiers et humains.
Cette étude approfondit et actualise un certain nombre d'éléments développés dans notre thèse L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes et les différents articles publiés postérieurement.
1. L'élargissement des compétences de la direction générale
Créée par l'ordonnance 45-675 du 13 avril 1945, la direction générale des relations culturelles et des uvres articulait ses activités autour d'un noyau de base (promotion de la langue française, échanges culturels et artistiques) autour duquel se sont progressivement agrégées la coopération technique en 1956 avec la création de la direction générale des affaires culturelles et techniques (DGACT) puis en 1969 la coopération scientifique avec la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST).
Au cours de sa trentaine d'années d'existence, si la DGRCST a connu de nombreuses réformes, elle est restée articulée autour de cinq pôles principaux : diffusion de la langue française, coopération scientifique et technique, échanges culturels, audiovisuel à partir de 1982 et enseignement scolaire français jusqu'à la fin des années 1980.
En 1999 naissait la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), conséquence de la fusion de la DGRCST et des services du ministère de la Coopération (décret 98-1124 du 10 décembre 1998 et arrêté du même jour).
Créée en 2009 (décret 2009-291 du 16 mars 2009 et arrêté du même jour), la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) résulte de la fusion de la DGCID avec la direction des affaires économiques et les services économiques de la direction des Nations unies du ministère des Affaires étrangères. Conséquence du rattachement du commerce extérieur et du tourisme au ministère des Affaires étrangères, la DGM devient la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (décret 2015-1726 du 22 décembre 2015). L'arrêté du même jour structure la DGM en trois directions : entreprises, économie internationale, promotion du tourisme ; développement durable ; culture, enseignement, recherche et réseau et trois délégations : action extérieure des collectivités territoriales, relations avec la société civile et les partenariats, programmes et opérateurs.
De sa création en 1945 à 1998, la direction générale a donc considérablement élargi son périmètre d'action, tout en restant dans la sphère culturelle au sens large. A partir de cette date, elle s'est vue adjoindre des domaines extérieurs à son champ de compétence initial : l'aide au développement en 1999, puis, en 2009 les questions économiques et enfin, en 2014, le commerce extérieur et la promotion du tourisme.
A l'inverse, s'est vue amputée de la gestion des agents du réseau culturel à l'étranger puis de l'audiovisuel extérieur. En 1993, la gestion des agents du réseau a été transférée à la direction générale de l'administration du ministère des Affaires étrangères. La spécificité des "emplois culturels" a donc disparu alors que la perte du recrutement des agents par la direction générale a amputé une large part de sa capacité à conduire l'action culturelle extérieure. En 2009, les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ont été transférés au ministère de la Culture et de la Communication. Cette décision, qui ne présentait pas de caractère stratégique, a toutefois concrètement abouti à priver la direction générale d'un pan important de la diplomatie culturelle.
Même si après avoir été escamotée lors de la création de la DGCID, la référence "culturelle" est réapparue dans l'appellation de la DGM de 2015, il n'y a plus aujourd'hui qu'une seule direction traitant de la diplomatie culturelle alors qu'elle représentait la totalité de l'activité de la DGRCST. La diplomatie culturelle se trouve donc aujourd'hui diluée dans un vaste ensemble. Pour la Cour des comptes, la DGM est une administration dont l'efficacité pâtit de l'étendue de ses compétences, pour Christian Lesquesne c'est "une unité patchwork".
2. Une externalisation croissante
Dès son origine, la direction générale s'est entourée d'un ensemble de satellites spécialisés comme l'Association française d'action artistique (AFAA), l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP) ou l'Association pour l'accueil des personnalités étrangères (APAPE).
Cette externalisation s'est considérablement développée à partir des années quatre-vingt-dix qui ont vu naitre deux nouveaux opérateurs : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (1990) puis l'Agence française de développement (1998). Une deuxième vague d'externalisation est intervenue dans les années deux mille avec la création de France Coopération Internationale en 2002, CulturesFrance en 2006 et Campus France en 2007. La troisième vague fait suite à la loi 2010-873 du 7 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État créant trois nouvelles agences : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), une vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France) et une pour la promotion de l'expertise internationale française (France Expertise Internationale devenue Expertise France).
La création des nouvelles agences en 2010 apparait plus comme une réorganisation par la transformation ou la fusion de structures existantes qu'une véritable restructuration. Cette réforme substitue donc davantage qu'elle ne crée. La véritable nouveauté est le choix de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) plutôt que celui d'établissement public à caractère administratif (EPA), sous-tendu par des considérations financières : un EPIC peut recevoir des financements complémentaires à ceux de l'État en baisse constante. Les résultats paraissent toutefois limités : le mécénat et les partenariats n'ont rapporté que 3,9 millions d'euros à l'Institut français en 2016 (soit 11 % du budget), après 2,48 en 2015 (soit 6% du budget).
Etendard de la réforme de 2010, l'Institut français se devait être le "British Council à la française", la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. Ce projet a finalement avorté et le réseau culturel à l'étranger continue faire partie intégrante des ambassades, "sans supprimer pour autant l'Institut français dont le rôle est devenu superflu", comme le relève Christian Lequesne.
L'externalisation a entrainé un accroissement des transferts de compétence de la direction générale vers les agences : les subventions pour charges de service public aux trois principales agences s'élèvent en 2018 à 464 millions d'euros soit 65% des crédits du programme 185. Ainsi, l'ensemble de l'enseignement français à l'étranger est désormais sous la responsabilité de l'AEFE. Campus France traite pour le compte du ministère des Affaires étrangères non seulement des bourses attribuées aux étudiants et stagiaires étrangers mais également de celles destinées aux étudiants et jeunes chercheurs français, des programmes de mobilité financés par le ministère des Affaires étrangères (bourses Eiffel), des invitations de personnalités étrangères pour des visites, séminaires et conférences, les missions d'experts français à l'étranger, des programmes d'actions intégrées pour les échanges de chercheurs entre laboratoires français et étrangers, etc. Outre les aspects artistiques, l'Institut français a élargi les compétences déjà transférées à CulturesFrance (promotion du cinéma patrimonial et du documentaire puis du livre et de l'écrit) pour couvrir l'ensemble des domaines culturels ainsi que l'enseignement du français.
Ceci dit, pour être efficiente, la mise en uvre d'une telle externalisation implique que le ministère des Affaires étrangères puisse exercer un pilotage stratégique et une tutelle effective des agences. Même si la loi de 2010 prévoit l'élaboration de conventions pluriannuelles entre l'État et chaque établissement public définissant, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires, les agences, qui disposent de leur propre budget et de leurs ressources humaines, ont acquis une telle force logistique qu'elles échappent de fait au pilotage de la direction générale qui ne paraît d'ailleurs ni avoir la capacité ni les moyens de mener à bien une telle tâche.
3. L'organisation du réseau culturel à l'étranger
Le réseau culturel à l'étranger n'est pas un simple exécutant d'une politique qui serait décidée à Paris. Comme le soulignent deux directeurs généraux de la DGCID, Il exerce un rôle cardinal dans la politique culturelle extérieure de la France :
Bruno Delaye : "Ne jamais oublier que les bureaux parisiens sont d'abord au service des postes, du réseau, des ambassades. Nous sommes d'abord là pour les aider et non pas pour les empêcher de travailler. Leurs résultats sur le terrain sont notre raison d'être".
Anne Gazeau Secret : "Ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile".
Le réseau culturel à l'étranger est en fait un triple réseau : celui des services de coopération et d'action culturelle (SCAC), celui des instituts français et celui des alliances françaises.
Chaque ambassade ou presque dispose d'un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) dirigé par un conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC). Collaborateur direct de l'ambassadeur, il définit et met en uvre de la politique de coopération dans les domaines culturel, linguistique, universitaire, scientifique et technique. Il assure la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels et de recherche placés sous son autorité, définit et répartit les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives, assure par délégation de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) la tutelle des établissements d'enseignement.
Au nombre de 98, les instituts français sont des établissements dotés de l'autonomie financière qui, sans leur conférer la personnalité juridique, donnent à leur directeur la qualité d'ordonnateur et la responsabilité du budget dévolu à l'établissement. Ils assument trois fonctions principales : l'enseignement de la langue français, la diffusion culturelle et la fourniture d'informations sur la France. Ils sont financés majoritairement par leurs recettes propres (cours de français langue étrangère et partenariats).
Il existe enfin un réseau privé, celui des alliances françaises. Il s'agit d'associations de droit privé local, coordonnées par la Fondation Alliance française mais indépendantes tant statutairement que financièrement. Une partie d'entre elles (363 sur un total de 800 dans le monde) a conclu une convention avec l'ambassade ce qui leur permet de recevoir une aide notamment à travers la mise à disposition de directeurs rémunérés par le ministère des Affaires étrangères. Leurs missions sont globalement identiques à celles des instituts français.
Un premier mouvement de fusion des éléments du réseau culturel a été engagé en 1994 avec la création des centres de coopération culturels et linguistiques (CCCL) puis des centres culturels et de coopération (CCC) regroupant les services culturels et les instituts. Beaucoup de ces structures ont été démantelées au début des années 2000, faute d'existence réglementaire et en raison des contradictions avec la réforme du système comptable à l'étranger qui renforçait le rôle de l'ambassadeur en en faisant l'ordonnateur secondaire unique des dépenses dans son poste.
Pourtant, en 2009, un établissement unique dirigé par le conseiller culturel, doté de l'autonomie financière et regroupant le service de coopération et d'action culturelle et l'institut français a été créé dans chaque pays. Cette nouvelle structuration du réseau répondait à une double préoccupation : donner un label unique au dispositif et bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion : face à la raréfaction des financements publics, le nouvel établissement serait mieux à même de lever des fonds privés.
Sur le terrain, l'impact de cette dernière réforme, qui n'est donc que la reprise de celle des années quatre-vingt-dix, ne parait guère significatif. Surtout elle s'avère être entachée de nullité. En effet, le régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière déroge à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régulariser cette situation avant la fin de l'année 2014, demande réitérée en novembre 2016 alors que les différentes pistes explorées par le ministère des Affaires étrangères paraissent comporter plus d'inconvénients que d'avantages.
Ceci dit, la création d'établissements uniques a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires étrangères. D'une part, les emplois de conseiller culturel et de directeur d'institut ont été fusionnés. Surtout, comme il le reconnaît, cette nouvelle structure, est fréquemment amenée à prendre en charge sur ses recettes propres des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées. La réforme de l'organisation du réseau permet donc à la direction générale de se défausser d'une partie de ses responsabilités en faisant prendre en charge par les établissements des actions dont le financement lui incombe normalement.
4. La professionnalisation des agents du réseau
Il existe un très large consensus quant à l'importance du rôle exercé par les agents du réseau dans la politique culturelle extérieure. Plusieurs responsables de la direction générale se sont ainsi exprimés :
François Roche : "L'efficacité de la diplomatie culturelle dépend de la qualité de ses acteurs [ ] ils conduisent les relations culturelles scientifiques et techniques de la France".
Alain Bry : " la compétence des femmes et des hommes [ ] est difficilement discutable. Les questions ne se posent pas en termes de structures ou de budgets, la performance de la diplomatie culturelle dépendra de la qualité des femmes et des hommes qui vont uvrer dans ces structures et utiliser ces budgets".
L'originalité du réseau culturel à l'étranger est d'être majoritairement composée d'agents contractuels, détachés d'autres administrations ou d'agents non titulaires de la fonction publique.
Pendant de nombreuses années, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale ont constitué la quasi totalité des agents du réseau. Au tournant des deux siècles, la politique des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant, en particulier, des personnels non fonctionnaires spécialistes de l'animation culturelle et la nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay.
Toutefois, le ministère des Affaires étrangères s'est trouvé confronté d'une part au faible attrait des d'agents du Quai d'Orsay pour une affectation dans le réseau culturel à l'étranger et surtout, conséquence de la transcription en droit français de la directive européenne 99/70 du 28 juin 1999 concernant le travail à durée déterminée dans la fonction publique (loi dite Dutreil de 2005), à l'obligation d'offrir un contrat à durée indéterminée au bout de six ans de services ininterrompus en contrat à durée déterminée.
Le ministère des Affaires étrangères aurait pu procéder à la "cédéisation" des contractuels ou leur faire bénéficier des dispositions de la loi dite Sauvadet qui facilite l'accès des agents contractuels de la fonction publique à l'emploi titulaire. Mais, dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, les agents sont remerciés pour être remplacés par de nouvelles recrues. Cette pratique de contrats "kleenex", comme les qualifie le syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères, non seulement le prive de compétences - les exemples ne manquent pas d'agents qui, bien que très appréciés, doivent quitter leurs fonctions sans assurance de trouver un emploi - mais s'avère en outre coûteuse : en 2012, près de la moitié des contractuels du réseau ayant terminé leur contrat ont connu une période de chômage indemnisée par le ministère.
Le ministère des Affaires étrangères fait donc le choix de se séparer d'agents qualifiés et expérimentés plutôt que de leur offrir une véritable perspective de carrière. Or, les agents du réseau exercent des métiers de savoir faire qui s'acquiert progressivement sur le terrain au fil des postes occupés, par accumulation d'expériences. Leur professionnalisation, gage de performance, passe donc par l'organisation de leur parcours professionnel.
Une telle problématique a été clairement exprimée à plusieurs reprises. Ainsi, le quatrième axe la réforme Juppé-Lévitte de 1994 proposait pour les agents "un véritable plan de carrière et un épanouissement professionnel sans rupture entre le séjour à l'étranger et le retour en France". Plus récemment, le ministre Bernard Kouchner déclarait vouloir profondément renouveler et moderniser la gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel, " l'objectif étant de constituer et de conserver un vivier d'agents motivés et compétents, et de leur assurer un parcours professionnel dans leur métier, en concertation avec tous les acteurs de la politique culturelle extérieure".
Malheureusement ces idées sont restées lettre morte alors que, comme le souligne la Cour des comptes, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ses compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau". A cet égard, celle-ci relève que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau comporte de nombreux inconvénients et recommande de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
5. Des moyens budgétaires et humains en berne
L'évolution des moyens financiers et humains consacrés à la diplomatie culturelle est complexe à cerner en raison des différentes restructurations intervenues au sein du ministère des Affaires étrangères puis de la nouvelle organisation budgétaire en missions et programmes avec l'introduction de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006. Par exemple, le budget de la DGRCST ne prenait pas en compte les coûts de rémunération des agents mais incluait les crédits pour l'audiovisuel extérieur qui n'est plus de la compétence de la DGM, le programme Diplomatie culturelle et d'influence inclut des actions comme objectifs de développement durable ou diplomatie économique et développement du tourisme qui n'étaient pas dans le périmètre de la DGRCST dont le champ d'intervention ne comprenait pas les pays en développement alors que la DGM est compétente pour l'ensemble du monde.
Ceci dit, la mise en parallèle d'un certain nombre d'éléments chiffrés éclaire la diminution inexorable des moyens consacrés à l'action culturelle extérieure. En 1995, le budget de la DGRCST s'élevait à 5,3 milliards de francs, soit 35 % du budget du ministère des Affaires étrangères. En 2018, le programme Diplomatie culturelle et d'influence est doté de 717 millions d'euros, soit 24 % de la mission Action extérieure de l'État. En valeur constante le budget consacré à la diplomatie culturelle en 2018 est inférieur de plus de 30% à celui de 1995. Plus précisément, en 1995, le budget destiné à la coopération culturelle et linguistique s'élevait à 1,5 milliards de francs soit 255 millions d'euros, valeur constante 2017. Pour sa part, la coopération scientifique et technique était dotée de 1,4 milliards de francs, soit 275 millions d'euros, valeur constante 2017. En 2018, l'action Coopération culturelle et promotion du français est créditée de 62 millions d'euros, celle consacrée à Enseignement supérieur et recherche de 102 millions d'euros, soit à périmètre globalement identique une chute de l'ordre respectivement de 80 et 60%.
L'analyse de l'évolution du programme Diplomatie culturelle et d'influence mis en uvre depuis 2011 permet des comparaisons fiables. Ce programme, dont les crédits ont diminué de 5% en huit ans (717,50 millions d'euros en 2018 contre 757,61 en 2011), regroupe en fait trois types d'actions : la diplomatie culturelle proprement dite, le service public d'enseignement à l'étranger et, depuis 2015, la diplomatie économique et le développement du tourisme. En ne prenant pas en compte les actions Agence pour l'enseignement français l'étranger et Diplomatie économique et développement du tourisme, les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15% en euros courants, passant de 336,81 en 2011 à 286,11 millions d'euros en 2018, et de plus de 20% en euros constants. Plus précisément, les crédits destinés à la diplomatie culturelle ont évolués comme suit : coopération culturelle et promotion du français - 18%, dépenses de personnel - 17, appui au réseau -13, Enseignement supérieur et recherche - 7%.
Comme nous l'avons montré dans l'étude de mars 2017 (Les moyens de la diplomatie culturelle ou comment se tirer une balle dans le pied), cette dégradation des moyens affecte particulièrement le réseau culturel à l'étranger. En 2009, les crédits mis à la disposition des services culturels des ambassades au titre du programme Rayonnement culturel et scientifique s'élevaient à 53,14 millions d'euros. En 2016, pour mêmes pays du programme Diplomatie culturelle et d'influence, la somme des moyens destinés aux postes est 29,89 millions d'euros, soit une chute de 44% en sept ans, sans prise en compte de l'inflation de 7% sur la période.
Si quelques rares postes comme les Etats-Unis ou le Brésil ont bénéficié d'un accroissement de leurs moyens de l'ordre de 20%, la plupart voient ceux-ci chuter : l'Allemagne, l'Algérie, le Liban, le Maroc ont vu leurs dotations chuter réduites de plus de 40%.
Pour pallier à cette évolution récurrente depuis de très nombreuses années, le ministère des Affaires étrangères encourage la "dynamisation des ressources externes". Le réseau culturel participe ainsi largement au financement de la diplomatie culturelle : les ressources propres des instituts français (activités de cours et l'organisation des examens de certification) ont atteint 128,5 millions d'euros en 2016 et les cofinancements (contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération : projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) 161,2 millions d'euros, montant particulièrement significatif puisque le budget consacré la même année aux deux actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche s'élevait à 166 millions d'euros.
L'évolution des ressources humaines suit la même tendance. En 1995, le ministère des Affaires étrangères recensait 1400 emplois "culturels". En 2018, le programme Diplomatie culturelle et d'influence ne comporte plus que 734 agents.
Si, comme pour les crédits, les comparaisons sont délicates en raison des changements de périmètre intervenus, l'évolution est significative pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence de 2011 à 2018 : l'effectif des agents en CDD et volontaires internationaux qui constituent l'essentiel des agents du réseau (services de coopération et d'action culturelle, établissements culturels, alliances françaises et centres de recherche) est passé de 760 à 567 soit une chute de 25%. A titre d'exemple, le réseau culturel en Allemagne comprenait 80 agents, hors VSN en 1995. En 2016, il n'y avait plus que 41 postes, hors volontaires internationaux.
Conclusions
La diplomatie culturelle moderne a été conçue avec volontarisme en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, afin de contribuer à la restauration de l'influence de la France dans le monde.
Au fil du temps, l'ambition initiale s'est étiolée pour faire place à des réformes de tuyauterie administrative sans véritable impact sur la performance de cette politique publique.
Alors que le ministère des Affaires étrangères ne fait guère cas des agents du réseau qui pourtant forgent la diplomatie culturelle sur le terrain celle-ci pâtit d'une chute inexorable de ses moyens tant humains que financiers et d'une dépendance croissante vis-à-vis des financements extrabudgétaires.
Plus subie que désirée, la diplomatie culturelle n'est plus aujourd'hui une priorité de la politique étrangère de la France.
Bibliographie
Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2017. (et années antérieures)
Bry Alain, La Cendrillon culturelle du Quai d'Orsay, avril 1945-décembre 1998, impr. Grou-Radenez, Paris, 1999, 423 p.
CFDT-MAE, Contractuels et fonctions pérennes : la CFDT-MAE dénonce la politique "kleenex" du Département, 19 octobre 2017, http://www.cfdt-mae.fr/
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013, 160 p.
Delaye Bruno, Discours prononcé à l'occasion de la rencontre du ministre des Affaires étrangères avec les agents de la DGCID, 19 avril 2001.
Gazeau-Secret Anne, Re-donner à notre pays sa juste place dans le monde, Défense n°140, 2009, pp. 19-21.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012, 285 p.
Kouchner Bernard, Intervention prononcée à l'occasion des Journées du réseau français à l'étranger, 16 juillet 2009.
Lequesne Christian, Ethnographie du Quai d'Orsay : les pratiques des diplomates français, Paris, CNRS éditions, 2017, 255 p.
Roche François, Pigniau Bernard, Histoires de diplomatie culturelle des origines à 1995, ministère des Affaires étrangères, ADPF- La Documentation française, 1995, Paris, 295 p.
Signature :
Daniel HAIZE
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Cet article se propose d'analyser les principales transformations intervenues depuis cette date : l'élargissement des compétences de la direction générale, son externalisation croissante, l'organisation du réseau culturel à l'étranger, la professionnalisation des agents du réseau et enfin la diminution des moyens financiers et humains.
Cette étude approfondit et actualise un certain nombre d'éléments développés dans notre thèse L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes et les différents articles publiés postérieurement.
1. L'élargissement des compétences de la direction générale
Créée par l'ordonnance 45-675 du 13 avril 1945, la direction générale des relations culturelles et des uvres articulait ses activités autour d'un noyau de base (promotion de la langue française, échanges culturels et artistiques) autour duquel se sont progressivement agrégées la coopération technique en 1956 avec la création de la direction générale des affaires culturelles et techniques (DGACT) puis en 1969 la coopération scientifique avec la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST).
Au cours de sa trentaine d'années d'existence, si la DGRCST a connu de nombreuses réformes, elle est restée articulée autour de cinq pôles principaux : diffusion de la langue française, coopération scientifique et technique, échanges culturels, audiovisuel à partir de 1982 et enseignement scolaire français jusqu'à la fin des années 1980.
En 1999 naissait la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), conséquence de la fusion de la DGRCST et des services du ministère de la Coopération (décret 98-1124 du 10 décembre 1998 et arrêté du même jour).
Créée en 2009 (décret 2009-291 du 16 mars 2009 et arrêté du même jour), la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) résulte de la fusion de la DGCID avec la direction des affaires économiques et les services économiques de la direction des Nations unies du ministère des Affaires étrangères. Conséquence du rattachement du commerce extérieur et du tourisme au ministère des Affaires étrangères, la DGM devient la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (décret 2015-1726 du 22 décembre 2015). L'arrêté du même jour structure la DGM en trois directions : entreprises, économie internationale, promotion du tourisme ; développement durable ; culture, enseignement, recherche et réseau et trois délégations : action extérieure des collectivités territoriales, relations avec la société civile et les partenariats, programmes et opérateurs.
De sa création en 1945 à 1998, la direction générale a donc considérablement élargi son périmètre d'action, tout en restant dans la sphère culturelle au sens large. A partir de cette date, elle s'est vue adjoindre des domaines extérieurs à son champ de compétence initial : l'aide au développement en 1999, puis, en 2009 les questions économiques et enfin, en 2014, le commerce extérieur et la promotion du tourisme.
A l'inverse, s'est vue amputée de la gestion des agents du réseau culturel à l'étranger puis de l'audiovisuel extérieur. En 1993, la gestion des agents du réseau a été transférée à la direction générale de l'administration du ministère des Affaires étrangères. La spécificité des "emplois culturels" a donc disparu alors que la perte du recrutement des agents par la direction générale a amputé une large part de sa capacité à conduire l'action culturelle extérieure. En 2009, les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ont été transférés au ministère de la Culture et de la Communication. Cette décision, qui ne présentait pas de caractère stratégique, a toutefois concrètement abouti à priver la direction générale d'un pan important de la diplomatie culturelle.
Même si après avoir été escamotée lors de la création de la DGCID, la référence "culturelle" est réapparue dans l'appellation de la DGM de 2015, il n'y a plus aujourd'hui qu'une seule direction traitant de la diplomatie culturelle alors qu'elle représentait la totalité de l'activité de la DGRCST. La diplomatie culturelle se trouve donc aujourd'hui diluée dans un vaste ensemble. Pour la Cour des comptes, la DGM est une administration dont l'efficacité pâtit de l'étendue de ses compétences, pour Christian Lesquesne c'est "une unité patchwork".
2. Une externalisation croissante
Dès son origine, la direction générale s'est entourée d'un ensemble de satellites spécialisés comme l'Association française d'action artistique (AFAA), l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP) ou l'Association pour l'accueil des personnalités étrangères (APAPE).
Cette externalisation s'est considérablement développée à partir des années quatre-vingt-dix qui ont vu naitre deux nouveaux opérateurs : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (1990) puis l'Agence française de développement (1998). Une deuxième vague d'externalisation est intervenue dans les années deux mille avec la création de France Coopération Internationale en 2002, CulturesFrance en 2006 et Campus France en 2007. La troisième vague fait suite à la loi 2010-873 du 7 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État créant trois nouvelles agences : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), une vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France) et une pour la promotion de l'expertise internationale française (France Expertise Internationale devenue Expertise France).
La création des nouvelles agences en 2010 apparait plus comme une réorganisation par la transformation ou la fusion de structures existantes qu'une véritable restructuration. Cette réforme substitue donc davantage qu'elle ne crée. La véritable nouveauté est le choix de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) plutôt que celui d'établissement public à caractère administratif (EPA), sous-tendu par des considérations financières : un EPIC peut recevoir des financements complémentaires à ceux de l'État en baisse constante. Les résultats paraissent toutefois limités : le mécénat et les partenariats n'ont rapporté que 3,9 millions d'euros à l'Institut français en 2016 (soit 11 % du budget), après 2,48 en 2015 (soit 6% du budget).
Etendard de la réforme de 2010, l'Institut français se devait être le "British Council à la française", la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. Ce projet a finalement avorté et le réseau culturel à l'étranger continue faire partie intégrante des ambassades, "sans supprimer pour autant l'Institut français dont le rôle est devenu superflu", comme le relève Christian Lequesne.
L'externalisation a entrainé un accroissement des transferts de compétence de la direction générale vers les agences : les subventions pour charges de service public aux trois principales agences s'élèvent en 2018 à 464 millions d'euros soit 65% des crédits du programme 185. Ainsi, l'ensemble de l'enseignement français à l'étranger est désormais sous la responsabilité de l'AEFE. Campus France traite pour le compte du ministère des Affaires étrangères non seulement des bourses attribuées aux étudiants et stagiaires étrangers mais également de celles destinées aux étudiants et jeunes chercheurs français, des programmes de mobilité financés par le ministère des Affaires étrangères (bourses Eiffel), des invitations de personnalités étrangères pour des visites, séminaires et conférences, les missions d'experts français à l'étranger, des programmes d'actions intégrées pour les échanges de chercheurs entre laboratoires français et étrangers, etc. Outre les aspects artistiques, l'Institut français a élargi les compétences déjà transférées à CulturesFrance (promotion du cinéma patrimonial et du documentaire puis du livre et de l'écrit) pour couvrir l'ensemble des domaines culturels ainsi que l'enseignement du français.
Ceci dit, pour être efficiente, la mise en uvre d'une telle externalisation implique que le ministère des Affaires étrangères puisse exercer un pilotage stratégique et une tutelle effective des agences. Même si la loi de 2010 prévoit l'élaboration de conventions pluriannuelles entre l'État et chaque établissement public définissant, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires, les agences, qui disposent de leur propre budget et de leurs ressources humaines, ont acquis une telle force logistique qu'elles échappent de fait au pilotage de la direction générale qui ne paraît d'ailleurs ni avoir la capacité ni les moyens de mener à bien une telle tâche.
3. L'organisation du réseau culturel à l'étranger
Le réseau culturel à l'étranger n'est pas un simple exécutant d'une politique qui serait décidée à Paris. Comme le soulignent deux directeurs généraux de la DGCID, Il exerce un rôle cardinal dans la politique culturelle extérieure de la France :
Bruno Delaye : "Ne jamais oublier que les bureaux parisiens sont d'abord au service des postes, du réseau, des ambassades. Nous sommes d'abord là pour les aider et non pas pour les empêcher de travailler. Leurs résultats sur le terrain sont notre raison d'être".
Anne Gazeau Secret : "Ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile".
Le réseau culturel à l'étranger est en fait un triple réseau : celui des services de coopération et d'action culturelle (SCAC), celui des instituts français et celui des alliances françaises.
