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Dieudonné Kibungu Bwanamuloko Ph.D.,DEPA

Dieudonné Kibungu Bwanamuloko Ph.D.,DEPA

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Dieudonné Kibungu Bwanamuloko Ph.D.,DEPA

Descriptif auteur

Après avoir soutenu une thèse de doctorat (PhD) à l’Université de Montréal sur les viols de guerre devenus un dispositif militaire et politique en République démocratique du Congo, le plus grand pays catholique du continent africain déchiré par des conflits armés depuis plus de deux décennies; et qui s'inscrit dans le champ disciplinaire de la théologie en dialogue interdisciplinaire à l’intersection des sciences politiques, du droit, de l’anthropologie, de la sociologie, de la philosophie, de l’histoire et de la psychothérapie;
j'ai complété une formation de 3e cycle en Soins palliatifs et de fin de vie, organisée par la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal en partenariat avec la Faculté de médecine, la Faculté des arts et des sciences, et l'École de santé publique.
Avec un Diplôme d'études professionnelles approfondies (DÉPA) en Soins palliatifs et de fin de vie, je développe et intègre des compétences avancées et spécialisées, des postures et approches novatrices à la fois décoloniales, anthropophaniques, libératrices et de Bosadi débouchant à des relations vitales nécessaires pour la réalisation intégrale de chaque être humain. L'accompagnement professionnel des personnes en détresse, vulnérables ou malades implique tous les profils : gériatrique, souffrant des problèmes relatifs à la santé mentale ou intégrant les soins palliatifs et de fin de vie; et tous les milieux de vie: hospitaliers, Centres d’hébergement et des soins à longue durée (CHSLD), Résidences Privées pour Aînés (RPA), Unités de santé mentale, Centres de soins palliatifs, à domicile, etc.
Les pratiques professionnelles spécialisées et les interventions cliniques offertes dans une perspective interdisciplinaire et intersectorielle, tiennent compte des normes bioéthiques et légales du milieu de la santé. Elles respectent les convictions philosophiques, culturelles, religieuses ou spirituelles des personnes accompagnées.

FORMATIONS:


2023: Certificat_Études interdisciplinaires sur le Genre. Enjeux, violences, globalisation,techniques, sciences et biomédecine, sexualités; Université de Genève.


2023: Certificat_ Violences et Religions. Analyse des discours religieux sur la violence: Réflexions et défis d'aujourd'hui; Université de Genève.


2022: Certificat en Marketing numérique, The Open University.

2017- 2020: Doctorat (PhD) en Théologie.
Viols de guerre et théologie des relations vitales, Université de Montréal, Montréal.

2018-2021: Diplôme d'Études Professionnelles Approfondies (DÉPA) en Soins palliatifs et de fin de vie, Université de Montréal, Montréal.

Sept. 2020 - avril 2021: Stage clinique de pratique spécialisée en Soins palliatifs et de fin de vie, réalisé dans l'Unité des soins palliatifs du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval, Laval (Québec), sous la supervision clinique de l'Intervenant en soins spirituels du milieu hospitalier et sous la co-direction académique des Professeurs Alain Legault PhD et Jean-Marc Barreau PhD de l'Université de Montréal.

2019: Certificat, Compétences des professionnels de la santé dans le soutien à la décision pour les patients, octroyé par Le groupe de recherche sur les Outils d'aide à la décision, de l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa, affilié à l'Université d'Ottawa.

2016: Attestation de formation sur les Compétences en prévention de la détresse et en interventions efficaces en situation de détresse, octroyée par le Centre de Santé et de services sociaux de Pierre-Boucher, Longueuil.

2015 - : Master en Philosophie Éthique et Politique, Domuni Universitas
2011-2013: Maitrise en Théologie et Sciences des religions, Université Catholique de Leuven,  Belgique.
2011-2013: Diplôme spécialisé en Catéchèse et Pastorale, Institut international Lumen Vitae, Belgique.
2000-2004: Diplôme de premier cycle de Théologie, RD Congo.
1997-1999: Diplôme de premier cycle de Philosophie, RD Congo. Réalisation intégrale de l’être humain dans la métaphysique de Gabriel Marcel.

DISCIPLINES ET PÔLES DE RECHERCHE:


Théologie, Philosophie, Sciences religieuses et Droit canonique;
Soins palliatifs et de fin de vie; Soins spirituels.


INTÉRÊTS DE RECHERCHE:


Viols de guerre en République démocratique du Congo; Impact de la dimension spirituelle dans la prise en charge des survivantes; Fonctions de la spiritualité dans la déconstruction de la culture de viols des femmes en contexte des conflits armés; Apport des approches spirituelles dans l’accompagnement en soins palliatifs et de fin de vie; Ethique et politique; Interdisciplinarité; Interculturalité.


COMPÉTENCES ET EXPERTISES :


Formation, enseignement, recherches et animation communautaire; Professionnalisme dans les pratiques spécialisées et les interventions cliniques en accompagnement des personnes en détresse, vulnérables, malades ou en fin de vie; Expertise en soins spirituels palliatifs.


EMPLOIS 


2024 - : Responsable de l‘Institut de Formation Théologique et Pastorale (IFTP), Centre diocésain, Longueuil (Canada).

2023 - : Responsable du Service diocésain en Soins spirituels pour les personnes aînées ou malades, Diocèse de Saint-Jean-Longueuil (Canada).


EXPÉRIENCES UNIVERSITAIRES:


Auxiliaire de recherche et coordonnateur du GTAS-Groupe de théologies africaines et afro-descendantes de l'Institut d'études religieuses de l'Université de Montréal, automne 2018 – automne 2019.

Auxiliaire d'enseignement pour le cours REL3930 Religions et sexualité, automne 2018.

Auxiliaire pour l'organisation du 54e Congrès annuel de la Société canadienne de théologie, en collaboration avec l'ACEBAC- Association catholique d'études bibliques au Canada, sur « Arts, Bible et théologie », Institut d'études religieuses, Université de Montréal, du 7 au 9 juin 2018.

Présidence de séance et Modérateur au Colloque multidisciplinaire de l'Institut d'études religieuses de l'Université de Montréal, sur « L'étude de la religion aujourd'hui : déplacements thématiques, conceptuels et méthodologiques », Université de Montréal, Montréal, 6 février 2018, thèmes de la séance : « L'interspiritualité féministe : pour une critique transversale des religions » (par Denise Couture) et « La philosophie dans la religion et la religion dans la philosophie » (par Jean Grondin).

Présentation de rapport du stage de pratique spécialisée en Soins palliatifs et de fin de vie (SPFV) effectué dans l'Unité de SPFV du CISSS de Laval, Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, hiver 2021, 34p.

AUTRES EXPÉRIENCES PROFESSIONNELLES

De 2013- actuel:
Accompagnement spirituel et religieux;
Membre de l’équipe interdisciplinaire;
Co-animateur et conférencier des Ateliers de formation et de sensibilisation des Proches-Aidants.

PUBLICATIONS

Livre:
"Le tournant féminin et féministe de la théologie africaine postcoloniale. Cas des femmes violées en RD Congo", Paris, L'Harmattan, 2017, 182p.

Thèse:
« Catholicisme et viols de guerre en République démocratique du Congo. Vers une théologie afroféministe des relations vitales », Faculté des Arts et des Sciences, Institut d'études religieuses, Université de Montréal, Montréal, 2021, 497p.

