1
livre
Vous avez vu 11 livre(s) sur 1
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Violences à l'école... humeurs interrogatives
Citation :
N'est-il pas temps d'imaginer que les multiples, petites ou grandes marques d'humiliation-dépréciation subies en classe pourraient ne plus exister du jour au lendemain ?
Avec les informations fragmentaires réitérées à propos des états généraux sur la violence à l'école un effet de masse semble émerger dans l'opinion publique invoquant d'une part l'existence de corrélations entre violences, difficultés scolaires et difficultés sociales, et d'autre part la nécessité de préparer les personnels à la "gestion des problèmes" ; et si on tentait de les poser, les problèmes, sous le jour de prémices scolaires stricto sensu ?
Evidemment, l'échec ou la violence scolaires ne sont pas "causés" par l'école, cependant certaines normes d'enseignement peuvent amorcer et/ou entretenir l'une et l'autre.
Evidemment, l'échec ou la violence scolaires ne sont pas "causés" par l'école, cependant certaines normes d'enseignement peuvent amorcer et/ou entretenir l'une et l'autre.
Pour un instant, portons attention à des fragments de séquences de cours ordinaires, choisis, dans un souci d'authenticité, en tant qu'il s'agit d'extraits d'enregistrements effectués par des professionnels de la Recherche en éducation. (1)
- Classe de CM2
L'objet de la leçon (prévue en quatre séances) est porté par les mots de l'enseignante :
... schématisation... circuit électrique, élément conducteur ou isolant, montages en série ou parallèle...
L'auteur de l'ouvrage rapportant l'observation précise que "ce qui motive la conduite de cette séquence pour la maîtresse, c'est d'abord de préparer ses élèves à la 6e où le recours à des codes symbolisés est plus fréquent" ; dans les dires de la maîtresse sont encore relevées les bribes :
... difficile pour ces élèves-là... faciliter ce passage à la schématisation... ne pas les décourager... motiver pour des choses abstraites... (ces écoliers qui sont plutôt) des concrets... (étayer par) de l'affectif... passage par le concret...
(...)
- Séance n° 3
Les élèves travaillent en binômes ; ci-après les élèves d'un des binômes seront désignés respectivement par é1 et é2, la maîtresse par M.
...
- é1. Mais vas-y, qu'est-ce que t'attends ?
- é2. Les fils, c'est pas les mêmes, y'en avait un rouge, y'en avait un vert, et là c'est pas pareil...
- é1. Qu'est-ce que t'en as à foutre ? Tu branches les fils comme ça, tu vas voir.
... dispute entre les deux...
- M. On n'est pas là pour faire tout seul, mais pour s'entraider et échanger. (é1.) tu n'as pas à faire tout seul.
- é1. Mais c'était pour lui montrer, il sait pas faire...
- é2. Si, je sais faire, mais c'est parce que les fils c'est pas la même couleur, et je savais pas que ça faisait rien.
- M. Alors, écoutez, tous [...] Alors la couleur des fils, c'est pas important, en fait, les fils, ils sont à l'intérieur de ce qu'on voit ; ils sont recouverts d'un plastique de couleur, mais à l'intérieur, c'est les mêmes. Si vous aviez un fil d'une couleur, vous pouvez le remplacer par un fil d'une autre couleur. (é2., sans plus attendre, met en place le circuit attendu) Quelle que soit la couleur des fils, la fois précédente on a vu que le courant passait de la même façon.
- Séance n° 4
Pour M. il s'agit
... d'aider les élèves à passer du dessin au schéma,...... une sorte de dessin plus simple...
(M. indique les codes de schématisation respective pour l'ampoule, l'interrupteur, les fils et la pile)...
-...
- é2. C'est les fils, j'arrive pas à faire plus long celui qu'est plus long et plus petit celui qu'est plus petit.
- M. ça n'est pas important, ce qui compte, c'est que les fils relient bien chaque élément. Qu'ils soient plus longs ou plus courts, ça change rien.
Au tableau, l'enseignante a figuré de manière normée le circuit (forme globale rectangulaire)
Plusieurs fois, c'est-à-dire que sur les schémas proposés, les places des trois éléments (ampoule, pile, interrupteur) permutaient.
- M. Qui n'a pas réussi à faire le schéma ?
-...
- M. Alors, (é2.), où est le problème ?
- é2. C'est les fils...
- M. Encore ?
- é2. Non... c'est pas pareil... c'est qu'ils tournent pas...
L'enseignante se penche sur la feuille (où le schéma donne une forme globale triangulaire)
- M. Ah, c'est parce que tu as relié directement les éléments ? Mais c'est bon... c'est très bien... (elle reproduit le tracé de é2.)
... Ceux qui ont relié directement les éléments comme ça, ne se sont pas trompés. En fait, c'est pareil... mais pour les prochaines fois, on va plutôt relier les éléments du circuit schématisé en donnant à l'ensemble des fils une forme de rectangle.
Le chercheur demande à é2. pourquoi il a "juste" :
- é2. Parce que (M.) elle a dit, y'en a plusieurs des bonnes solutions.
- Oui, mais comment on sait, qu'on peut faire les deux ?
- é2. Parce que (M.) elle l'a dit.
- D'accord, mais à ton avis, pourquoi elle a dit qu'on pouvait faire les deux ?
- é2. Je sais pas...
"Avec ces élèves-là... c'est de toute façon souvent difficile." (2)
La plupart du temps, implicitement (diverses astuces langagières brouillant au besoin les traces d'incompatibilité éthique) les pratiques d'enseignement sont adossées à l'idée que les enfants de familles pauvres ont plus de mal avec l'école ; or "marquer ces enfants comme des handicapés culturels c'est dire que les parents sont incapables, que les réalisations spontanées de leur culture, les images et les représentations symboliques de cette culture sont de peu de valeur et de faible signification. Les maîtres attendront moins de ces enfants et ceux-ci se conformeront sans aucun doute à ces attentes" (3)
Sous cet angle, revenons sur les difficultés de é2.
N'est-il pas imaginable que son insistance à tant s'intéresser aux fils électriques s'avère tout simplement "fruit de pensée raisonnante", sans la moindre "anormalité" ou le moindre "manque" ?
Et si quelque temps avant sa rencontre scolaire des circuits électriques à schématiser, il avait bricolé avec son papa, par exemple vérifié le fonctionnement d'un appareil ménager ?
Imaginons.
Il a été très fier d'avoir aidé son père à remettre la machine à laver en route ; et il a très bien "compris"... qu'il fallait, toujours, faire très attention avec les fils !
(... tu vois le "+" là, c'est le rouge qui y va ; le bleu, il va au "-" ;...
... très important, le jaune et vert, c'est pour la prise de terre ;... très important, la prise de terre ; c'est une protection en cas de mauvais contact, pour qu'on ne s'électrocute pas en touchant la caisse ; le courant s'en va dans la terre au lieu de passer par toi, tu comprends ?