Chaque ambassade ou presque dispose d'un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) dirigé par un conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC). Collaborateur direct de l'ambassadeur, il définit et met en uvre de la politique de coopération dans les domaines culturel, linguistique, universitaire, scientifique et technique. Il assure la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels et de recherche placés sous son autorité, définit et répartit les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives, assure par délégation de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) la tutelle des établissements d'enseignement.
Au nombre de 98, les instituts français sont des établissements dotés de l'autonomie financière qui, sans leur conférer la personnalité juridique, donnent à leur directeur la qualité d'ordonnateur et la responsabilité du budget dévolu à l'établissement. Ils assument trois fonctions principales : l'enseignement de la langue français, la diffusion culturelle et la fourniture d'informations sur la France. Ils sont financés majoritairement par leurs recettes propres (cours de français langue étrangère et partenariats).
Il existe enfin un réseau privé, celui des alliances françaises. Il s'agit d'associations de droit privé local, coordonnées par la Fondation Alliance française mais indépendantes tant statutairement que financièrement. Une partie d'entre elles (363 sur un total de 800 dans le monde) a conclu une convention avec l'ambassade ce qui leur permet de recevoir une aide notamment à travers la mise à disposition de directeurs rémunérés par le ministère des Affaires étrangères. Leurs missions sont globalement identiques à celles des instituts français.
Un premier mouvement de fusion des éléments du réseau culturel a été engagé en 1994 avec la création des centres de coopération culturels et linguistiques (CCCL) puis des centres culturels et de coopération (CCC) regroupant les services culturels et les instituts. Beaucoup de ces structures ont été démantelées au début des années 2000, faute d'existence réglementaire et en raison des contradictions avec la réforme du système comptable à l'étranger qui renforçait le rôle de l'ambassadeur en en faisant l'ordonnateur secondaire unique des dépenses dans son poste.
Pourtant, en 2009, un établissement unique dirigé par le conseiller culturel, doté de l'autonomie financière et regroupant le service de coopération et d'action culturelle et l'institut français a été créé dans chaque pays. Cette nouvelle structuration du réseau répondait à une double préoccupation : donner un label unique au dispositif et bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion : face à la raréfaction des financements publics, le nouvel établissement serait mieux à même de lever des fonds privés.
Sur le terrain, l'impact de cette dernière réforme, qui n'est donc que la reprise de celle des années quatre-vingt-dix, ne parait guère significatif. Surtout elle s'avère être entachée de nullité. En effet, le régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière déroge à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régulariser cette situation avant la fin de l'année 2014, demande réitérée en novembre 2016 alors que les différentes pistes explorées par le ministère des Affaires étrangères paraissent comporter plus d'inconvénients que d'avantages.
Ceci dit, la création d'établissements uniques a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires étrangères. D'une part, les emplois de conseiller culturel et de directeur d'institut ont été fusionnés. Surtout, comme il le reconnaît, cette nouvelle structure, est fréquemment amenée à prendre en charge sur ses recettes propres des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées. La réforme de l'organisation du réseau permet donc à la direction générale de se défausser d'une partie de ses responsabilités en faisant prendre en charge par les établissements des actions dont le financement lui incombe normalement.
4. La professionnalisation des agents du réseau
Il existe un très large consensus quant à l'importance du rôle exercé par les agents du réseau dans la politique culturelle extérieure. Plusieurs responsables de la direction générale se sont ainsi exprimés :
François Roche : "L'efficacité de la diplomatie culturelle dépend de la qualité de ses acteurs [ ] ils conduisent les relations culturelles scientifiques et techniques de la France".
Alain Bry : " la compétence des femmes et des hommes [ ] est difficilement discutable. Les questions ne se posent pas en termes de structures ou de budgets, la performance de la diplomatie culturelle dépendra de la qualité des femmes et des hommes qui vont uvrer dans ces structures et utiliser ces budgets".
L'originalité du réseau culturel à l'étranger est d'être majoritairement composée d'agents contractuels, détachés d'autres administrations ou d'agents non titulaires de la fonction publique.
Pendant de nombreuses années, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale ont constitué la quasi totalité des agents du réseau. Au tournant des deux siècles, la politique des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant, en particulier, des personnels non fonctionnaires spécialistes de l'animation culturelle et la nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay.
Toutefois, le ministère des Affaires étrangères s'est trouvé confronté d'une part au faible attrait des d'agents du Quai d'Orsay pour une affectation dans le réseau culturel à l'étranger et surtout, conséquence de la transcription en droit français de la directive européenne 99/70 du 28 juin 1999 concernant le travail à durée déterminée dans la fonction publique (loi dite Dutreil de 2005), à l'obligation d'offrir un contrat à durée indéterminée au bout de six ans de services ininterrompus en contrat à durée déterminée.
Le ministère des Affaires étrangères aurait pu procéder à la "cédéisation" des contractuels ou leur faire bénéficier des dispositions de la loi dite Sauvadet qui facilite l'accès des agents contractuels de la fonction publique à l'emploi titulaire. Mais, dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, les agents sont remerciés pour être remplacés par de nouvelles recrues. Cette pratique de contrats "kleenex", comme les qualifie le syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères, non seulement le prive de compétences - les exemples ne manquent pas d'agents qui, bien que très appréciés, doivent quitter leurs fonctions sans assurance de trouver un emploi - mais s'avère en outre coûteuse : en 2012, près de la moitié des contractuels du réseau ayant terminé leur contrat ont connu une période de chômage indemnisée par le ministère.
Le ministère des Affaires étrangères fait donc le choix de se séparer d'agents qualifiés et expérimentés plutôt que de leur offrir une véritable perspective de carrière. Or, les agents du réseau exercent des métiers de savoir faire qui s'acquiert progressivement sur le terrain au fil des postes occupés, par accumulation d'expériences. Leur professionnalisation, gage de performance, passe donc par l'organisation de leur parcours professionnel.
Une telle problématique a été clairement exprimée à plusieurs reprises. Ainsi, le quatrième axe la réforme Juppé-Lévitte de 1994 proposait pour les agents "un véritable plan de carrière et un épanouissement professionnel sans rupture entre le séjour à l'étranger et le retour en France". Plus récemment, le ministre Bernard Kouchner déclarait vouloir profondément renouveler et moderniser la gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel, " l'objectif étant de constituer et de conserver un vivier d'agents motivés et compétents, et de leur assurer un parcours professionnel dans leur métier, en concertation avec tous les acteurs de la politique culturelle extérieure".
Malheureusement ces idées sont restées lettre morte alors que, comme le souligne la Cour des comptes, "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ses compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau". A cet égard, celle-ci relève que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau comporte de nombreux inconvénients et recommande de remplacer la gestion administrative du ministère par une véritable gestion des compétences.
5. Des moyens budgétaires et humains en berne
L'évolution des moyens financiers et humains consacrés à la diplomatie culturelle est complexe à cerner en raison des différentes restructurations intervenues au sein du ministère des Affaires étrangères puis de la nouvelle organisation budgétaire en missions et programmes avec l'introduction de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006. Par exemple, le budget de la DGRCST ne prenait pas en compte les coûts de rémunération des agents mais incluait les crédits pour l'audiovisuel extérieur qui n'est plus de la compétence de la DGM, le programme Diplomatie culturelle et d'influence inclut des actions comme objectifs de développement durable ou diplomatie économique et développement du tourisme qui n'étaient pas dans le périmètre de la DGRCST dont le champ d'intervention ne comprenait pas les pays en développement alors que la DGM est compétente pour l'ensemble du monde.
Ceci dit, la mise en parallèle d'un certain nombre d'éléments chiffrés éclaire la diminution inexorable des moyens consacrés à l'action culturelle extérieure. En 1995, le budget de la DGRCST s'élevait à 5,3 milliards de francs, soit 35 % du budget du ministère des Affaires étrangères. En 2018, le programme Diplomatie culturelle et d'influence est doté de 717 millions d'euros, soit 24 % de la mission Action extérieure de l'État. En valeur constante le budget consacré à la diplomatie culturelle en 2018 est inférieur de plus de 30% à celui de 1995. Plus précisément, en 1995, le budget destiné à la coopération culturelle et linguistique s'élevait à 1,5 milliards de francs soit 255 millions d'euros, valeur constante 2017. Pour sa part, la coopération scientifique et technique était dotée de 1,4 milliards de francs, soit 275 millions d'euros, valeur constante 2017. En 2018, l'action Coopération culturelle et promotion du français est créditée de 62 millions d'euros, celle consacrée à Enseignement supérieur et recherche de 102 millions d'euros, soit à périmètre globalement identique une chute de l'ordre respectivement de 80 et 60%.
L'analyse de l'évolution du programme Diplomatie culturelle et d'influence mis en uvre depuis 2011 permet des comparaisons fiables. Ce programme, dont les crédits ont diminué de 5% en huit ans (717,50 millions d'euros en 2018 contre 757,61 en 2011), regroupe en fait trois types d'actions : la diplomatie culturelle proprement dite, le service public d'enseignement à l'étranger et, depuis 2015, la diplomatie économique et le développement du tourisme. En ne prenant pas en compte les actions Agence pour l'enseignement français l'étranger et Diplomatie économique et développement du tourisme, les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15% en euros courants, passant de 336,81 en 2011 à 286,11 millions d'euros en 2018, et de plus de 20% en euros constants. Plus précisément, les crédits destinés à la diplomatie culturelle ont évolués comme suit : coopération culturelle et promotion du français - 18%, dépenses de personnel - 17, appui au réseau -13, Enseignement supérieur et recherche - 7%.
Comme nous l'avons montré dans l'étude de mars 2017 (Les moyens de la diplomatie culturelle ou comment se tirer une balle dans le pied), cette dégradation des moyens affecte particulièrement le réseau culturel à l'étranger. En 2009, les crédits mis à la disposition des services culturels des ambassades au titre du programme Rayonnement culturel et scientifique s'élevaient à 53,14 millions d'euros. En 2016, pour mêmes pays du programme Diplomatie culturelle et d'influence, la somme des moyens destinés aux postes est 29,89 millions d'euros, soit une chute de 44% en sept ans, sans prise en compte de l'inflation de 7% sur la période.
Si quelques rares postes comme les Etats-Unis ou le Brésil ont bénéficié d'un accroissement de leurs moyens de l'ordre de 20%, la plupart voient ceux-ci chuter : l'Allemagne, l'Algérie, le Liban, le Maroc ont vu leurs dotations chuter réduites de plus de 40%.
Pour pallier à cette évolution récurrente depuis de très nombreuses années, le ministère des Affaires étrangères encourage la "dynamisation des ressources externes". Le réseau culturel participe ainsi largement au financement de la diplomatie culturelle : les ressources propres des instituts français (activités de cours et l'organisation des examens de certification) ont atteint 128,5 millions d'euros en 2016 et les cofinancements (contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération : projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) 161,2 millions d'euros, montant particulièrement significatif puisque le budget consacré la même année aux deux actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche s'élevait à 166 millions d'euros.
L'évolution des ressources humaines suit la même tendance. En 1995, le ministère des Affaires étrangères recensait 1400 emplois "culturels". En 2018, le programme Diplomatie culturelle et d'influence ne comporte plus que 734 agents.
Si, comme pour les crédits, les comparaisons sont délicates en raison des changements de périmètre intervenus, l'évolution est significative pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence de 2011 à 2018 : l'effectif des agents en CDD et volontaires internationaux qui constituent l'essentiel des agents du réseau (services de coopération et d'action culturelle, établissements culturels, alliances françaises et centres de recherche) est passé de 760 à 567 soit une chute de 25%. A titre d'exemple, le réseau culturel en Allemagne comprenait 80 agents, hors VSN en 1995. En 2016, il n'y avait plus que 41 postes, hors volontaires internationaux.
Conclusions
La diplomatie culturelle moderne a été conçue avec volontarisme en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, afin de contribuer à la restauration de l'influence de la France dans le monde.
Au fil du temps, l'ambition initiale s'est étiolée pour faire place à des réformes de tuyauterie administrative sans véritable impact sur la performance de cette politique publique.
Alors que le ministère des Affaires étrangères ne fait guère cas des agents du réseau qui pourtant forgent la diplomatie culturelle sur le terrain celle-ci pâtit d'une chute inexorable de ses moyens tant humains que financiers et d'une dépendance croissante vis-à-vis des financements extrabudgétaires.
Plus subie que désirée, la diplomatie culturelle n'est plus aujourd'hui une priorité de la politique étrangère de la France.
Bibliographie
Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2017. (et années antérieures)
Bry Alain, La Cendrillon culturelle du Quai d'Orsay, avril 1945-décembre 1998, impr. Grou-Radenez, Paris, 1999, 423 p.
CFDT-MAE, Contractuels et fonctions pérennes : la CFDT-MAE dénonce la politique "kleenex" du Département, 19 octobre 2017, http://www.cfdt-mae.fr/
Cour des comptes, Le réseau culturel de la France a l'étranger, Paris, 2013, 160 p.
Delaye Bruno, Discours prononcé à l'occasion de la rencontre du ministre des Affaires étrangères avec les agents de la DGCID, 19 avril 2001.
Gazeau-Secret Anne, Re-donner à notre pays sa juste place dans le monde, Défense n°140, 2009, pp. 19-21.
Haize Daniel, L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan, 2012, 285 p.
Kouchner Bernard, Intervention prononcée à l'occasion des Journées du réseau français à l'étranger, 16 juillet 2009.
Lequesne Christian, Ethnographie du Quai d'Orsay : les pratiques des diplomates français, Paris, CNRS éditions, 2017, 255 p.
Roche François, Pigniau Bernard, Histoires de diplomatie culturelle des origines à 1995, ministère des Affaires étrangères, ADPF- La Documentation française, 1995, Paris, 295 p.
Signature :
Daniel HAIZE
LES MOYENS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE OU COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIED
Dans un courrier adressé au Président de la République le 18 octobre 2016, le député François Loncle, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale du budget du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, après avoir souligné : "si présenter un budget en diminution est devenu commun, le programme 185 présente la singularité - trop souvent oubliée - de subir depuis près de vingt ans, et de manière quasiment ininterrompue, une diminution de ses moyens, pourtant déjà modestes", s'exprime ainsi : "je vous demande de tout entreprendre pour que la politique culturelle extérieure de la France puisse regagner en force, en particulier sur le plan budgétaire".
Cette démarche inusitée est implicitement partagée par les parlementaires auteurs des différents rapports concernant cet exercice budgétaire. Ainsi, pour le député Rudy Salles : "les efforts effectués en faveur de la sécurité masquent la poursuite de la politique de rationalisation" et pour Pascal Terrasse : "les bourses aux étudiants étrangers : un vecteur d'influence majeur, fragilisé au fil des exercices budgétaires". Au Sénat, Louis Duvernois relève : "une cure d'austérité depuis 2012", Jacques Legendre et Gaëtan Gorce : "un recul des moyens publics de l'action culturelle extérieure" et Éric Doligé et Richard Yung : "des crédits d'attractivité universitaire et de recherche en baisse continue".
Une telle situation n'est pas nouvelle. Dès le 25 septembre 1982, dans l'article Crise aux relations extérieures, Maurice Delarue écrivait dans Le Monde : "au train où vont les choses, la DGRCST ressemblera bientôt à une Rolls que son propriétaire ne pourrait faire rouler faute d'essence". Puis le quotidien du soir a titré le 3 mars 2004 : La misère de la politique culturelle française à l'étranger et le 29 janvier 2009 : La présence culturelle française à l'étranger étranglée par la baisse des crédits.
Cette étude, qui s'appuie principalement sur les documents relatifs aux projets de loi de finances (Bleu budgétaire de la mission Action extérieure de l'État, avis des parlementaires) accessibles via le site http://www.performance-publique.budget.gouv.fr et le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel de la France à l'étranger, tentera de cerner la réalité et les causes du déclin des moyens consacrés à la diplomatie culturelle qui compromet fortement le fonctionnement même de cette politique publique.
Pour des raisons techniques, cet article ne prend pas en compte les tableaux que l'on trouvera dans le fichier PDF situé dans rubrique "articles et contributions de l'auteur".
1. DES CHIFFRES
1.1 Des moyens financiers et humains en peau de chagrin
Le budget pour la diplomatie culturelle est voté tous les ans dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
Mise en uvre à partir de 2006, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) structure le budget destiné à la politique extérieure de l'État en deux missions : Action extérieure de l'État et Aide publique au développement. De 2006 à 2010, la diplomatie culturelle a fait l'objet d'un programme spécifique dans chacune des deux missions : le programme 185 Rayonnement culturel et scientifique et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, la répartition des pays dans l'un ou l'autre programme étant liée à leur éligibilité ou non à l'aide publique au développement définie par le Comité d'aide au développement de l'OCDE. Depuis 2011, la dimension géographique a disparu. Le programme 185, rebaptisé Diplomatie culturelle et d'influence, regroupe l'ensemble des crédits mis en uvre dans le cadre des ex programmes 185 et 209.
Evolution des crédits
De 2011 à 2017, les crédits du programme Diplomatie culturelle et d'influence sont passés de 757 0 712 millions d'euros soit une diminution de 5% en sept ans.
Ce programme regroupe en fait trois types d'actions : la diplomatie culturelle proprement dite, le service public d'enseignement à l'étranger et, depuis 2015, la diplomatie économique et le développement du tourisme en raison du rattachement au ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) de ces nouvelles compétences.
En ne prenant pas en compte les actions Agence pour l'enseignement français l'étranger et Diplomatie économique et développement du tourisme, les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15,7 % en euros courants, de 336,81 à 283,57 millions d'euros, et de plus de 20% en euros constants sur cette période. Plus précisément, les crédits consacrés aux actions Coopération culturelle et promotion du français ainsi que Enseignement supérieur et recherche, qui constituent le cur de la diplomatie culturelle, ont baissé respectivement de 16,1 et 13,7%.
A cette faiblesse des crédits s'ajoute des gels et annulations qui contribuent à fragiliser la diplomatie culturelle. Ainsi, François Loncle souligne que "la loi de finance relève d'une réalité de plus en plus virtuelle compte tenu des gels et annulations de crédits intervenant en cours d'année" : pour l'exercice 2016, le Gouvernement a décidé de maintenir un niveau exceptionnellement élevé de mise en réserve des crédits (8%), puis a annulé 5 millions d'euros de crédits en cours d'exercice. Pour sa part, le sénateur Robert Yung observe que les crédits de bourses ont subi, en cours de gestion, une réduction importante des dotations inscrites initialement. En 2015, cette réduction s'est établie à plus de 12 millions d'euros (exécution de 59,3 millions d'euros, contre 71,6 millions d'euros en dotation initiale).
Evolution des ressources humaines
De 2011 à 2017, les effectifs du programme Diplomatie culturelle et d'influence ont été ramenés de 964 à 747 ETP, soit une perte de 217 emplois en sept ans.
Alors que les agents titulaires du ministère des Affaires étrangères ou bénéficiant d'un CDI sont relativement préservés, ceux en CDD et les volontaires internationaux payent le prix fort avec une hémorragie de 27% (de 760 à 554 emplois).
1.2. dont le réseau culturel à l'étranger fait particulièrement les frais
La diplomatie culturelle voit donc ses moyens financiers et humains se dégrader inexorablement au fil des ans. La situation apparaît beaucoup plus grave quand on analyse l'évolution des crédits dont dispose le réseau culturel sur le terrain.
Le budget alloué à la diplomatie culturelle est, en effet, ventilé entre crédits parisiens et crédits géographiques. Ces derniers sont mis à la disposition des services culturels des ambassades pour mener à bien les projets qu'ils font valider par l'administration centrale dans le cadre d'une programmation annuelle.
En 2009, pour le programme 185 : les crédits géographiques s'élevaient à 53,14 millions d'euros. En 2016 et pour mêmes pays qu'en 2009, la somme des enveloppes pays est 29,89 millions d'euros, soit une chute de 44%.
Les enveloppes-pays vont en 2016 de 6,76 millions d'euros pour la plus élevée (12,48 en 2009) à 9 500 euros pour la plus modeste. En 2016, 14 pays, contre 25 en 2009, bénéficiaient d'une enveloppe supérieure à 2 millions d'euros (Maroc, Algérie, Chine Inde, Tunisie, Turquie, Etats-Unis, Allemagne, Russie, Viet Nam, Liban, Egypte, Mexique), 19 entre 1 et 2 millions d'euros, 35 entre 0,5 et 1 millions d'euros, 56 entre O,1 et 0,5 et 15 moins de 100 000 euros.
Parmi les postes ayant perdu plus de 50% de leurs crédits sur la période considérée figurent Trinité et Tobago, le Botswana, l'Erythrée, le Bangladesh, la Zambie, le Cambodge, l'Australie, le Laos, Haïti, Fidji, la Bulgarie, le Paraguay, la Corée du sud, l'Angola, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie.
L'Allemagne, la Pologne, l'Algérie, le Liban, le Maroc voient, quant à eux, leurs dotations chuter de plus de 40%.
Quelques rares postes bénéficient d'un accroissement de leurs moyens : le Luxembourg (+22%), les Etats-Unis (+20), le Brésil et Taiwan (+18), la Grèce (14%), l'Argentine (12%) et également, dans des proportions moindres, la Corée du Nord, le Portugal, la Birmanie et le Danemark. Ces augmentations doivent toutefois être relativisées. Ainsi, l'enveloppe Brésil (4,18 millions d'euros en 2016) s'élevait à 5,17 millions d'euros en 2000 soit 6,57 millions d'euros constants.
D'autres enfin se trouvent relativement épargnés (diminution inférieure à 10%) comme le Royaume-Uni, la Suisse, l'Inde, l'Islande, la Norvège, la Finlande, le Qatar, le Koweït, la Suède, Singapour et l'Indonésie.
2. DES LETTRES
Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs qui vont malheureusement dans le même sens : arbitrages défavorables au sein de la mission Action extérieure de l'État, choix effectués au sein même du programme Diplomatie culturelle et d'influence et dépendance accrue du réseau vis-à-vis des financements extrabudgétaires.
2.1 Le programme 185, parent pauvre de la mission Action extérieure de l'État
Les arbitrages au sein de la mission Action extérieure de l'État se sont faits au détriment de l'action Diplomatie culturelle et d'influence tant en ce qui concerne les crédits que les ressources humaines.
De 2011 à 2017, les crédits alloués à la mission Action extérieure de l'État ont progressé de 2,1%. Les programmes 151 Français à l'étranger et affaires consulaires et 105 Action de la France en Europe et dans le monde ont vu leurs budgets augmenter respectivement de 6,2 et 12,5%. L'action Diplomatie culturelle et d'influence en a fait les frais en perdant 5,9 % de ses moyens budgétaires. Elle ne représente plus, en 2017, que 23% des crédits de la mission Action extérieure de l'État. En 2011, les crédits pour la diplomatie culturelle sensu stricto représentaient 11,3% de ceux de la mission Action extérieure de l'État. En 2017, la proportion est ramenée à 9,4 %.
Sur la même période, les effectifs de la mission Action extérieure de l'État accusent une baisse de 5%. Mais l'effort est très différent selon les actions. Là encore, la victime est la Diplomatie culturelle et d'influence. Cette tendance est récurrente : le référé de la Cour des comptes du 13 février 2013 relatif à l'évolution du réseau diplomatique français montre qu'entre 2007 et 2011, les effectifs diplomatiques ont baissé de 9 %, mais de 15 % pour le programme 185.
2.2 Le réseau culturel à l'étranger victime des arbitrages
Plus grave au sein même du programme 185, le réseau culturel à l'étranger fait les frais de la baisse des ressources humaines et des crédits.
Les ressources humaines
Comme nous l'avons vu plus haut les nombre d'agents (ETP) du programme 185 a baissé de 22,5 % de 2011 à 2017. Le réseau culturel à l'étranger a perdu 203 emplois, l'administration centrale seulement 14.
Les crédits
En raison du changement de périmètre du programme 185, les comparaisons sont complexes. Pour être cohérent, nous avons choisi de mettre en parallèle les enveloppes-pays des programmes Rayonnement culturel et scientifique en 2009 et Diplomatie culturelle et d'influence en 2016, pour les mêmes pays, ce qui met à l'écart les pays du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, mais donne des ordres de grandeur globalement fiables.
Le total des enveloppes-pays est passé de 55,14 en 2009 à 29,89 millions d'euros en 2016, soit une chute de 45% alors que le ratio du total des enveloppes-pays avec les crédits d'intervention du programme 185 (actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche) régresse de 27 % à 18%.
La comparaison des crédits pour 2012 (le PLF 2011 ne comportait pas de chiffres détaillés) et 2017 pour différents types d'intervention de la compétence du réseau paraissant avoir gardé le même périmètre, permet d'appréhender l'impact des baisses de crédits sur le terrain.
Ainsi, la réduction des moyens accordés aux bourses (-19% pour la sous-action Langue française et diversité linguistique, - 34% pour la sous-action Coopération et diffusion culturelle) va à l'encontre de la politique affichée d'augmentation du nombre d'étudiants étrangers inscrits dans l'enseignement supérieur français : "les bourses constituent l'un des principaux vecteurs de l'influence française à l'étranger" affirme le projet de loi de finances pour 2017. Alors que la France vient de reculer à la quatrième place pour l'accueil des étudiants étrangers, Béatrice Khaiat, directrice de Campus France, déplore la baisse de 17,5 % en quatre ans de l'enveloppe des bourses attribuées par le Quai d'Orsay aux étudiants internationaux, qui est tombée à seulement 68 millions d'euros cette année : "une économie modeste dont les effets commencent à se faire sentir" (Tricornot 2017).
L'enveloppe de crédits à la disposition des postes pour financer des actions ou nouer des partenariats s'est donc considérablement réduite, créant un sentiment de frustration chez certains agents, dont la plupart des responsables de postes se font l'écho (Cour 2013).
2.3 Le poids croissant des agences
Comme on l'a vu plus haut, le montant des enveloppes-pays a considérablement chuté.
Au sein du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence les arbitrages favorisent les opérateurs parisiens au détriment des postes diplomatiques. Tel est le cas de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des nouvelles agences Campus France et Institut Français.
Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)
Alors que les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15,7 % en euros courants de 2011 à 2017, les crédits pour l'enseignement français à l'étranger sont certes en baisse mais en moindre proportion : 5,8 %.
Les nouvelles agences : Campus France et Institut Français
Très tôt, le ministère des Affaires étrangères s'est entouré d'un ensemble de satellites spécialisés, démembrements de l'administration centrale. Depuis les années 1990, la tendance est à la création de nouveaux opérateurs et à la croissance de leur périmètre d'action. Ce mouvement a concerné en particulier l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (1990), l'Agence française de développement (1998), EduFrance (1998), France Coopération Internationale (2002) et le regroupement dans CulturesFrance, en 2006, de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française ainsi que la transformation d'EduFrance en Campus France en 2007.
Dans le cadre de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État, cette externalisation a été amplifiée par la création de trois agences dont deux concernent la diplomatie culturelle : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), l'autre vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France).
En 2011, pour le programme 185, la subvention à l'Institut français s'élevait à 23,6 millions d'euros et celle de Campus France à 1,15 millions d'euros. En 2017, les subventions pour charges de service public sont respectivement de 28,6 et de 3,8 millions d'euros. En six ans, les crédits à ces deux agences progressent de 24,75 à 32,4 millions d'euros, soit une hausse de plus de 30%.
Etendard de la réforme, l'Institut français se devait être le "British Council à la française", l'opérateur pivot de la politique culturelle extérieure de la France auquel le réseau culturel à l'étranger serait rattaché. Ce projet a avorté. Concrètement, l'Institut français n'est donc qu'un CulturesFrance aux missions élargies qui toutefois ne consacrait qu'environ 14 % de son budget d'activités en 2012 à des subventions directes au réseau public alors que son objectif était de 37,5 % (Cour des comptes, 2013).
2.4 La "dynamisation des ressources externes"
La dynamisation des ressources externes constitue l'un des objectifs du ministère des Affaires étrangères : "les ambitions de notre pays dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et universitaire nécessitent d'adapter nos modes d'intervention aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Pour renforcer l'efficience dans la gestion des crédits et optimiser les leviers d'action dans un contexte budgétaire contraint, il convient notamment de dynamiser les ressources externes" (Bleu budgétaire 2017).
Deux indicateurs de performance ont ainsi été mis en place : montant des cofinancements levés par le réseau et taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière.