Mémoire de Philosophie:
« Du problème au mystère dans la métaphysique de Gabriel Marcel. Vers la réalisation intégrale de l'être humain », Travail de fin de cycle, inédit, 1999.

Articles:

« Le viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo : défis et fonctions des religions », dans Scriptura, Revue étudiante de cycles supérieurs, Université de Montréal, vol.18, n°1, 2019, 23p.

« Le viol des femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo : Une destruction du lien social et religieux », dans Gerald Boodoo (dir.), Religion and the Politics of Integral Justice, edipurcs, Brésil, 2020, p.137-152

« Interculturalité, tremplin pour l’émergence des subjectivités féminines en théologie africaine décoloniale », dans Ignace Ndongala (dir), Cultures africaines et modernités : perspectives pour un dialogue prospectif, L’Harmattan, Paris, 2021, p.27-43.

CONFÉRENCES:

« Mourir dans la paix en contexte palliatif : apport des approches spirituelles », conférence donnée à Montréal, le 23 novembre 2022, de 18h30 à 20h30 aux proches-Aidants, professionnels de la santé et de services sociaux, bénévoles, personnes ayant intégré les soins palliatifs et leurs familles.

« Interdisciplinarité et ultime accomplissement individuel de patients en soins palliatifs et de fin de vie : apport des approches spirituelles », présentation au Colloque du DEPA en soins palliatifs et de fin de vie, Université de Montréal, le 15 avril 2021.

« La résistance contre la culture du viol des femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo. Quel apport pour la foi, la théologie et les religions d’Afrique ? », au premier congrès de la Chaire internationale MUKWEGE sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits », Université de Liège, Belgique, le 15 novembre 2019.

« Colonialité de la néo-culture subsaharienne comme source des conflits et des violences en Afrique. Perspectives théologiques et décoloniales », au GTAS Groupe de théologies africaines et afro-descendantes, UdeM, le 28 février 2020.

« L’apport théologique à la résistance contre les viols des femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo », au 56e congrès annuel de la Société canadienne de théologie en collaboration avec l’Acébac, sur « La fragilité : Dynamiques, postures et appels », du 25 au 27 mai 2020, à Ermitage du Lac-Bouchette.

« La déconstruction de la culture du viol des femmes comme arme de guerre en RD Congo : lecture féministe et théologique de la résistance contre les forces de mort chez Jean-Marc Ela », au colloque international de la théologie de libération de Jean-Marc Ela, Université catholique du Congo, Kinshasa, le 3 juin 2019.

« Les fonctions religieuses et politiques du Candomblé au Brésil face à l’esclavage. Quelles leçons pour les religions traditionnelles africaines en RD Congo ? », Université d’Ottawa, Ottawa, le 27 avril 2019.

« La résistance décoloniale du Candomblé au Brésil. Quelles forces fructueuses contre l’oppression politique et religieuse ? », au GTAS-Groupe des théologies africaines et afrodescendantes, UdeM, Montréal, le 22 février 2019.

« Le viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo : défis et fonctions des religions », au colloque de l’AETSRUM, UdeM, Montréal, le 21 mars 2018.

« Le viol des femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo : Une destruction du lien social et religieux », au Forum Mondial Théologie et Libération (FMTL), Salvador de Bahía, Brésil, le 12 mars 2018.

« Les postulats anthropophaniques de R. Panikkar : défis et atouts pour une reconstruction durable de l’interculturel », au GTAS, Groupe des théologies africaines et afrodescendantes, UdeM, Montréal, le 29 septembre 2017.

« Interculturalité, tremplin pour l’émergence des subjectivités féminines en théologie africaine postcoloniale », au colloque international de Namur sur construire le vivre ensemble à partir des sagesses africaines, Institut international-Lumen Vitae, Namur, le 17 mai 2017.

« Les spécificités de viols des femmes comme arme de guerre en RD Congo », Longueuil, le 5 mai 2017.

« Le tournant féminin et féministe de la théologie africaine postcoloniale : témoignages des femmes violées en RD Congo », Université d’Ottawa, Ottawa, le 25 mars 2017.

MEMBRE DE:

Société canadienne de théologie (SCT);
Société canadienne des Soins palliatifs (ACSP);
Association canadienne des Intervenants psychospirituels (ACIP);
Association canadienne des soins spirituels (ACSS);
Groupe de théologies africaines et afro-descendantes (GTAS) de l'Institut d'études religieuses/Université de Montréal.

LANGUES:

Maternelles :
Swahili, Lingala, Kihemba.

Parlées:
Français: C2 Courant
Anglais: B1 Intermédiaire
Portugais: A1 Débutant.

Écrites:
Grec: A2 Élémentaire
Latin: A2 Élémentaire.










Structure professionnelle : Institut de formation théologique et pastorale (IFTP), diocèse Saint-Jean-Longueuil, Longueuil (Québec), Canada

Titre(s), Diplôme(s) : Doctorat (PhD); Diplôme d'études professionnelles approfondies (DÉPA); Maîtrise (M.A); Diplôme d'études supérieures spécialisées (DEES); Diplôme de Philosophie; Certificat.

Fonction(s) actuelle(s) : Responsable de l'IFTP, Auteur, Théologien, Philosophe, Professionnel de la santé et des services sociaux, Intervenant en Soins spirituels palliatifs, Ministre du culte.

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LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Interculturalité, tremplin pour l'émergence des subjectivités féminines en théologie africaine décoloniale
Articles de presse

Interculturalité, tremplin pour l'émergence des subjectivités féminines en théologie africaine décoloniale

Articles de presse

Le viol des femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo : Une destruction du lien social et religieux

Le viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo: défis et fonctions des religions
Articles de presse

Le viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo: défis et fonctions des religions

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Le viol comme arme de guerre en République démocratique du Congo : défis et fonctions des religions

In Scriptura, Revue étudiante de cycles supérieurs, Université de Montréal, vol.18, No 1, 2019, 23p.

 

La résistance décoloniale du Candomblé au Brésil. Quelles forces fructueuses contre l’oppression politique et religieuse ?

Recension du livre: Jean DUHAIME et Odette MAINVILLE (dir.), Entendre la voix du Dieu Vivant. Interprétation et pratiques actuelles de la Bible, Médiaspaul, Montréal, 1994

"Mourir dans la paix en contexte des soins palliatifs: apport des approches spirituelles". Conférence donnée à Montréal le 23 novembre 2022 de 18h30 à 20h30

Mourir dans la paix

Description de la conférence

Pour mourir dans la paix, le seul contrôle de la douleur physique ne suffit pas. Le traitement des autres problèmes psychologiques, relationnels et spirituels de la personne en fin de vie et de ses proches, constitue un enjeu crucial. Le questionnement sur le sens de sa maladie, de sa vie et de sa mort, impacte souvent l'attitude du malade et peut parfois l'empêcher de vivre paisiblement jusqu'au dernier instant de sa vie. Mourir dans la paix requiert un accompagnement global de soins et de proximité, impliquant aussi la famille. Cette conférence souligne l'apport des uns et des autres dans la quête de la qualité de vie et du décès en contexte palliatif. Pour ce faire, la conférence propose des approches spirituelles novatrices et explore leur apport à partir des données probantes.

Auditoire: professionnel de la santé (membres de l'équipe interdisciplinaire); proches-Aidants; personnes qui intègrent les soins palliatifs et de fin de vie; les familles et bénévoles.