Des fois il peut être complètement vert, ça dépend ;
... les couleurs, ça permet de se repérer dans les branchements, elles sont sur les fils et aussi sur les prises ; tu vois, là, par exemple, le bleu avec le bleu,... évidemment, pareil pour les autres, vu ?
... c'est des codes ; c'est tout le temps pareil ; comme ça, même si on n'est pas spécialiste, on s'y reconnaît, tu y fais bien toujours attention, hein !...)
Mais, en classe, une fois de plus é2 va refouler ce qu'il "sait", non pas parce qu'il a pu finir par se convaincre d'avoir été dans l'erreur à la suite d'un raisonnement pied à pied, mais parce que "aspiré" à entrer en conformité avec les regards conjugués de la classe, "l'ambiance" dans laquelle il a l'habitude d'accepter la réponse qui vient d'un "bon" dès que la maîtresse intervient, il flanche : "je savais pas que ça faisait rien". Il ne résiste pas ! Il ne doit plus s'occuper de la couleur ! Il réalise le montage voulu, sans même écouter la fin de ce que la maîtresse disait... (..., du plastique, la couleur..., ben j'sais bien...,... soupir ! ?)
Une fois de plus é2 va éprouver qu'il doit mettre de côté, voire ignorer, ses expériences de vie "à la maison" ou avec ceux qu'il a l'habitude de fréquenter :... mon père, il sait pas bien ; à l'école, ça ne marche pas pareil, ça vaut pas, c'est nul, faut que j'oublie,...
Quels liens de tout ça avec la violence à l'école ?
Il est très ordinairement observable qu'un élève à qui l'on rend un devoir avec une mauvaise note affirme : je suis nul ; voire l'image de lui qu'il reçoit de son entourage lui montre qu'il est nul, n'est pas à sa place, l'image d'un qui doit être orienté, regroupé avec ses pareils en nécessité d'aide condescendante pour lui faire répéter ce qu'il doit désormais admettre, pour combler ses manques, etc. Et puis au delà, quand on relit ci-dessus que "ce qui motive la conduite de cette séquence pour la maîtresse, c'est d'abord de préparer ses élèves à la 6e où le recours à des codes symbolisés est plus fréquent", apparaît la partie immergée de l'iceberg.
L'attracteur premier de la détermination des activités d'enseignement est l'espoir que les qualités professionnelles "s'incarneront" dans les résultats des élèves, du moins de ceux que les tests n'auront pas encore, sauf inattendu, normalement condamnés à l'échec.
Alors pour faciliter l'apprentissage et éviter les difficultés il semble de bon aloi pédagogique de se conformer à des prescriptions enjoignant de
"simplifier la tâche en supprimant des intermédiaires fastidieux ou déroutants, de telle façon que l'élève puisse contrôler lui-même sa démarche et vérifier s'il "colle" bien aux exigences qui ont été fixées (réduction des degrés de liberté)". 4
Là où le bât blesse, c'est précisément que les habitus s'harmonisant à ces préceptes de réduction-édulcoration ont pu aboutir au fétichisme de l'évaluation : au quotidien les notes prennent littéralement la place des élèves dans les raisonnements.
Subrepticement, au fil du temps, apprendre à avoir de bonnes notes prédomine sur apprendre à raisonner ; la systématisation des démarches d'émiettement des savoirs pour grilles ou échelles de compétences "expertisées" comme dûment chiffrables, s'amplifie ; on édicte administrativement des taux de redoublement, des taux de "réussite", des moyennes d'établissement à atteindre aux examens en fonction du milieu socio-professionnel majoritaire, etc., tout cela aboutissant à maints classements ségrégatifs.
Les pratiques d'enseignement sont alors guidées par la nécessité d'obtenir des comportements stéréotypés plus que par l'attention aux dynamiques d'apprentissage manifestes, ce qui a tendance à induire, en cas d'échec, des sentiments de culpabilité qui nuisent à la clairvoyance : mauvais élèves (éventuellement parce que mauvais parents) ou mauvais enseignants.
En creusant jusqu'à interroger les représentations sous-jacentes à des idées comme celle de la panne de l'ascenseur social, ou à celles qui amènent au zonage scolaire, on comprend que, au gré de circonstances aléatoires, souvent dérisoires, se déclarent des "clowns du refus implicite", et, en concomitance, un "public" d'inquiets, de désenchantés, d'abattus, de fatigués, attirés, quitte à rire jaune, par le douillet du collectif émotionnel.
Sans publics, pas de perturbateurs !
Il ne s'agit pas là des violences extrêmes importées de drames extérieurs à l'école - quand même rares bien qu'en trop - mais d'un à petit feu quotidien qui forme brandons de plus en plus souvent, dans de plus en plus d'établissements apparemment de plus en plus dissemblables ; sans nul doute, la punition individuelle, réfléchie au cas par cas, est indispensable face à l'immédiat, mais, l'expérience le montre, elle ne touche pas aux racines du malaise.
N'est-il pas temps d'imaginer que les multiples, petites ou grandes marques d'humiliation-dépréciation subies en classe pourraient ne plus exister du jour au lendemain ?
Cela ne pourrait-il pas procéder d'un débat populaire généralisé sur les représentations de l'élève et du rôle primordial de l'école ?
N'est-ce pas envisageable que, par exemple, émerge d'une réflexion engageant toutes les forces vives du pays, l'idée que, avant toute confrontation à quelque barème ou exigence formelle que ce soit, les analyses des productions d'élèves devraient porter essentiellement sur les cheminements de pensée dont elles peuvent/doivent être le fruit, en posant, a priori, que ces cheminements de pensée ne peuvent que relever de l'intelligence et leur intelligibilité être examinée d'office avec respect ?
Ne peut-elle pas devenir intangible, l'idée que la fonction majeure de l'école n'est pas de servir d'abord la promotion sociale ou l'économie, mais prioritairement, essentiellement, d'assurer à hauteur des exigences humanistes de notre temps, le développement intellectuel de chacun au moyen de l'enseignement collectif pour tous ?
Ces idées ne s'avèrent-elles pas en harmonie avec les fondamentaux éthiques de tout citoyen se définissant comme un progressiste ?
Si oui, il y a du pain sur la planche, mais pas du pain noir moisi de désespérance ; du pain au bon grain des luttes émancipatrices en lieu et place des pâtées à l'ivraie du tout marchandise et du fric pour le fric qui ravitaillent en catimini l'utilitarisme méritocratique dans l'école.
Vraiment, ne peut-elle pas devenir intangible, l'idée que la fonction majeure de l'école n'est pas de servir d'abord la promotion sociale ou l'économie, mais prioritairement, essentiellement, d'assurer à hauteur des exigences humanistes de notre temps, le développement intellectuel de chacun au moyen de l'enseignement collectif pour tous ?