Montant des cofinancements levés par le réseau
Les cofinancements levés par le réseau sont des contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération (projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) pour laquelle l'action du poste a été déterminante.
Selon le Bleu budgétaire de la mission Action extérieure de l'État, le montant des cofinancements s'est élevé à 194 millions d'euros en 2014, 191 en 2015, 191 contre 198 prévu en 2016. Pour 2017 la prévision est de 191 millions d'euros et la cible 205 millions d'euros.
Il est permis d'être dubitatif quant à la pertinence de cet indicateur : les chiffres sont très volatils et il y a une forte concentration de l'indicateur (six pays représentent près de la moitié des cofinancements recensés en 2015). En outre, ils sont établis sur la base des indications fournies par le réseau culturel à l'étranger, le plus souvent collectées au doigt mouillé.
Ceci dit, le montant des cofinancements levés est significatif par rapport aux crédits d'intervention (159 millions d'euros en 2017 pour les actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche).
Taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière
Les recettes propres des instituts français proviennent, pour l'essentiel, des cours de langue, certifications et tests de langue française. En règle générale, elles équilibrent les dépenses concourant à ces activités et contribuent également au financement du fonctionnement de ces établissements.
En 2015, les recettes propres des instituts français s'élevaient à 133 millions d'euros alors que la dotation de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères était de 37,6 millions d'euros.
Le pourcentage d'autofinancement n'a guère varié au fil des ans : 68% de 2012 à 2017.
Or, depuis 2014, cet indicateur est calculé hors masse salariale du personnel expatrié. Le taux d'autofinancement devrait donc être proche des 100%. Mais, c'est sans compter sur les conséquences de la fusion dans chaque pays, du service culturel et l'institut français en une structure unique : "les établissements fusionnés seront amenés à mettre en uvre des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées" (Bleu budgétaire du PLF pour 2012).
La réforme de l'organisation du réseau permet donc à la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international du ministère des Affaires étrangères de se défausser d'une partie de ses responsabilités en faisant prendre en charge par les établissements des actions dont le financement lui incombe normalement.
CONCLUSIONS
En résumé, les crédits de la mission Action extérieure de l'État ont augmenté de 2%, ceux du programme Diplomatie culturelle et d'influence ont baissé de 5% ; la diplomatie culturelle sensu stricto a vu son budget perdre 15% alors que les enveloppes-pays chutaient de 44%. Pour les ressources humaines, la mission Action extérieure de l'État a perdu 5% de ses emplois, le programme Diplomatie culturelle et d'influence 22%, surtout dans le réseau culturel à l'étranger.
Le 17 juillet 2013, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, le ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, présentait la nouvelle diplomatie culturelle de la France : "notre réseau de coopération et d'action culturelle est décisif pour l'avenir de la France. Je suis convaincu qu'investir dans notre présence à l'étranger, c'est permettre à la culture française et à nos valeurs, dans un monde dangereux, incertain et éclaté, de demeurer une référence positive, porteuse d'émancipation et d'espoir". Pourtant, le budget de la diplomatie culturelle et d'influence pour 2014 a baissé de 3% par rapport à 2013.
Trois ans plus tard, le 18 juillet 2016, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, M. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du développement international affirmait : "sachez que j'ai fait de la préservation des crédits du programme 185 une priorité". De 2016 à 2017, la baisse des crédits s'élève à 1,2%.
Commentant les propos de Bernard Kouchner sur le budget de son ministère rendant difficile de maintenir les divers réseaux qu'il doit financer, la sénatrice Hélène Conway-Mouret s'interroge : "La faute à qui? Seul Hubert Védrine s'était battu pour son budget. Hervé de Charette était même fier de l'avoir réduit. Les autres ministres, comme Juppé, ne s'intéressaient qu'au politique et Dominique de Villepin ne voulait pas entendre parler du budget comme si on ne pouvait parler de culture et d'argent dans une même phrase. La première a besoin d'argent pour vivre et se développer même si elle n'a pas vocation à faire de l'argent mais plutôt à en coûter. Seulement si l'on considère la culture comme choix de société et si l'on pense que l'économie du savoir sera aussi importante que les matières premières pour l'avenir de notre monde alors on ne semble guère avoir de choix que celui de trouver les moyens pour notre action culturelle" (Conway-Mouret 2009).
A l'opposé, et pour rester dans le domaine de l'influence, les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur de la France (TV5 Monde, France Médias Monde qui regroupe France 24, RFI et MCD - Monte Carlo Doualiya, radio française en langue arabe - ont progressé 63% de 2011 à 2017 (206 à 336 millions d'euros). Pour sa part, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a mis en place, fin 2016, un " plan export " de 12 millions d'euros par an pour renforcer la présence des films français sur certains territoires, comme l'Amérique du Sud ou l'Asie, devenue la première zone d'exportation du cinéma français.
La diplomatie culturelle n'est plus depuis longtemps une priorité, sauf dans les discours : "l'action culturelle extérieure sert depuis trop longtemps aux gestionnaires du Quai d'Orsay de variable d'ajustement à la cure d'amaigrissement qui leur est imposée" (Tasca 2010). Qui plus est, les dernières réformes ont eu pour conséquence "d'instaurer d'une part un réseau extérieur sans moyens, de l'autre des agences sans réseau extérieur. Bonjour les querelles de bureaux et de personnes, bonjour les dégâts" (Nicoullaud 2008).
Comme nous l'avons montré dans notre thèse, la diplomatie culturelle peut être qualifiée de politique publique inversée. C'est en effet sur le terrain et non à Paris quelle se conçoit et s'exécute : "ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile" (Gazeau-Secret 2009).
Les arbitrages effectués à l'intérieur du programme 185 fragilisent l'action du réseau culturel à l'étranger. Au delà de l'érosion des moyens du programme Diplomatie culturelle et d'influence, c'est donc l'essence même du fonctionnement de cette politique publique qui est touché.
Qui plus est, la réforme du réseau de 2009, qui a entrainé la fusion, dans chaque pays, du service culturel et l'institut français en un établissement unique doté de l'autonomie financière, s'avère être entachée de nullité. En effet, le régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière (EAF) n'est pas conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires posés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régler cette question avant la fin de l'année 2014. La dérogation consistant à prolonger le système actuel dans l'attente d'une modification de la LOLF obtenue par le ministère des Affaires étrangères et du développement international est venue à expiration à la fin de 2015 et aucune issue ne semble se dégager.
Ceci dit, si la création d'établissements uniques a permis donner un label unique au dispositif mais a aussi a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires étrangères. D'une part, les emplois de conseiller culturel et de directeur d'institut ont été fusionnés. Surtout, comme nous l'avons vu plus haut, cette nouvelle structure, compte tenu de la diversité de ses domaines de compétence, est fréquemment amenée à prendre en charge sur ses recettes propres des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées.
Enfin, la dépendance accrue du réseau vis-à-vis des financements extrabudgétaires pose plusieurs questions. D'une part, la dégradation des crédits publics expose le réseau, en réduisant l'effet de levier potentiel de ces crédits indispensables pour enclencher une dynamique de production de ressources propres par des partenaires locaux. D'autre part, la recherche de fonds privés ne peut s'exercer qu'en tenant compte de l'impact pour l'image de l'État qui pourrait s'attacher au financement par des capitaux privés d'opérations à forte symbolique régalienne. Enfin, et surtout, la vocation des ressources externes est d'apporter de nouveaux financements et non de pallier à la disette budgétaire.
La diminution des moyens ne traduirait-elle pas un certain scepticisme sur l'efficacité de la diplomatie culturelle, sinon sur sa pertinence ? Quoiqu'il en soit, se reposer sur l'engagement du réseau à l'étranger qui, comme le souligne la Cour des comptes, a montré sa capacité de résilience face aux contraintes qu'il subit depuis des années et sur des ressources externes, palliatifs pour partie illusoires au désengagement de l'État, ne constitue pas une stratégie.
Ne sommes nous pas en train d'agir contre notre propre intérêt, de nous tirer une balle dans le pied ?
BIBLIOGRAPHIE
Annexe au projet de loi de finances pour 2017, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2016. (et années antérieures)
CONWAY-MOURET H. (2009) Réseau culturel à l'étranger, https://www.helene-conway.com/2009/02/reseau-culturel-a-l-etranger/
COUR DES COMPTES (2013) Le réseau culturel de la France à l'étranger, Paris.
DELARUE M. (1982) Crise aux "relations extérieures" : la "restructuration" de la Direction des relations culturelles est remise en cause par des "énarques" et des syndicalistes, Le Monde, 25 septembre.
GAZEAU-SECRET A. (2009) (Re)-donner à notre pays sa juste place dans le monde, Défense n°140, pp. 19-21.
HAIZE D. (2012) L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan.
LONCLE F. (2016) Avis présenté au nom de la commission des Affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2017, Action extérieure de l'Etat, diplomatie culturelle et d'influence, Assemblée nationale.
NICOULLAUD F. (2008), Action extérieure : un inquiétant discours, http://groups.google.fr/group/a-contre-courants.
TASCA C. (2010) Les espoirs déçus de la réforme de l'action culturelle extérieure de la France, http://www.inventeragauche.com/
TRICORNOT A. (2017) La France recule à la quatrième place pour l'accueil des étudiants étrangers, Le Monde, 12 janvier.
Signature :
Daniel Haize
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Cette démarche inusitée est implicitement partagée par les parlementaires auteurs des différents rapports concernant cet exercice budgétaire. Ainsi, pour le député Rudy Salles : "les efforts effectués en faveur de la sécurité masquent la poursuite de la politique de rationalisation" et pour Pascal Terrasse : "les bourses aux étudiants étrangers : un vecteur d'influence majeur, fragilisé au fil des exercices budgétaires". Au Sénat, Louis Duvernois relève : "une cure d'austérité depuis 2012", Jacques Legendre et Gaëtan Gorce : "un recul des moyens publics de l'action culturelle extérieure" et Éric Doligé et Richard Yung : "des crédits d'attractivité universitaire et de recherche en baisse continue".
Une telle situation n'est pas nouvelle. Dès le 25 septembre 1982, dans l'article Crise aux relations extérieures, Maurice Delarue écrivait dans Le Monde : "au train où vont les choses, la DGRCST ressemblera bientôt à une Rolls que son propriétaire ne pourrait faire rouler faute d'essence". Puis le quotidien du soir a titré le 3 mars 2004 : La misère de la politique culturelle française à l'étranger et le 29 janvier 2009 : La présence culturelle française à l'étranger étranglée par la baisse des crédits.
Cette étude, qui s'appuie principalement sur les documents relatifs aux projets de loi de finances (Bleu budgétaire de la mission Action extérieure de l'État, avis des parlementaires) accessibles via le site http://www.performance-publique.budget.gouv.fr et le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel de la France à l'étranger, tentera de cerner la réalité et les causes du déclin des moyens consacrés à la diplomatie culturelle qui compromet fortement le fonctionnement même de cette politique publique.
Pour des raisons techniques, cet article ne prend pas en compte les tableaux que l'on trouvera dans le fichier PDF situé dans rubrique "articles et contributions de l'auteur".
1. DES CHIFFRES
1.1 Des moyens financiers et humains en peau de chagrin
Le budget pour la diplomatie culturelle est voté tous les ans dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
Mise en uvre à partir de 2006, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) structure le budget destiné à la politique extérieure de l'État en deux missions : Action extérieure de l'État et Aide publique au développement. De 2006 à 2010, la diplomatie culturelle a fait l'objet d'un programme spécifique dans chacune des deux missions : le programme 185 Rayonnement culturel et scientifique et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, la répartition des pays dans l'un ou l'autre programme étant liée à leur éligibilité ou non à l'aide publique au développement définie par le Comité d'aide au développement de l'OCDE. Depuis 2011, la dimension géographique a disparu. Le programme 185, rebaptisé Diplomatie culturelle et d'influence, regroupe l'ensemble des crédits mis en uvre dans le cadre des ex programmes 185 et 209.
Evolution des crédits
De 2011 à 2017, les crédits du programme Diplomatie culturelle et d'influence sont passés de 757 0 712 millions d'euros soit une diminution de 5% en sept ans.
Ce programme regroupe en fait trois types d'actions : la diplomatie culturelle proprement dite, le service public d'enseignement à l'étranger et, depuis 2015, la diplomatie économique et le développement du tourisme en raison du rattachement au ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) de ces nouvelles compétences.
En ne prenant pas en compte les actions Agence pour l'enseignement français l'étranger et Diplomatie économique et développement du tourisme, les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15,7 % en euros courants, de 336,81 à 283,57 millions d'euros, et de plus de 20% en euros constants sur cette période. Plus précisément, les crédits consacrés aux actions Coopération culturelle et promotion du français ainsi que Enseignement supérieur et recherche, qui constituent le cur de la diplomatie culturelle, ont baissé respectivement de 16,1 et 13,7%.
A cette faiblesse des crédits s'ajoute des gels et annulations qui contribuent à fragiliser la diplomatie culturelle. Ainsi, François Loncle souligne que "la loi de finance relève d'une réalité de plus en plus virtuelle compte tenu des gels et annulations de crédits intervenant en cours d'année" : pour l'exercice 2016, le Gouvernement a décidé de maintenir un niveau exceptionnellement élevé de mise en réserve des crédits (8%), puis a annulé 5 millions d'euros de crédits en cours d'exercice. Pour sa part, le sénateur Robert Yung observe que les crédits de bourses ont subi, en cours de gestion, une réduction importante des dotations inscrites initialement. En 2015, cette réduction s'est établie à plus de 12 millions d'euros (exécution de 59,3 millions d'euros, contre 71,6 millions d'euros en dotation initiale).
Evolution des ressources humaines
De 2011 à 2017, les effectifs du programme Diplomatie culturelle et d'influence ont été ramenés de 964 à 747 ETP, soit une perte de 217 emplois en sept ans.
Alors que les agents titulaires du ministère des Affaires étrangères ou bénéficiant d'un CDI sont relativement préservés, ceux en CDD et les volontaires internationaux payent le prix fort avec une hémorragie de 27% (de 760 à 554 emplois).
1.2. dont le réseau culturel à l'étranger fait particulièrement les frais
La diplomatie culturelle voit donc ses moyens financiers et humains se dégrader inexorablement au fil des ans. La situation apparaît beaucoup plus grave quand on analyse l'évolution des crédits dont dispose le réseau culturel sur le terrain.
Le budget alloué à la diplomatie culturelle est, en effet, ventilé entre crédits parisiens et crédits géographiques. Ces derniers sont mis à la disposition des services culturels des ambassades pour mener à bien les projets qu'ils font valider par l'administration centrale dans le cadre d'une programmation annuelle.
En 2009, pour le programme 185 : les crédits géographiques s'élevaient à 53,14 millions d'euros. En 2016 et pour mêmes pays qu'en 2009, la somme des enveloppes pays est 29,89 millions d'euros, soit une chute de 44%.
Les enveloppes-pays vont en 2016 de 6,76 millions d'euros pour la plus élevée (12,48 en 2009) à 9 500 euros pour la plus modeste. En 2016, 14 pays, contre 25 en 2009, bénéficiaient d'une enveloppe supérieure à 2 millions d'euros (Maroc, Algérie, Chine Inde, Tunisie, Turquie, Etats-Unis, Allemagne, Russie, Viet Nam, Liban, Egypte, Mexique), 19 entre 1 et 2 millions d'euros, 35 entre 0,5 et 1 millions d'euros, 56 entre O,1 et 0,5 et 15 moins de 100 000 euros.
Parmi les postes ayant perdu plus de 50% de leurs crédits sur la période considérée figurent Trinité et Tobago, le Botswana, l'Erythrée, le Bangladesh, la Zambie, le Cambodge, l'Australie, le Laos, Haïti, Fidji, la Bulgarie, le Paraguay, la Corée du sud, l'Angola, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie.
L'Allemagne, la Pologne, l'Algérie, le Liban, le Maroc voient, quant à eux, leurs dotations chuter de plus de 40%.
Quelques rares postes bénéficient d'un accroissement de leurs moyens : le Luxembourg (+22%), les Etats-Unis (+20), le Brésil et Taiwan (+18), la Grèce (14%), l'Argentine (12%) et également, dans des proportions moindres, la Corée du Nord, le Portugal, la Birmanie et le Danemark. Ces augmentations doivent toutefois être relativisées. Ainsi, l'enveloppe Brésil (4,18 millions d'euros en 2016) s'élevait à 5,17 millions d'euros en 2000 soit 6,57 millions d'euros constants.
D'autres enfin se trouvent relativement épargnés (diminution inférieure à 10%) comme le Royaume-Uni, la Suisse, l'Inde, l'Islande, la Norvège, la Finlande, le Qatar, le Koweït, la Suède, Singapour et l'Indonésie.
2. DES LETTRES
Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs qui vont malheureusement dans le même sens : arbitrages défavorables au sein de la mission Action extérieure de l'État, choix effectués au sein même du programme Diplomatie culturelle et d'influence et dépendance accrue du réseau vis-à-vis des financements extrabudgétaires.
2.1 Le programme 185, parent pauvre de la mission Action extérieure de l'État
Les arbitrages au sein de la mission Action extérieure de l'État se sont faits au détriment de l'action Diplomatie culturelle et d'influence tant en ce qui concerne les crédits que les ressources humaines.
De 2011 à 2017, les crédits alloués à la mission Action extérieure de l'État ont progressé de 2,1%. Les programmes 151 Français à l'étranger et affaires consulaires et 105 Action de la France en Europe et dans le monde ont vu leurs budgets augmenter respectivement de 6,2 et 12,5%. L'action Diplomatie culturelle et d'influence en a fait les frais en perdant 5,9 % de ses moyens budgétaires. Elle ne représente plus, en 2017, que 23% des crédits de la mission Action extérieure de l'État. En 2011, les crédits pour la diplomatie culturelle sensu stricto représentaient 11,3% de ceux de la mission Action extérieure de l'État. En 2017, la proportion est ramenée à 9,4 %.
Sur la même période, les effectifs de la mission Action extérieure de l'État accusent une baisse de 5%. Mais l'effort est très différent selon les actions. Là encore, la victime est la Diplomatie culturelle et d'influence. Cette tendance est récurrente : le référé de la Cour des comptes du 13 février 2013 relatif à l'évolution du réseau diplomatique français montre qu'entre 2007 et 2011, les effectifs diplomatiques ont baissé de 9 %, mais de 15 % pour le programme 185.
2.2 Le réseau culturel à l'étranger victime des arbitrages
Plus grave au sein même du programme 185, le réseau culturel à l'étranger fait les frais de la baisse des ressources humaines et des crédits.
Les ressources humaines
Comme nous l'avons vu plus haut les nombre d'agents (ETP) du programme 185 a baissé de 22,5 % de 2011 à 2017. Le réseau culturel à l'étranger a perdu 203 emplois, l'administration centrale seulement 14.
Les crédits
En raison du changement de périmètre du programme 185, les comparaisons sont complexes. Pour être cohérent, nous avons choisi de mettre en parallèle les enveloppes-pays des programmes Rayonnement culturel et scientifique en 2009 et Diplomatie culturelle et d'influence en 2016, pour les mêmes pays, ce qui met à l'écart les pays du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, mais donne des ordres de grandeur globalement fiables.
Le total des enveloppes-pays est passé de 55,14 en 2009 à 29,89 millions d'euros en 2016, soit une chute de 45% alors que le ratio du total des enveloppes-pays avec les crédits d'intervention du programme 185 (actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche) régresse de 27 % à 18%.
La comparaison des crédits pour 2012 (le PLF 2011 ne comportait pas de chiffres détaillés) et 2017 pour différents types d'intervention de la compétence du réseau paraissant avoir gardé le même périmètre, permet d'appréhender l'impact des baisses de crédits sur le terrain.
Ainsi, la réduction des moyens accordés aux bourses (-19% pour la sous-action Langue française et diversité linguistique, - 34% pour la sous-action Coopération et diffusion culturelle) va à l'encontre de la politique affichée d'augmentation du nombre d'étudiants étrangers inscrits dans l'enseignement supérieur français : "les bourses constituent l'un des principaux vecteurs de l'influence française à l'étranger" affirme le projet de loi de finances pour 2017. Alors que la France vient de reculer à la quatrième place pour l'accueil des étudiants étrangers, Béatrice Khaiat, directrice de Campus France, déplore la baisse de 17,5 % en quatre ans de l'enveloppe des bourses attribuées par le Quai d'Orsay aux étudiants internationaux, qui est tombée à seulement 68 millions d'euros cette année : "une économie modeste dont les effets commencent à se faire sentir" (Tricornot 2017).
L'enveloppe de crédits à la disposition des postes pour financer des actions ou nouer des partenariats s'est donc considérablement réduite, créant un sentiment de frustration chez certains agents, dont la plupart des responsables de postes se font l'écho (Cour 2013).
2.3 Le poids croissant des agences
Comme on l'a vu plus haut, le montant des enveloppes-pays a considérablement chuté.
Au sein du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence les arbitrages favorisent les opérateurs parisiens au détriment des postes diplomatiques. Tel est le cas de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des nouvelles agences Campus France et Institut Français.
Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)
Alors que les crédits destinés à la diplomatie culturelle sensu stricto ont chuté de 15,7 % en euros courants de 2011 à 2017, les crédits pour l'enseignement français à l'étranger sont certes en baisse mais en moindre proportion : 5,8 %.
Les nouvelles agences : Campus France et Institut Français
Très tôt, le ministère des Affaires étrangères s'est entouré d'un ensemble de satellites spécialisés, démembrements de l'administration centrale. Depuis les années 1990, la tendance est à la création de nouveaux opérateurs et à la croissance de leur périmètre d'action. Ce mouvement a concerné en particulier l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (1990), l'Agence française de développement (1998), EduFrance (1998), France Coopération Internationale (2002) et le regroupement dans CulturesFrance, en 2006, de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française ainsi que la transformation d'EduFrance en Campus France en 2007.
Dans le cadre de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État, cette externalisation a été amplifiée par la création de trois agences dont deux concernent la diplomatie culturelle : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), l'autre vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France).
En 2011, pour le programme 185, la subvention à l'Institut français s'élevait à 23,6 millions d'euros et celle de Campus France à 1,15 millions d'euros. En 2017, les subventions pour charges de service public sont respectivement de 28,6 et de 3,8 millions d'euros. En six ans, les crédits à ces deux agences progressent de 24,75 à 32,4 millions d'euros, soit une hausse de plus de 30%.
Etendard de la réforme, l'Institut français se devait être le "British Council à la française", l'opérateur pivot de la politique culturelle extérieure de la France auquel le réseau culturel à l'étranger serait rattaché. Ce projet a avorté. Concrètement, l'Institut français n'est donc qu'un CulturesFrance aux missions élargies qui toutefois ne consacrait qu'environ 14 % de son budget d'activités en 2012 à des subventions directes au réseau public alors que son objectif était de 37,5 % (Cour des comptes, 2013).
2.4 La "dynamisation des ressources externes"
La dynamisation des ressources externes constitue l'un des objectifs du ministère des Affaires étrangères : "les ambitions de notre pays dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et universitaire nécessitent d'adapter nos modes d'intervention aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Pour renforcer l'efficience dans la gestion des crédits et optimiser les leviers d'action dans un contexte budgétaire contraint, il convient notamment de dynamiser les ressources externes" (Bleu budgétaire 2017).
Deux indicateurs de performance ont ainsi été mis en place : montant des cofinancements levés par le réseau et taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière.
Montant des cofinancements levés par le réseau
Les cofinancements levés par le réseau sont des contributions en numéraire ou en nature apportées par les partenaires pour financer une opération (projets culturels, de recherche, programmes de bourses, etc.) pour laquelle l'action du poste a été déterminante.
Selon le Bleu budgétaire de la mission Action extérieure de l'État, le montant des cofinancements s'est élevé à 194 millions d'euros en 2014, 191 en 2015, 191 contre 198 prévu en 2016. Pour 2017 la prévision est de 191 millions d'euros et la cible 205 millions d'euros.
Il est permis d'être dubitatif quant à la pertinence de cet indicateur : les chiffres sont très volatils et il y a une forte concentration de l'indicateur (six pays représentent près de la moitié des cofinancements recensés en 2015). En outre, ils sont établis sur la base des indications fournies par le réseau culturel à l'étranger, le plus souvent collectées au doigt mouillé.
Ceci dit, le montant des cofinancements levés est significatif par rapport aux crédits d'intervention (159 millions d'euros en 2017 pour les actions Coopération culturelle et promotion du français et Enseignement supérieur et recherche).
Taux d'autofinancement des établissements à autonomie financière
Les recettes propres des instituts français proviennent, pour l'essentiel, des cours de langue, certifications et tests de langue française. En règle générale, elles équilibrent les dépenses concourant à ces activités et contribuent également au financement du fonctionnement de ces établissements.
En 2015, les recettes propres des instituts français s'élevaient à 133 millions d'euros alors que la dotation de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères était de 37,6 millions d'euros.
Le pourcentage d'autofinancement n'a guère varié au fil des ans : 68% de 2012 à 2017.
Or, depuis 2014, cet indicateur est calculé hors masse salariale du personnel expatrié. Le taux d'autofinancement devrait donc être proche des 100%. Mais, c'est sans compter sur les conséquences de la fusion dans chaque pays, du service culturel et l'institut français en une structure unique : "les établissements fusionnés seront amenés à mettre en uvre des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées" (Bleu budgétaire du PLF pour 2012).
La réforme de l'organisation du réseau permet donc à la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international du ministère des Affaires étrangères de se défausser d'une partie de ses responsabilités en faisant prendre en charge par les établissements des actions dont le financement lui incombe normalement.
CONCLUSIONS
En résumé, les crédits de la mission Action extérieure de l'État ont augmenté de 2%, ceux du programme Diplomatie culturelle et d'influence ont baissé de 5% ; la diplomatie culturelle sensu stricto a vu son budget perdre 15% alors que les enveloppes-pays chutaient de 44%. Pour les ressources humaines, la mission Action extérieure de l'État a perdu 5% de ses emplois, le programme Diplomatie culturelle et d'influence 22%, surtout dans le réseau culturel à l'étranger.
Le 17 juillet 2013, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, le ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, présentait la nouvelle diplomatie culturelle de la France : "notre réseau de coopération et d'action culturelle est décisif pour l'avenir de la France. Je suis convaincu qu'investir dans notre présence à l'étranger, c'est permettre à la culture française et à nos valeurs, dans un monde dangereux, incertain et éclaté, de demeurer une référence positive, porteuse d'émancipation et d'espoir". Pourtant, le budget de la diplomatie culturelle et d'influence pour 2014 a baissé de 3% par rapport à 2013.
Trois ans plus tard, le 18 juillet 2016, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, M. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du développement international affirmait : "sachez que j'ai fait de la préservation des crédits du programme 185 une priorité". De 2016 à 2017, la baisse des crédits s'élève à 1,2%.
Commentant les propos de Bernard Kouchner sur le budget de son ministère rendant difficile de maintenir les divers réseaux qu'il doit financer, la sénatrice Hélène Conway-Mouret s'interroge : "La faute à qui? Seul Hubert Védrine s'était battu pour son budget. Hervé de Charette était même fier de l'avoir réduit. Les autres ministres, comme Juppé, ne s'intéressaient qu'au politique et Dominique de Villepin ne voulait pas entendre parler du budget comme si on ne pouvait parler de culture et d'argent dans une même phrase. La première a besoin d'argent pour vivre et se développer même si elle n'a pas vocation à faire de l'argent mais plutôt à en coûter. Seulement si l'on considère la culture comme choix de société et si l'on pense que l'économie du savoir sera aussi importante que les matières premières pour l'avenir de notre monde alors on ne semble guère avoir de choix que celui de trouver les moyens pour notre action culturelle" (Conway-Mouret 2009).
A l'opposé, et pour rester dans le domaine de l'influence, les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur de la France (TV5 Monde, France Médias Monde qui regroupe France 24, RFI et MCD - Monte Carlo Doualiya, radio française en langue arabe - ont progressé 63% de 2011 à 2017 (206 à 336 millions d'euros). Pour sa part, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a mis en place, fin 2016, un " plan export " de 12 millions d'euros par an pour renforcer la présence des films français sur certains territoires, comme l'Amérique du Sud ou l'Asie, devenue la première zone d'exportation du cinéma français.