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Analyse du texte de Kä Mana "Vaincre la violence et éradiquer la torture en Afrique. Quand l'Evangile fertilise la culture africaine"

Référence du texte :
Kä Mana, "Vaincre la violence et éradiquer la torture en Afrique. Quand l'Evangile fertilise la culture africaine", in Kä Mana et Jean-Blaise Kemogne, Pour une voie africaine de la non-violence. Religion, politique, développement et éthique de la paix en Afrique, Editions Le Potentiel, Kinshasa, 2008, pp35-89

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0. Introduction
L'auteur fait le constat que l'Afrique subsaharienne subit aujourd'hui une triple rupture radicale globalisée entre Culture, Société et Evangile. Les trois catégories principales des valeurs africaines, à savoir valeurs fondatrices, valeurs régulatrices et valeurs donatrices, tendent à être oubliées comme sources de vie, d'harmonie et de sens. Cette rupture provoque un déséquilibre radical débouchant sur des conflits et des violences de toutes sortes. L'auteur propose des voies et stratégies pour s'en sortir.
1. Les Trois catégories des valeurs africaines
1.1. Les valeurs fondatrices de l'Afrique dans ses sources vitales
Ces valeurs sont source de vie. Ce sont des valeurs auxquelles l'Afrique recourt et qui confèrent à la vie son sens plénier. Ces valeurs sont, entre autres, le sens profond de Dieu et du sacré ; l'unité anthropologique profonde ; la responsabilité active des humains les uns à l'égard des autres ; le souci de liens indestructibles de communion entre l'humanité et la création ; etc.
1.2. Les valeurs régulatrices de la société africaine dans sa volonté d'harmonie relationnelle
Ces valeurs sont source d'équilibre humain, vital et sociétal. L'Afrique n'est plus l'Afrique des équilibres fondamentaux qui la caractérisaient et embellissaient la vie. D'abord l'équilibre entre le visible et l'invisible qui rythme profondément la vie, le travail, le jour et la nuit, le ciel et la terre. Ensuite, l'équilibre entre la communauté et l'individu, qui est un lieu de communion, d'épanouissement et de responsabilité humains. Puis l'équilibre entre l'élasticité du temps vital et l'impératif des urgences où se situe le champ des réponses
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concrètes aux soucis du présent et aux quêtes des générations futures. Aussi, l'équilibre entre la vénérable tradition des ancêtres et les exigences vitales d'aujourd'hui, un espace d'engagement pour forger un type de personnalité sociale respectueuse de sa propre histoire. Enfin, l'équilibre entre la foi en la vie et le respect des morts, tissu des négociations constantes entre les vivants et les disparus.
Des ruptures sont observées à tous les niveaux et les conséquences sont fâcheuses sur la vie humaine et le destin commune : déséquilibre ontologique radicale, source des tensions, des guerres qui sèment la violence, le viol.
1.3. Les valeurs donatrices de l'Afrique dans sa quête du grand sens pour son destin.
Ces valeurs sont source d'orientation, de sens et donc de direction vers l'accomplissement de grand destin de l'Afrique. Mais, aujourd'hui l'Afrique du Grand Sens (pp.42-43) est désorientée. Elle doit reconquérir ses valeurs qui donnent sens à la destinée des Africains et Africaines. Ce sont des valeurs d'ouverture, de dépassement de soi et d'engagement. C'est-à-dire s'ouvrir aux autres et au monde par une grande écoute qui enrichit la connaissance et procure la sagesse ; développer une grande vision qui s'enracine dans le passé pour enrichir les générations futures ; promouvoir un grand langage pour ne dire que ce qui compte vraiment et édifie la vie commune ; déployer un grand agir pour transformer la société en espace d'engagement solidaire.
2. Les trois lieux d'incarnation de ces valeurs africaines
2.1. La communauté comme lieu éducatif
Il appartient à la responsabilité communautaire de faire redécouvrir et transmettre ces valeurs fondamentales.
2.2. L'espace initiatique
Un lieu traditionnel d'initiation des jeunes et de moins jeunes. Ces derniers apprennent à "connaître les attitudes à imiter ou à rejeter, les pièges à discerner et les étapes à franchir lorsqu'on est engagé dans la voie difficile de la conquête et de l'accomplissement de soi en tant qu'homme ou femme digne de considération, la voie périlleuse de la construction d'une société qui soit digne de l'humain" (p.44). Un tel espace initiatique avait longtemps été très significatif pour l'Afrique antique. Car, c'est là où les valeurs suprêmes de la vie étaient transmises à travers une vie d'épreuves et d'endurance. C'est non sans raison qu'en l'Egypte traditionnel le travail d'initiation s'accomplissait au coeur du temple, dans les sanctuaires. De telle sorte qu'il soit fait "sous le regard du divin, garantie absolue de la solidité d'une personnalité". Le Bosquet initiatique offrait aussi cette éducation à la fois ésotérique et mystique où était révélé l'essentiel de la vie ; où "se dévoilait le mystère des choses pour des hommes entrant dans l'âge adulte de la vie" et où "se déchiffraient les arcanes des réalités vitales" (p.44)
2.3. La visibilité sociale de chaque personne
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La place qu'occupe chaque personne constitue aussi un lieu où se déployaient les valeurs importantes qui accordent à chaque personne le respect et la dignité inconditionnels pour son épanouissement, sa visibilité et son émergence.
3. La rupture d'avec les principes vitaux comme source de violence
Les Africains et les Africaines d'aujourd'hui n'ont plus de vrais lieux du savoir initiatique comparables aux temples, aux sanctuaires, aux bosquets et bois sacrés de nos ancêtres. Du coup, les coeurs ne sont plus des temples, ni des sanctuaires, ni des bosquets initiatiques, ni des bois sacrés pour renforcer les énergies vitales. Ce qui crée également le déséquilibre vital et ontologique qui a pour conséquente la violence imbécilisante.
De nos jours, la néo-culture africaine accuse un vide. Elle est vidée de sa substance, vidée de ses lieux d'apprentissage des valeurs. Et à la place de ces lieux énergétiques où l'on apprenait à maîtriser la destinée humaine et à vivre comme des hommes dignes de considération dans des sociétés dignes de l'humain, naissent aujourd'hui des sectes et des spiritualités dites nouvelles. Celles-ci font malheureusement font de nous des singes et des perroquets. Ils réalisent leur destin de singes en singeant à tout bout de champ les gestes, liturgies et rituels des autres. Des perroquets qui répètent à longueur de journées les paroles dont ils ne comprennent même pas le sens profond". (p. 52)
De même les écoles et les universités en Afrique font des Africains et des Africaines des singes et des perroquets dans les façons de penser leurs besoins sociaux, de vivre dans le monde actuel et de s'ouvrir à l'avenir. Elles ne favorisent pas, ou exploitent peu, les contacts avec les sources vitales africaines, susceptibles permettre de vivre en profondeur. Au mieux, elles nous font vivre à la surface de nous-mêmes, au pire elles font de nous des monstres, coupés de toute attache avec la sève vitale. Il y a déséquilibre radical. Les gens Vivent dans une totale disproportion entre les savoirs acquis à l'école et les exigences éthiques et spirituelles venues du fond immémorial de notre histoire. Le développement de l'intellect n'est pas proportionné à celui du sens éthique et spirituel. En ce contexte, les politiques, les économies, les cultures, les religions et les vies deviennent monstrueuses, c'est-à-dire, sans lien avec les sources de l'humain. "Et comme tous les monstres, nous instaurons le régime de la peur et de la terreur dans la société, nos liens sociaux deviennent des liens de pure violence, visible ou feutrée, parce que nous n'avons pas reçu une éducation initiatique pour la maîtrise de nous-mêmes et de nos instincts destructeurs" (. p.52) Ainsi, le problème de la violence devient-il celui d'une structure mentale globale, d'une vision globale du monde, d'une orientation globale de l'esprit et d'un choix global de civilisation (p. 57).
Concrètement, la vraie culture africaine est déjà morte en nous dans ses principes vitaux. Elle cède la place à la néo-culture. Celle-ci coupe avec celle-là et s'impose aujourd'hui dans sa structuration des mentalités et dans ses pratiques socio-économico-politiques insensée (p.57-58)
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4. Pour sortir de la violence