Notes :
1. Cet emprunt opportuniste (dans lequel les prénoms n'ont pas été repris, non plus que les commentaires) reste anonyme pour éviter les biais d'interprétation ; du point de vue de ses apports théoriques l'équipe de recherche appartient à une école de référence pour qui veut réfléchir aux nécessaires transformations dans notre système d'enseignement.
2. Il ne saurait être question d'émettre quelque jugement de valeur sur la pratique d'enseignement particulière "entre-aperçue" ici ; d'abord parce que l'on n'a qu'un tout petit emprunt à une recherche institutionnellement validée ; ensuite parce que sans les "collaborations de terrain", les recherches seraient guettées par l'intellectualisme, et risqueraient donc le plus souvent de rester sans perspective d'efficience ; et enfin parce que, comme il est avancé dans L'erreur n'est pas une faute, il n'est pas approprié de faire de la question de l'échec scolaire une question de bonnes ou mauvaises méthodes à suivre individuellement, le sujet n'est vraiment, pour l'essentiel, pas là !
3. BERNSTEIN Basil, in Langages et classes sociales, à propos des handicaps culturels ou linguistiques ; d'un document cité page 207 de L'erreur n'est pas une faute.
4. Cité d'un document d'accompagnement d'un stage intitulé JOURNÉE PÉDAGOGIQUE : MATHÉMATIQUES AU COLLÈGE, émanant d'une Inspection Pédagogique Régionale en mathématiques ; l'italique y est d'origine, comme guillemets et parenthèses, ce qui vaut certainement forme d'insistance.
Lire plus
N'est-il pas temps d'imaginer que les multiples, petites ou grandes marques d'humiliation-dépréciation subies en classe pourraient ne plus exister du jour au lendemain ?
Avec les informations fragmentaires réitérées à propos des états généraux sur la violence à l'école un effet de masse semble émerger dans l'opinion publique invoquant d'une part l'existence de corrélations entre violences, difficultés scolaires et difficultés sociales, et d'autre part la nécessité de préparer les personnels à la "gestion des problèmes" ; et si on tentait de les poser, les problèmes, sous le jour de prémices scolaires stricto sensu ?
Evidemment, l'échec ou la violence scolaires ne sont pas "causés" par l'école, cependant certaines normes d'enseignement peuvent amorcer et/ou entretenir l'une et l'autre.
Evidemment, l'échec ou la violence scolaires ne sont pas "causés" par l'école, cependant certaines normes d'enseignement peuvent amorcer et/ou entretenir l'une et l'autre.
Pour un instant, portons attention à des fragments de séquences de cours ordinaires, choisis, dans un souci d'authenticité, en tant qu'il s'agit d'extraits d'enregistrements effectués par des professionnels de la Recherche en éducation. (1)
- Classe de CM2
L'objet de la leçon (prévue en quatre séances) est porté par les mots de l'enseignante :
... schématisation... circuit électrique, élément conducteur ou isolant, montages en série ou parallèle...
L'auteur de l'ouvrage rapportant l'observation précise que "ce qui motive la conduite de cette séquence pour la maîtresse, c'est d'abord de préparer ses élèves à la 6e où le recours à des codes symbolisés est plus fréquent" ; dans les dires de la maîtresse sont encore relevées les bribes :
... difficile pour ces élèves-là... faciliter ce passage à la schématisation... ne pas les décourager... motiver pour des choses abstraites... (ces écoliers qui sont plutôt) des concrets... (étayer par) de l'affectif... passage par le concret...
(...)
- Séance n° 3
Les élèves travaillent en binômes ; ci-après les élèves d'un des binômes seront désignés respectivement par é1 et é2, la maîtresse par M.
...
- é1. Mais vas-y, qu'est-ce que t'attends ?
- é2. Les fils, c'est pas les mêmes, y'en avait un rouge, y'en avait un vert, et là c'est pas pareil...
- é1. Qu'est-ce que t'en as à foutre ? Tu branches les fils comme ça, tu vas voir.
... dispute entre les deux...
- M. On n'est pas là pour faire tout seul, mais pour s'entraider et échanger. (é1.) tu n'as pas à faire tout seul.
- é1. Mais c'était pour lui montrer, il sait pas faire...
- é2. Si, je sais faire, mais c'est parce que les fils c'est pas la même couleur, et je savais pas que ça faisait rien.
- M. Alors, écoutez, tous [...] Alors la couleur des fils, c'est pas important, en fait, les fils, ils sont à l'intérieur de ce qu'on voit ; ils sont recouverts d'un plastique de couleur, mais à l'intérieur, c'est les mêmes. Si vous aviez un fil d'une couleur, vous pouvez le remplacer par un fil d'une autre couleur. (é2., sans plus attendre, met en place le circuit attendu) Quelle que soit la couleur des fils, la fois précédente on a vu que le courant passait de la même façon.
- Séance n° 4
Pour M. il s'agit
... d'aider les élèves à passer du dessin au schéma,...... une sorte de dessin plus simple...
(M. indique les codes de schématisation respective pour l'ampoule, l'interrupteur, les fils et la pile)...
-...
- é2. C'est les fils, j'arrive pas à faire plus long celui qu'est plus long et plus petit celui qu'est plus petit.
- M. ça n'est pas important, ce qui compte, c'est que les fils relient bien chaque élément. Qu'ils soient plus longs ou plus courts, ça change rien.
Au tableau, l'enseignante a figuré de manière normée le circuit (forme globale rectangulaire)
Plusieurs fois, c'est-à-dire que sur les schémas proposés, les places des trois éléments (ampoule, pile, interrupteur) permutaient.
- M. Qui n'a pas réussi à faire le schéma ?
-...
- M. Alors, (é2.), où est le problème ?
- é2. C'est les fils...
- M. Encore ?
- é2. Non... c'est pas pareil... c'est qu'ils tournent pas...
L'enseignante se penche sur la feuille (où le schéma donne une forme globale triangulaire)
- M. Ah, c'est parce que tu as relié directement les éléments ? Mais c'est bon... c'est très bien... (elle reproduit le tracé de é2.)
... Ceux qui ont relié directement les éléments comme ça, ne se sont pas trompés. En fait, c'est pareil... mais pour les prochaines fois, on va plutôt relier les éléments du circuit schématisé en donnant à l'ensemble des fils une forme de rectangle.
Le chercheur demande à é2. pourquoi il a "juste" :
- é2. Parce que (M.) elle a dit, y'en a plusieurs des bonnes solutions.
- Oui, mais comment on sait, qu'on peut faire les deux ?
- é2. Parce que (M.) elle l'a dit.
- D'accord, mais à ton avis, pourquoi elle a dit qu'on pouvait faire les deux ?
- é2. Je sais pas...