La diplomatie culturelle n'est plus depuis longtemps une priorité, sauf dans les discours : "l'action culturelle extérieure sert depuis trop longtemps aux gestionnaires du Quai d'Orsay de variable d'ajustement à la cure d'amaigrissement qui leur est imposée" (Tasca 2010). Qui plus est, les dernières réformes ont eu pour conséquence "d'instaurer d'une part un réseau extérieur sans moyens, de l'autre des agences sans réseau extérieur. Bonjour les querelles de bureaux et de personnes, bonjour les dégâts" (Nicoullaud 2008).
Comme nous l'avons montré dans notre thèse, la diplomatie culturelle peut être qualifiée de politique publique inversée. C'est en effet sur le terrain et non à Paris quelle se conçoit et s'exécute : "ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile" (Gazeau-Secret 2009).
Les arbitrages effectués à l'intérieur du programme 185 fragilisent l'action du réseau culturel à l'étranger. Au delà de l'érosion des moyens du programme Diplomatie culturelle et d'influence, c'est donc l'essence même du fonctionnement de cette politique publique qui est touché.
Qui plus est, la réforme du réseau de 2009, qui a entrainé la fusion, dans chaque pays, du service culturel et l'institut français en un établissement unique doté de l'autonomie financière, s'avère être entachée de nullité. En effet, le régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière (EAF) n'est pas conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires posés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régler cette question avant la fin de l'année 2014. La dérogation consistant à prolonger le système actuel dans l'attente d'une modification de la LOLF obtenue par le ministère des Affaires étrangères et du développement international est venue à expiration à la fin de 2015 et aucune issue ne semble se dégager.
Ceci dit, si la création d'établissements uniques a permis donner un label unique au dispositif mais a aussi a généré de substantielles économies pour le ministère des Affaires étrangères. D'une part, les emplois de conseiller culturel et de directeur d'institut ont été fusionnés. Surtout, comme nous l'avons vu plus haut, cette nouvelle structure, compte tenu de la diversité de ses domaines de compétence, est fréquemment amenée à prendre en charge sur ses recettes propres des actions régaliennes dans les domaines linguistique, universitaire, audiovisuel, etc. dont certaines n'ont pas vocation à être autofinancées.
Enfin, la dépendance accrue du réseau vis-à-vis des financements extrabudgétaires pose plusieurs questions. D'une part, la dégradation des crédits publics expose le réseau, en réduisant l'effet de levier potentiel de ces crédits indispensables pour enclencher une dynamique de production de ressources propres par des partenaires locaux. D'autre part, la recherche de fonds privés ne peut s'exercer qu'en tenant compte de l'impact pour l'image de l'État qui pourrait s'attacher au financement par des capitaux privés d'opérations à forte symbolique régalienne. Enfin, et surtout, la vocation des ressources externes est d'apporter de nouveaux financements et non de pallier à la disette budgétaire.
La diminution des moyens ne traduirait-elle pas un certain scepticisme sur l'efficacité de la diplomatie culturelle, sinon sur sa pertinence ? Quoiqu'il en soit, se reposer sur l'engagement du réseau à l'étranger qui, comme le souligne la Cour des comptes, a montré sa capacité de résilience face aux contraintes qu'il subit depuis des années et sur des ressources externes, palliatifs pour partie illusoires au désengagement de l'État, ne constitue pas une stratégie.
Ne sommes nous pas en train d'agir contre notre propre intérêt, de nous tirer une balle dans le pied ?
BIBLIOGRAPHIE
Annexe au projet de loi de finances pour 2017, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2016. (et années antérieures)
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COUR DES COMPTES (2013) Le réseau culturel de la France à l'étranger, Paris.
DELARUE M. (1982) Crise aux "relations extérieures" : la "restructuration" de la Direction des relations culturelles est remise en cause par des "énarques" et des syndicalistes, Le Monde, 25 septembre.
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TRICORNOT A. (2017) La France recule à la quatrième place pour l'accueil des étudiants étrangers, Le Monde, 12 janvier.
Signature :
Daniel Haize
QUELLE DIPLOMATIE CULTURELLE POUR LA FRANCE ?
Marque de fabrique de l'action extérieure de l'État, la diplomatie culturelle est confrontée depuis plusieurs années à d'importants défis : moyens financiers et humains en berne, réformes en demi-teinte. Reposant largement sur un modèle dont l'efficacité tend à décroître, elle doit s'adapter aux réalités d'aujourd'hui dont font partie l'explosion de la mobilité universitaire ainsi que la prégnance des industries culturelles alors même que le rôle des instituts français soulève de nombreuses interrogations.
Cette étude s'appuie sur un certain nombre de documents récents comme les projets de loi de finances (Bleu budgétaire de la mission action extérieure de l'État, avis des parlementaires), le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel de la France à l'étranger ainsi que sur les résultats d'une enquête menée auprès d'un échantillon de conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) en février 2015. Elle actualise en outre de nombreuses données contenues dans l'article La diplomatie culturelle française : une puissance douce ? (CERISCOPE Puissance, 2013).
1. UNE POLITIQUE PUBLIQUE A MINIMA
La diplomatie culturelle a pour objectif de créer une dynamique d'influence favorable aux intérêts de la France, ce qu'il est convenu d'appeler le soft power.
Cette politique publique est clairement identifiée dans le budget de l'État. Ainsi, au sein de la mission Action extérieure de l'État, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence regroupe l'ensemble des moyens destinés aux politiques culturelle, linguistique, universitaire, scientifique et relative aux échanges sur les enjeux globaux.
La diplomatie culturelle peut être appréhendée de plusieurs façons : à travers les sites des ministères des Affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr) et de l'Economie et des finances (http://www.performance-publique.budget.gouv.fr) et les rapports parlementaires, en particulier les avis sur les projets de loi de finances.
Au sein du ministère des Affaires étrangères, la diplomatie culturelle est de la compétence de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) qui s'appuie sur de multiples opérateurs comme l'Institut français, Campus France, Expertise France, l'Agence française de développement (AFD), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et sur le terrain d'un réseau composé de 161 services de coopération et d'action culturelle dans les ambassades, 10 services scientifiques, 124 établissements à autonomie financière (instituts français et instituts français de recherche à l'étranger) et 383 alliances françaises conventionnées. L'action du réseau culturel à l'étranger peut être visualisée par le biais du site Latitudes France (http://latitudefrance.diplomatie.gouv.fr).
1.1 Des moyens financiers et humains en berne
Les nombreux changements de périmètres rendent complexe l'analyse de l'évolution du budget consacré à la diplomatie culturelle. Malgré l'adjonction à partir de 2015 d'une nouvelle action Développement international -Tourisme (qui n'a pas été prise en compte dans cette étude), la période 2011-2016 présente une certaine cohérence pour le programme 185 dont les crédits de paiement inscrits dans les projets de loi de finances se sont érodés de près de 10 % passant de 757,61 à 685,48 millions d'euros alors que le budget destiné à l'ensemble de la mission Action extérieure de l'État progressait de 3,1 % pendant la même période.
Pendant ces six années, si l'enseignement français à l'étranger (service public à destination des enfants français dont les familles résident à l'étranger) a été relativement préservé (- 6,2%), les crédits destinés à l'attractivité et la recherche ont baissé de près de 9% et chuté de 13,6% pour la coopération culturelle et la promotion du français.
S'agissant du budget consacré à la diplomatie culturelle et d'influence dans le projet de loi de finances pour 2016, l'on ne peut que constater que plus de la moitié des crédits sont destinés au Service public d'enseignement à l'étranger dont le premier objectif ne concerne pas la diplomatie culturelle. Les actions Coopération culturelle et promotion du français d'une part, et Attractivité et recherche d'autre part, qui sont au cur de la diplomatie culturelle, n'absorbent respectivement que 9 et 14% des crédits du programme 185.
S'agissant des ressources humaines, la diplomatie culturelle mobilise en 2016, hors recrutement local, 769 agents contre 964 en 2011, soit une baisse de 20 % alors que, pour la même période, les deux autres programmes de la mission Action extérieure de l'État voyaient leurs effectifs rester stables (Français à l'étranger et affaires consulaires) voire légèrement réduits (Action de la France en Europe et dans le monde, - 4%). Les agents du réseau ont fourni "la chair à canon" (CFDT MAE 2016) de la diminution des effectifs du ministère des Affaires étrangères (2.668 équivalents-temps-plein-travaillé -ETPT- depuis 2006).
La diplomatie culturelle est donc devenue une variable d'ajustement budgétaire de la politique étrangère l'État. Une telle évolution est regrettée par la Cour des comptes ainsi que par les parlementaires, toutes tendances politiques confondues. Ainsi, dans son rapport sur le réseau culturel de la France à l'étranger, la Cour des comptes relève que "en dépit de ses efforts pour accroître des ressources extrabudgétaires, dont le montant est estimé à près de 290 millions d'euros, ce réseau reste confronté à une érosion de ses moyens de financement" (Cour des comptes, 2013). Les différents rapports parlementaires élaborés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 mettent également et de manière unanime l'accent sur cette évolution et ses conséquences : "Les actions regroupées aujourd'hui dans le programme 185 présentent la singularité de subir depuis vingt ans, et de manière quasiment ininterrompue, une diminution des moyens qui leur sont affectés, pourtant modeste" (François Loncle, député). "Depuis déjà plus de dix ans, la politique culturelle extérieure de la France fait l'objet de coupes budgétaires continuelles, le ministère des Affaires étrangères et son réseau culturel ayant été soumis très tôt aux efforts de rationalisation requis par la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuivis dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP)" (Louis Duvernois, sénateur). "Sur le long terme le constat reste celui d'une diminution continue des moyens alloués à la politique culturelle et d'influence dont témoigne la sollicitation croissante de financements extérieurs" (Jacques Legendre et Gaëtan Gorce, sénateurs).
1.2 Des réformes en demi-teinte
Depuis sa structuration en 1945, la diplomatie culturelle a fait l'objet de nombreuses réformes. La dernière en date est la conséquence de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État avec la création de trois agences sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), une vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France) et une dernière pour la promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale française (Expertise France).
Le bilan de cette externalisation est contrasté.
Campus France s'est substitué à trois organismes à savoir le Centre national des uvres universitaires et scolaires (CNOUS), le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE) et EduFrance, association regroupant plusieurs ministères et 191 établissements d'enseignement supérieur publics et privés. Après des débuts difficiles (la mise en place effective de l'EPIC n'est intervenue qu'en mai 2012), un contrat d'objectifs 2013-2015 a reçu un avis favorable du Parlement. En juillet 2014, le regroupement de l'ensemble des personnels sur un seul site a concrétisé la fusion complète des services.
France Expertise Internationale (FEI) a été créé en 2011 pour promouvoir l'assistance technique et l'expertise française à l'étranger. Il est rapidement apparu que le regroupement de l'expertise française au sein d'un opérateur unique paraissait peu réaliste car l'activité de cette agence s'inscrivait dans un paysage déjà très organisé. En effet, chaque ministère potentiellement susceptible de développer une expertise internationale était doté d'une structure ad hoc dont certaines jouissaient d'une présence significative sur les marchés internationaux. L'État a donc décidé de créer au début 2015 une nouvelle agence, Expertise France, par la fusion de France Expertise Internationale et des opérateurs publics de coopération technique internationale des ministères de l'économie (ADETEF) et des affaires sociales (GIP ESTHER, GIP INTER, ADECRI et SPSI). Il est prévu de rassembler à l'horizon 2016, au sein de cette agence la plupart des opérateurs spécialisés de coopération technique soit une douzaine d'organismes.
Etendard de la réforme, l'Institut français, issu de CulturesFrance, se devait être le "British Council à la française", la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. En fait, après plusieurs volte-face, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, a finalement opté pour le statu quo : le réseau demeurerait rattaché au ministère des Affaires étrangères. Les parlementaires ont toutefois inscrit dans la loi la mise en place d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut français qui a été conduite de 2011 à 2013 dans douze postes représentatifs de la diversité du réseau. Après plusieurs rapports d'évaluation le ministre des Affaires étrangères a annoncé le 22 octobre 2013 sa décision de ne pas rattacher l'ensemble des instituts français à l'étranger à l'opérateur Institut français "principalement pour des raisons de cohérence politique et institutionnelle" (Annexe au projet de loi de finances pour 2015, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, 2014).
L'idée de faire de l'Institut français la tête du réseau culturel et de lui confier un large pan de la diplomatie culturelle a donc avorté. Au delà de nombreuses oppositions au sein du ministère des Affaires étrangères, la décision était largement prévisible pour des raisons essentiellement techniques. Le réseau culturel dispose, en effet, d'un champ d'action plus large (coopération scientifique, coopération universitaire, aide au développement, etc.) que celui confié à l'Institut français. En cas de rattachement, il aurait fallu créer des bureaux locaux de l'EPIC parisien, juridiquement indépendant de l'ambassade, pour la seule action culturelle, les autres missions étant prises en charge par d'autres agents au sein des ambassades. Le rattachement présentait aussi un surcoût budgétaire estimé à 52 millions d'euros correspondant au transfert d'emplois vers l'Institut français. Il posait également, avec l'introduction d'une personnalité juridique distincte de l'ambassade, des problèmes de nature politique, juridique et financière.
Concrètement, l'Institut français n'est donc qu'un CulturesFrance aux missions élargies qui toutefois ne consacrait qu'environ 14 % de son budget d'activités en 2012 à des subventions directes au réseau public alors que son objectif était de 37,5 % (Cour des comptes, 2013).
La création à marche forcée de ces trois agences après celle déjà existantes comme l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou l'Agence française de développement (AFD) interpelle au moins sur deux points : le bien fondé de leur création ainsi que l'exercice de la tutelle et du pilotage, alors que, sur le terrain, la création des agences Institut français et Campus France n'est pas plébiscité : seulement 50% des conseillers culturels y voient une évolution positive alors que 37,50% la considèrent sans importance. Par contre, l'idée, désormais abandonnée, d'un rattachement du réseau culturel à l'Institut français est une décision positive pour 75% (Haize, 2015).
Ainsi, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France affichait une certaine prudence énonçant que : "compte tenu des métiers du ministère des Affaires étrangères et des contraintes spécifiques de la gestion à l'international, la gestion par opérateurs ne doit pas être pour lui un principe d'application générale : elle ne doit être retenue qu'au cas par cas et dans le respect de trois conditions : l'existence d'un bilan coût/efficacité favorable ; la tutelle et l'opérateur doivent être liés par un contrat d'objectifs et de moyens clair et précis assorti d'instruments de pilotage, de suivi et d'évaluation ; la structure d'animation politique et de contrôle doit disposer des ressources humaines adaptées à sa nouvelle mission" (Juppé, Schweitzer).
En outre, la tutelle des agences fait apparaître des incohérences : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) dont la mission principale est d'assurer le service public d'enseignement français à l'étranger est placé sous la tutelle unique du ministère des Affaires étrangères et du Développement international alors que le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, concerné au premier chef n'est qu'un fournisseur de personnels enseignants. L'Institut français est placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, le ministère de la Culture et de la communication n'est représenté qu'au conseil d'administration. A contrario, l'action audiovisuelle extérieure, France Médias Monde (France 24 et RFI), est de la responsabilité de la direction générale des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture et de la communication après avoir relevé jusqu'en 2009 du ministère des Affaires étrangères.
S'agissant du pilotage, la loi de 2010 prévoit l'élaboration de conventions pluriannuelles entre l'État et chaque établissement public définissant, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en uvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat qui peuvent formuler un avis sur ce projet de convention. Si Campus France dispose bien d'une convention d'objectifs et de moyens (COM) pour 2013-2015, par contre la validité d'exécution du contrat d'objectif et de performance de l'Institut français a pris fin en 2013 alors que le nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour 2016-2018 n'était toujours pas finalisé début 2016. Ceci dit, "les pouvoirs de direction et de contrôle exercés par les autorités étatiques traditionnelles sur des organismes qui ont leur propre budget et des personnels de droit privé apparaissent de plus en plus comme un leurre" (Kessler 2013).
L'éclatement en de multiples opérateurs, chacun assumant un pan de l'action culturelle extérieure, alors qu'il aurait été possible de confier l'ensemble de la diplomatie culturelle à un opérateur unique a interpellé deux anciens directeurs généraux de la coopération internationale et du développement (DGCID), François Nicoullaud et Anne Gazeau-Secret. "Mais pourquoi faut-il que la réflexion des décideurs s'oriente vers les plus mauvaises solutions possibles : une dispersion des fonctions d'opérateur de la DGCID en deux ou trois agences, peut-être plus, et une gestion des personnels culturels confiée à une direction générale de l'administration qui les a toujours considérés comme une population de second rayon, comparée aux agents du cur de métier diplomatique?" (Nicoullaud 2008). Pour Anne Gazeau-Secret, "cette idée ancienne a toujours été écartée, soit pour des raisons de fond (l'action culturelle extérieure doit - pour être au service de la diplomatie - lui être rattachée directement), soit par des contraintes comptables (elle sert, régulièrement, de variable d'ajustement budgétaire pour le budget du ministère). Ces raisons sont mauvaises et cette exception bien française n'a plus lieu d'être. Ne serait-ce que parce qu'on ne peut ignorer les logiques de métier : il y a longtemps que l'on aurait dû reconnaître que les activités culturelles, linguistiques, de communication, les programmes de coopération, le montage de projets, le management d'institutions culturelles, de même que le travail de lobbying et de recherche de financements extérieurs n'ont pas grand-chose à voir avec le métier de négociateur ou d'analyste des diplomates "pur sucre" - qui cachent mal d'ailleurs leur mépris, ou leur indifférence pour ces métiers de seconde classe" (Gazeau-Secret 2009).
A cet égard, le contraste avec l'évolution du dispositif de soutien aux entreprises françaises à l'export et à la promotion des investissements internationaux en France est saisissant. L'État a, en effet, créé début 2015 l'agence "Business France" pour accompagner le développement international des entreprises françaises et renforcer l'attractivité de la France. Cette nouvelle structure résulte de la fusion de l'Agence française des investissements internationaux (AFII) et Ubifrance créé en 2003 par la fusion du Centre français du commerce extérieur (CFCE) avec le Comité français des manifestations économiques à l'étranger puis avec l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique (ACTIM).
2. DES EVOLUTIONS CONTRASTEES
Tant en ce qui concerne l'attractivité universitaire de la France que la promotion des industries culturelles françaises, la diplomatie culturelle a su, malgré certains manques de cohérence, évoluer. Il n'en est pas de même pout les instituts français chaque fois plus marginalisés.
2.1 L'attractivité de l'enseignement supérieur français
L'accueil d'étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur français a toujours constitué un axe fort de la diplomatie culturelle de la France, en particulier grâce à l'octroi de bourses. Plus récemment, le ministère des Affaires étrangères s'est mobilisé pour soutenir l'attractivité de l'enseignement supérieur français.
La mobilité des étudiants étrangers en France : un bilan positif à relativiser
On comptait en 2000 deux millions d'étudiants en mobilité internationale. Leur nombre a déjà doublé aujourd'hui et pourrait dépasser 7,5 millions en 2025. Il existe aujourd'hui un véritable marché mondial de la formation des futurs décideurs étrangers faisant l'objet d'une compétition entre les pays développés pour attirer les meilleurs étudiants. La France est un acteur important de cette dynamique. Selon les chiffres de l'Unesco, elle est le troisième pays d'accueil des étudiants internationaux en 2012 avec 271 000 étudiants accueillis. La France capte ainsi 6,8 % du total des étudiants en mobilité à travers le monde, derrière les États-Unis (18,5 %) et le Royaume-Uni (10,7 %). Selon le Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, les étudiants étrangers représentent 12,1 % du total des étudiants et 41,4 % du total des doctorants.
Comme nous l'avons vu plus haut, l'importance accordée à la mobilité internationale des étudiants vers la France avait généré la création d'EduFrance en 1998. Aujourd'hui, Campus France est la nouvelle agence pour la promotion de l'enseignement supérieur. L'État s'est ainsi doté d'un opérateur unique chargé d'assurer la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger, mais aussi de fournir des prestations aux bénéficiaires des programmes de mobilité internationale, notamment les boursiers du gouvernement français. De son coté, le réseau culturel à l'étranger a créé au sein des ambassades, des instituts ou des alliances françaises des espaces Campus France (145 espaces et 63 antennes implantés dans 114 pays) qui accueillent et guident les étudiants dans leur recherche, les aident dans leur choix d'une formation, les accompagnent dans les formalités administratives et consulaires préalables à leur arrivée en France.
Si le ministère des Affaires étrangères a donc su innover pour accompagner le mouvement de mobilité universitaire, cette évolution positive doit être toutefois relativisée. En effet, l'attractivité de la France n'est pas égale dans toutes les régions du monde : les étudiants marocains sont les plus représentés (11,5%) suivis par les Chinois (10,2) et les Algériens (7,4%). Près d'un étudiant sur deux est originaire du continent africain, 20,8 % proviennent d'Asie et 19,7 % de l'Union européenne. En 2103-2014, les grandes écoles françaises ont accueilli 11 580 étudiants venus du Maghreb et 9 057 venus de Chine, mais seulement 1 991 étudiants américains, 747 Britanniques et 310 Japonais.
De multiples raisons peuvent expliquer une telle situation, l'attrait des systèmes universitaires correspondants au modèle économique dominant, concrètement le modèle anglo-saxon, est sans doute une des principales.
Une politique de bourses peu lisible
En 2012, la France a accueilli 271 000 étudiants étrangers. Pour la même année 14 500 bourses du gouvernement français ont été attribuées pour une dépense de près de 74 millions d'euros, dont 52 prescrite par le réseau. Les appels récurrents des parlementaires visant à une sanctuarisation des crédits destinés aux bourses n'ont guère eu d'effet. Leur nombre est en effet passé de 15 380 en 2010 à 13 497 en 2014 pour un montant de 60,2 millions d'euros contre 80,5 en 2012.
Jusqu'à une époque récente, l'attribution de bourses relevait de la seule compétence du réseau, dans une logique de projet intégré, culturel, scientifique, universitaire, etc. Toutefois, au tournant des années 2000, le ministère des Affaires étrangères a créé plusieurs programmes de "bourses d'excellence" dont le programme Eiffel (6 728 bénéficiaires depuis 1999, date de début du programme) et le programme Excellence-major (2 000 lauréats depuis son lancement en 2000, près de 200 nouveaux boursiers chaque année).
Le programme de bourses Eiffel a été conçu pour permettre aux établissements français d'enseignement supérieur d'attirer les meilleurs étudiants étrangers dans des formations de niveau master et en doctorat. Trois grands domaines d'études sont concernés : les sciences de l'ingénieur pour le niveau master, les sciences au sens large pour le niveau doctorat, l'économie et la gestion, le droit et les sciences politiques. Pour être recevables, les candidatures doivent être transmises par les établissements français qui s'engagent à inscrire les lauréats dans la formation pour laquelle ils ont été sélectionnés. Les bourses Excellence-major sont, quant à elles, attribuées sur des critères d'excellence à des bacheliers étrangers issus du réseau des lycées français du monde afin qu'ils viennent poursuivre des études de haut niveau en France.
La pertinence de ces deux programmes suscite des interrogations, au premier rang desquelles la cohérence avec les bourses prescrites par le réseau. Quel est aujourd'hui le bien fondé des bourses Eiffel, concrètement de financer des bourses alors que la mobilité explose ? N'y a-t-il pas un paradoxe à octroyer des bourses à des bacheliers étrangers issus du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger alors que seulement 50% d'entre eux font le choix de poursuivre leurs études supérieures en France et que la principale mission de ce réseau, qui accueille 60% d'étrangers, est de scolariser les enfants d'expatriés français
Une absence de suivi et de valorisation
Il existe une conviction largement partagée par le ministère des Affaires étrangères, les parlementaires et les médias qu'un étudiant formé en France deviendra un "ambassadeur de la France" dans son pays. La réalité est dans doute différente. En effet, à la question "vous arrive-t-il d'avoir des contacts avec la France ou des Français dans le cadre de votre travail ?" posée à d'anciens étudiants étrangers en France, seuls 24 % répondent très souvent et 13 assez souvent alors que 23% répondent de temps en temps, 20 % rarement et 21% ça ne m'est jamais arrivé (Enquête Campus France et TNS Sofres sur les étudiants étrangers en France, 2011).
Les outils de suivi d'anciens (étudiants, boursiers, stagiaires, lycéens des lycées français notamment) demeurent embryonnaires ou précaires. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2014 que le ministère des Affaires étrangères a annoncé le lancement de la plateforme numérique francealumni.fr, projet piloté par Campus France et qui a pour ambition de permettre aux alumni étrangers de rester en contact avec la France. Ceci dit, alors que la constitution de réseaux est un objectif récurrent des ambassades, très peu d'entre elles considèrent que les réseaux d'anciens étudiants sont un actif mobilisable de premier rang (Cour des comptes 2013).
2.2 La promotion des produits culturels français
La présence des produits culturels français sur les marchés étrangers constitue à l'évidence un enjeu majeur dans une stratégie d'influence : un livre, un CD, un film, ou une émission de télévision peuvent toucher des milliers voire des millions de personnes.
Même si elle n'occupe qu'une part modeste des marchés étrangers, loin derrière les États-Unis, la France est le deuxième exportateur mondial de films : en 2015, le cinéma français à l'international a généré 600 millions d'euros de recettes (515 films français exploités dans les salles étrangères) pour 106 millions d'entrées (72,5 millions en France). En 2014, les ventes de programmes audiovisuels français à l'étranger (fictions, documentaires, films d'animation, jeux) ont atteint 153,8 millions d'euros, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2013. La France est le troisième pays européen exportateur de livres, derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne. Le français est la deuxième langue la plus traduite, après l'anglais. Ainsi, pour 2013, le Syndicat national de l'édition fait état de 11 282 cessions de droits de traduction.
Les professionnels se sont organisés depuis longtemps à l'international comme par exemple, UniFrance pour le cinéma, le Bureau international de l'édition française pour le livre, TV France International pour les programmes audiovisuels ou le Bureau export de la musique française pour la musique. Plusieurs de ces structures disposent de bureaux à l'étranger : Etats-Unis, Inde, Japon et Chine pour UniFrance ; Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande Bretagne et Brésil pour le Bureau export et Etats-Unis pour le BIEF.
Par ailleurs, le secteur des industries culturelles fonctionne largement autour avec de grands rendez-vous, de marchés internationaux comme la foire du livre de Francfort, le Marché international du disque et de l'édition musicale (MIDEM) ou le Marché international des programmes de télévision (MIPTV).
Le ministère des Affaires étrangères n'est pas resté indifférent à l'importance des produits culturels dans une stratégie d'influence. Il a ainsi créé dans années quatre-vingt, des postes d'attachés audiovisuels (une cinquantaine aujourd'hui dont une quinzaine à compétence régionale) et de chargés de mission pour le livre (une vingtaine le plus souvent des volontaires internationaux).
Comment le réseau culturel peut-il trouver une place originale, être efficace dans un environnement très organisé où économie et culture sont étroitement mêlées ?
Les actions menées par le réseau culturel en faveur du livre s'articulent autour de trois objectifs principaux : le soutien aux éditeurs locaux pour la traduction d'ouvrages d'auteurs français, une présence française lors des principaux événements comme les foires internationales du livre, la promotion du débat d'idées et de la pensée française. La mission attachés audiovisuels peut se résumer, quant à elle, en cinq grandes fonctions : veille économique, promotion commerciale des entreprises et programmes français, organisation d'opérations spécifiques (avant-premières ), coordination de la diffusion non commerciale et mise en place de projets de coopération.
Pour les professionnels de l'édition, les programmes d'aide à la publication animés par le réseau qui s'adressent aux éditeurs étrangers souhaitant faire traduire et publier des auteurs français - depuis 25 ans, ils ont permis la traduction de près de 20 000 titres d'auteur français dans 80 pays - sont appréciés même si la rotation très fréquente des personnels chargés du livre pose problème. Ils soulignent cependant que les choses "dépendent beaucoup des personnes qui sont en poste" et qu'un lien peut-être subitement rompu ou au contraire considérablement renforcé au gré des nominations (Poivre d'Arvor, Wagner, 2009).
Pour le ministère des Affaires étrangères, la mission de l'attaché audiovisuel est ambitieuse : il est "l'avant-poste" du dispositif audiovisuel extérieur français, sur lequel repose en grande partie le succès ou l'échec des projets de coopération et la présence ou l'absence de programmes français. Les entretiens menés par Romain Lecler apportent un éclairage quant à la réalité de leur action.