Comme solution, l'auteur propose avant tout de faire le choix de sortir de la néo-culture si l'on veut vaincre la violence, la torture et le déni des droits humains en Afrique. Une fois sorti, il faut maintenant envisager de forger de nouvelles mentalités, de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques sociales, de nouveaux choix de vie et de nouvelles institutions éducatives où les vrais principes de la culture africaine puissent être réanimés, réactualisés, revitalisés, réformés et réarmés pour la construction d'une nouvelle société. Tel est l'enjeu : la clé de notre destinée.
Kä Mana note que la trahison des sources vitales n'est pas l'apanage du temps contemporain. Même dans l'époque antique la civilisation africaine se détournait également de ses valeurs fondatrices, régulatrices et donatrices de sens. A titre illustratif, sont évoqués les temps pharaoniques, la traite des Noirs, etc. La néo-culture africaine est à considérer comme une nouvelle phase de la trahison de la culture africaine par ses filles et ses fils. Ces derniers sont sortis de leur être profond et ont abandonné les principes de leur culture et des valeurs de leur être (p. 59). Le travail pour combattre la violence, la torture et le déni des droits humains, consistera impérativement à "chercher par quels moyens nous devons rompre avec la tradition de la trahison de nous-mêmes par nous-mêmes pour nous réconcilier avec les valeurs les plus nobles de notre être au monde en vue de créer une nouvelle société" (p.59)
4.1. La solution par la voie culturelle africaine
La solution par la voie culturelle africaine pour lutter contre la violence, passera selon Kä Mana par le réapprentissage de trois choses : de l'Afrique, de ses lieux initiatiques et de la foi partagée.
Apprendre à apprendre l'Afrique : c'est-à-dire ouvrir les intelligences, les consciences et les esprits des Africains et Africaines à une vraie connaissance de leurs principes et de leurs valeurs fondamentales qui structurent foncièrement la vision africaine du monde au-delà de diversités comme peuples et tribus. La redécouverte de l'espace social en tant que champ où il convient de semer les valeurs qui nouent avec l'être éthique et spirituel, est à ce prix. Cet espace où la parole est partagée, favorisant la participation de chaque personne et évitant ainsi crise et violence meurtrière. Car, elle est une parole qui unit les esprits et les consciences ; qui aménage toujours une voie de sortie honorable à chaque personne. C'est cette parole habitée par tous et par toutes dans un débat où tout le monde, à la fin, gagne, dont l'Afrique a besoin. Une parole d'enrichissement, d'harmonie sociale dont la qualité majeure est d'être un pont entre les humains et non un crépitement des balles pour tuer, physiquement ou symboliquement. (p.60). L'apprentissage se fera à travers une telle parole dont le destin est la recherche commune du bonheur partagé. Kä Mana estime que c'est la seule voie pour éradiquer la violence dans les coeurs et dans la société, pour vaincre les systèmes de torture des Africains par les Africains et pour asseoir un projet crédible de construction d'une nouvelle société.
Apprendre à inventer de nouveaux lieux et de nouvelles dynamiques initiatiques : Il n'est pas question de retrouver les bosquets initiatiques d'antan. Il s'agit ici de réussir à inventer
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et à mettre sur pieds de nouveaux lieux initiatiques de formation des convictions et de caractères en lien avec les valeurs vitales. Des lieux où on est initié à la paix dans les coeurs et dans la société, où sont transmises les forces vives qui croient en l'Afrique et en son destin dans le monde. A la parole est partagée, doit suivre l'action partagée : une action commune pour faire face aux violences.
Apprendre la foi partagée qui fait des Africaines et Africains des missionnaires de paix, mais aussi de développement intégral. Qui propagent une spiritualité qui unifie et relie l'être-africain à ses principes et valeurs culturels, faisant de lui l'agent du changement social et humain.
4.2. L'apport de l'Evangile à la solution de la voie africaine
Dans la lutte actuelle contre la violence, la solution par la voie culturelle africaine bénéficiera d'un apport solide de l'Evangile. Le message de Jésus-Christ lui permettra de connaitre de manière profonde les mécanismes par lesquels la violence s'accapare des individus et des peuples et conduit aux pratiques sociales de tortures, dévalorisantes et inhumaines. Les Ecritures saintes offrent une connaissance sur les principes de la violence fondatrice et ceux de la violence sociopolitique. Elles offrent aussi le principe de l'ordre spirituel de la vie, à savoir l'ordre de l'humain ne peut être garanti que par un principe transcendant dont le respect seul maintient la réalité hors du chaos, du tohu-bohu et de la destruction.
Entant que réalité fondatrice de l'ordre social, la violence qu'il faut maitriser et contre laquelle combattre, est ancrée au fin fond de nos désirs et de nos pensées intimes : dans notre coeur en tant qu'il est le centre de notre personnalité. Les guerres avec tous leurs cortèges de tueries, des crimes, des tortures et des traitements inhumains surgissent au moment où Dieu déserte le champ de l'humain et cesse d'être le principe transcendant qui médiatise la relation de chaque personne à chaque personne, de chaque peuple à chaque peuple. La stratégie spirituelle de Jésus pour résoudre le problème de la violence peut inspirer la solution de la voie culturelle africaine. Etant une réalité spirituelle, la violence est gérée par Jésus selon une orientation spirituelle et non humaines comme on le fait habituellement.
4.3. L'orientation spirituelle de la stratégie de Jésus-Christ
La stratégie spirituelle de Jésus-Christ se résume en ceci : Détruire le mécanisme mimétique (recherche de bouc-émissaire). Pas mettre sur le dos d'une victime imaginaire les péchés de tous. Par contre, travailler ensemble, hommes et femmes, et prendre le courage et le risque de porter sur soi-même la responsabilité de briser le cycle de la violence. Et remettre le principe transcendant au coeur des relations humaines et favoriser le principe de fraternité spirituelle. Ainsi sont exclus les mécanismes mimétiques et le processus victimaires.
Au fait, la stratégie de Jésus-Christ a consisté à faire entrer dans les sanctuaires et bosquets initiatiques le Dieu proche et Amour. Ainsi, peuvent naître de nouvelles mentalités et de nouvelles institutions sociales de non-violence, du refus de la torture, de
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l'affirmation des droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. C'est lui qui nous fait redécouvrir les bases spirituelles de l'unité et de la solidarité de tous les membres de l'espèce humaine, de tous les peuples de la terre.
Toute violence dominatrice, pour maintenir les gens sous son pouvoir, commence avant tout par les affaiblir et par détruire les rapports vitaux de résistance. Kä Mana fait ici référence au théologien français Francis Grob. Ce dernier fait une analyse de l'action de Jésus et de ses stratégies. Il montre que le système impérial utilise quatre stratégies : appauvrir, diviser, démoraliser et terroriser.
Le combat de Jésus-Christ contre une telle domination, prend des stratégies opposées. Bâtir la solidarité et la communauté est une manière de combattre l'appauvrissement et la division pour faire face à la violence structurelle. Pour contrer la démoralisation, il convient de s'appuyer sur le pouvoir de la foi en Dieu et sur soi-même. Quant à la terrorisation, la peur doit l'affrontement non violent.
Pour y arriver, Jésus a agi. Il puisait ses forces dans la prière, la réflexion profonde et l'imagination porteuse d'espérance.
Conclusion
Pour Kä Mana, les ressources à mobiliser pour lutter contre la violence radicale sont de deux ordres. Le premier est celui des valeurs fondatrices, régulatrices et donatrices des traditions africaines. Le second est celui de l'Evangile du Christ. Aux Africains et aux Africaines de décider d'incarner dans leur être, au plus profond de leur coeur, de leur conscience et de leur esprit, l'humus le plus noble de leur culture et le limon le plus fécond de l'Evangile de Jésus-Christ. Pour Kä Mana, il est question "d'un double re-enracinement dans notre force traditionnelle et dans l'énergie vitale que Jésus-Christ nous apporte, d'une double re-connexion avec la puissance de nos ancêtres et avec le souffle de Jésus-Christ comme nouvelle possibilité de vie en nous ici et maintenant." (p.82.)