"Avec ces élèves-là... c'est de toute façon souvent difficile." (2)
La plupart du temps, implicitement (diverses astuces langagières brouillant au besoin les traces d'incompatibilité éthique) les pratiques d'enseignement sont adossées à l'idée que les enfants de familles pauvres ont plus de mal avec l'école ; or "marquer ces enfants comme des handicapés culturels c'est dire que les parents sont incapables, que les réalisations spontanées de leur culture, les images et les représentations symboliques de cette culture sont de peu de valeur et de faible signification. Les maîtres attendront moins de ces enfants et ceux-ci se conformeront sans aucun doute à ces attentes" (3)
Sous cet angle, revenons sur les difficultés de é2.
N'est-il pas imaginable que son insistance à tant s'intéresser aux fils électriques s'avère tout simplement "fruit de pensée raisonnante", sans la moindre "anormalité" ou le moindre "manque" ?
Et si quelque temps avant sa rencontre scolaire des circuits électriques à schématiser, il avait bricolé avec son papa, par exemple vérifié le fonctionnement d'un appareil ménager ?
Imaginons.
Il a été très fier d'avoir aidé son père à remettre la machine à laver en route ; et il a très bien "compris"... qu'il fallait, toujours, faire très attention avec les fils !
(... tu vois le "+" là, c'est le rouge qui y va ; le bleu, il va au "-" ;...
... très important, le jaune et vert, c'est pour la prise de terre ;... très important, la prise de terre ; c'est une protection en cas de mauvais contact, pour qu'on ne s'électrocute pas en touchant la caisse ; le courant s'en va dans la terre au lieu de passer par toi, tu comprends ?
Des fois il peut être complètement vert, ça dépend ;
... les couleurs, ça permet de se repérer dans les branchements, elles sont sur les fils et aussi sur les prises ; tu vois, là, par exemple, le bleu avec le bleu,... évidemment, pareil pour les autres, vu ?
... c'est des codes ; c'est tout le temps pareil ; comme ça, même si on n'est pas spécialiste, on s'y reconnaît, tu y fais bien toujours attention, hein !...)
Mais, en classe, une fois de plus é2 va refouler ce qu'il "sait", non pas parce qu'il a pu finir par se convaincre d'avoir été dans l'erreur à la suite d'un raisonnement pied à pied, mais parce que "aspiré" à entrer en conformité avec les regards conjugués de la classe, "l'ambiance" dans laquelle il a l'habitude d'accepter la réponse qui vient d'un "bon" dès que la maîtresse intervient, il flanche : "je savais pas que ça faisait rien". Il ne résiste pas ! Il ne doit plus s'occuper de la couleur ! Il réalise le montage voulu, sans même écouter la fin de ce que la maîtresse disait... (..., du plastique, la couleur..., ben j'sais bien...,... soupir ! ?)
Une fois de plus é2 va éprouver qu'il doit mettre de côté, voire ignorer, ses expériences de vie "à la maison" ou avec ceux qu'il a l'habitude de fréquenter :... mon père, il sait pas bien ; à l'école, ça ne marche pas pareil, ça vaut pas, c'est nul, faut que j'oublie,...
Quels liens de tout ça avec la violence à l'école ?
Il est très ordinairement observable qu'un élève à qui l'on rend un devoir avec une mauvaise note affirme : je suis nul ; voire l'image de lui qu'il reçoit de son entourage lui montre qu'il est nul, n'est pas à sa place, l'image d'un qui doit être orienté, regroupé avec ses pareils en nécessité d'aide condescendante pour lui faire répéter ce qu'il doit désormais admettre, pour combler ses manques, etc. Et puis au delà, quand on relit ci-dessus que "ce qui motive la conduite de cette séquence pour la maîtresse, c'est d'abord de préparer ses élèves à la 6e où le recours à des codes symbolisés est plus fréquent", apparaît la partie immergée de l'iceberg.
L'attracteur premier de la détermination des activités d'enseignement est l'espoir que les qualités professionnelles "s'incarneront" dans les résultats des élèves, du moins de ceux que les tests n'auront pas encore, sauf inattendu, normalement condamnés à l'échec.
Alors pour faciliter l'apprentissage et éviter les difficultés il semble de bon aloi pédagogique de se conformer à des prescriptions enjoignant de
"simplifier la tâche en supprimant des intermédiaires fastidieux ou déroutants, de telle façon que l'élève puisse contrôler lui-même sa démarche et vérifier s'il "colle" bien aux exigences qui ont été fixées (réduction des degrés de liberté)". 4
Là où le bât blesse, c'est précisément que les habitus s'harmonisant à ces préceptes de réduction-édulcoration ont pu aboutir au fétichisme de l'évaluation : au quotidien les notes prennent littéralement la place des élèves dans les raisonnements.
Subrepticement, au fil du temps, apprendre à avoir de bonnes notes prédomine sur apprendre à raisonner ; la systématisation des démarches d'émiettement des savoirs pour grilles ou échelles de compétences "expertisées" comme dûment chiffrables, s'amplifie ; on édicte administrativement des taux de redoublement, des taux de "réussite", des moyennes d'établissement à atteindre aux examens en fonction du milieu socio-professionnel majoritaire, etc., tout cela aboutissant à maints classements ségrégatifs.
Les pratiques d'enseignement sont alors guidées par la nécessité d'obtenir des comportements stéréotypés plus que par l'attention aux dynamiques d'apprentissage manifestes, ce qui a tendance à induire, en cas d'échec, des sentiments de culpabilité qui nuisent à la clairvoyance : mauvais élèves (éventuellement parce que mauvais parents) ou mauvais enseignants.
En creusant jusqu'à interroger les représentations sous-jacentes à des idées comme celle de la panne de l'ascenseur social, ou à celles qui amènent au zonage scolaire, on comprend que, au gré de circonstances aléatoires, souvent dérisoires, se déclarent des "clowns du refus implicite", et, en concomitance, un "public" d'inquiets, de désenchantés, d'abattus, de fatigués, attirés, quitte à rire jaune, par le douillet du collectif émotionnel.
Sans publics, pas de perturbateurs !
Il ne s'agit pas là des violences extrêmes importées de drames extérieurs à l'école - quand même rares bien qu'en trop - mais d'un à petit feu quotidien qui forme brandons de plus en plus souvent, dans de plus en plus d'établissements apparemment de plus en plus dissemblables ; sans nul doute, la punition individuelle, réfléchie au cas par cas, est indispensable face à l'immédiat, mais, l'expérience le montre, elle ne touche pas aux racines du malaise.
N'est-il pas temps d'imaginer que les multiples, petites ou grandes marques d'humiliation-dépréciation subies en classe pourraient ne plus exister du jour au lendemain ?
Cela ne pourrait-il pas procéder d'un débat populaire généralisé sur les représentations de l'élève et du rôle primordial de l'école ?