Mona, en poste en Asie, affirme ainsi : "On est payés par l'État pour suivre normalement une politique audiovisuelle. Mais il n'y a pas de politique audiovisuelle. La politique audiovisuelle à l'étranger de la France est faite par chaque attaché audiovisuel. Et à chaque fois que l'attaché audiovisuel change, généralement la politique audiovisuelle change, parce que chacun veut y mettre sa touche, parce que si on fait la même chose que ce qu'avait fait la personne d'avant, a priori c'est qu'on n'a pas d'idées". Pour Alexandre, de fait, "les personnalités des uns et des autres, ou les connaissances des uns et des autres vont faire qu'on va aller peut-être plus dans un sens que dans un autre, on va mettre un accent plus grand sur le cinéma que la télévision, que la radio, que les nouvelles technologies. Ça peut être mieux comme et ça peut-être une perversion du système". Alix, une coordinatrice du réseau des attachés audiovisuels chargées de superviser leur recrutement, reconnaît : "On a un vrai problème de mesure et d'indicateurs sur l'activité de nos attachés audiovisuels. Comment mesurer ce qui se passerait s'ils n'existaient pas ? C'est très compliqué" (Lecler, 2016).
La Cour des comptes se montre dubitative quant à l'efficacité de ces interventions : "Bien que certains postes disposent d'attachés spécialisés (livre, musique, audiovisuel) pour soutenir ces secteurs, l'action des postes ne peut qu'avoir un effet limité à certains domaines, en rapport avec leurs capacités. Dans les domaines du cinéma et de l'audiovisuel, leur promotion, leur réception et leur éventuel succès à l'étranger dépendent avant tout d'intermédiaires locaux (les distributeurs, les chaînes de télévision, les éditeurs de vidéo et de vidéo à la demande, voire les salles de cinéma) qui n'ont que peu de liens avec le réseau culturel à l'étranger".
2.3 Les instituts français
Au début du XXe siècle, plusieurs universités françaises ont ouvert des antennes à l'étranger afin de permettre à leurs étudiants et chercheurs de continuer leurs travaux dans le pays étudié. Après la Libération, de nombreux instituts, chargés spécifiquement de la diffusion de la langue française à l'étranger, ont été créé directement par l'État français.
Le rôle des instituts français dans la diplomatie culturelle fait l'objet de nombreuses prises de position divergentes de la part de parlementaires, d'intellectuels, de médias, etc. mais, sauf, quelques exceptions, sans véritable réflexion sur le fonds, sur le modèle lui-même.
Des réformes décalées
Depuis une vingtaine d'années, le réseau des instituts français fait l'objet de réaménagements. La rationalisation du réseau s'est articulée autour de quatre mouvements : ouvertures, fermetures, regroupements, fusions et absorptions. Cependant, l'évolution du nombre d'implantations du réseau culturel français de 2002 à 2012 contraste avec celle de ses principaux partenaires, dont les réseaux ont connu au cours des dernières années des réductions plus marquées puisque le British Council, qui dispose de 191 bureaux dans 110 pays, et le Goethe Institut, qui en compte 146 dans 92 pays, ont vu le nombre de leurs implantations se réduire respectivement de 14 % et de 24 %. Le réseau français demeure ainsi, en 2013, particulièrement étendu et n'a pas autant réduit ses implantations dans la même proportion que ses homologues allemand et britannique : -4,6 % (instituts français -31,9 %, alliances françaises bénéficiant d'un soutien public +8,2 %. (Cour des comptes, 2013). A titre de comparaison, le réseau de l'Institut Français d'Allemagne regroupe 11 instituts (Berlin, Brême, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Leipzig, Stuttgart, Mayence, Munich), 10 centres franco-allemands et 3 antennes culturelles alors que l'Institut Goethe ne compte, quant à lui, que quatre implantations en France : Lyon, Nancy, Paris et Toulouse.
Lancée en 2009, la réforme de l'organisation du réseau a entrainé la création, dans chaque pays, d'un établissement unique dirigé par le conseiller culturel, doté de l'autonomie financière et regroupant le service culturel et l'institut. Cette nouvelle structuration du réseau répondait à une double préoccupation : donner un label unique au dispositif et bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion. Il est surprenant que le ministère des Affaires étrangères se soit engagé dans une telle voie alors que la non-conformité du régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière (EAF) aux principes d'unité et d'universalité budgétaires posés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) était avérée. La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régler cette question avant la fin de l'année 2014 : "cette irrégularité n'est pas acceptable. Elle fait courir un risque juridique à l'ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa fragilité compte tenu de l'appui croissant sur la collecte de recettes commerciales". La dérogation consistant à prolonger le système actuel dans l'attente d'une modification de la LOLF obtenue par le ministère des Affaires étrangères et du développement international est venue à expiration à la fin de 2015 et aucune issue ne semble se dégager.
Ceci dit, les réponses des conseillers culturels (COCAC) à notre enquête montrent que cette nouvelle organisation n'est pas plébiscitée. La fusion des services de coopération et d'action culturelle et des instituts français n'est jugée positive que par 62,50 % d'entre-eux ; à l'opposé, elle est sans importance pour 25% et négative pour 12,50%. L'instauration d'un label unique permettant, sur le terrain, d'améliorer la visibilité du réseau, est perçue comme une évolution positive pour 62,50 % des COCAC alors que 37,50 % la jugent sans importance. Le pourcentage significatif de désintérêt s'explique sans doute part le fait que, sur le terrain, ces transformations n'apportent guère de changement ni de plus-value à leurs pratiques (Haize, 2015).
Un réseau marginalisé
Les instituts français à l'étranger (ainsi d'ailleurs que les alliances françaises) ont deux missions principales : l'enseignement de la langue et diffusion culturelle. Leur développement remonte à une époque où il y avait une moindre circulation des biens culturels. Ils disposaient alors de l'exclusivité dans la présentation d'une vitrine française. Alors que l'environnement s'est profondément transformé sous l'effet principalement de la mondialisation et du basculement numérique, les instituts n'ont pas fondamentalement évolué au fil des ans : les instituts ne sont plus en situation de monopole : l'enseignement de la langue française tout comme les manifestations culturelles sont aujourd'hui des marchés dynamiques et concurrentiels.
Enseignement de la langue française
Actuellement l'enseignement des langues étrangères, donc du français, est devenu un marché impliquant de nombreux opérateurs, privés pour l'essentiel.
En France même, l'explosion de la mobilité étudiante a entrainé un accroissement du nombre de centres d'enseignement des langues étrangères. Alors que l'enseignement du français aux étudiants étrangers était l'apanage des universités, les cours privés de FLE (français langue étrangère) fleurissent dans les villes universitaires françaises.
Il en est de même pour la langue française à l'étranger. Ainsi, en Grèce, alors que les effectifs des élèves à l'Institut Français d'Athènes déclinaient inexorablement (2 276 en 2001/2002), le nombre de candidats aux certifications de langue française (DELF et DALF) explosait : 36 618 candidats en 1998, 50 383 en 2001. L'Institut français d'Athènes n'avait plus le monopole de l'enseignement du français ; ce marché était dominé par les centres de langues étrangères privés (les frondistiria) : plus de 1500 enseignaient le français au début des années 2000.
Culturel et artistique
C'est dans le domaine de la diffusion culturelle et artistique que le décalage est encore plus criant. Pour bien le mesurer, intéressons nous à la trentaine de centres culturels étrangers à Paris. Qui connaît leur existence et leur programmation ? Qui les fréquente ? Ces centres offrent certes une programmation culturelle mais de caractère confidentiel, ne concernant qu'un public limité. La vraie vie culturelle s'exprime ailleurs : où le parisien va voir un film étranger ? Dans une salle commerciale. Où va va-t-il entendre un grand chef ou un orchestre étranger ? Dans une salle de concert. Où va-t-il voir une exposition ? Dans un des espaces publics ou privés de la capitale.
Il en est de même à l'étranger pour le réseau culturel français. Son action repose fondamentalement sur le partenariat. Le réseau joue auprès des opérateurs français et étrangers un rôle de passeur et d'incitateur les amenant à s'impliquer activement dans la promotion de manifestations culturelles françaises et de coproductions. Mais, comme le relève la Cour des comptes, la dégradation de leurs ressources en crédits publics expose doublement les postes du réseau. D'une part, elle ne leur permet pas de faire face à la croissance régulière de leurs coûts de fonctionnement, ce qui les conduit à des réductions de moyens répétées mais non anticipées ou à des abandons de missions, plaçant certains instituts en situation financière délicate. D'autre part, elle réduit l'effet de levier potentiel de ces crédits qui permettent pourtant d'enclencher une dynamique de production de ressources propres, notamment par le cofinancement de projets ou de bourses, par des partenaires locaux (Cour des comptes 2013).
CONCLUSION
Depuis le rattachement, en avril 2014, du commerce extérieur et du tourisme au ministère des Affaires étrangères, devenu ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), les trois priorités assignées à la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) sont la diplomatie économique, le développement et les biens publics mondiaux et la diplomatie d'influence. La diplomatie culturelle qui représentait la totalité de l'activité de la Direction Générale est aujourd'hui diluée dans un vaste ensemble. Elle est présentée aujourd'hui comme une composante de la "diplomatie d'influence" intégrée à une nouvelle "diplomatie globale".
La diplomatie culturelle n'est donc plus une priorité. La baisse récurrente de son budget fait que le ministère des Affaires étrangères n'est plus, comme du temps où les moyens de la Direction générale étaient la moitié de ceux de l'ensemble du Quai d'Orsay, le point de passage obligé pour les chercheurs, universitaires et organismes et les personnes souhaitant intervenir à l'étranger.
La mondialisation et la révolution numérique, phénomènes majeurs de la fin du siècle dernier, accélèrent cette évolution et impactent fortement la diplomatie culturelle. Aujourd'hui, les acteurs universitaires, chercheurs, éditeurs, tourneurs, producteurs de spectacles, agents artistiques, tant français qu'étrangers, intègrent la dimension internationale comme une composante normale de leur activité, évolution facilitée par Internet.
Face à cette nouvelle donne, les récentes réformes de la diplomatie culturelle ont principalement concerné l'organisation parisienne. Or, comme nous l'avons montré dans notre thèse, le centre de gravité la diplomatie culturelle est constitué par "la périphérie" (le réseau) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. On pourrait ainsi qualifier la diplomatie culturelle de politique publique "inversée" dont le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène (Haize, 2012). D'ailleurs, 62% des COCAC ayant répondu à notre enquête se disent tout à fait d'accord ou plutôt d'accord avec le propos d'Albert Salon (L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, 1980) : "les postes culturels à l'étranger coordonnent plus le ministère des Affaires étrangères que celui-ci ne les dirige" (Haize, 2015).
La diplomatie culturelle se construit sur le terrain, dans le réseau culturel : "il n'est pas douteux que ce réseau constitue, par son ampleur et ses actifs, au premier rang desquels le dynamisme et la créativité de ses équipes, un atout essentiel pour le rayonnement et l'attractivité de la France" (Cour des Comptes, 2013).
Les agents du réseau sont beaucoup plus que de simples exécutants d'une politique décidée à Paris. Le réseau culturel à l'étranger exerce de fait une triple fonction : il doit en premier lieu concevoir l'action qu'il souhaite mener, puis la mettre en uvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour pallier à la faiblesse de la dotation que lui alloue le ministère des Affaires étrangères (en 2014, le réseau est parvenu à lever 4,2 euros de cofinancement pour chaque euro investi dans des projets).
Alors que ce réseau est d'être très majoritairement composé d'agents détachés d'autres administrations, de contractuels recrutés en CDD et de volontaires internationaux, il serait légitime de penser qu'une telle réalité induise le ministère des Affaires étrangères à accorder une forte importance à la sélection et à la professionnalisation de ces agents (formation, évaluation, parcours, réemplois hors du réseau). La réalité est différente : l'absence d'intérêt et de volonté du ministère des Affaires étrangères est récurrent, alors que comme le souligne la Cour des comptes : "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ses compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau".
Ce qui pouvait être à la limite toléré, à l'époque où de nombreux agents réussissaient à effectuer un parcours dans le réseau et pour certains l'essentiel voire la totalité de leur carrière professionnelle, est devenu aujourd'hui une sérieuse entrave à l'efficacité de la diplomatie culturelle. En effet, la loi ne permet plus aujourd'hui de renouveler un CDD au-delà de six années. Dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, le ministère des Affaires étrangères remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues. La Cour des comptes relève ainsi que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau comporte de nombreux inconvénients : système pyramidal dans lequel la connaissance du terrain et des acteurs locaux et l'expertise acquise sont insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec les besoins du réseau et les compétences requises, du fait de la prévalence de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les postes ; incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non fonctionnaires dans la durée. Ce mode de gestion, qui est pour partie la conséquence de l'absence d'un cadre adapté pour le réseau, contribue à fragiliser les équipes et peut compromettre la pérennité de projets, accroissant la difficulté de réseau à s'inscrire dans le long terme qui est la condition de l'influence durable : " la gestion administrative du ministère doit être remplacée par une véritable gestion des compétences" (Cour des Comptes, 2013).
De l'avis général, ce qui fait défaut aujourd'hui, à la diplomatie culturelle, dont l'importance fait l'objet d'un très large consensus, est un véritable projet politique. Il est à craindre que les appels lancés dans ce sens, notamment par les parlementaires, restent à l'état de vu pieux : même dans les discours officiels, la diplomatie culturelle n'est plus une priorité. Ceci dit, en quoi un tel projet serait véritablement utile ? C'est en investissant sur le réseau et plus spécifiquement ses agents qui, pour le Premier président de la Cour des Comptes, constituent "une force tout autant qu'un talon d'Achille" (Loncle, Schmid, 2013) que la diplomatie culturelle, malgré les fortes contraintes qu'elle subit, pourra pleinement jouer le rôle d'influence qui lui est dévolu.
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POIVRE D'ARVOR O. WAGNER M-A. (2009) Quelles perspectives pour la politique publique de soutien au livre français à l'étranger ?, Propositions pour une stratégie concertée des acteurs publics, Paris, Conseil du livre.
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Cette étude s'appuie sur un certain nombre de documents récents comme les projets de loi de finances (Bleu budgétaire de la mission action extérieure de l'État, avis des parlementaires), le rapport de la Cour des comptes sur le réseau culturel de la France à l'étranger ainsi que sur les résultats d'une enquête menée auprès d'un échantillon de conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) en février 2015. Elle actualise en outre de nombreuses données contenues dans l'article La diplomatie culturelle française : une puissance douce ? (CERISCOPE Puissance, 2013).
1. UNE POLITIQUE PUBLIQUE A MINIMA
La diplomatie culturelle a pour objectif de créer une dynamique d'influence favorable aux intérêts de la France, ce qu'il est convenu d'appeler le soft power.
Cette politique publique est clairement identifiée dans le budget de l'État. Ainsi, au sein de la mission Action extérieure de l'État, le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence regroupe l'ensemble des moyens destinés aux politiques culturelle, linguistique, universitaire, scientifique et relative aux échanges sur les enjeux globaux.
La diplomatie culturelle peut être appréhendée de plusieurs façons : à travers les sites des ministères des Affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr) et de l'Economie et des finances (http://www.performance-publique.budget.gouv.fr) et les rapports parlementaires, en particulier les avis sur les projets de loi de finances.
Au sein du ministère des Affaires étrangères, la diplomatie culturelle est de la compétence de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) qui s'appuie sur de multiples opérateurs comme l'Institut français, Campus France, Expertise France, l'Agence française de développement (AFD), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et sur le terrain d'un réseau composé de 161 services de coopération et d'action culturelle dans les ambassades, 10 services scientifiques, 124 établissements à autonomie financière (instituts français et instituts français de recherche à l'étranger) et 383 alliances françaises conventionnées. L'action du réseau culturel à l'étranger peut être visualisée par le biais du site Latitudes France (http://latitudefrance.diplomatie.gouv.fr).
1.1 Des moyens financiers et humains en berne
Les nombreux changements de périmètres rendent complexe l'analyse de l'évolution du budget consacré à la diplomatie culturelle. Malgré l'adjonction à partir de 2015 d'une nouvelle action Développement international -Tourisme (qui n'a pas été prise en compte dans cette étude), la période 2011-2016 présente une certaine cohérence pour le programme 185 dont les crédits de paiement inscrits dans les projets de loi de finances se sont érodés de près de 10 % passant de 757,61 à 685,48 millions d'euros alors que le budget destiné à l'ensemble de la mission Action extérieure de l'État progressait de 3,1 % pendant la même période.
Pendant ces six années, si l'enseignement français à l'étranger (service public à destination des enfants français dont les familles résident à l'étranger) a été relativement préservé (- 6,2%), les crédits destinés à l'attractivité et la recherche ont baissé de près de 9% et chuté de 13,6% pour la coopération culturelle et la promotion du français.
S'agissant du budget consacré à la diplomatie culturelle et d'influence dans le projet de loi de finances pour 2016, l'on ne peut que constater que plus de la moitié des crédits sont destinés au Service public d'enseignement à l'étranger dont le premier objectif ne concerne pas la diplomatie culturelle. Les actions Coopération culturelle et promotion du français d'une part, et Attractivité et recherche d'autre part, qui sont au cur de la diplomatie culturelle, n'absorbent respectivement que 9 et 14% des crédits du programme 185.
S'agissant des ressources humaines, la diplomatie culturelle mobilise en 2016, hors recrutement local, 769 agents contre 964 en 2011, soit une baisse de 20 % alors que, pour la même période, les deux autres programmes de la mission Action extérieure de l'État voyaient leurs effectifs rester stables (Français à l'étranger et affaires consulaires) voire légèrement réduits (Action de la France en Europe et dans le monde, - 4%). Les agents du réseau ont fourni "la chair à canon" (CFDT MAE 2016) de la diminution des effectifs du ministère des Affaires étrangères (2.668 équivalents-temps-plein-travaillé -ETPT- depuis 2006).
La diplomatie culturelle est donc devenue une variable d'ajustement budgétaire de la politique étrangère l'État. Une telle évolution est regrettée par la Cour des comptes ainsi que par les parlementaires, toutes tendances politiques confondues. Ainsi, dans son rapport sur le réseau culturel de la France à l'étranger, la Cour des comptes relève que "en dépit de ses efforts pour accroître des ressources extrabudgétaires, dont le montant est estimé à près de 290 millions d'euros, ce réseau reste confronté à une érosion de ses moyens de financement" (Cour des comptes, 2013). Les différents rapports parlementaires élaborés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 mettent également et de manière unanime l'accent sur cette évolution et ses conséquences : "Les actions regroupées aujourd'hui dans le programme 185 présentent la singularité de subir depuis vingt ans, et de manière quasiment ininterrompue, une diminution des moyens qui leur sont affectés, pourtant modeste" (François Loncle, député). "Depuis déjà plus de dix ans, la politique culturelle extérieure de la France fait l'objet de coupes budgétaires continuelles, le ministère des Affaires étrangères et son réseau culturel ayant été soumis très tôt aux efforts de rationalisation requis par la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuivis dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP)" (Louis Duvernois, sénateur). "Sur le long terme le constat reste celui d'une diminution continue des moyens alloués à la politique culturelle et d'influence dont témoigne la sollicitation croissante de financements extérieurs" (Jacques Legendre et Gaëtan Gorce, sénateurs).
1.2 Des réformes en demi-teinte
Depuis sa structuration en 1945, la diplomatie culturelle a fait l'objet de nombreuses réformes. La dernière en date est la conséquence de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État avec la création de trois agences sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) : une dédiée à la promotion de la culture française (Institut français), une vouée à la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français (Campus France) et une dernière pour la promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale française (Expertise France).
Le bilan de cette externalisation est contrasté.
Campus France s'est substitué à trois organismes à savoir le Centre national des uvres universitaires et scolaires (CNOUS), le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE) et EduFrance, association regroupant plusieurs ministères et 191 établissements d'enseignement supérieur publics et privés. Après des débuts difficiles (la mise en place effective de l'EPIC n'est intervenue qu'en mai 2012), un contrat d'objectifs 2013-2015 a reçu un avis favorable du Parlement. En juillet 2014, le regroupement de l'ensemble des personnels sur un seul site a concrétisé la fusion complète des services.
France Expertise Internationale (FEI) a été créé en 2011 pour promouvoir l'assistance technique et l'expertise française à l'étranger. Il est rapidement apparu que le regroupement de l'expertise française au sein d'un opérateur unique paraissait peu réaliste car l'activité de cette agence s'inscrivait dans un paysage déjà très organisé. En effet, chaque ministère potentiellement susceptible de développer une expertise internationale était doté d'une structure ad hoc dont certaines jouissaient d'une présence significative sur les marchés internationaux. L'État a donc décidé de créer au début 2015 une nouvelle agence, Expertise France, par la fusion de France Expertise Internationale et des opérateurs publics de coopération technique internationale des ministères de l'économie (ADETEF) et des affaires sociales (GIP ESTHER, GIP INTER, ADECRI et SPSI). Il est prévu de rassembler à l'horizon 2016, au sein de cette agence la plupart des opérateurs spécialisés de coopération technique soit une douzaine d'organismes.
Etendard de la réforme, l'Institut français, issu de CulturesFrance, se devait être le "British Council à la française", la tête du réseau culturel à l'étranger qui lui serait rattaché. En fait, après plusieurs volte-face, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, a finalement opté pour le statu quo : le réseau demeurerait rattaché au ministère des Affaires étrangères. Les parlementaires ont toutefois inscrit dans la loi la mise en place d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut français qui a été conduite de 2011 à 2013 dans douze postes représentatifs de la diversité du réseau. Après plusieurs rapports d'évaluation le ministre des Affaires étrangères a annoncé le 22 octobre 2013 sa décision de ne pas rattacher l'ensemble des instituts français à l'étranger à l'opérateur Institut français "principalement pour des raisons de cohérence politique et institutionnelle" (Annexe au projet de loi de finances pour 2015, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, 2014).
L'idée de faire de l'Institut français la tête du réseau culturel et de lui confier un large pan de la diplomatie culturelle a donc avorté. Au delà de nombreuses oppositions au sein du ministère des Affaires étrangères, la décision était largement prévisible pour des raisons essentiellement techniques. Le réseau culturel dispose, en effet, d'un champ d'action plus large (coopération scientifique, coopération universitaire, aide au développement, etc.) que celui confié à l'Institut français. En cas de rattachement, il aurait fallu créer des bureaux locaux de l'EPIC parisien, juridiquement indépendant de l'ambassade, pour la seule action culturelle, les autres missions étant prises en charge par d'autres agents au sein des ambassades. Le rattachement présentait aussi un surcoût budgétaire estimé à 52 millions d'euros correspondant au transfert d'emplois vers l'Institut français. Il posait également, avec l'introduction d'une personnalité juridique distincte de l'ambassade, des problèmes de nature politique, juridique et financière.
Concrètement, l'Institut français n'est donc qu'un CulturesFrance aux missions élargies qui toutefois ne consacrait qu'environ 14 % de son budget d'activités en 2012 à des subventions directes au réseau public alors que son objectif était de 37,5 % (Cour des comptes, 2013).
La création à marche forcée de ces trois agences après celle déjà existantes comme l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou l'Agence française de développement (AFD) interpelle au moins sur deux points : le bien fondé de leur création ainsi que l'exercice de la tutelle et du pilotage, alors que, sur le terrain, la création des agences Institut français et Campus France n'est pas plébiscité : seulement 50% des conseillers culturels y voient une évolution positive alors que 37,50% la considèrent sans importance. Par contre, l'idée, désormais abandonnée, d'un rattachement du réseau culturel à l'Institut français est une décision positive pour 75% (Haize, 2015).
Ainsi, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France affichait une certaine prudence énonçant que : "compte tenu des métiers du ministère des Affaires étrangères et des contraintes spécifiques de la gestion à l'international, la gestion par opérateurs ne doit pas être pour lui un principe d'application générale : elle ne doit être retenue qu'au cas par cas et dans le respect de trois conditions : l'existence d'un bilan coût/efficacité favorable ; la tutelle et l'opérateur doivent être liés par un contrat d'objectifs et de moyens clair et précis assorti d'instruments de pilotage, de suivi et d'évaluation ; la structure d'animation politique et de contrôle doit disposer des ressources humaines adaptées à sa nouvelle mission" (Juppé, Schweitzer).
En outre, la tutelle des agences fait apparaître des incohérences : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) dont la mission principale est d'assurer le service public d'enseignement français à l'étranger est placé sous la tutelle unique du ministère des Affaires étrangères et du Développement international alors que le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, concerné au premier chef n'est qu'un fournisseur de personnels enseignants. L'Institut français est placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, le ministère de la Culture et de la communication n'est représenté qu'au conseil d'administration. A contrario, l'action audiovisuelle extérieure, France Médias Monde (France 24 et RFI), est de la responsabilité de la direction générale des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture et de la communication après avoir relevé jusqu'en 2009 du ministère des Affaires étrangères.
S'agissant du pilotage, la loi de 2010 prévoit l'élaboration de conventions pluriannuelles entre l'État et chaque établissement public définissant, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en uvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat qui peuvent formuler un avis sur ce projet de convention. Si Campus France dispose bien d'une convention d'objectifs et de moyens (COM) pour 2013-2015, par contre la validité d'exécution du contrat d'objectif et de performance de l'Institut français a pris fin en 2013 alors que le nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour 2016-2018 n'était toujours pas finalisé début 2016. Ceci dit, "les pouvoirs de direction et de contrôle exercés par les autorités étatiques traditionnelles sur des organismes qui ont leur propre budget et des personnels de droit privé apparaissent de plus en plus comme un leurre" (Kessler 2013).
L'éclatement en de multiples opérateurs, chacun assumant un pan de l'action culturelle extérieure, alors qu'il aurait été possible de confier l'ensemble de la diplomatie culturelle à un opérateur unique a interpellé deux anciens directeurs généraux de la coopération internationale et du développement (DGCID), François Nicoullaud et Anne Gazeau-Secret. "Mais pourquoi faut-il que la réflexion des décideurs s'oriente vers les plus mauvaises solutions possibles : une dispersion des fonctions d'opérateur de la DGCID en deux ou trois agences, peut-être plus, et une gestion des personnels culturels confiée à une direction générale de l'administration qui les a toujours considérés comme une population de second rayon, comparée aux agents du cur de métier diplomatique?" (Nicoullaud 2008). Pour Anne Gazeau-Secret, "cette idée ancienne a toujours été écartée, soit pour des raisons de fond (l'action culturelle extérieure doit - pour être au service de la diplomatie - lui être rattachée directement), soit par des contraintes comptables (elle sert, régulièrement, de variable d'ajustement budgétaire pour le budget du ministère). Ces raisons sont mauvaises et cette exception bien française n'a plus lieu d'être. Ne serait-ce que parce qu'on ne peut ignorer les logiques de métier : il y a longtemps que l'on aurait dû reconnaître que les activités culturelles, linguistiques, de communication, les programmes de coopération, le montage de projets, le management d'institutions culturelles, de même que le travail de lobbying et de recherche de financements extérieurs n'ont pas grand-chose à voir avec le métier de négociateur ou d'analyste des diplomates "pur sucre" - qui cachent mal d'ailleurs leur mépris, ou leur indifférence pour ces métiers de seconde classe" (Gazeau-Secret 2009).
A cet égard, le contraste avec l'évolution du dispositif de soutien aux entreprises françaises à l'export et à la promotion des investissements internationaux en France est saisissant. L'État a, en effet, créé début 2015 l'agence "Business France" pour accompagner le développement international des entreprises françaises et renforcer l'attractivité de la France. Cette nouvelle structure résulte de la fusion de l'Agence française des investissements internationaux (AFII) et Ubifrance créé en 2003 par la fusion du Centre français du commerce extérieur (CFCE) avec le Comité français des manifestations économiques à l'étranger puis avec l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique (ACTIM).
2. DES EVOLUTIONS CONTRASTEES
Tant en ce qui concerne l'attractivité universitaire de la France que la promotion des industries culturelles françaises, la diplomatie culturelle a su, malgré certains manques de cohérence, évoluer. Il n'en est pas de même pout les instituts français chaque fois plus marginalisés.
2.1 L'attractivité de l'enseignement supérieur français
L'accueil d'étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur français a toujours constitué un axe fort de la diplomatie culturelle de la France, en particulier grâce à l'octroi de bourses. Plus récemment, le ministère des Affaires étrangères s'est mobilisé pour soutenir l'attractivité de l'enseignement supérieur français.