Lire plus

La colonialité de la néo-culture subsaharienne comme source des conflits et des violences en Afrique. Perspectives théologiques et décoloniales <em>Conférence au GTAS du 28 février 2020<em></em></em>

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Résumé
Le 24 novembre 1965, soit 5 ans après l'indépendance politique du 30 juin 1960, Mobutu s'empare du pouvoir par un coup d'État militaire, devient le nouveau chef de l'État congolais et préconise la stratégie du "recours à l'authenticité" qu'il impose et réussit à installer, vers les années 1971-1972, au coeur de la vie politique, culturelle, sociale et même religieuse. Son objectif semble clair : "retrouver notre âme que la colonisation avait quasiment effacée de nos mémoires"; refuser de vivre avec "une âme d'emprunt"; reconquérir notre "culture originale". Son pouvoir une fois consolidé, ce "Chef africain" devient presque tout; reproduisant à sa manière le modèle du pouvoir colonial. Décolonisation mentale ou colonialité néo-culturelle ?
Chaque colonialité qui implique des dimensions hégémoniques (colonialité de pouvoir), ontologiques (colonialité de l'être), épistémiques (colonialité du savoir), etc., agit à travers des dispositifs institutionnels ou des postures individuelles. L'impact des empreintes coloniales ne semble pas mince dans la reproduction consciente ou inconsciente de "l'hégémonisation" de certaines traditions, religions, cultures, conceptions et de "la subalternisation" des autres (Escobar & Restrepo). Prendre conscience de la présence et de l'influence de ces empreintes de la colonisation dans les réflexes d'aujourd'hui et de demain en les remettant en question, constitue la base d'une vraie décolonisation mentale (Mabila Kalanda).
L'intérêt porte ici sur le contexte africain traversé par des conflits et des violences dont certains trouveraient leur origine dans la colonialité de la néo-culture subsaharienne (Ka Mana). Dans cette conférence, il s'agit d'analyser cette colonialité à partir d'un cas historique précis du "recours à l'authenticité". Y seront explorés, dans une démarche décoloniale, des postures et des contenus et, dans une perspective théologique, seront envisagées quelques voies de sortie face à toute forme de colonialité.
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0. Concept, définition, hypothèse, démarche méthodologique
La colonialité, selon Arturo Escobar et Eduardo Restrepo (2009), fait "référence à un modèle de pouvoir" ayant agi dans le passé de l'anthropologie et avec lequel existe des articulations. À leurs yeux, la colonialité découle des "anthropologies hégémoniques" et quelquefois même des "anthropologies subalternes". Ils la considèrent comme un phénomène historique plus complexe que le colonialisme. Alors que le colonialisme fait référence "à la situation de soumission de certains peuples colonisés, à travers un appareil administratif et militaire métropolitain (disparu en tant que tel sur une grande partie du globe)", la colonialité, elle, reproduit et articule son système de pouvoir au modèle occidental. Quijano, Mignolo, Grosfoguel et d'autres auteurs le montrent, associant par ailleurs la colonialité à la modernité (Escobar & Restrepo, 2009, p. 8, note infrapaginale 1). Or, le système de pouvoir à l'occidental repose sur une infériorisation systémique des "autres", considérés comme différents : les autres groupes humains, les autres savoirs, les autres subjectivités, les autres cultures. Plus que le néo-colonialisme ou l'impérialisme culturel, et en tant que processus, la colonialité agit par le biais de dispositifs civilisationnels mis en place, notamment les discours, et implique aussi des dimensions hégémoniques "colonialité de pouvoir", ontologiques "colonialité de l'être", épistémiques "colonialité du savoir". Elle agit aussi par "des mécanismes institutionnels" susceptibles de reproduire de façon simultanée, d'une part, "l'hégémonisation" de certaines traditions, religions, pensées, conceptions, et, d'autre part, "la subalternisation des autres" (Escobar & Restrepo, 2009, p.16). En ce qui me concerne, mon intérêt porte sur le concept de "colonialité de la néo-culture subsaharienne". Mon objectif consiste à comprendre les mécanismes et les stratégies de son fonctionnement en contexte de l'Afrique subsaharienne, ainsi que les répercussions conflictuelles et violentes qu'elle produit dans des corps et des vies des personnes sous son joug. Mon hypothèse repose sur le fait que ce qui est reproché à la colonisation occidentale se trouverait reproduit par le système même qui prétend la déconstruire. N'y aurait-il pas du colonial dans ce qui est mis en oeuvre et dans ce qui permettrait de combattre comme telle la colonisation ? V.-Y. Mudimbe en parlant de séquelles coloniales qui se dégagent dans certain comportement postcolonial, évoque la
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notion de "L'Odeur du père", titre qu'il donne à un de ses ouvrages critiques du système colonial. Malela rapportant les écrits de Mujinga, parle de l'"assimilation complète" comme mode de "perfectionnement individuel, moral et intellectuel qui conduit à l'ascension sociale et à la réussite socio-économique" (Malela, 2004). Ka Mana cherche et situe l'origine des crises multisectorielles qui traversent le continent noir africain au niveau de la colonialité de la néo-culture subsaharienne. Dans cet exposé, j'analyse cette colonialité. Avant de chercher à comprendre dans quelle mesure celle-ci se trouve à la base de cette crise africaine, je vais d'abord préciser, à partir du contexte congolais et à la suite du théologien Ka Mana, ce que l'on pourrait entendre par néo-culture africaine subsaharienne, élaborée sur base des traditions et des coutumes ancestrales. Par la suite, dans une démarche décoloniale, je tenterai de l''analyser en examinant la posture affichée par ses ténors et son contenu, c'est-à-dire ce en quoi elle consiste et quelles violences elle engendre. Enfin, j'aborderai ce que Ka Mana considère comme voie de sortie de la violence, les pièges à éviter et ce qui conviendrait comme apport théologique face à toute forme de colonialité. Je conclurai par une appréciation personnelle dans une perspective théologique et décoloniale.
1. La stratégie du "recours à l'authenticité" : décolonisation mentale
ou colonialité de la néo-culture ?
Le cas du contexte congolais de la stratégie du "recours à l'authenticité" apporte un éclairage. De quoi s'agit-il ? Pour en comprendre les enjeux significatifs, un bref aperçu historique semble nécessaire. En effet, le 24 novembre 1965, soit 5 ans après l'indépendance politique du 30 juin 1960, le colonel Mobutu s'empare du pouvoir par un coup d'État militaire, devient le nouveau chef de l'État et prône la doctrine du recours à l'authenticité, qu'il veut installer au coeur de la vie politique, culturelle, sociale et même religieuse; il réussit à le faire vers les années 71-72. Son objectif semble clair : "Nous voulons recourir à notre authenticité pour retrouver notre âme que la colonisation avait quasiment effacée de nos mémoires et que nous allons rechercher dans la tradition des grands ancêtres. Ce n'est que par la force d'une culture originale, authentique, que les grandes Nations ont pu se dégager des conséquences de l'aliénation" (Interview à Jeune Afrique-journaux de Kinshasa en date du 29 avril 1972, cité par Ngomo, 1998, p. 189).