N'est-ce pas envisageable que, par exemple, émerge d'une réflexion engageant toutes les forces vives du pays, l'idée que, avant toute confrontation à quelque barème ou exigence formelle que ce soit, les analyses des productions d'élèves devraient porter essentiellement sur les cheminements de pensée dont elles peuvent/doivent être le fruit, en posant, a priori, que ces cheminements de pensée ne peuvent que relever de l'intelligence et leur intelligibilité être examinée d'office avec respect ?
Ne peut-elle pas devenir intangible, l'idée que la fonction majeure de l'école n'est pas de servir d'abord la promotion sociale ou l'économie, mais prioritairement, essentiellement, d'assurer à hauteur des exigences humanistes de notre temps, le développement intellectuel de chacun au moyen de l'enseignement collectif pour tous ?
Ces idées ne s'avèrent-elles pas en harmonie avec les fondamentaux éthiques de tout citoyen se définissant comme un progressiste ?
Si oui, il y a du pain sur la planche, mais pas du pain noir moisi de désespérance ; du pain au bon grain des luttes émancipatrices en lieu et place des pâtées à l'ivraie du tout marchandise et du fric pour le fric qui ravitaillent en catimini l'utilitarisme méritocratique dans l'école.
Vraiment, ne peut-elle pas devenir intangible, l'idée que la fonction majeure de l'école n'est pas de servir d'abord la promotion sociale ou l'économie, mais prioritairement, essentiellement, d'assurer à hauteur des exigences humanistes de notre temps, le développement intellectuel de chacun au moyen de l'enseignement collectif pour tous ?
Notes :
1. Cet emprunt opportuniste (dans lequel les prénoms n'ont pas été repris, non plus que les commentaires) reste anonyme pour éviter les biais d'interprétation ; du point de vue de ses apports théoriques l'équipe de recherche appartient à une école de référence pour qui veut réfléchir aux nécessaires transformations dans notre système d'enseignement.
2. Il ne saurait être question d'émettre quelque jugement de valeur sur la pratique d'enseignement particulière "entre-aperçue" ici ; d'abord parce que l'on n'a qu'un tout petit emprunt à une recherche institutionnellement validée ; ensuite parce que sans les "collaborations de terrain", les recherches seraient guettées par l'intellectualisme, et risqueraient donc le plus souvent de rester sans perspective d'efficience ; et enfin parce que, comme il est avancé dans L'erreur n'est pas une faute, il n'est pas approprié de faire de la question de l'échec scolaire une question de bonnes ou mauvaises méthodes à suivre individuellement, le sujet n'est vraiment, pour l'essentiel, pas là !
3. BERNSTEIN Basil, in Langages et classes sociales, à propos des handicaps culturels ou linguistiques ; d'un document cité page 207 de L'erreur n'est pas une faute.
4. Cité d'un document d'accompagnement d'un stage intitulé JOURNÉE PÉDAGOGIQUE : MATHÉMATIQUES AU COLLÈGE, émanant d'une Inspection Pédagogique Régionale en mathématiques ; l'italique y est d'origine, comme guillemets et parenthèses, ce qui vaut certainement forme d'insistance.
Extraits de " L'Erreur n'est pas une faute
Ces quelques pages afin de donner un aperçu de la variété des plans de lecture, et donc des entrées dans le livre.
✒ page 24 (dans la Présentation)
Parti a été pris de ne pas avoir recours à des protocoles expérimentaux exigeant un traitement des données,
pour ÉVITER d'avoir à agencer des données par de la technicité mathématique, avec abandon d'informations classées marginales.
Les procédés de combinaison de divers dénombrements de correspondances factuelles demandent des savoir-faire intellectuellement dispendieux. En outre, ils inclinent à soumettre d'entrée la méthodologie à l'élection préalable d'une technologie mettant en jeu des standards techniques réputés neutres, objectifs, mais dont pourtant les domaines de validité sont généralement très contraints.
Un exemple qui revisite le paradoxe de Condorcet
...
✒ pages 34 - 35 (au chapitre 1)
II. Repérages
A. Dans sa finalité,
ce travail voudrait mettre en perspective des questionnements qui en quelque sorte, détournent, diffractent ou inversent des éclairages coutumiers sur les situations d'enseignement/apprentissage, particulièrement sur des liens entre représentations de l'apprentissage et des propriétés langagières des cours.
Avec la perspective de faire apparaître qu'il ne serait pas très risqué d'admettre comme un axiome, que quelles qu'elles soient, les productions de nos élèves naissent d'efforts intellectuels, sont donc intelligentes et intelligibles. Qu'alors, dans ces conditions, leur analyse n'aurait pas à porter d'abord sur les résultats obtenus mais, en premier lieu, sur les modes de pensée possiblement/probablement mis en oeuvre, ainsi que sur leurs bifurcations ponctuelles perçues, traces de leur évolution d'ensemble.
Nous avons cherché à inscrire l'entreprise d'explication d'erreurs communes en mathématiques, dans une intelligibilité s'accordant avec l'idée que les connaissances individuelles s'acquièrent dans des transformations arythmiques de la personne et non dans une absorption de facultés soumise à éphéméride.
Nous tentons une approche des liens entre enseignement et apprentissage selon laquelle des processus dialectiques esquiveraient les dichotomies traditionnelles ; en accentuant leurs traits majeurs, nous formulons celles-ci de la manière suivante :
● d'un côté, mise en relief de ce qui peut être apporté à l'enfant de l'extérieur par des adultes, pour combler ses manques, de l'autre, l'auto-préparation de l'enfant à "l'installation" de ses apprentissages ;
● d'une part le "maître" considère l'enfant comme ferait un entomologiste examinant une colonie de fourmis ou avec le regard qu'un dresseur d'éléphants porte sur ses animaux ;1 d'autre part, on prête 2 à l'enfant des théories guides instinctives, pour l'organisation de ses apprentissages, du style programmations informatiques ;
● davantage familier, on a un enseignant, plus ou moins bon cuisinier, dont l'art réussit à faire avaler (plus ou moins agréablement) une nourriture "équilibrée" suivant divers rites d'administration, qui uvre auprès d'enfants cultivant et réalisant peu ou prou le potentiel qui leur a été alloué "naturellement".
La nouvelle approche mise en uvre conçoit l'activité d'apprentissage comme une dynamique des représentations en continuel devenir ; avec paliers d'équilibre, plus ou moins proches les uns des autres, plus ou moins durables et qui définissent un niveau de développement intellectuel momentané. Elle implique l'historicité des aptitudes intellectuelles.
Elle stipule une aptitude essentielle à l'anticipation fonctionnelle 3, à la création de "possible" et de "probable".
L'apprentissage individuel s'enracine dans et grâce à l'environnement social, il "pousse" vers des "attracteurs" socio-culturels.