La mobilité des étudiants étrangers en France : un bilan positif à relativiser
On comptait en 2000 deux millions d'étudiants en mobilité internationale. Leur nombre a déjà doublé aujourd'hui et pourrait dépasser 7,5 millions en 2025. Il existe aujourd'hui un véritable marché mondial de la formation des futurs décideurs étrangers faisant l'objet d'une compétition entre les pays développés pour attirer les meilleurs étudiants. La France est un acteur important de cette dynamique. Selon les chiffres de l'Unesco, elle est le troisième pays d'accueil des étudiants internationaux en 2012 avec 271 000 étudiants accueillis. La France capte ainsi 6,8 % du total des étudiants en mobilité à travers le monde, derrière les États-Unis (18,5 %) et le Royaume-Uni (10,7 %). Selon le Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, les étudiants étrangers représentent 12,1 % du total des étudiants et 41,4 % du total des doctorants.
Comme nous l'avons vu plus haut, l'importance accordée à la mobilité internationale des étudiants vers la France avait généré la création d'EduFrance en 1998. Aujourd'hui, Campus France est la nouvelle agence pour la promotion de l'enseignement supérieur. L'État s'est ainsi doté d'un opérateur unique chargé d'assurer la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger, mais aussi de fournir des prestations aux bénéficiaires des programmes de mobilité internationale, notamment les boursiers du gouvernement français. De son coté, le réseau culturel à l'étranger a créé au sein des ambassades, des instituts ou des alliances françaises des espaces Campus France (145 espaces et 63 antennes implantés dans 114 pays) qui accueillent et guident les étudiants dans leur recherche, les aident dans leur choix d'une formation, les accompagnent dans les formalités administratives et consulaires préalables à leur arrivée en France.
Si le ministère des Affaires étrangères a donc su innover pour accompagner le mouvement de mobilité universitaire, cette évolution positive doit être toutefois relativisée. En effet, l'attractivité de la France n'est pas égale dans toutes les régions du monde : les étudiants marocains sont les plus représentés (11,5%) suivis par les Chinois (10,2) et les Algériens (7,4%). Près d'un étudiant sur deux est originaire du continent africain, 20,8 % proviennent d'Asie et 19,7 % de l'Union européenne. En 2103-2014, les grandes écoles françaises ont accueilli 11 580 étudiants venus du Maghreb et 9 057 venus de Chine, mais seulement 1 991 étudiants américains, 747 Britanniques et 310 Japonais.
De multiples raisons peuvent expliquer une telle situation, l'attrait des systèmes universitaires correspondants au modèle économique dominant, concrètement le modèle anglo-saxon, est sans doute une des principales.
Une politique de bourses peu lisible
En 2012, la France a accueilli 271 000 étudiants étrangers. Pour la même année 14 500 bourses du gouvernement français ont été attribuées pour une dépense de près de 74 millions d'euros, dont 52 prescrite par le réseau. Les appels récurrents des parlementaires visant à une sanctuarisation des crédits destinés aux bourses n'ont guère eu d'effet. Leur nombre est en effet passé de 15 380 en 2010 à 13 497 en 2014 pour un montant de 60,2 millions d'euros contre 80,5 en 2012.
Jusqu'à une époque récente, l'attribution de bourses relevait de la seule compétence du réseau, dans une logique de projet intégré, culturel, scientifique, universitaire, etc. Toutefois, au tournant des années 2000, le ministère des Affaires étrangères a créé plusieurs programmes de "bourses d'excellence" dont le programme Eiffel (6 728 bénéficiaires depuis 1999, date de début du programme) et le programme Excellence-major (2 000 lauréats depuis son lancement en 2000, près de 200 nouveaux boursiers chaque année).
Le programme de bourses Eiffel a été conçu pour permettre aux établissements français d'enseignement supérieur d'attirer les meilleurs étudiants étrangers dans des formations de niveau master et en doctorat. Trois grands domaines d'études sont concernés : les sciences de l'ingénieur pour le niveau master, les sciences au sens large pour le niveau doctorat, l'économie et la gestion, le droit et les sciences politiques. Pour être recevables, les candidatures doivent être transmises par les établissements français qui s'engagent à inscrire les lauréats dans la formation pour laquelle ils ont été sélectionnés. Les bourses Excellence-major sont, quant à elles, attribuées sur des critères d'excellence à des bacheliers étrangers issus du réseau des lycées français du monde afin qu'ils viennent poursuivre des études de haut niveau en France.
La pertinence de ces deux programmes suscite des interrogations, au premier rang desquelles la cohérence avec les bourses prescrites par le réseau. Quel est aujourd'hui le bien fondé des bourses Eiffel, concrètement de financer des bourses alors que la mobilité explose ? N'y a-t-il pas un paradoxe à octroyer des bourses à des bacheliers étrangers issus du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger alors que seulement 50% d'entre eux font le choix de poursuivre leurs études supérieures en France et que la principale mission de ce réseau, qui accueille 60% d'étrangers, est de scolariser les enfants d'expatriés français
Une absence de suivi et de valorisation
Il existe une conviction largement partagée par le ministère des Affaires étrangères, les parlementaires et les médias qu'un étudiant formé en France deviendra un "ambassadeur de la France" dans son pays. La réalité est dans doute différente. En effet, à la question "vous arrive-t-il d'avoir des contacts avec la France ou des Français dans le cadre de votre travail ?" posée à d'anciens étudiants étrangers en France, seuls 24 % répondent très souvent et 13 assez souvent alors que 23% répondent de temps en temps, 20 % rarement et 21% ça ne m'est jamais arrivé (Enquête Campus France et TNS Sofres sur les étudiants étrangers en France, 2011).
Les outils de suivi d'anciens (étudiants, boursiers, stagiaires, lycéens des lycées français notamment) demeurent embryonnaires ou précaires. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2014 que le ministère des Affaires étrangères a annoncé le lancement de la plateforme numérique francealumni.fr, projet piloté par Campus France et qui a pour ambition de permettre aux alumni étrangers de rester en contact avec la France. Ceci dit, alors que la constitution de réseaux est un objectif récurrent des ambassades, très peu d'entre elles considèrent que les réseaux d'anciens étudiants sont un actif mobilisable de premier rang (Cour des comptes 2013).
2.2 La promotion des produits culturels français
La présence des produits culturels français sur les marchés étrangers constitue à l'évidence un enjeu majeur dans une stratégie d'influence : un livre, un CD, un film, ou une émission de télévision peuvent toucher des milliers voire des millions de personnes.
Même si elle n'occupe qu'une part modeste des marchés étrangers, loin derrière les États-Unis, la France est le deuxième exportateur mondial de films : en 2015, le cinéma français à l'international a généré 600 millions d'euros de recettes (515 films français exploités dans les salles étrangères) pour 106 millions d'entrées (72,5 millions en France). En 2014, les ventes de programmes audiovisuels français à l'étranger (fictions, documentaires, films d'animation, jeux) ont atteint 153,8 millions d'euros, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2013. La France est le troisième pays européen exportateur de livres, derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne. Le français est la deuxième langue la plus traduite, après l'anglais. Ainsi, pour 2013, le Syndicat national de l'édition fait état de 11 282 cessions de droits de traduction.
Les professionnels se sont organisés depuis longtemps à l'international comme par exemple, UniFrance pour le cinéma, le Bureau international de l'édition française pour le livre, TV France International pour les programmes audiovisuels ou le Bureau export de la musique française pour la musique. Plusieurs de ces structures disposent de bureaux à l'étranger : Etats-Unis, Inde, Japon et Chine pour UniFrance ; Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande Bretagne et Brésil pour le Bureau export et Etats-Unis pour le BIEF.
Par ailleurs, le secteur des industries culturelles fonctionne largement autour avec de grands rendez-vous, de marchés internationaux comme la foire du livre de Francfort, le Marché international du disque et de l'édition musicale (MIDEM) ou le Marché international des programmes de télévision (MIPTV).
Le ministère des Affaires étrangères n'est pas resté indifférent à l'importance des produits culturels dans une stratégie d'influence. Il a ainsi créé dans années quatre-vingt, des postes d'attachés audiovisuels (une cinquantaine aujourd'hui dont une quinzaine à compétence régionale) et de chargés de mission pour le livre (une vingtaine le plus souvent des volontaires internationaux).
Comment le réseau culturel peut-il trouver une place originale, être efficace dans un environnement très organisé où économie et culture sont étroitement mêlées ?
Les actions menées par le réseau culturel en faveur du livre s'articulent autour de trois objectifs principaux : le soutien aux éditeurs locaux pour la traduction d'ouvrages d'auteurs français, une présence française lors des principaux événements comme les foires internationales du livre, la promotion du débat d'idées et de la pensée française. La mission attachés audiovisuels peut se résumer, quant à elle, en cinq grandes fonctions : veille économique, promotion commerciale des entreprises et programmes français, organisation d'opérations spécifiques (avant-premières ), coordination de la diffusion non commerciale et mise en place de projets de coopération.
Pour les professionnels de l'édition, les programmes d'aide à la publication animés par le réseau qui s'adressent aux éditeurs étrangers souhaitant faire traduire et publier des auteurs français - depuis 25 ans, ils ont permis la traduction de près de 20 000 titres d'auteur français dans 80 pays - sont appréciés même si la rotation très fréquente des personnels chargés du livre pose problème. Ils soulignent cependant que les choses "dépendent beaucoup des personnes qui sont en poste" et qu'un lien peut-être subitement rompu ou au contraire considérablement renforcé au gré des nominations (Poivre d'Arvor, Wagner, 2009).
Pour le ministère des Affaires étrangères, la mission de l'attaché audiovisuel est ambitieuse : il est "l'avant-poste" du dispositif audiovisuel extérieur français, sur lequel repose en grande partie le succès ou l'échec des projets de coopération et la présence ou l'absence de programmes français. Les entretiens menés par Romain Lecler apportent un éclairage quant à la réalité de leur action.
Mona, en poste en Asie, affirme ainsi : "On est payés par l'État pour suivre normalement une politique audiovisuelle. Mais il n'y a pas de politique audiovisuelle. La politique audiovisuelle à l'étranger de la France est faite par chaque attaché audiovisuel. Et à chaque fois que l'attaché audiovisuel change, généralement la politique audiovisuelle change, parce que chacun veut y mettre sa touche, parce que si on fait la même chose que ce qu'avait fait la personne d'avant, a priori c'est qu'on n'a pas d'idées". Pour Alexandre, de fait, "les personnalités des uns et des autres, ou les connaissances des uns et des autres vont faire qu'on va aller peut-être plus dans un sens que dans un autre, on va mettre un accent plus grand sur le cinéma que la télévision, que la radio, que les nouvelles technologies. Ça peut être mieux comme et ça peut-être une perversion du système". Alix, une coordinatrice du réseau des attachés audiovisuels chargées de superviser leur recrutement, reconnaît : "On a un vrai problème de mesure et d'indicateurs sur l'activité de nos attachés audiovisuels. Comment mesurer ce qui se passerait s'ils n'existaient pas ? C'est très compliqué" (Lecler, 2016).
La Cour des comptes se montre dubitative quant à l'efficacité de ces interventions : "Bien que certains postes disposent d'attachés spécialisés (livre, musique, audiovisuel) pour soutenir ces secteurs, l'action des postes ne peut qu'avoir un effet limité à certains domaines, en rapport avec leurs capacités. Dans les domaines du cinéma et de l'audiovisuel, leur promotion, leur réception et leur éventuel succès à l'étranger dépendent avant tout d'intermédiaires locaux (les distributeurs, les chaînes de télévision, les éditeurs de vidéo et de vidéo à la demande, voire les salles de cinéma) qui n'ont que peu de liens avec le réseau culturel à l'étranger".
2.3 Les instituts français
Au début du XXe siècle, plusieurs universités françaises ont ouvert des antennes à l'étranger afin de permettre à leurs étudiants et chercheurs de continuer leurs travaux dans le pays étudié. Après la Libération, de nombreux instituts, chargés spécifiquement de la diffusion de la langue française à l'étranger, ont été créé directement par l'État français.
Le rôle des instituts français dans la diplomatie culturelle fait l'objet de nombreuses prises de position divergentes de la part de parlementaires, d'intellectuels, de médias, etc. mais, sauf, quelques exceptions, sans véritable réflexion sur le fonds, sur le modèle lui-même.
Des réformes décalées
Depuis une vingtaine d'années, le réseau des instituts français fait l'objet de réaménagements. La rationalisation du réseau s'est articulée autour de quatre mouvements : ouvertures, fermetures, regroupements, fusions et absorptions. Cependant, l'évolution du nombre d'implantations du réseau culturel français de 2002 à 2012 contraste avec celle de ses principaux partenaires, dont les réseaux ont connu au cours des dernières années des réductions plus marquées puisque le British Council, qui dispose de 191 bureaux dans 110 pays, et le Goethe Institut, qui en compte 146 dans 92 pays, ont vu le nombre de leurs implantations se réduire respectivement de 14 % et de 24 %. Le réseau français demeure ainsi, en 2013, particulièrement étendu et n'a pas autant réduit ses implantations dans la même proportion que ses homologues allemand et britannique : -4,6 % (instituts français -31,9 %, alliances françaises bénéficiant d'un soutien public +8,2 %. (Cour des comptes, 2013). A titre de comparaison, le réseau de l'Institut Français d'Allemagne regroupe 11 instituts (Berlin, Brême, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Leipzig, Stuttgart, Mayence, Munich), 10 centres franco-allemands et 3 antennes culturelles alors que l'Institut Goethe ne compte, quant à lui, que quatre implantations en France : Lyon, Nancy, Paris et Toulouse.
Lancée en 2009, la réforme de l'organisation du réseau a entrainé la création, dans chaque pays, d'un établissement unique dirigé par le conseiller culturel, doté de l'autonomie financière et regroupant le service culturel et l'institut. Cette nouvelle structuration du réseau répondait à une double préoccupation : donner un label unique au dispositif et bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion. Il est surprenant que le ministère des Affaires étrangères se soit engagé dans une telle voie alors que la non-conformité du régime budgétaire et financier des établissements dotés de l'autonomie financière (EAF) aux principes d'unité et d'universalité budgétaires posés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) était avérée. La Cour des comptes a donc demandé au ministère des Affaires étrangères de régler cette question avant la fin de l'année 2014 : "cette irrégularité n'est pas acceptable. Elle fait courir un risque juridique à l'ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa fragilité compte tenu de l'appui croissant sur la collecte de recettes commerciales". La dérogation consistant à prolonger le système actuel dans l'attente d'une modification de la LOLF obtenue par le ministère des Affaires étrangères et du développement international est venue à expiration à la fin de 2015 et aucune issue ne semble se dégager.
Ceci dit, les réponses des conseillers culturels (COCAC) à notre enquête montrent que cette nouvelle organisation n'est pas plébiscitée. La fusion des services de coopération et d'action culturelle et des instituts français n'est jugée positive que par 62,50 % d'entre-eux ; à l'opposé, elle est sans importance pour 25% et négative pour 12,50%. L'instauration d'un label unique permettant, sur le terrain, d'améliorer la visibilité du réseau, est perçue comme une évolution positive pour 62,50 % des COCAC alors que 37,50 % la jugent sans importance. Le pourcentage significatif de désintérêt s'explique sans doute part le fait que, sur le terrain, ces transformations n'apportent guère de changement ni de plus-value à leurs pratiques (Haize, 2015).
Un réseau marginalisé
Les instituts français à l'étranger (ainsi d'ailleurs que les alliances françaises) ont deux missions principales : l'enseignement de la langue et diffusion culturelle. Leur développement remonte à une époque où il y avait une moindre circulation des biens culturels. Ils disposaient alors de l'exclusivité dans la présentation d'une vitrine française. Alors que l'environnement s'est profondément transformé sous l'effet principalement de la mondialisation et du basculement numérique, les instituts n'ont pas fondamentalement évolué au fil des ans : les instituts ne sont plus en situation de monopole : l'enseignement de la langue française tout comme les manifestations culturelles sont aujourd'hui des marchés dynamiques et concurrentiels.
Enseignement de la langue française
Actuellement l'enseignement des langues étrangères, donc du français, est devenu un marché impliquant de nombreux opérateurs, privés pour l'essentiel.
En France même, l'explosion de la mobilité étudiante a entrainé un accroissement du nombre de centres d'enseignement des langues étrangères. Alors que l'enseignement du français aux étudiants étrangers était l'apanage des universités, les cours privés de FLE (français langue étrangère) fleurissent dans les villes universitaires françaises.
Il en est de même pour la langue française à l'étranger. Ainsi, en Grèce, alors que les effectifs des élèves à l'Institut Français d'Athènes déclinaient inexorablement (2 276 en 2001/2002), le nombre de candidats aux certifications de langue française (DELF et DALF) explosait : 36 618 candidats en 1998, 50 383 en 2001. L'Institut français d'Athènes n'avait plus le monopole de l'enseignement du français ; ce marché était dominé par les centres de langues étrangères privés (les frondistiria) : plus de 1500 enseignaient le français au début des années 2000.
Culturel et artistique
C'est dans le domaine de la diffusion culturelle et artistique que le décalage est encore plus criant. Pour bien le mesurer, intéressons nous à la trentaine de centres culturels étrangers à Paris. Qui connaît leur existence et leur programmation ? Qui les fréquente ? Ces centres offrent certes une programmation culturelle mais de caractère confidentiel, ne concernant qu'un public limité. La vraie vie culturelle s'exprime ailleurs : où le parisien va voir un film étranger ? Dans une salle commerciale. Où va va-t-il entendre un grand chef ou un orchestre étranger ? Dans une salle de concert. Où va-t-il voir une exposition ? Dans un des espaces publics ou privés de la capitale.
Il en est de même à l'étranger pour le réseau culturel français. Son action repose fondamentalement sur le partenariat. Le réseau joue auprès des opérateurs français et étrangers un rôle de passeur et d'incitateur les amenant à s'impliquer activement dans la promotion de manifestations culturelles françaises et de coproductions. Mais, comme le relève la Cour des comptes, la dégradation de leurs ressources en crédits publics expose doublement les postes du réseau. D'une part, elle ne leur permet pas de faire face à la croissance régulière de leurs coûts de fonctionnement, ce qui les conduit à des réductions de moyens répétées mais non anticipées ou à des abandons de missions, plaçant certains instituts en situation financière délicate. D'autre part, elle réduit l'effet de levier potentiel de ces crédits qui permettent pourtant d'enclencher une dynamique de production de ressources propres, notamment par le cofinancement de projets ou de bourses, par des partenaires locaux (Cour des comptes 2013).
CONCLUSION
Depuis le rattachement, en avril 2014, du commerce extérieur et du tourisme au ministère des Affaires étrangères, devenu ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), les trois priorités assignées à la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) sont la diplomatie économique, le développement et les biens publics mondiaux et la diplomatie d'influence. La diplomatie culturelle qui représentait la totalité de l'activité de la Direction Générale est aujourd'hui diluée dans un vaste ensemble. Elle est présentée aujourd'hui comme une composante de la "diplomatie d'influence" intégrée à une nouvelle "diplomatie globale".
La diplomatie culturelle n'est donc plus une priorité. La baisse récurrente de son budget fait que le ministère des Affaires étrangères n'est plus, comme du temps où les moyens de la Direction générale étaient la moitié de ceux de l'ensemble du Quai d'Orsay, le point de passage obligé pour les chercheurs, universitaires et organismes et les personnes souhaitant intervenir à l'étranger.
La mondialisation et la révolution numérique, phénomènes majeurs de la fin du siècle dernier, accélèrent cette évolution et impactent fortement la diplomatie culturelle. Aujourd'hui, les acteurs universitaires, chercheurs, éditeurs, tourneurs, producteurs de spectacles, agents artistiques, tant français qu'étrangers, intègrent la dimension internationale comme une composante normale de leur activité, évolution facilitée par Internet.
Face à cette nouvelle donne, les récentes réformes de la diplomatie culturelle ont principalement concerné l'organisation parisienne. Or, comme nous l'avons montré dans notre thèse, le centre de gravité la diplomatie culturelle est constitué par "la périphérie" (le réseau) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. On pourrait ainsi qualifier la diplomatie culturelle de politique publique "inversée" dont le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène (Haize, 2012). D'ailleurs, 62% des COCAC ayant répondu à notre enquête se disent tout à fait d'accord ou plutôt d'accord avec le propos d'Albert Salon (L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, 1980) : "les postes culturels à l'étranger coordonnent plus le ministère des Affaires étrangères que celui-ci ne les dirige" (Haize, 2015).
La diplomatie culturelle se construit sur le terrain, dans le réseau culturel : "il n'est pas douteux que ce réseau constitue, par son ampleur et ses actifs, au premier rang desquels le dynamisme et la créativité de ses équipes, un atout essentiel pour le rayonnement et l'attractivité de la France" (Cour des Comptes, 2013).
Les agents du réseau sont beaucoup plus que de simples exécutants d'une politique décidée à Paris. Le réseau culturel à l'étranger exerce de fait une triple fonction : il doit en premier lieu concevoir l'action qu'il souhaite mener, puis la mettre en uvre et enfin rechercher des financements extrabudgétaires pour pallier à la faiblesse de la dotation que lui alloue le ministère des Affaires étrangères (en 2014, le réseau est parvenu à lever 4,2 euros de cofinancement pour chaque euro investi dans des projets).
Alors que ce réseau est d'être très majoritairement composé d'agents détachés d'autres administrations, de contractuels recrutés en CDD et de volontaires internationaux, il serait légitime de penser qu'une telle réalité induise le ministère des Affaires étrangères à accorder une forte importance à la sélection et à la professionnalisation de ces agents (formation, évaluation, parcours, réemplois hors du réseau). La réalité est différente : l'absence d'intérêt et de volonté du ministère des Affaires étrangères est récurrent, alors que comme le souligne la Cour des comptes : "l'activité du réseau requiert des compétences diverses et spécialisées. La gestion de ses compétences, comme la valorisation de l'expertise acquise en poste par les agents, constituent un enjeu majeur pour le réseau".
Ce qui pouvait être à la limite toléré, à l'époque où de nombreux agents réussissaient à effectuer un parcours dans le réseau et pour certains l'essentiel voire la totalité de leur carrière professionnelle, est devenu aujourd'hui une sérieuse entrave à l'efficacité de la diplomatie culturelle. En effet, la loi ne permet plus aujourd'hui de renouveler un CDD au-delà de six années. Dans le but évident d'éviter que ces CDD ne se transforment en CDI, le ministère des Affaires étrangères remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues. La Cour des comptes relève ainsi que la gestion actuelle des ressources humaines du réseau comporte de nombreux inconvénients : système pyramidal dans lequel la connaissance du terrain et des acteurs locaux et l'expertise acquise sont insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec les besoins du réseau et les compétences requises, du fait de la prévalence de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les postes ; incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non fonctionnaires dans la durée. Ce mode de gestion, qui est pour partie la conséquence de l'absence d'un cadre adapté pour le réseau, contribue à fragiliser les équipes et peut compromettre la pérennité de projets, accroissant la difficulté de réseau à s'inscrire dans le long terme qui est la condition de l'influence durable : " la gestion administrative du ministère doit être remplacée par une véritable gestion des compétences" (Cour des Comptes, 2013).
De l'avis général, ce qui fait défaut aujourd'hui, à la diplomatie culturelle, dont l'importance fait l'objet d'un très large consensus, est un véritable projet politique. Il est à craindre que les appels lancés dans ce sens, notamment par les parlementaires, restent à l'état de vu pieux : même dans les discours officiels, la diplomatie culturelle n'est plus une priorité. Ceci dit, en quoi un tel projet serait véritablement utile ? C'est en investissant sur le réseau et plus spécifiquement ses agents qui, pour le Premier président de la Cour des Comptes, constituent "une force tout autant qu'un talon d'Achille" (Loncle, Schmid, 2013) que la diplomatie culturelle, malgré les fortes contraintes qu'elle subit, pourra pleinement jouer le rôle d'influence qui lui est dévolu.
BIBLIOGRAPHIE
Annexe au projet de loi de finances pour 2016, Action extérieure de l'État : diplomatie culturelle et d'influence, Paris, 2015.
CampusFrance et TNS Sofres (2011) Enquête sur les étudiants étrangers ayant achevé leur séjour d'étude en France.
http://www.campusfrance.org/sites/default/files/enquete_campusfrance_tns_sofres_sur_les_etudiants_etrangers__presentation.pdf
CFDT MAE (2016), GPEEC, un exercice de rare franchise au MAE. http://www.cfdt-mae.fr/revendications/parcours-professionnels/formation-professionnelle/gpeec-un-exercice-de-rare-franchise-au-mae-reunion-du-21-mars-2016/
Cour des comptes (2013) Le réseau culturel de la France à l'étranger, Paris.
GAZEAU-SECRET A. (2009) (Re)-donner à notre pays sa juste place dans le monde, Défense n°140, 2009, pp. 19-21.
HAIZE D. (2012) L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan.
HAIZE D. (2015) La diplomatie culturelle de la France vue par ses acteurs, Paris, L'Harmattan.
JUPPE A. SCHWEITZER L. (2008), La France et l'Europe dans le monde, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, Paris.
KESSLER MC. (2013) L'outil diplomatique français, le temps des concurrences, Questions internationales, n° 61-62, La Documentation française, pp. 33-43.
LECLER R. (2016) La diplomatie audiovisuelle à la carte : du recrutement comme enjeu d'analyse d'une politique étrangère, en cours de publication.
LONCLE F. SCHMID C. (2013) Rapport d'information (Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques) sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger, Paris, Assemblée nationale.
NICOULLAUD F. (2000), DGCID : le silence des agneaux? http://nicoullaud.blogspot.com.br/2008/06/dgcid-le-silence-des-agneaux.html
POIVRE D'ARVOR O. WAGNER M-A. (2009) Quelles perspectives pour la politique publique de soutien au livre français à l'étranger ?, Propositions pour une stratégie concertée des acteurs publics, Paris, Conseil du livre.
La diplomatie culturelle de la France vue par ses acteurs
La diplomatie culturelle peut être appréhendée de deux façons : par le site du ministère des Affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr) et par celui du ministère de l'Economie et des finances (http://www.performance-publique.budget.gouv.fr). L'action menée par le réseau culturel à l'étranger peut être, quant à elle, visualisée sur le site Latitudes France (http://latitudefrance.diplomatie.gouv.fr).
Les principaux regards sur la diplomatie culturelle émanent des parlementaires, des médias et de quelques rares chercheurs. Cependant, ces analyses écartent le plus souvent l'opinion, pourtant essentielle, de ceux qui sont concernés en premier lieu : les agents du réseau culturel à l'étranger.
Afin de lever le voile sur le regard de ces acteurs nous avons lancé en février 2015 une enquête auprès des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) des ambassades. Nous avons fait le choix de cibler ceux qui exercent dans les pays prioritaires pour l'Institut français : pays prescripteurs (Europe, Amérique du Nord, Pacifique, pays du Golfe), pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée, pays émergents et néo-émergents ainsi que les pays en développement prioritaire.
Les dix questions posées dans le cadre de l'enquête portaient sur leur vision des dernières réformes, leurs priorités, la professionnalisation des agents et la gouvernance de la diplomatie culturelle. S'il serait présomptueux d'affirmer que les résultats de cette enquête reflètent le sentiment de l'ensemble des conseillers de coopération et d'action culturelle (8 des 30 COCAC contactés ont répondu au questionnaire, soit 25% de l'échantillon), il se dégage toutefois un large consensus sur de nombreux points.
Quelle est votre opinion (positive, négative, sans importance) sur les dernières réformes : création de l'Institut français et de Campus France, amélioration la visibilité du réseau grâce à la création d'un label unique, fusion des services de coopération et d'action culturelle et des instituts français, abandon de l'idée de rattacher le réseau culturel à l'Institut français.
La création, dans le cadre de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, de trois agences sous forme d'EPIC, dont l'Institut français et Campus France est une évolution positive pour seulement 50% des COCAC alors que 37,50% la considèrent sans importance.
En second lieu, l'instauration d'un label unique permettant, sur le terrain, d'améliorer la visibilité du réseau, est perçue comme une évolution positive pour 62,50 % des COCAC alors que 37,50 % la jugent sans importance.
En troisième lieu, la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des instituts français (EAF) est jugée positive par 62,50 % des COCAC ; à l'opposé, elle est sans importance pour 25% et négative pour 12,50%.