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À la suite et au-delà de l'indépendance politique, le recours à l'authenticité semble préconiser autant la décolonisation mentale que la décolonisation économique, culturelle, religieuse et spirituelle, soubassement de toute action et de tout progrès. Pour Mobutu et les tenants de cette doctrine, le constat est plus que déplorable : le peuple congolais vit avec une "âme d'emprunt, une conscience d'emprunt" (Ngomo, 1998, p. 188). Il convient, selon eux, d'opérer une profonde révolution dans l'exaltation des valeurs du pays, dans le domaine intellectuel et culturel, afin de "libérer les Congolais et les Congolaises de toutes les servitudes" auxquelles ils restent attachés. Une telle révolution nécessite avant tout une prise de conscience et une découverte de soi pour "réfléchir et surtout agir au départ d'un point de vue propre, en délaissant les usages, les opinions et les préjugés" imposés par la colonisation. Il importe donc de déclencher le processus conduisant à une réelle liberté et à une "redécouverte de soi".
Cette préoccupation du chef de l'État est aussi celle exprimée quelques années auparavant par Mr Mabika Kalanda, un intellectuel congolais, qui, publia en 1967 son ouvrage intitulé la remise en question. Base de la décolonisation mentale. L'auteur souligne à sa manière la nécessité d'une réévaluation de traces coloniales et le besoin d'acquérir une pleine liberté mentale, axée sur la personnalité propre de l'être africain. Il y a donc pour Mobutu de quoi appuyer son dispositif culturel et sa démarche stratégique qui, jusque-là, semblent s'inscrire dans le registre décolonial.
Dans le souci de matérialiser son projet, Mobutu passe à l'action. Il décide, d'une part, d'effacer dans la concrétude les empreintes de la colonisation (y compris les séquelles mentales) à travers des mesures plus pratiques : citons, entre autres, le déboulonnage des statues coloniales, enlèvement des crucifix dans des lieux publics, changement des prénoms chrétiens et leur bannissement (interdiction de les porter), etc. Et, d'autre part, (il décide de) retrouver l'originalité congolaise dans les valeurs de la culture traditionnelle auxquelles il convient de recourir. Bien entendu, il explique cela lors d'une interview accordée à l'hebdomadaire Jeune Afrique en affirmant le "Recours n'est pas retour", et d'ajouter : "Nous ne voulons pas revenir aveuglement à toutes les coutumes ancestrales, mais simplement choisir celles qui s'adaptent le mieux à la vie moderne, qui favorisent le progrès, créent une manière de vivre et de penser dynamique et entièrement nôtre" (cité par Ngomo,1998, p.190).
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À propos de cette authenticité à recouvrer, un de ses propagateurs patentés fait cette déclaration : "dans bien des cas nous aboutirons sans doute à des solutions qui ressembleront aux solutions adoptées par d'autres pays. Qu'importe, puisque nous y serons arrivés par notre propre chemin. Dans d'autres cas, nous aurons des solutions différentes. Qu'importe encore, puisque notre chemin nous y aura mené. Il ne s'agit pas de faire de l'originalité à tout prix, mais simplement d'être réellement original. Et notre originalité c'est de choisir notre chemin, que cela soit facile ou non" (op. cit., p. 189-190).
Quant au changement des prénoms chrétiens et à l'interdiction de les porter, pour passer à l'acte, une loi contraignante est décrétée. Celle-ci stipule que toutes les Zaïroises et tous les Zaïrois, à partir du 15 février 1972, porteront "des noms typiquement zaïrois", c'est-à-dire ajouteront au nom qu'ils ont toujours porté un ou plusieurs autres noms de leurs ancêtres (op. cit., p. 188). Restant cohérent avec la logique de sa doctrine, le Président lui-même donne l'exemple en remplaçant ses prénoms chrétiens "Joseph-Désiré" par un post-nom ancestral assez kilométrique : "Sese Seko Kuku- Ngbendu Wa-Za-Banga", dont le sens premier présage déjà ce qui doit advenir par la suite; car, littéralement cela veut dire : "Le coq ne laissant aucune jeune poule intacte…) (op. cit., p. 187).
Mobutu justifie son geste en ces termes: "aucun de mes aïeux n'avait ces prénoms ronflants et je les admire eux qui aimaient bien Dieu en le craignant. Non pas le Dieu des Occidentaux, mais l'Être suprême tel que nous l'enseignent les traditions" (op. cit., p. 188). À ce niveau, on peut se poser les questions suivantes : S'il a été reproché au Dieu des Occidentaux et à leurs religions dont le catholicisme, d'être au service du colonialisme; pour quelles raisons profondes Mobutu évoquerait-il l'Être suprême enseigné par les traditions ancestrales? Quels objectifs poursuivrait-il vraiment en recourant au Dieu des ancêtres? Dans quel intérêt voudrait-il que le peuple congolais retrouve leur relation avec le Dieu de leurs traditions? Au fond, quelles fonctions Mobutu pourrait-il attendre de l'Être suprême?
Il convient de chercher des réponses à ce questionnement dans le propos de Banianga Munongo, un spécialiste d'histoire religieuse du Congo. Ce dernier, en évoquant le sociologue des religions Yves Lambert, estime que la plus importante fonction sociale des religions et leur mission primordiale consistent à donner un caractère sacré
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au fondement du lien social, à apporter un soutien métaphysique au moral des individus et à soutenir ces derniers lorsqu'ils font face à des crises collectives (Munongo, 2009, p. 33). À ce titre, les critiques contre les missionnaires, selon lesquelles ils sont au service plutôt de la cause coloniale, trouveraient également ici un fondement. Comme le mentionne si bien le théologien Louis Ngomo, "le christianisme a été perçu comme un produit d'importation qu'il fallait rejeter en même temps que la colonisation. Les missionnaires ont été considérés comme des agents de domination et la religion catholique comme un milieu d'aliénation totalement coupé des valeurs africaines" (Ngomo,1998, p. 64-65).
En parlant de cette collaboration-complicité qui caractérise l'entreprise coloniale, on fait allusion à l'administration, au militaire et au missionnaire, considérés par certaines recherches comme une "trinité coloniale" et, par d'autres, comme trois "calamités coloniales". Pour montrer combien le christianisme est perçu comme "le cheval de Troie des impérialismes européens", il est souvent évoqué ce discours du roi Léopold II de Belgique, adressé aux missionnaires envoyés au Congo en 1883 :
"Prêtres, vous allez certes pour l'évangélisation, mais cette évangélisation doit s'inspirer avant tout des intérêts de la Belgique et de l'Europe. Le but principal de votre mission en Afrique n'est donc point d'apprendre aux nègres à connaître Dieu, car ils le connaissent déjà […] Vous n'irez donc pas leur apprendre ce qu'ils savent déjà. C'est donc dire que vous interpréterez l'évangile de façon qu'il serve [sic] à mieux protéger nos intérêts dans cette partie du monde" (cf. Owono- Kouma (Auguste), Mongo Beti romancier et l'Église catholique romaine. Préface de Mosé Chimoun, postface d'Éloi Messi Metogo. Paris, L'Harmattan, coll. Études Africaines, 2010, p. 383.)" (cité par Moutombi, 2013, p. 50).