Cependant ceux-ci ne sont jamais en "germe" préalable. Ils se "dessinent" sous un regard et un entendement individuels nécessairement uniques, dans une recherche permanente de domination sur la contingence.
B. L'autonomie de nos postures de recherche s'est affirmée avec
la progression de notre appropriation d'analyses convergentes, avancées initialement par Vygotski et par Wallon :
... la société est pour l'homme une nécessité, une réalité organique. 4
(Loin de constituer un système fermé, le nouveau-né) est un être dont toutes les réactions ont besoin d'être complétées, compensées, interprétées. Incapable de rien effectuer par lui-même, il est manipulé par autrui, et c'est dans les mouvements d'autrui que ses premières attitudes prendront forme. (...)
L'individu, s'il se saisit comme tel, est essentiellement social. Il l'est, non par suite de contingences extérieures, mais par suite d'une nécessité intime. Il l'est génétiquement (...).5
La voie principale du développement enfantin consiste non pas en une socialisation progressive apportée du dehors, mais en une individualisation progressive sur la base de l'essence sociale propre à l'enfant.6
Ces références théoriques induisent un double ensemble de démarcations de notre travail.
● D'UNE PART,
...
✒ première page du chapitre 2
chapitre 2
Des implicites-élèves semblent se développer
sous l'emprise d'implicites pédagogiques
Dans ce chapitre sont présentés d'abord des extraits audio-enregistrés de situations d'enseignement/apprentissage pris sur le vif, les perturbations dues aux conditions de l'observation étant inexistantes ou réduites au strict minimum : aucune préparation matérielle, aucun entretien ; choix des relevés opportunistes (laissés à la discrétion des personnes-relais, celles-ci n'étant nullement concernées ni par les résultats de l'observation, ni par ceux de la recherche ainsi alimentée). Ensuite, c'est un auto-vidéo enregistrement d'une séquence d'enseignement préparée par un collectif d'enseignants, qui sera questionné.
Les lectures de ces manières de biopsies (revues sous d'autres angles par la suite) veulent ici faire émerger les prémisses de la nouvelle intelligibilité des liens de subordination entre pratiques d'enseignement et apprentissages scolaires effectifs, puis ouvrir sur la définition du concept de mobilité langagière.
I. Écoutons quelques erreurs
A. L'origine des données étudiées
Quelque quatre-vingts exemplaires d'un questionnaire, joint en annexe7, renseignés spontanément par des élèves de troisième (dans quatre classes, années différentes, trois établissements non voisins), en temps limité (vingt/vingt-cinq minutes), sans calculatrice, avec brouillon éventuel au verso de la feuille.
LE "TEST" PEUT ÊTRE RENOUVELÉ AUTANT DE FOIS QUE L'ON VEUT. IL S'AGIT D'ERREURS RENCONTRÉES QUOTIDIENNEMENT PAR LES ENSEIGNANTS, INDÉPENDAMMENT DES PÉRIODES ET DE LEURS LIEUX D'EXERCICE ; CES ERREURS, QUE NOUS QUALIFIERONS DE CLASSIQUES, RESSEMBLENT TOUT À FAIT CELLES QUE CIBLENT LES BATAILLES DE S. BARUK.
✒ pages 70 - 71 (au chapitre 3)
(...) que les ambitions épistémologiques (mises) en avant dans faire véritablement des math. - ambitions qu'on peut considérer comme très utopiques dans une description ordinaire de la classe - associées aux valeurs démocratiques et humanistes (qu'il est proposé de mettre) en filigrane, en ligne d'horizon (dans l'organisation didactique) de la communauté scientifique classe ou amphi, sont ces fils conducteurs qui, en situation chaotique, permettent au professeur de repenser instantanément les situations (...).
... une chose est de tout vouloir contrôler par le menu pour qu'au moins les apparences soient sauves, une autre, à notre sens beaucoup plus difficile mais plus conforme à l'esprit des mathématiques, de la démocratie et de l'humanisme, est de faire en sorte qu'à chaque instant le plus possible d'élèves et d'étudiants pensent et agissent dans une certaine indépendance de pensée afin d'augmenter ainsi les chances d'atteindre, par moments au moins, une cohésion non factice au niveau du sens principal" 8.
Mais ces fondements éthiques, inaliénables en sciences humaines, semblent entrer en contradiction avec des orientations méthodologiques calquées sur celles des sciences de la nature.
Par exemple, si on établit un parallélisme strict entre les fonctions penser et respirer, cela occulte la spécificité de la première de ne pas exister au niveau de l'individu pris isolément, hors société.
Respirer est une donnée de nature ; cette fonction vitale peut être plus ou moins "efficace" suivant l'état de l'appareil respiratoire, mais elle ne change pas en elle-même, et, pour les scientifiques, ce qu'il y a à étudier c'est l'appareil respiratoire.
Par contre, pour ce qui est de la pensée, ses fonctions et ses structures changent inséparablement, phylogénétiquement et ontologiquement, en dépendance, mais au-delà, de ce que déterminent les changements aux mêmes échelles, affectant le cerveau.
Ceci contrevient à la perspective de dégager, notamment, des "lois" de l'échec scolaire, en analysant des "superstructures" comme le triangle didactique, composé des sous-structures considérées à un instant "t" quelconque, que sont un élève général, un type d'enseignement, un "contenu" de savoir anhistorique ; sans s'occuper de l'évolution des manières de penser induite par l'acquisition de nouveaux savoirs, ni, réciproquement, de la transformation des connaissances engendrée par de nouvelles façons de penser.
En définitive, selon ces présupposés, pensée et savoir n'ont aucune commune mesure suivant une formulation due à Vygotski.9
Cela dessine bien une contradiction essentielle, notamment pour des théoriciens constructivistes qui travaillent sur l'échec scolaire, puisque cela barre d'emblée la route à toute tentative de découvrir une relation entre apprentissage scolaire et développement 10.
De cette contradiction en naissent d'autres et c'est ce que nous allons aborder dans ce chapitre.
Nous avons choisi d'envisager de ce point de vue quelques éléments de propositions résolument constructivistes11 que leur influence sur des séquences de changements dans le quotidien scolaire ont rendues relativement familières et dont les auteurs font incontestablement autorité auprès de leurs pairs en sciences de l'éducation, en didactique ou en pédagogie.
✒ page 91 (en conclusion du chapitre 3)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
une représentation structuraliste de la pensée s'accorde à inférer qu'un apprentissage est efficient si l'élève verbalise sous une forme institutionnalisée ce qu'il doit savoir ;
● côté pratiques d'enseignement
les pratiques d'enseignement peuvent être distinguées selon qu'elles privilégient
➛ l'observation des comportements des élèves, et des questionnements de vérification de ce qu'ils savent réaliser,
ou bien
➛ la quête d'indices sur de possibles/probables cheminements de pensée des élèves, et la provocation de questions qui n'adviendraient pas spontanément ;
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité des processus dynamiques entre enseignement collectif et surgissement d'apprentissage individuel, devra se révéler apte à déceler divers aspects de la dichotomie fonctionnelle idées/pensée dans des situations d'enseignement/apprentissage, et à interpréter la variété de ce qu'ils sont susceptibles d'induire dans les façons de raisonner des élèves.