Il ressort clairement de ces réponses que la dernière réforme engagée par le ministère des Affaires étrangères n'est pas plébiscitée. Le pourcentage significatif de désintérêt s'explique sans doute part le fait que, sur le terrain, ces transformations n'apportent guère de changement ni de plus-value aux pratiques des COCAC.
Enfin, à l'inverse, l'idée, désormais abandonnée, d'un rattachement du réseau culturel à l'Institut français est une décision positive pour 75%.
Ceci dit, la mise en uvre d'une telle opération se serait traduite par une coûteuse et inefficace "usine à gaz", justifiant l'abandon de ce projet.
Quels sont les modes d'intervention qui vous paraissent les plus performants dans une stratégie d'influence? Quelles sont les priorités que vous assignez à votre action ?
Pour les COCAC, les modes d'intervention les plus performants sont l'attractivité de l'enseignement supérieur français (score : 4,13), les instituts français et alliances françaises (3,13), les établissements français d'enseignement (2,75), les actions en faveur de la langue française et la présence des produits culturels français sur les marchés locaux (2,50).
Parmi les axes stratégiques définis dans le projet de loi de finances pour 2015 (programme 185 diplomatie culturelle et d'influence), les priorités assignées par les COCAC à leur action sont : la politique d'attractivité universitaire (score : 6,63), la promotion de l'influence culturelle et intellectuelle de la France et le renforcement de la place de la langue française (5,63), l'enseignement français à l'étranger (5,50), l'aide à la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques (5,00) et enfin le renforcement de l'action audiovisuelle extérieure de la France (3,50).
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la politique d'attractivité est clairement considérée comme le mode d'intervention le plus performant et est logiquement la première priorité des COCAC.
Les instituts français et alliances françaises apparaissent quant à eux comme la deuxième priorité ce qui est globalement cohérent avec la promotion de l'influence culturelle et intellectuelle de la France et le renforcement de la place de la langue française.
L'enseignement français arrive en troisième position. Cela peut paraître étonnant quand on sait que principale mission des établissements français d'enseignement à l'étranger est de scolariser les enfants d'expatriés et que moins de 50% des bacheliers étrangers issus ces établissements poursuivent leurs études supérieures en France.
Finalement, il est intéressant de relever que la présence des produits culturels français sur les marchés locaux et le renforcement de l'action audiovisuelle extérieure sont les dernières priorités des COCAC. Plusieurs explications pourraient justifier ce manque d'intérêt. Les COCAC sont peut-être plus versés vers des modes d'intervention plus institutionnels et traditionnels. Peut- être sont-ils moins à l'aise dans un secteur où la dimension culturelle passe par des acteurs économiques (distributeurs, éditeurs, chaînes de télévision, etc.) avec lesquels le réseau culturel n'a que peu de liens.
Dans son rapport sur le réseau culturel de la France à l'étranger (2013), la Cour des comptes estime que gestion administrative du ministère des Affaires étrangères doit être remplacée par une véritable gestion des compétences autour de la sélection, la formation, l'évaluation, les parcours et les réemplois hors du réseau. Quel ordre d'importance accordez-vous aux différents aspects de la gestion des agents du réseau ?
Pour les COCAC, la sélection des agents est l'aspect le plus important de la gestion des agents (score : 4,14) suivi des parcours et de la formation (3,14) puis des réemplois hors du réseau (2,43) et enfin de l'évaluation (2,14).
L'essentiel des agents du réseau culturel à l'étranger est soit détaché d'autres administrations, soit contractuels en CDD, soit enfin volontaires internationaux ; seuls 20% sont titulaires du ministère des Affaires étrangères. Le recrutement est bien le "nud gordien" de l'efficacité du réseau : "les agents qui constituent notre réseau culturel sont une force tout autant qu'un talon d'Achille" (Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes").
Quels vous paraissent être les principaux freins à la diplomatie culturelle : une moindre priorité, la baisse des moyens budgétaires, la diminution du nombre d'agents, la plus grande prise en compte de la dimension internationale par les différents acteurs français ?
Alors que les COCAC relativisent l'importance de l'internalisation croissante de la société (score : 2,38), ils accordent globalement la même portée à la perte de priorité (score : 4,00), la baisse des moyens budgétaires (3,88) et la diminution du nombre d'agents (3,50).
Décalage entre le discours politique et la réalité, moyens financiers et humains en berne, la diplomatie culturelle est devenue une politique publique à minima.
Quelle est votre opinion sur ce propos d'Albert Salon (L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, 1980) : "les postes culturels à l'étranger coordonnent plus le ministère des Affaires étrangères que celui-ci ne les dirige ?"
Une large majorité des COCAC (62%) se déclarent tout à fait d'accord ou plutôt d'accord sur cette affirmation.
Un tel résultat conforte notre thèse : le centre de gravité de la diplomatie culturelle est constitué par "la périphérie" (le réseau) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. On pourrait ainsi qualifier la diplomatie culturelle de politique publique "inversée" dont le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène.
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Les principaux regards sur la diplomatie culturelle émanent des parlementaires, des médias et de quelques rares chercheurs. Cependant, ces analyses écartent le plus souvent l'opinion, pourtant essentielle, de ceux qui sont concernés en premier lieu : les agents du réseau culturel à l'étranger.
Afin de lever le voile sur le regard de ces acteurs nous avons lancé en février 2015 une enquête auprès des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) des ambassades. Nous avons fait le choix de cibler ceux qui exercent dans les pays prioritaires pour l'Institut français : pays prescripteurs (Europe, Amérique du Nord, Pacifique, pays du Golfe), pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée, pays émergents et néo-émergents ainsi que les pays en développement prioritaire.
Les dix questions posées dans le cadre de l'enquête portaient sur leur vision des dernières réformes, leurs priorités, la professionnalisation des agents et la gouvernance de la diplomatie culturelle. S'il serait présomptueux d'affirmer que les résultats de cette enquête reflètent le sentiment de l'ensemble des conseillers de coopération et d'action culturelle (8 des 30 COCAC contactés ont répondu au questionnaire, soit 25% de l'échantillon), il se dégage toutefois un large consensus sur de nombreux points.
Quelle est votre opinion (positive, négative, sans importance) sur les dernières réformes : création de l'Institut français et de Campus France, amélioration la visibilité du réseau grâce à la création d'un label unique, fusion des services de coopération et d'action culturelle et des instituts français, abandon de l'idée de rattacher le réseau culturel à l'Institut français.
La création, dans le cadre de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, de trois agences sous forme d'EPIC, dont l'Institut français et Campus France est une évolution positive pour seulement 50% des COCAC alors que 37,50% la considèrent sans importance.
En second lieu, l'instauration d'un label unique permettant, sur le terrain, d'améliorer la visibilité du réseau, est perçue comme une évolution positive pour 62,50 % des COCAC alors que 37,50 % la jugent sans importance.
En troisième lieu, la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des instituts français (EAF) est jugée positive par 62,50 % des COCAC ; à l'opposé, elle est sans importance pour 25% et négative pour 12,50%.
Il ressort clairement de ces réponses que la dernière réforme engagée par le ministère des Affaires étrangères n'est pas plébiscitée. Le pourcentage significatif de désintérêt s'explique sans doute part le fait que, sur le terrain, ces transformations n'apportent guère de changement ni de plus-value aux pratiques des COCAC.
Enfin, à l'inverse, l'idée, désormais abandonnée, d'un rattachement du réseau culturel à l'Institut français est une décision positive pour 75%.
Ceci dit, la mise en uvre d'une telle opération se serait traduite par une coûteuse et inefficace "usine à gaz", justifiant l'abandon de ce projet.
Quels sont les modes d'intervention qui vous paraissent les plus performants dans une stratégie d'influence? Quelles sont les priorités que vous assignez à votre action ?
Pour les COCAC, les modes d'intervention les plus performants sont l'attractivité de l'enseignement supérieur français (score : 4,13), les instituts français et alliances françaises (3,13), les établissements français d'enseignement (2,75), les actions en faveur de la langue française et la présence des produits culturels français sur les marchés locaux (2,50).
Parmi les axes stratégiques définis dans le projet de loi de finances pour 2015 (programme 185 diplomatie culturelle et d'influence), les priorités assignées par les COCAC à leur action sont : la politique d'attractivité universitaire (score : 6,63), la promotion de l'influence culturelle et intellectuelle de la France et le renforcement de la place de la langue française (5,63), l'enseignement français à l'étranger (5,50), l'aide à la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques (5,00) et enfin le renforcement de l'action audiovisuelle extérieure de la France (3,50).
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la politique d'attractivité est clairement considérée comme le mode d'intervention le plus performant et est logiquement la première priorité des COCAC.
Les instituts français et alliances françaises apparaissent quant à eux comme la deuxième priorité ce qui est globalement cohérent avec la promotion de l'influence culturelle et intellectuelle de la France et le renforcement de la place de la langue française.
L'enseignement français arrive en troisième position. Cela peut paraître étonnant quand on sait que principale mission des établissements français d'enseignement à l'étranger est de scolariser les enfants d'expatriés et que moins de 50% des bacheliers étrangers issus ces établissements poursuivent leurs études supérieures en France.
Finalement, il est intéressant de relever que la présence des produits culturels français sur les marchés locaux et le renforcement de l'action audiovisuelle extérieure sont les dernières priorités des COCAC. Plusieurs explications pourraient justifier ce manque d'intérêt. Les COCAC sont peut-être plus versés vers des modes d'intervention plus institutionnels et traditionnels. Peut- être sont-ils moins à l'aise dans un secteur où la dimension culturelle passe par des acteurs économiques (distributeurs, éditeurs, chaînes de télévision, etc.) avec lesquels le réseau culturel n'a que peu de liens.
Dans son rapport sur le réseau culturel de la France à l'étranger (2013), la Cour des comptes estime que gestion administrative du ministère des Affaires étrangères doit être remplacée par une véritable gestion des compétences autour de la sélection, la formation, l'évaluation, les parcours et les réemplois hors du réseau. Quel ordre d'importance accordez-vous aux différents aspects de la gestion des agents du réseau ?
Pour les COCAC, la sélection des agents est l'aspect le plus important de la gestion des agents (score : 4,14) suivi des parcours et de la formation (3,14) puis des réemplois hors du réseau (2,43) et enfin de l'évaluation (2,14).
L'essentiel des agents du réseau culturel à l'étranger est soit détaché d'autres administrations, soit contractuels en CDD, soit enfin volontaires internationaux ; seuls 20% sont titulaires du ministère des Affaires étrangères. Le recrutement est bien le "nud gordien" de l'efficacité du réseau : "les agents qui constituent notre réseau culturel sont une force tout autant qu'un talon d'Achille" (Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes").
Quels vous paraissent être les principaux freins à la diplomatie culturelle : une moindre priorité, la baisse des moyens budgétaires, la diminution du nombre d'agents, la plus grande prise en compte de la dimension internationale par les différents acteurs français ?
Alors que les COCAC relativisent l'importance de l'internalisation croissante de la société (score : 2,38), ils accordent globalement la même portée à la perte de priorité (score : 4,00), la baisse des moyens budgétaires (3,88) et la diminution du nombre d'agents (3,50).
Décalage entre le discours politique et la réalité, moyens financiers et humains en berne, la diplomatie culturelle est devenue une politique publique à minima.
Quelle est votre opinion sur ce propos d'Albert Salon (L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, 1980) : "les postes culturels à l'étranger coordonnent plus le ministère des Affaires étrangères que celui-ci ne les dirige ?"
Une large majorité des COCAC (62%) se déclarent tout à fait d'accord ou plutôt d'accord sur cette affirmation.
Un tel résultat conforte notre thèse : le centre de gravité de la diplomatie culturelle est constitué par "la périphérie" (le réseau) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. On pourrait ainsi qualifier la diplomatie culturelle de politique publique "inversée" dont le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène.
DEFENSE ET ILLUSTRATION DU "DIPLOMATE CULTUREL"
Les "diplomates culturels" sont les agents rémunérés par le ministère des Affaires étrangères qui uvrent dans le réseau culturel français à l'étranger : 161 services de coopération et d'action culturelle dans les ambassades, 209 centres et instituts culturels, 27 instituts français de recherche en sciences sociales et humaines, 459 alliances françaises soutenues par le ministère des Affaires étrangères.
Ils y exercent des métiers variés : conseillers et attachés de coopération et d'action culturelle, conseillers et attachés pour la science et la technologie, conseillers et attachés de coopération, attachés de coopération universitaire, attachés de coopération éducative, attachés de coopération pour le français, attachés et chargés de mission spécialisés, directeurs d'établissements culturels, secrétaires généraux, agents comptables, directeurs et chargés de mission des alliances françaises, directeurs et chercheurs des établissements français de recherche.
Alors que la fonction publique d'État est organisée selon un système de carrière où l'agent appartient à un corps qui regroupe des fonctionnaires bénéficiant d'une même qualification, ce qui leur confère une cohésion humaine et professionnelle, le ministère des Affaires étrangères a fait un choix historiquement différent pour la gestion de ses "diplomates culturels". Dans une administration où le concept de carrière est pourtant important ("la carrière" diplomatique), il recrute pour son réseau culturel à l'étranger non seulement des fonctionnaires, agents détachés d'autres administrations, mais également des agents contractuels et des volontaires internationaux. La Direction générale (dénomination usuelle de la structure du Quai d'Orsay chargée de la politique culturelle extérieure) est sans doute l'unique direction d'administration centrale constituée de moins de 10% d'agents de son ministère de rattachement.
Parce qu'ils sont sur le terrain, parce qu'ils bénéficient d'une large autonomie dans leur action, les "diplomates culturels" exercent un rôle clé dans la politique culturelle extérieure de la France. Depuis un dizaine d'années, ce métier subit d'importantes transformations en l'absence d'un véritable projet pour l'action culturelle à l'étranger.
UN RÔLE CARDINAL DANS LA POLITIQUE CULTURELLE EXTÉRIEURE
Ce qui frappe à l'analyse de la littérature consacrée à la diplomatie culturelle de la France est la remarquable convergence quant à l'importance du rôle du réseau culturel à l'étranger et de celui des hommes qui y exercent :
"Ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile". (Gazeau-Secret, 2009, p. 20).
"L'importance énorme, presque démesurée, des hommes dans notre action culturelle dans le monde". (Salon, 1981, p. 955).
Une politique publique institutionnalisant les initiatives de ses acteurs
La mise en uvre d'une politique publique repose sur deux piliers : un ensemble normatif constitué de l'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics pour réglementer certaines comportements prenant la forme de lois, de règlements, de décrets, etc. et un système d'acteurs composé de l'ensemble des personnes qui vont agir pour l'application de cette politique publique.
L'analyse de la politique culturelle extérieure de la France par le prisme du terrain permet de qualifier cette politique publique d'"inversée" : son centre de gravité est, en effet, constitué par ses acteurs (le réseau et ses agents) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. Autrement dit, le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène.
Cette situation originale s'explique par la très large autonomie dont bénéficient les "diplomates culturels".
La clé de voûte de cette autonomie tient, tout d'abord, à la méthode de travail entre l'administration centrale et les ambassades. Chaque année, après avoir arrêté le montant des crédits parisiens et crédits géographiques (cette répartition privilégiant largement les postes diplomatiques par rapport à l'administration centrale), le ministère des Affaires étrangères ventile ces derniers par pays, puis notifie aux postes leur enveloppe. A partir de cette notification, les services culturels présentent dans une série de documents intitulés "fiches-projets" les actions qu'ils souhaitent mener. Après examen par l'administration centrale, cette programmation est validée. D'autre part, le ministère des Affaires étrangères ne donne guère d'instructions aux postes pour élaborer leur programmation annuelle. D'ailleurs, les contacts personnels constituent, avant les orientations de l'administration centrale, la principale source d'information des"diplomates culturels". Cette liberté est, enfin, renforcée par l'obtention d'autres sources de financement que recherchent les "diplomates culturels" pour compenser la diminution des moyens consacrés par l'Etat à l'action culturelle extérieure. Cette recherche de financement, qui devient aujourd'hui un enjeu essentiel, se décline sous plusieurs formes : autofinancement des établissements culturels, cofinancement de projets, mécénat pour les manifestations culturelles, etc. Ainsi, le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Brasilia estime que les crédits d'intervention qui lui ont été alloués en 2007 ont permis de lever des cofinancements dans un ratio de 1 à 10.
Si, dans tous les pays, les missions du réseau culturel français sont identiques : diffuser le français, promouvoir la culture française, transférer des connaissances, favoriser les échanges intellectuels et scientifiques, produire du savoir sur d'autres pays, d'autres civilisations, le "diplomate culturel" bénéficie d'une très grande marge de manuvre dans l'exercice de ses fonctions ce qui génère des approches et résultats très différents : "une grande part des initiatives est entre les mains des responsables locaux, conseillers culturels et scientifiques, responsables des instituts et centres culturels qui disposent d'un pouvoir extraordinaire de facilitation, de progrès ou, dans certains cas, de nuisance". (Kessler, 1996, p. 131).
En effet, l'action culturelle extérieure se conçoit sur le terrain : "véritable chef d'orchestre des services culturels, le conseiller est chargé d'exécuter une partition composée de nombreux instruments (coopération artistique, scientifique et technique, linguistique) et dont l'écriture lui incombe". (Devèze, 2001, p. 150).
Le témoignage de deux conseillers culturels illustre cette liberté d'action ainsi que la diversité d'un métier particulièrement enrichissant :
"Un des seuls métiers où l'on peut avoir la chance de réfléchir à la définition de politiques, à leur conceptualisation, à l'élaboration de projets puis à leur mise en uvre et parfois à leur évaluation : l'aide et le conseil pour la naissance et le montage de projets de partenaires ; le suivi des résultats sur le terrain ; la possibilité d'encourager et d'accompagner les collègues, stagiaires et volontaires internationaux de l'ambassade à faire avancer des projets et éclore des talents ; l'exigeante gymnastique de compréhension pour l'action d'une variété de situations dans une culture et une histoire étrangères".
"Incarner une politique, lui donner vie, la traduire en projets ; analyser, concevoir, monter, mettre en uvre, suivre des projets ; aboutir à des réalisations concrètes ; être un passeur, un médiateur, un facilitateur ; renforcer les échanges, la mobilité, la connaissance mutuelle ; contribuer au développement d'ambitions et projets de société". (Haize, 2012, p. 241).
UN ENSEMBLE EN TRANSFORMATION
Depuis plusieurs années, les "diplomates culturels" sont confrontés à d'importantes évolutions : forte déflation des effectifs, recomposition de leur origine et modification de la pyramide des âges.
Une forte déflation des effectifs
En 1976, toutes catégories confondues, le réseau comprenait 3070 agents. En 2003, le nombre d'agents n'était plus que de 1931. En 2012, les effectifs étaient ramenés à 1695.
Alors que le ministère des Affaires étrangères est tout comme les autres administrations confronté à la réduction du nombre de fonctionnaires, l'action culturelle extérieure en est plus tributaire que les autres secteurs de la diplomatie. Ainsi, dans le cadre de la mission Action extérieure de l'État, les effectifs des agents à l'administration centrale et à l'étranger, hors agents de doit local, ont baissé de 12%, de 2010 à 2013, pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence contre 1% pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde et 0,8% pour le programme Français à l'étranger et affaires consulaires.
C'est toutefois en analysant l'évolution des moyens consacrés à l'action culturelle dans chaque pays que se visualise clairement la réalité de cette évolution. Ainsi, pour le Brésil, il y avait 85 agents dans le réseau culturel en 1990 ; ils n'étaient plus que 48 en 2012.
Une recomposition de l'origine des agents
L'autre évolution concerne la modification de l'origine des "diplomates culturels". Pendant de nombreuses années, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale ont constitué la quasi totalité des agents du réseau, hors volontaires du service national, aujourd'hui volontaires internationaux. Au tournant des deux siècles, la politique des ressources humaines culturelle du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant, en particulier, des personnels non fonctionnaires spécialistes de l'animation culturelle et de nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay. Ainsi, alors que les agents issus du ministère de l'Éducation nationale constituaient les trois quarts des effectifs en 1995, ils n'étaient plus de la moitié en 2005. Les non titulaires (16% des agents en 1995) représentaient, en 2005, le quart des effectifs alors que le nombre d'agents du ministère des Affaires étrangères triplait tout en ne représentant que 7% du nombre d'agents.
Toutefois, cette politique d'élargissement du vivier s'est trouvée doublement annihilée. En premier lieu, la transcription en droit français de la directive européenne de 1999 concernant le travail à durée déterminée dans la fonction publique (loi dite Dutreil de 2005) a considérablement réduit la possibilité de recruter des agents sur des contrats à durée déterminée sauf à leur offrir un contrat de travail à durée indéterminée au bout de six ans. Le ministère des Affaires étrangères qui s'est ainsi vu dans l'obligation de "CDIser" plus de deux cents cinquante agents, situation à l'opposé de celle recherchée, défini désormais une durée normale de lien contractuel de trois ans (un poste) pour les agents contractuels non fonctionnaires. S'agissant de l'augmentation du nombre d'agents du Quai d'Orsay dans le réseau culturel à l'étranger, le ministère des Affaires étrangères est confronté à leur faible attrait pour les postes culturels. Si les jeunes diplomates peuvent avoir de plus grandes opportunités et responsabilités à la Direction générale ou dans le réseau par rapport à d'autres secteurs au même âge, cet avantage est souvent vu comme un moyen de poursuivre ensuite dans une autre direction grâce à l'expérience ainsi accumulée, plutôt que comme le début d'une carrière centrée sur le culturel ou la coopération qui n'est d'ailleurs guère valorisée.
Actuellement, titulaires et CDI forment moins de 10% des agents du réseau, CDD et Volontaires internationaux plus de 90%.
Une évolution de la pyramide des âges
Dans les années quatre-vingt, la très grande majorité des "diplomates culturels" étaient recrutés en début de carrière : plus de 80 % des départs intervenaient avant 35 ans. De nos jours, l'essentiel des agents du réseau se situe donc dans la tranche d'âge 40-59 ans, l'âge moyen était de 46 ans en 2003. Ce vieillissement a plusieurs causes : la nécessité d'avoir déjà exercé des fonctions à l'étranger figure dans la plupart des profils de poste, ce qui barre de facto la route à beaucoup de jeunes, l'arrivée sur le marché d'agents à la carrière avancée et qui, en l'absence de perspectives en France, souhaitent partir à l'étranger, et surtout le caractère toujours plus endogamique du recrutement.
Aujourd'hui comme hier, la véritable question n'est pas de recruter plus ou moins d'enseignants, d'animateurs culturel ou de fonctionnaires du Quai d'Orsay puisque les primo accédants à un emploi dans le réseau, quelque soit leur parcours et leur âge ont en commun de n'avoir aucune expérience de ce qui les attend concrètement. Un "diplomate culturel" est moins un homme de savoir qu'un homme de savoir faire qui s'acquiert sur le tas, par l'expérience. C'est d'ailleurs là que réside la problématique d'un recrutement pertinent.
L'ABSENCE D'UN PROJET CULTUREL EXTÉRIEUR
Alors que la France a eu une politique culturelle extérieure avant d'avoir une politique culturelle intérieure, que l'Etat a manifesté un volontarisme certain en matière de relations culturelles internationales, faisant de celles-ci, avec la création en 1945 de la Direction générale des relations culturelles au sein du ministère des Affaires étrangères, une composante à part entière de son action diplomatique, la diplomatie culturelle est aujourd'hui en panne.
La perte de la priorité culturelle au sein du ministère des Affaires étrangères peut se mesurer à l'aune symbolique des appellations administratives : escamotage la référence "culturel" dans la dénomination de la Direction générale, relativisation dans celle de conseiller culturel et disparition pour la gestion des agents.
Après la création du Bureau (1909) puis du Service des uvres françaises à l'étranger en 1920 au sein du ministère des Affaires étrangères, l'action culturelle extérieure a fait l'objet d'une véritable structuration avec l'organisation d'une Direction générale des relations culturelles et des uvres françaises à l'étranger en 1945. Cette Direction générale s'est progressivement développée en devenant Direction générale des affaires culturelles et techniques en 1956 puis Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques en 1969. En 1998, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) nait de la fusion de la DGRCST et des services du ministère de la Coopération. La réorganisation de l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères et européennes de mars 2009 créé la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) issue du rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay. Depuis 1998, la référence "culturelle" dans la dénomination de la Direction générale a donc disparu.
Les attachés culturels ont été dénommés conseillers culturels à partir de 1950, puis conseillers culturels et de coopération scientifique et technique et enfin conseillers culturels, scientifiques et de coopération. Depuis 1999, ils sont devenus conseillers de coopération et d'action culturelle. La culture a été déplacée.
Après avoir relevé de la Direction générale, la gestion des agents du réseau est devenue, en 1993, de la compétence de la direction générale de l'administration du ministère des Affaires étrangères et confiée à une sous-direction des personnels culturels et de coopération. Depuis 2006, la gestion des agents fonctionnaires détachés et non titulaires recrutés sur des contrats à durée déterminée relève d'une sous-direction des personnels spécialisés et à gestion déconcentrée. La spécificité des "emplois culturels" a donc disparu.
Ce désintérêt croissant est particulièrement visible dans l'évolution des moyens budgétaires consacrés à la diplomatie culturelle. Alors que la politique culturelle extérieure a représenté plus de la moitié du budget du ministère des Affaires étrangères, les crédits ont fortement diminué au fil des ans : en 2012, le programme Diplomatie culturelle et d'influence ne représentait plus que 25% des crédits de la mission Action extérieure de l'Etat, et seulement 11% hors service public d'enseignement à l'étranger. Plus précisément, dans le cadre du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique, l'action langue et culture française a perdu 44 % de ses crédits entre 2006 et 2010 (de 110 à 61 millions d'euros) alors que ceux destinés à l'action de renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires diminuait de 13%, de 63 à 54 millions d'euros. Cette dégradation se poursuit puisque dans le nouveau programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence les crédits de l'action coopération culturelle et promotion du français perdent 11% de 2010 à 2013, ceux de l'action attractivité et recherche 8%.
Ici également, c'est en analysant l'évolution des moyens consacrés à l'action culturelle dans chaque pays que se visualise clairement la réalité de cette évolution. Ainsi, pour l'action culturelle avec le Brésil, les moyens accordés par le ministère des Affaires étrangères ont été ramenés de 5,17 millions d'euros en 2000 à 3,53 en 2009, soit une baisse de 30% en euros courants et de 42% en euros constants.
Aujourd'hui, la diplomatie culturelle parait plus subie que véritablement désirée.
Peut être parce la diplomatie considère la culture comme un genre mineur comparé au genre majeur que sont l'observation et l'action politique. Peut être parce qu'elle n'est pas ou plus un vecteur d'influence qui se mesure sans doute plus à l'aune d'une présence dans les médias, l'audiovisuel ou Internet que par le nombre d'apprenants de français. Peut être parce que l'internationalisation de la société a entrainé un recul du "besoin d'État" en termes d'action culturelle extérieure : les institutions, les collectivités voire les individus ont aujourd'hui la possibilité technique et souvent les moyens financiers de se mettre en relation avec l'étranger, sans nécessairement faire appel à une technostructure centrale.
Peut être parce les enjeux sont désormais ailleurs : désormais la priorité clairement affichée par le ministre des Affaires étrangères est la diplomatie économique alors que contrairement à la politique publique d'aide au développement, la diplomatie culturelle n'a pas fait l'objet de véritables réflexions mis à part quelques articles dans la presse (Le Monde a ainsi titré : La misère de la politique culturelle française à l'étranger - 3 mars 2004, L'impossible réforme de la diplomatie culturelle - 20 février 2010, Il faut sauver le réseau culturel français à l'étranger - 20 janvier 2011 ; le Monde diplomatique : La diplomatie culturelle de la France à vau-l'eau - juin 2004 ; Beaux Arts magazine : Culture française à l'étranger, malaise diplomatique - février 2004 ; l'Express : Pourquoi la France a perdu la bataille de la diplomatie culturelle - 13 décembre 2011), des rapports de parlementaires ou un récent colloque d'autosatisfaction organisé fin 2011 par l'Institut Français sur le thème Diplomatie culturelle : un atout pour la France dans un monde en mouvement.