Loin d'être vraiment une décolonisation mentale, le recours à l'authenticité de l'idéologie du mobutisme apparaîtrait davantage comme une stratégie de Mobutu en vue de consolider son pouvoir dictatorial totalitaire en s'appuyant sur une base socio-culturelle et religieuse traditionnelle, afin de s'octroyer des attributs divins, caractéristiques de certains "Chefs africains". Vidé de son contenu pour le remplacer par la personne même et le pouvoir de son initiateur, le recours à l'authenticité, qui tente d'attribuer un caractère transcendantal et un fondement extérieur au pouvoir du Chef, se transforme peu à peu en culte de personnalité. Ses partisans zélés considèrent par la suite la doctrine mobutienne comme leur évangile et Mobutu lui-même comme désormais un prophète, un messie, un libérateur :
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"Dans notre religion, nous avons nos propres théologies. Notre religion est basée sur la croyance en Dieu Créateur et le culte des ancêtres […]. Dans toute religion et de tous temps, il y a des prophètes. Pourquoi n'y en aurait-il plus aujourd'hui ? Dieu a envoyé un grand prophète, c'est notre guide prestigieux Mobutu Sese Seko. Ce prophète nous secoue de notre torpeur, il nous a délivré de notre aliénation mentale. Il nous apprend à nous aimer les uns les autres. C'est celui qui est venu faire faire toutes choses nouvelles au Zaïre. Jésus est le prophète, Mobutu est notre prophète […] notre libérateur, notre Messie. Le Christ est mort, il ne vit plus, Lui. Il s'est dit Dieu. Mobutu n'est pas Dieu. Il ne se dit pas Dieu, il mourra aussi, mais il conduit son peuple vers une vie meilleure. Comment ne pas honorer, vénérer celui qui a fondé la nouvelle Eglise du Zaïre ? Notre Eglise est le Mouvement Populaire de la Révolution. Son chef est Mobutu, nous le respectons comme on respecte le Pape. Notre loi, c'est l'authenticité. C'est par là que le chef se distingue des autres. Notre Evangile est le mobutisme. […] que vient faire le crucifix dans tous nos édifices publics ? Il doit être remplacé par l'image de notre Messie. Et les militants auront à coeur de placer à ses côtés sa mère glorieuse, Mama Yemo, celle qui donna le jour à un tel fils. La Sainte Vierge était aussi honorée comme mère du prophète Jésus" (cité par Ngomo, 1998, p. 245).
En tant que "Chef africain", Mobutu prend toute la place. Il n'y a plus de place pour aucun autre chef, aucun autre pouvoir, pas même le pouvoir spirituel. Le Chef, en effet, devient presque tout et éclipse presque tout, en imposant une façon unique de concevoir les choses. Il doit être : "unique, seul compétent dans tous les domaines - même religieux" ; il "s'identifie avec son peuple" (Ngomo, 1998, p. 190-191). Il "confisque ainsi l'espace politique (militarisation de l'État en multipliant les forces spéciales), l'espace économique (par la nationalisation des entreprises privées, dont le fruit est réparti entre les dignitaires du régime, sans oublier la corruption généralisée dans les administrations, dont la conséquence est la naissance de l'économie informelle) et l'espace culturel (par la corruption des intellectuels promus de force à des fonctions administratives)", explique Buata Malela en résumant Jean-Claude Kangoma (Malela, 2004). Du coup, on assiste à la reproduction du modèle du pouvoir colonial. Ce qui est reproché hier au colonialisme (la colonialité de l'être, du pouvoir, du savoir) se retrouve appliqué de manière exemplaire par la dictature du chef à l'égard de ses propres sujets. On bascule dans une aliénation interne à pensée unique, parti unique, pouvoir totalitaire. Ce qui met en cause le recours à l'authenticité, utilisé par le pouvoir comme simple béquille pour son meilleur intérêt personnel au détriment de la Nation. Ce qui ne manque pas de susciter de vives tensions et violences qui plongent le pays dans la misère,
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suscitent des guerres qui finalement le conduiront en exil au Maroc où il mourra et sera enterré.
2. Les conflits et violences en Afrique : impasse de la néo-culture ?
Pour le théologien congolais Kä Mana, ce que l'on appelle néo-culture africaine n'est qu'une "trahison" de la culture africaine. Pour comprendre ce que cela veut dire, ce point suit le fil conducteur de cet écrit de Kä Mana (2008) à savoir, "Vaincre la violence et éradiquer la torture en Afrique. Quand l'Évangile fertilise la culture africaine", in Kä Mana et Jean-Blaise Kenmogne, Pour une voie africaine de la non-violence. Religion, politique, développement et éthique de la paix en Afrique, éd. Le Potentiel, p. 35-89).
Selon l'auteur, la néo-culture africaine accuse aujourd'hui un vide. Son contenu n'est ni évangélique ni culturel. En effet, la culture africaine authentique est doublement vidée de sa substance par la colonisation et par les "trahisons" multiples qui traversent l'histoire du continent, dont celles des pouvoirs dictatoriaux. Elle est vidée de ses vraies valeurs, de ses principes vitaux, de ses énergiques lieux initiatiques ou de sa visibilité sociale. Une triple rupture entre culture, société et évangile marque profondément la néo-culture et crée un "déséquilibre ontologique", source des tensions, des guerres qui sèment la violence, les viols et les conflits.
Ka Mana cherche dans ce déséquilibre et dans cette triple rupture radicale, l'origine même des conflits et des violences. Pour les éradiquer, il préconise comme solution la sortie de cette néo-culture qui s'impose aujourd'hui dans sa structuration des mentalités et dans ses pratiques socio-économico-politiques "insensées" (Kä Mana, 2008, p. 57‑58). Cette sortie permettrait alors de "forger" de nouvelles mentalités, de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques sociales, de nouveaux choix de vie et de nouvelles institutions éducatives, où les vrais principes de la culture africaine puissent être réanimés, réactualisés, revitalisés, réformés et réarmés pour la construction d'une nouvelle société. Là se situe, pense-t-il, la clé de la destinée africaine.
Pour ce faire, il fait allusion à 3 catégories de valeurs fondamentales africaines auxquelles il convient, selon lui, de recourir à savoir :
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Les valeurs fondatrices de l'Afrique dans ses sources vitales, telles que le sens profond du sacré, l'unité anthropologique, la responsabilité active des humains les uns à l'égard des autres, le souci de liens indestructibles de communion entre l'humanité et la création. Les valeurs régulatrices de la société africaine dans sa volonté d'harmonie et d'équilibre, telles que l'équilibre entre le visible et l'invisible qui rythme profondément la vie, le travail, le jour et la nuit, le ciel et la terre. Ensuite, l'équilibre entre la communauté et l'individu, qui est un lieu de communion, d'épanouissement et de responsabilité humains. Puis l'équilibre entre l'élasticité du temps vital et l'impératif des urgences où se situe le champ des réponses concrètes aux soucis du présent et aux quêtes des générations futures. Ainsi que l'équilibre entre la vénérable tradition des ancêtres et les exigences vitales d'aujourd'hui, un espace d'engagement pour forger un type de personnalité sociale respectueuse de sa propre histoire. Enfin, l'équilibre entre la foi en la vie et le respect des morts, tissu des négociations constantes entre les vivants et les disparus.