✒ page 105 (en conclusion du chapitre 4)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
les élèves réfléchissent différemment selon qu'ils cherchent à résoudre un problème qui ne leur est pas consacré (un problème en soi, un problème vrai), ou qu'ils répondent à un exercice de contrôle.
● côté pratiques d'enseignement
les enseignants renoncent éventuellement à des objectifs qu'ils jugeraient préférables à ce qu'ils visent en pratique, afin de se conformer aux attentes sociales reflétées par les orientations des diverses évaluations qui rythment le système scolaire.
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité devra se révéler apte à formuler une démarche explicative des compromis pratiques qui répondent tacitement à l'opposition entre apprendre à raisonner et apprendre à avoir de bonnes notes.
✒ pages 122 - 123 (au chapitre 5)
C. Des écarts essentiels
Si pour enseigné et enseignant (ou pour petit enfant et adulte, ou...) les significations se révélaient toujours en coïncidence, non seulement au niveau des mots, mais aussi au niveau des mouvements de la pensée, les savoirs seraient transmissibles prêts à l'emploi et chacun sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas.
Surtout il n'y aurait aucune évolution possible des capacités de penser qui seraient efficaces d'emblée et fixées une fois pour toutes.
En effet, par exemple, c'est parce que ses parents et lui se comprennent dès ses premiers mots que le petit enfant peut apprendre à parler, au fur et à mesure qu'il sera amené à emprunter non seulement les mots, mais aussi la façon et l'occasion de les dire, pour faire face à l'expérience du manque d'efficience de ses paroles.
Pour l'enfant scolarisé, ses expériences du manque d'efficience de ses manières de penser sont, en tendance, plus ou moins systématiquement dirigées. En fait, un tel écart fonctionnel satisfait à la définition par Vygotski d'une zone de proche développement.
Une remarque :
sous la locution zone de proche développement, est souvent entendu un aspect morphologique du développement intellectuel, voire quasi topologique ; ceci peut découler de sa traduction par "zone proximale de développement", formulation qui fait porter l'accent logique sur le mot "zone" (une étendue), plutôt que sur le mot "développement" (une dynamique) ; mais peut-être aussi, cette acception s'adapte-t-elle au flou qui entoure la notion d'âge mental. Ne pas différencier les deux expressions s'accorde en tout cas, aux habitudes déjà mises en cause, de ramener le développement à des étapes de renouvellement de l'outillage de la pensée, à ne prendre en compte que son aspect structurel.
D'après la lecture ici proposée, parler de zone de proche développement fait moins référence à un état général de développement qu'à un cinétisme local du système pensée-langage ; cinétisme dont la fonction serait d'assurer l'évolution vers davantage d'abstraction de la mesure de généralité d'un concept en voie de complexification systémique. 12
Vygotski y a insisté :
... du point de vue psychologique le développement des concepts et celui des significations des mots sont un seul et même processus qui ne diffèrent que par la dénomination. 13
Auparavant il avait affirmé :
Paulhan a rendu un grand service à l'analyse psychologique du langage en introduisant une distinction entre le sens d'un mot et sa signification. Le sens comme il l'a montré, représente l'ensemble de tous les faits psychologiques que le mot fait apparaître dans notre conscience. Le sens d'un mot est ainsi une formation toujours dynamique, fluctuante, complexe, qui comporte plusieurs zones de stabilité différentes. La signification n'est qu'une des zones du sens que le mot acquiert dans un certain contexte verbal, mais (c'est une zone) stable ( ).
La signification ( ) reste stable en dépit de toutes les modifications qui affectent selon le contexte le sens du mot.( ) Le mot pris isolément dans le dictionnaire (a une signification qui) n'est rien de plus qu'une potentialité qui se réalise dans le langage vivant, où elle n'est qu'une pierre dans l'édifice du sens. 14
Une zone de proche développement peut s'imaginer comme un champ de forces porté par le méridien d'appartenance 15 d'un concept ; concept dont elle lie le hier et le demain.
ELLE MANIFESTE LE PRÉSENT DES MODIFICATIONS QUI ADVIENNENT DANS LA NATURE DU POTENTIEL FONCTIONNEL DU CONCEPT : AUTRES RAPPORTS DE L'OBJET AU MOT, AUTRES RAPPORTS DE GÉNÉRALITÉ, AUTRES POSSIBILITÉS OPÉRATOIRES DE LA PENSÉE. 16
✒ pages 164 - 165 (au chapitre 6)
D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE LA RÉDACTION DE SOLUTION PARFAIT L'IDÉE, ELLE NE LA TRADUIT PAS.
LA RÉDACTION DONT LE BUT EST LA RÉSOLUTION D'UN PROBLÈME (Y COMPRIS AU SENS LARGE DE SOLLICITATION SOCIALE) ET LA RÉDACTION DE LA LISTE DES COMMISSIONS NE FONT PAS APPEL AUX MÊMES FONCTIONS DES MOTS.
DANS LE DEUXIÈME CAS ILS ÉVOQUENT DES OBJETS PAR ASSOCIATION IMMÉDIATE, DANS L'AUTRE, ILS SE FONT SIGNES MÉDIATEURS ENTRE LA PENSÉE ET L'IDÉE À LAQUELLE ILS PRÊTENT FORME, À LAQUELLE ILS CONFÈRENT EXISTENCE.
Arrêtons-nous sur le brouillon
Le plus souvent, dans les représentations scolaires, le brouillon correspond à une précaution qui doit garantir la propreté du devoir que l'on va rendre ; il est donc à recopier.
Représentation renforcée par l'assimilation des énoncés d'exercices à des consignes qui, par définition sont à suivre.
L'absence de perception d'un problème qui l'engagerait dans un processus de résolution, contraint l'élève a une réaction immédiate : je sais ou je ne sais pas ; sans insistance expresse, il ne fera pas de brouillon, il n'en ressent pas le rôle ; et de fait, dans une telle configuration, le brouillon est réductible, si on sait, à la liste des jalons de la procédure associée aux consignes, si on ne sait pas, c'est le vide.
Si, dans les conditions que l'on vient de présenter, l'élève comprend qu'on attend de lui qu'il rédige, qu'il y consent,17 alors il associe des mots ou des locutions à l'énoncé, ou bien il reprend cet énoncé par morceaux, et propose dans un effort intellectuel des plus traumatisants, une juxtaposition de ces éléments, sans aucun fil conducteur ; dans ce brouhaha mental laborieux certaines significations de mots même familiers, s'estompent.18 Par suite, il n'y aura strictement aucune différence entre le brouillon et le propre : aucune marge de liberté ne peut se dégager des ornières d'une mise en mots vers rien.