La dernière réforme de l'action culturelle extérieure (loi de juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État), qui a créé trois agences disposant d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, patine. L'expérimentation, dans une dizaine de pays, du rattachement du réseau à l'Institut français s'avère très complexe du fait, notamment, du caractère réversible de l'expérimentation alors qu'il conviendra de déterminer si le rattachement apporte une plus-value en terme de diplomatie culturelle. Le regroupement de l'expertise française dans un opérateur unique France Expertise International parait finalement peu réaliste tandis que de nombreuses incertitudes sont encore à lever pour CampusFrance, créé avec plus d'un an de retard sur le calendrier prévu et qui peine à démarrer. (Haize, 2013).
Plus que des réformes de "tuyauterie administrative" ne serait-il pas plutôt utile de s'interroger sur le sens à donner à l'action culturelle extérieure ? Par exemple, est-elle un moyen de l'action diplomatique ou relève-t-elle plutôt de la politique culturelle de la France formant avec l'action culturelle sur le territoire national un tout ? Les relations universitaires ne visent-elles pas plus le progrès du savoir que la diffusion de la science, de la culture ou de la langue française ?
Ce qui fait défaut aujourd'hui à la diplomatie culturelle, c'est un véritable projet politique sur lequel arrimer les efforts. L'heure est venue de lancer une véritable réflexion menant à un nouveau Projet culturel extérieur de la France, à l'instar de celui qui avait été adopté par le premier gouvernement socialiste de la Vème République (Le Projet culturel extérieur de la France a été approuvé par le conseil des ministres du 19 octobre 1983. Il est édité à la Documentation française).
BIBLIOGRAPHIE
DEVÈZE Laurent (2001), "Conseiller culturel", in Emmanuel de Waresquiel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, Larousse-CNRS, p. 150.
GAZEAU-SECRET Anne (2009), "(Re)-donner à notre Pays sa juste place dans le monde", Défense, 140, p. 19-21.
HAIZE Daniel (2012), L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan.
HAIZE Daniel (2013), "La diplomatie culturelle française : "puissance douce" ?", CERISCOPE, Sciences Po.
KESSLER Marie-Christine (1996), "Les relations scientifiques extérieures de la France, in l'action extérieure de l'État", Revue française d'Administration Publique, 77, p. 131.
SALON Albert (1981), L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, thèse de doctorat es lettre, Université Paris 1.
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Ils y exercent des métiers variés : conseillers et attachés de coopération et d'action culturelle, conseillers et attachés pour la science et la technologie, conseillers et attachés de coopération, attachés de coopération universitaire, attachés de coopération éducative, attachés de coopération pour le français, attachés et chargés de mission spécialisés, directeurs d'établissements culturels, secrétaires généraux, agents comptables, directeurs et chargés de mission des alliances françaises, directeurs et chercheurs des établissements français de recherche.
Alors que la fonction publique d'État est organisée selon un système de carrière où l'agent appartient à un corps qui regroupe des fonctionnaires bénéficiant d'une même qualification, ce qui leur confère une cohésion humaine et professionnelle, le ministère des Affaires étrangères a fait un choix historiquement différent pour la gestion de ses "diplomates culturels". Dans une administration où le concept de carrière est pourtant important ("la carrière" diplomatique), il recrute pour son réseau culturel à l'étranger non seulement des fonctionnaires, agents détachés d'autres administrations, mais également des agents contractuels et des volontaires internationaux. La Direction générale (dénomination usuelle de la structure du Quai d'Orsay chargée de la politique culturelle extérieure) est sans doute l'unique direction d'administration centrale constituée de moins de 10% d'agents de son ministère de rattachement.
Parce qu'ils sont sur le terrain, parce qu'ils bénéficient d'une large autonomie dans leur action, les "diplomates culturels" exercent un rôle clé dans la politique culturelle extérieure de la France. Depuis un dizaine d'années, ce métier subit d'importantes transformations en l'absence d'un véritable projet pour l'action culturelle à l'étranger.
UN RÔLE CARDINAL DANS LA POLITIQUE CULTURELLE EXTÉRIEURE
Ce qui frappe à l'analyse de la littérature consacrée à la diplomatie culturelle de la France est la remarquable convergence quant à l'importance du rôle du réseau culturel à l'étranger et de celui des hommes qui y exercent :
"Ceux qui connaissent le terrain savent que c'est à l'étranger, dans les postes, si leur est assuré un minimum de continuité dans l'action et dans la durée, que l'on peut développer la curiosité réciproque, les échanges de savoir-faire, les partenariats structurants. Peu importe ce qu'on en dit dans les dîners parisiens ou dans les rapports institutionnels, peu importe les annonces souvent abstraites et décalées : l'influence se construit dans les réseaux sur place et sur le long terme, en s'adaptant au contexte local, parfois difficile, voire hostile". (Gazeau-Secret, 2009, p. 20).
"L'importance énorme, presque démesurée, des hommes dans notre action culturelle dans le monde". (Salon, 1981, p. 955).
Une politique publique institutionnalisant les initiatives de ses acteurs
La mise en uvre d'une politique publique repose sur deux piliers : un ensemble normatif constitué de l'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics pour réglementer certaines comportements prenant la forme de lois, de règlements, de décrets, etc. et un système d'acteurs composé de l'ensemble des personnes qui vont agir pour l'application de cette politique publique.
L'analyse de la politique culturelle extérieure de la France par le prisme du terrain permet de qualifier cette politique publique d'"inversée" : son centre de gravité est, en effet, constitué par ses acteurs (le réseau et ses agents) plus que par l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères. Autrement dit, le cur est l'action alors que la politique est de l'ordre de la rhétorique et de la mise en scène.
Cette situation originale s'explique par la très large autonomie dont bénéficient les "diplomates culturels".
La clé de voûte de cette autonomie tient, tout d'abord, à la méthode de travail entre l'administration centrale et les ambassades. Chaque année, après avoir arrêté le montant des crédits parisiens et crédits géographiques (cette répartition privilégiant largement les postes diplomatiques par rapport à l'administration centrale), le ministère des Affaires étrangères ventile ces derniers par pays, puis notifie aux postes leur enveloppe. A partir de cette notification, les services culturels présentent dans une série de documents intitulés "fiches-projets" les actions qu'ils souhaitent mener. Après examen par l'administration centrale, cette programmation est validée. D'autre part, le ministère des Affaires étrangères ne donne guère d'instructions aux postes pour élaborer leur programmation annuelle. D'ailleurs, les contacts personnels constituent, avant les orientations de l'administration centrale, la principale source d'information des"diplomates culturels". Cette liberté est, enfin, renforcée par l'obtention d'autres sources de financement que recherchent les "diplomates culturels" pour compenser la diminution des moyens consacrés par l'Etat à l'action culturelle extérieure. Cette recherche de financement, qui devient aujourd'hui un enjeu essentiel, se décline sous plusieurs formes : autofinancement des établissements culturels, cofinancement de projets, mécénat pour les manifestations culturelles, etc. Ainsi, le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Brasilia estime que les crédits d'intervention qui lui ont été alloués en 2007 ont permis de lever des cofinancements dans un ratio de 1 à 10.
Si, dans tous les pays, les missions du réseau culturel français sont identiques : diffuser le français, promouvoir la culture française, transférer des connaissances, favoriser les échanges intellectuels et scientifiques, produire du savoir sur d'autres pays, d'autres civilisations, le "diplomate culturel" bénéficie d'une très grande marge de manuvre dans l'exercice de ses fonctions ce qui génère des approches et résultats très différents : "une grande part des initiatives est entre les mains des responsables locaux, conseillers culturels et scientifiques, responsables des instituts et centres culturels qui disposent d'un pouvoir extraordinaire de facilitation, de progrès ou, dans certains cas, de nuisance". (Kessler, 1996, p. 131).
En effet, l'action culturelle extérieure se conçoit sur le terrain : "véritable chef d'orchestre des services culturels, le conseiller est chargé d'exécuter une partition composée de nombreux instruments (coopération artistique, scientifique et technique, linguistique) et dont l'écriture lui incombe". (Devèze, 2001, p. 150).
Le témoignage de deux conseillers culturels illustre cette liberté d'action ainsi que la diversité d'un métier particulièrement enrichissant :
"Un des seuls métiers où l'on peut avoir la chance de réfléchir à la définition de politiques, à leur conceptualisation, à l'élaboration de projets puis à leur mise en uvre et parfois à leur évaluation : l'aide et le conseil pour la naissance et le montage de projets de partenaires ; le suivi des résultats sur le terrain ; la possibilité d'encourager et d'accompagner les collègues, stagiaires et volontaires internationaux de l'ambassade à faire avancer des projets et éclore des talents ; l'exigeante gymnastique de compréhension pour l'action d'une variété de situations dans une culture et une histoire étrangères".
"Incarner une politique, lui donner vie, la traduire en projets ; analyser, concevoir, monter, mettre en uvre, suivre des projets ; aboutir à des réalisations concrètes ; être un passeur, un médiateur, un facilitateur ; renforcer les échanges, la mobilité, la connaissance mutuelle ; contribuer au développement d'ambitions et projets de société". (Haize, 2012, p. 241).
UN ENSEMBLE EN TRANSFORMATION
Depuis plusieurs années, les "diplomates culturels" sont confrontés à d'importantes évolutions : forte déflation des effectifs, recomposition de leur origine et modification de la pyramide des âges.
Une forte déflation des effectifs
En 1976, toutes catégories confondues, le réseau comprenait 3070 agents. En 2003, le nombre d'agents n'était plus que de 1931. En 2012, les effectifs étaient ramenés à 1695.
Alors que le ministère des Affaires étrangères est tout comme les autres administrations confronté à la réduction du nombre de fonctionnaires, l'action culturelle extérieure en est plus tributaire que les autres secteurs de la diplomatie. Ainsi, dans le cadre de la mission Action extérieure de l'État, les effectifs des agents à l'administration centrale et à l'étranger, hors agents de doit local, ont baissé de 12%, de 2010 à 2013, pour le programme Diplomatie culturelle et d'influence contre 1% pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde et 0,8% pour le programme Français à l'étranger et affaires consulaires.
C'est toutefois en analysant l'évolution des moyens consacrés à l'action culturelle dans chaque pays que se visualise clairement la réalité de cette évolution. Ainsi, pour le Brésil, il y avait 85 agents dans le réseau culturel en 1990 ; ils n'étaient plus que 48 en 2012.
Une recomposition de l'origine des agents
L'autre évolution concerne la modification de l'origine des "diplomates culturels". Pendant de nombreuses années, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale ont constitué la quasi totalité des agents du réseau, hors volontaires du service national, aujourd'hui volontaires internationaux. Au tournant des deux siècles, la politique des ressources humaines culturelle du ministère des Affaires étrangères s'est focalisée sur un double objectif d'élargissement du vivier des candidats ciblant, en particulier, des personnels non fonctionnaires spécialistes de l'animation culturelle et de nomination d'un plus grand nombre d'agents du Quai d'Orsay. Ainsi, alors que les agents issus du ministère de l'Éducation nationale constituaient les trois quarts des effectifs en 1995, ils n'étaient plus de la moitié en 2005. Les non titulaires (16% des agents en 1995) représentaient, en 2005, le quart des effectifs alors que le nombre d'agents du ministère des Affaires étrangères triplait tout en ne représentant que 7% du nombre d'agents.
Toutefois, cette politique d'élargissement du vivier s'est trouvée doublement annihilée. En premier lieu, la transcription en droit français de la directive européenne de 1999 concernant le travail à durée déterminée dans la fonction publique (loi dite Dutreil de 2005) a considérablement réduit la possibilité de recruter des agents sur des contrats à durée déterminée sauf à leur offrir un contrat de travail à durée indéterminée au bout de six ans. Le ministère des Affaires étrangères qui s'est ainsi vu dans l'obligation de "CDIser" plus de deux cents cinquante agents, situation à l'opposé de celle recherchée, défini désormais une durée normale de lien contractuel de trois ans (un poste) pour les agents contractuels non fonctionnaires. S'agissant de l'augmentation du nombre d'agents du Quai d'Orsay dans le réseau culturel à l'étranger, le ministère des Affaires étrangères est confronté à leur faible attrait pour les postes culturels. Si les jeunes diplomates peuvent avoir de plus grandes opportunités et responsabilités à la Direction générale ou dans le réseau par rapport à d'autres secteurs au même âge, cet avantage est souvent vu comme un moyen de poursuivre ensuite dans une autre direction grâce à l'expérience ainsi accumulée, plutôt que comme le début d'une carrière centrée sur le culturel ou la coopération qui n'est d'ailleurs guère valorisée.
Actuellement, titulaires et CDI forment moins de 10% des agents du réseau, CDD et Volontaires internationaux plus de 90%.
Une évolution de la pyramide des âges
Dans les années quatre-vingt, la très grande majorité des "diplomates culturels" étaient recrutés en début de carrière : plus de 80 % des départs intervenaient avant 35 ans. De nos jours, l'essentiel des agents du réseau se situe donc dans la tranche d'âge 40-59 ans, l'âge moyen était de 46 ans en 2003. Ce vieillissement a plusieurs causes : la nécessité d'avoir déjà exercé des fonctions à l'étranger figure dans la plupart des profils de poste, ce qui barre de facto la route à beaucoup de jeunes, l'arrivée sur le marché d'agents à la carrière avancée et qui, en l'absence de perspectives en France, souhaitent partir à l'étranger, et surtout le caractère toujours plus endogamique du recrutement.
Aujourd'hui comme hier, la véritable question n'est pas de recruter plus ou moins d'enseignants, d'animateurs culturel ou de fonctionnaires du Quai d'Orsay puisque les primo accédants à un emploi dans le réseau, quelque soit leur parcours et leur âge ont en commun de n'avoir aucune expérience de ce qui les attend concrètement. Un "diplomate culturel" est moins un homme de savoir qu'un homme de savoir faire qui s'acquiert sur le tas, par l'expérience. C'est d'ailleurs là que réside la problématique d'un recrutement pertinent.
L'ABSENCE D'UN PROJET CULTUREL EXTÉRIEUR
Alors que la France a eu une politique culturelle extérieure avant d'avoir une politique culturelle intérieure, que l'Etat a manifesté un volontarisme certain en matière de relations culturelles internationales, faisant de celles-ci, avec la création en 1945 de la Direction générale des relations culturelles au sein du ministère des Affaires étrangères, une composante à part entière de son action diplomatique, la diplomatie culturelle est aujourd'hui en panne.
La perte de la priorité culturelle au sein du ministère des Affaires étrangères peut se mesurer à l'aune symbolique des appellations administratives : escamotage la référence "culturel" dans la dénomination de la Direction générale, relativisation dans celle de conseiller culturel et disparition pour la gestion des agents.
Après la création du Bureau (1909) puis du Service des uvres françaises à l'étranger en 1920 au sein du ministère des Affaires étrangères, l'action culturelle extérieure a fait l'objet d'une véritable structuration avec l'organisation d'une Direction générale des relations culturelles et des uvres françaises à l'étranger en 1945. Cette Direction générale s'est progressivement développée en devenant Direction générale des affaires culturelles et techniques en 1956 puis Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques en 1969. En 1998, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) nait de la fusion de la DGRCST et des services du ministère de la Coopération. La réorganisation de l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères et européennes de mars 2009 créé la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) issue du rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay. Depuis 1998, la référence "culturelle" dans la dénomination de la Direction générale a donc disparu.
Les attachés culturels ont été dénommés conseillers culturels à partir de 1950, puis conseillers culturels et de coopération scientifique et technique et enfin conseillers culturels, scientifiques et de coopération. Depuis 1999, ils sont devenus conseillers de coopération et d'action culturelle. La culture a été déplacée.
Après avoir relevé de la Direction générale, la gestion des agents du réseau est devenue, en 1993, de la compétence de la direction générale de l'administration du ministère des Affaires étrangères et confiée à une sous-direction des personnels culturels et de coopération. Depuis 2006, la gestion des agents fonctionnaires détachés et non titulaires recrutés sur des contrats à durée déterminée relève d'une sous-direction des personnels spécialisés et à gestion déconcentrée. La spécificité des "emplois culturels" a donc disparu.
Ce désintérêt croissant est particulièrement visible dans l'évolution des moyens budgétaires consacrés à la diplomatie culturelle. Alors que la politique culturelle extérieure a représenté plus de la moitié du budget du ministère des Affaires étrangères, les crédits ont fortement diminué au fil des ans : en 2012, le programme Diplomatie culturelle et d'influence ne représentait plus que 25% des crédits de la mission Action extérieure de l'Etat, et seulement 11% hors service public d'enseignement à l'étranger. Plus précisément, dans le cadre du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique, l'action langue et culture française a perdu 44 % de ses crédits entre 2006 et 2010 (de 110 à 61 millions d'euros) alors que ceux destinés à l'action de renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires diminuait de 13%, de 63 à 54 millions d'euros. Cette dégradation se poursuit puisque dans le nouveau programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence les crédits de l'action coopération culturelle et promotion du français perdent 11% de 2010 à 2013, ceux de l'action attractivité et recherche 8%.
Ici également, c'est en analysant l'évolution des moyens consacrés à l'action culturelle dans chaque pays que se visualise clairement la réalité de cette évolution. Ainsi, pour l'action culturelle avec le Brésil, les moyens accordés par le ministère des Affaires étrangères ont été ramenés de 5,17 millions d'euros en 2000 à 3,53 en 2009, soit une baisse de 30% en euros courants et de 42% en euros constants.
Aujourd'hui, la diplomatie culturelle parait plus subie que véritablement désirée.
Peut être parce la diplomatie considère la culture comme un genre mineur comparé au genre majeur que sont l'observation et l'action politique. Peut être parce qu'elle n'est pas ou plus un vecteur d'influence qui se mesure sans doute plus à l'aune d'une présence dans les médias, l'audiovisuel ou Internet que par le nombre d'apprenants de français. Peut être parce que l'internationalisation de la société a entrainé un recul du "besoin d'État" en termes d'action culturelle extérieure : les institutions, les collectivités voire les individus ont aujourd'hui la possibilité technique et souvent les moyens financiers de se mettre en relation avec l'étranger, sans nécessairement faire appel à une technostructure centrale.
Peut être parce les enjeux sont désormais ailleurs : désormais la priorité clairement affichée par le ministre des Affaires étrangères est la diplomatie économique alors que contrairement à la politique publique d'aide au développement, la diplomatie culturelle n'a pas fait l'objet de véritables réflexions mis à part quelques articles dans la presse (Le Monde a ainsi titré : La misère de la politique culturelle française à l'étranger - 3 mars 2004, L'impossible réforme de la diplomatie culturelle - 20 février 2010, Il faut sauver le réseau culturel français à l'étranger - 20 janvier 2011 ; le Monde diplomatique : La diplomatie culturelle de la France à vau-l'eau - juin 2004 ; Beaux Arts magazine : Culture française à l'étranger, malaise diplomatique - février 2004 ; l'Express : Pourquoi la France a perdu la bataille de la diplomatie culturelle - 13 décembre 2011), des rapports de parlementaires ou un récent colloque d'autosatisfaction organisé fin 2011 par l'Institut Français sur le thème Diplomatie culturelle : un atout pour la France dans un monde en mouvement.
La dernière réforme de l'action culturelle extérieure (loi de juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État), qui a créé trois agences disposant d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, patine. L'expérimentation, dans une dizaine de pays, du rattachement du réseau à l'Institut français s'avère très complexe du fait, notamment, du caractère réversible de l'expérimentation alors qu'il conviendra de déterminer si le rattachement apporte une plus-value en terme de diplomatie culturelle. Le regroupement de l'expertise française dans un opérateur unique France Expertise International parait finalement peu réaliste tandis que de nombreuses incertitudes sont encore à lever pour CampusFrance, créé avec plus d'un an de retard sur le calendrier prévu et qui peine à démarrer. (Haize, 2013).
Plus que des réformes de "tuyauterie administrative" ne serait-il pas plutôt utile de s'interroger sur le sens à donner à l'action culturelle extérieure ? Par exemple, est-elle un moyen de l'action diplomatique ou relève-t-elle plutôt de la politique culturelle de la France formant avec l'action culturelle sur le territoire national un tout ? Les relations universitaires ne visent-elles pas plus le progrès du savoir que la diffusion de la science, de la culture ou de la langue française ?
Ce qui fait défaut aujourd'hui à la diplomatie culturelle, c'est un véritable projet politique sur lequel arrimer les efforts. L'heure est venue de lancer une véritable réflexion menant à un nouveau Projet culturel extérieur de la France, à l'instar de celui qui avait été adopté par le premier gouvernement socialiste de la Vème République (Le Projet culturel extérieur de la France a été approuvé par le conseil des ministres du 19 octobre 1983. Il est édité à la Documentation française).
BIBLIOGRAPHIE
DEVÈZE Laurent (2001), "Conseiller culturel", in Emmanuel de Waresquiel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, Larousse-CNRS, p. 150.
GAZEAU-SECRET Anne (2009), "(Re)-donner à notre Pays sa juste place dans le monde", Défense, 140, p. 19-21.
HAIZE Daniel (2012), L'action culturelle et de coopération de la France à l'étranger : un réseau, des hommes, Paris, L'Harmattan.
HAIZE Daniel (2013), "La diplomatie culturelle française : "puissance douce" ?", CERISCOPE, Sciences Po.
KESSLER Marie-Christine (1996), "Les relations scientifiques extérieures de la France, in l'action extérieure de l'État", Revue française d'Administration Publique, 77, p. 131.
SALON Albert (1981), L'action culturelle de la France dans le monde, analyse critique, thèse de doctorat es lettre, Université Paris 1.
LA DIPLOMATIE CULTURELLE : DU DISCOURS A LA REALITE
Dans une tribune du 15 juillet 2013, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius et la ministre de la culture, Mme Aurélie Filippetti affirmaient leur ambition pour une diplomatie culturelle au XXIe siècle : " rien de grand ne s'est accompli en France sans culture. La diplomatie et l'action extérieure n'échappent pas à cette règle. La France est forte et respectée quand elle porte ses valeurs, son patrimoine, sa créativité. La culture représente un de nos principaux atouts, notre héritage et une part de notre avenir".
Puis, le 17 juillet, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, le ministre des Affaires étrangères présentait la nouvelle diplomatie culturelle de la France : "notre réseau de coopération et d'action culturelle est décisif pour l'avenir de la France. Je suis convaincu qu'investir dans notre présence à l'étranger, c'est permettre à la culture française et à nos valeurs, dans un monde dangereux, incertain et éclaté, de demeurer une référence positive, porteuse d'émancipation et d'espoir".
Désormais présentée comme une composante de la "diplomatie d'influence", la diplomatie culturelle est donc porteuse d'ambitions croissantes.
Toutefois, l'analyse des documents budgétaires relativise fortement un tel dessein. Ainsi, par rapport au projet de loi de finances pour 2013, le PLF 2014 prévoit une baisse de plus de 4% des moyens d'intervention pour la coopération culturelle et la promotion du français (73,65 millions d'euros) ainsi que pour l'attractivité et la recherche (101,79 millions d'euros).
A titre de comparaison l'enseignement français à l'étranger (service public à destination des enfants français dont les familles résident à l'étranger) bénéficie de 416,50 millions d'euros, l'audiovisuel extérieur (France Médias Monde : France 24 et RFI) de 240,3 M, en hausse de 1,6 M par rapport 2013.
La diminution des moyens consacrés à la diplomatie culturelle est récurrente. Les actions Coopération culturelle et promotion du français et Attractivité et recherche qui constituent le socle de la diplomatie culturelle et d'influence (programme 185 de la LOLF) ont vu leurs crédits baisser de, respectivement, plus de 3 et 8% de 2011 à 2014 (ils avaient chutés de 44 et 14% de 2006 à 2010 dans un périmètre différent). Cette baisse des crédits varie selon les ambassades : elle atteint, entre 2011 et 2013, 12% en Chine, 10% en Pologne et en Roumanie, 8% en Russie.
S'agissant des ressources humaines, le nombre d'agents (ETP) uvrant tant à Paris que dans le réseau à l'étranger passera de 882 en 2014 contre 820 cette année, soit une baisse de 7% (de 2011 à 2014 la diplomatie culturelle avait perdu 15% de ses agents, 10% de 2006 à 2010).
Pour le ministère des Affaires étrangères, la diplomatie culturelle continue d'être une variable d'ajustement particulièrement ciblée par les contraintes budgétaires. Ainsi, de 2011 à 2014, alors que la diminution des crédits pour l'ensemble de la mission action extérieure de l'Etat qui comporte trois programmes : 105 action de la France en Europe et dans le monde, 151 Français à l'étranger et affaires consulaires et 185 diplomatie culturelle et d'influence est de 5,2%, le programme diplomatie culturelle et d'influence perd 11,5% de son budget, hors enseignement français à l'étranger. De 2010 à 2014, l'ensemble de la mission a perdu 285 emplois soit 3,8% de ses effectifs. Si pour les programmes 105 et 151 le nombre d'agents baisse d'environ 1,5%, la chute est de 18% pour la diplomatie culturelle.
Même si, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2013, le réseau culturel à l'étranger a montré sa capacité de résilience face aux contraintes qu'il subit depuis des années, les mesures qu'il propose pour améliorer la performance de la diplomatie culturelle, pour significatives qu'elles soient, ne relèvent-elles pas de la gageure, une telle dégradation des moyens qui lui sont affectés ne paraissant guère compatible avec l'ambition affichée.
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Puis, le 17 juillet, en clôture des Journées du réseau de coopération et d'action culturelle, le ministre des Affaires étrangères présentait la nouvelle diplomatie culturelle de la France : "notre réseau de coopération et d'action culturelle est décisif pour l'avenir de la France. Je suis convaincu qu'investir dans notre présence à l'étranger, c'est permettre à la culture française et à nos valeurs, dans un monde dangereux, incertain et éclaté, de demeurer une référence positive, porteuse d'émancipation et d'espoir".
Désormais présentée comme une composante de la "diplomatie d'influence", la diplomatie culturelle est donc porteuse d'ambitions croissantes.
Toutefois, l'analyse des documents budgétaires relativise fortement un tel dessein. Ainsi, par rapport au projet de loi de finances pour 2013, le PLF 2014 prévoit une baisse de plus de 4% des moyens d'intervention pour la coopération culturelle et la promotion du français (73,65 millions d'euros) ainsi que pour l'attractivité et la recherche (101,79 millions d'euros).
A titre de comparaison l'enseignement français à l'étranger (service public à destination des enfants français dont les familles résident à l'étranger) bénéficie de 416,50 millions d'euros, l'audiovisuel extérieur (France Médias Monde : France 24 et RFI) de 240,3 M, en hausse de 1,6 M par rapport 2013.
La diminution des moyens consacrés à la diplomatie culturelle est récurrente. Les actions Coopération culturelle et promotion du français et Attractivité et recherche qui constituent le socle de la diplomatie culturelle et d'influence (programme 185 de la LOLF) ont vu leurs crédits baisser de, respectivement, plus de 3 et 8% de 2011 à 2014 (ils avaient chutés de 44 et 14% de 2006 à 2010 dans un périmètre différent). Cette baisse des crédits varie selon les ambassades : elle atteint, entre 2011 et 2013, 12% en Chine, 10% en Pologne et en Roumanie, 8% en Russie.
S'agissant des ressources humaines, le nombre d'agents (ETP) uvrant tant à Paris que dans le réseau à l'étranger passera de 882 en 2014 contre 820 cette année, soit une baisse de 7% (de 2011 à 2014 la diplomatie culturelle avait perdu 15% de ses agents, 10% de 2006 à 2010).
Pour le ministère des Affaires étrangères, la diplomatie culturelle continue d'être une variable d'ajustement particulièrement ciblée par les contraintes budgétaires. Ainsi, de 2011 à 2014, alors que la diminution des crédits pour l'ensemble de la mission action extérieure de l'Etat qui comporte trois programmes : 105 action de la France en Europe et dans le monde, 151 Français à l'étranger et affaires consulaires et 185 diplomatie culturelle et d'influence est de 5,2%, le programme diplomatie culturelle et d'influence perd 11,5% de son budget, hors enseignement français à l'étranger. De 2010 à 2014, l'ensemble de la mission a perdu 285 emplois soit 3,8% de ses effectifs. Si pour les programmes 105 et 151 le nombre d'agents baisse d'environ 1,5%, la chute est de 18% pour la diplomatie culturelle.
Même si, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2013, le réseau culturel à l'étranger a montré sa capacité de résilience face aux contraintes qu'il subit depuis des années, les mesures qu'il propose pour améliorer la performance de la diplomatie culturelle, pour significatives qu'elles soient, ne relèvent-elles pas de la gageure, une telle dégradation des moyens qui lui sont affectés ne paraissant guère compatible avec l'ambition affichée.