Les valeurs donatrices de grand sens, source d'orientation, de direction vers l'accomplissement du grand destin de l'Afrique. Quand elles font défaut, on assiste à une désorientation directionnelle vers sa destinée : ce sont des valeurs d'ouverture, de dépassement de soi et d'engagement. C'est-à-dire s'ouvrir aux autres et au monde par une grande écoute qui enrichit la connaissance et procure la sagesse ; développer une grande vision qui s'enracine dans le passé pour enrichir les générations futures ; promouvoir un grand langage pour ne dire que ce qui compte vraiment et édifie la vie commune ; déployer un grand agir pour transformer la société en espace d'engagement solidaire.
Ces valeurs méritent d'être déployées dans tous les lieux de vie, à savoir dans la communauté comme lieu éducatif et dont la responsabilité consiste à faire redécouvrir et à transmettre les valeurs fondamentales. Dans l'espace initiatique : un espace traditionnel d'initiation des jeunes et des moins jeunes. C'est, entre autres, le temple ou les sanctuaires (cf. en Egypte), le Bosquet initiatique à la fois ésotérique et mystique où se révèle l'essentiel de la vie, se dévoile le mystère des choses pour les jeunes entrant dans l'âge adulte de la vie et où se déchiffrent les arcanes des réalités vitales (Kä Mana, 2008, p. 44). Dans la visibilité sociale de chaque personne : la place qu'occupe
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chaque personne constitue aussi un lieu où se déploient les valeurs importantes qui accordent à chaque personne le respect et la dignité inconditionnels pour son épanouissement, sa visibilité et son émergence.
Ce troisième lieu soulève un enjeu théologique important. Il s'agit de la vie de chaque être humain dont la vocation est de s'épanouir et de s'accomplir pleinement. Mais, depuis le temps pharaonique, jusqu'à la néo-culture qui trahit la véritable culture africaine, en passant par le temps de la traite de noirs, la civilisation africaine s'est détournée de toutes ces valeurs fondamentales. Coupée de ses sources vitales par la colonisation, déviée de sa volonté d'harmonie par les trahisons de son propre peuple assoiffé du pouvoir et déroutée de son destin par toute forme de colonialité, l'Afrique subsaharienne se retrouve dans une désorientation vertigineuse et dans des déséquilibres fondamentaux à plusieurs niveaux, qui ont pour conséquences ce que Ka Mana qualifie de violence imbécillisante, la sorcellerie sociale, qu'il convient d'éradiquer.
3. Perspectives théologiques et décoloniales
Face à toute forme de colonialité et de violence, il importe de se rappeler maintenant, à la suite de Ka Mana, l'orientation spirituelle de la stratégie de Jésus-Christ comme un apport théologique décolonial. Toute violence dominatrice, qu'elle soit coloniale ou dictatoriale, pour maintenir les gens sous son pouvoir, commence avant tout par les affaiblir et par détruire les rapports vitaux de résistance. Kä Mana fait ici référence au théologien français Francis Grob. Ce dernier fait une analyse de l'action de Jésus et de ses stratégies. Il montre que le système impérial utilise quatre stratégies : appauvrir, diviser, démoraliser et terroriser.
Le combat de Jésus-Christ contre une telle domination, prend des stratégies opposées. Bâtir la solidarité et la communauté est une manière efficace de combattre l'appauvrissement et la division pour faire face à la violence structurelle. Pour contrer la démoralisation, il convient de s'appuyer sur le pouvoir de la foi en Dieu et en soi-même. Quant à la terrorisation, la peur doit céder la place à l'affrontement non violent. Pour y arriver, Jésus a agi. Il puise ses forces dans la prière, la réflexion profonde et l'imagination porteuse d'espérance. La stratégie spirituelle de Jésus-Christ se résume en ceci : détruire
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le mécanisme mimétique (recherche de bouc-émissaire), ne pas mettre sur le dos d'une victime imaginaire les péchés de tous. En revanche, travailler ensemble, hommes et femmes, prendre le courage et le risque de porter sur soi-même la responsabilité de briser le cycle de la violence ; remettre le principe transcendant au coeur des relations humaines et favoriser le principe de fraternité spirituelle. Sont ainsi exclus les mécanismes mimétiques et le processus victimaires.
Il s'agit, en effet, de faire place à l'autre, de faire entrer dans les sanctuaires et bosquets initiatiques le Dieu proche et Amour. Ainsi peuvent naître de nouvelles mentalités et de nouvelles institutions sociales de non-violence, du refus de la torture, de l'affirmation des droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. C'est l'Autre qui nous fait redécouvrir et vivre les bases spirituelles de l'unité et de la solidarité de tous les membres de l'espèce humaine, de tous les peuples de la terre. Une manière d'écarter toute colonialité sous toutes ses formes.
Conclusion
Les ressources à mobiliser pour lutter contre la violence radicale ne manquent pas. Pour Ka Mana, elles sont de deux ordres. Le premier est celui des valeurs fondatrices, régulatrices et donatrices des traditions africaines qu'il convient de respecter et surtout de ne pas trahir. Le second est celui de l'Évangile du Christ. Aux Africains et aux Africaines de décider d'incarner dans leur être, au plus profond de leur coeur, de leur conscience et de leur esprit, l'humus le plus noble de leur culture et le limon le plus fécond de l'Evangile de Jésus-Christ. Pour Kä Mana, il est question "d'un double re-enracinement dans notre force traditionnelle et dans l'énergie vitale que Jésus-Christ nous apporte, d'une double re-connexion avec la puissance de nos ancêtres et avec le souffle de Jésus-Christ comme nouvelle possibilité de vie en nous ici et maintenant" (Kä Mana, 2008, p. 82). Faut-il pour cela sortir de la néo-culture ? N'est-il pas possible de la purifier ou du moins de la rendre décoloniale à partir de l'intérieur ?
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Bibliographie
Escobar, A., & Restrepo, E. (2009), Anthropologies hégémoniques et colonialité (A. Delord trad.), 62, p. 83‑95.
Kä Mana. (2008), "Vaincre la violence et éradiquer la torture en Afrique. Quand l'Évangile fertilise la culture africaine", in Kä Mana et Jean-Blaise Kenmogne, Pour une voie africaine de la non-violence. Religion, politique, développement et éthique de la paix en Afrique, éd. Le Potentiel, p. 35-89).
Malela, B. (2004), "Figures et paradoxes de l'Histoire au Burundi, au Congo et au Rwanda", in Textyles, 24, p. 133‑136.
Moutombi, A. (2013), "Christianisme, éducation, création littéraire et vision du monde chez quelques romanciers camerounais des décennies cinquante et soixante", in Études littéraires africaines, 35, p. 49‑59. https://doi.org/10.7202/1021709ar
Ngomo, L. O. (1998), L'engagement politique de l'Église catholique au Zaïre, 1960-1992, Paris, L'Harmattan.

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