B. Rédiger c'est actualiser une attention/sollicitation sociale toujours en arrière-plan de la pensée
Selon notre représentation
la rédaction est un processus nourri par une action réciproque entre la production d'un ajustement conceptuel et l'émergence d'un champ langagier avec à l'un des pôles la pensée, à l'autre le langage social dans lequel s'est généré le problème déterminant.
Au cours du processus l'auteur est en quelque sorte placé à chacun de ces pôles ; devenant son propre lecteur, il se trouve en mesure de contrôler ses idées alors qu'elles prennent forme dans le langage pour autrui.
La rédaction est une dynamique spécifiant en durée limitée
● une recatégorisation contextualisée de connaissances : remémorations de définitions, de procédures canoniques,... ;
● une évolution conceptuelle : résolution de problème ;
● une appartenance sociale : relecture auto-critique avec contrôle de cohérence et de lisibilité.
En définitive
LA RÉDACTION FORTIFIE LA FONCTION SYMBOLIQUE, ELLE EXERCE LA CAPACITÉ À S'AFFRANCHIR DE L'ORDRE DES CHOSES PRÉSENT ET IMMÉDIAT, AJOUTE AU POTENTIEL DE LA RAISON CONNAISSANTE.
C. Et si l'on confronte ce point de vue aux pratiques d'enseignement ?
Prenons l'exemple de la propriété des triangles rectangles dite relation de Pythagore.
Quel choix de démonstration en liaison avec l'avant et l'après de ce chapitre du cours ? Supposons que la cohérence du dossier fasse pencher vers une démonstration faisant intervenir les cosinus des angles aigus du triangle, quel engagement cela peut-il donner vers la classe ?
● La relation que l'on se propose de démontrer lie les mesures des côtés d'un triangle rectangle ;
● on a déjà des possibilités d'exprimer des relations numériques concernant les côtés d'un triangle rectangle : les cosinus de ses angles aigus ;
● ce n'est pas la valeur des angles qui va nous intéresser, la relation que l'on va mettre en évidence est vraie quelle que soit la forme du triangle rectangle : qu'il soit demi-carré ou moitié d'un rectangle très "allongé" n'y change rien.
Quelles dimensions privilégiées dans le référentiel langagier ? Privilégiées, c'est-à-dire...
✒ pages 192 - 193 (au chapitre 6)
SELON NOTRE APPROCHE, LA PRIMAUTÉ DU CLIMAT ENTRE ÉLÈVES AURAIT TENDANCE À CONFINER LEURS JUGEMENTS INTERPERSONNELS (EN TANT QU'ÉLÈVES), ET À STABILISER UNE HIÉRARCHIE SCOLAIRE DANS LA CLASSE; CECI DÉPERSONNALISERAIT L'ÉNERGIE QUE CHAQUE INDIVIDU EST TOUJOURS SUSCEPTIBLE D'Y PUISER, SES COMPORTEMENTS S'INSCRIVANT ALORS, NÉCESSAIREMENT,19 DANS L'EMPREINTE DESSINÉE PAR SON APPARTENANCE AU GROUPE, SOUS SCEAU CONFÉRÉ.
Ce sont ses savoir-faire bornés par l'appréciation collective, associés à des catégorisations perceptives spontanées, que l'élève est entraîné à voir avec les yeux des savoir-faire d'autres qui l'ont placé dans son rôle d'élève.
LES COURANTS ÉMOTIFS DE L'AMBIANCE INFLUENCENT LA SINGULARISATION DE L'ÉLÈVE PAR L'INTERMÉDIAIRE 20 DE SON IMAGE ARRÊTÉE, TELLE QU'IL LA REçOIT DU GROUPE.
ET NON PAS À TRAVERS UNE SUCCESSION DE PHASES D'ÉTONNEMENT, DÉSARROI, JUBILATION, ETC., AMENÉE PAR SON ACTION ET CELLE DES AUTRES, SUR UNE RÉALITÉ DÉSTABILISÉE ET DÉSTABILISANTE.
Sa projection dans ses devoirs a pour tremplin : que dois-je faire ? ou comment on fait ? ou je ne sais pas faire ! etc.
Si ses savoir-faire sont en adéquation avec la situation, il semble autonome et à jour de ses apprentissages ; or l'exécution des gestes attendus le laisse adhérent à la situation particulière de son activité consciente présente, sans requérir une élévation du degré de généralité conceptuelle, sans la nécessité d'une distanciation, d'une prise de conscience de l'origine de l'apparente efficacité des faire, sans une orientation vers un devenir de connaissance amplifiée.
On pourrait dire qu'une manière d'hypertrophie de l'affectif et la centration sur le présent de la relation à autrui
RESTREINT LA DIMENSION TEMPORELLE AU PRÉSENT CONTINU, ANNIHILE L'ATTENTION AUX DISSONANCES CONTEXTUELLES, ET DONC RESTREINT LES OCCURRENCES DE CHANGEMENTS DE POSITIONS PERMETTANT À CHACUN DE VOIR SON ACTIVITÉ AVEC LES YEUX DE L'ACTIVITÉ D'UN AUTRE, OU AVEC LES YEUX D'UNE AUTRE ACTIVITÉ.21
VI. Conscience et prise de conscience
Nous pouvons maintenant poser que la conscience actualise et médiatise la construction des systèmes d'appropriation du réel, indépendamment du domaine d'activité.
Donc nous pouvons dire aussi que son intervention est symétrique, si on entend la symétrie comme une invariance des propriétés d'une dynamique d'action sous l'effet des changements de(s) situation(s).
A. Nous dirons que la conscience évolue par ce qu'on appellera des brisures spontanées de symétrie 22
Pour le dire globalement, l'historicité des fonctions psychologiques a sa source dans des processus d'adaptation aux variations contextuelles de l'activité du sujet.
Son cap est l'intégration des propriétés fonctionnelles d'hier comme cas particuliers des capacités actuelles, et la reconduction de ces dépassements au gré des expériences déstabilisantes.
Elle signifie une succession de crises dynamiques au cours desquelles les ruptures déclenchent des anticipations de reprise du cours vital.
L'histoire effective est constituée par la suite des possibles qui ont rétabli les équilibres fonctionnels ; syncrétiquement elle se confond avec l'évolution des apprentissages. 23
Les anticipations non advenues à l'épreuve de réalisation, restent réactivables au gré de l'expérience, et structureraient, suivant notre approche, le potentiel de l'inconscient, indépendamment de leur degré de possible véritable.
Sous ces auspices, engager la conscience dans le développement intellectuel impose de ne pas amalgamer activité de la conscience et activité consciente.
Selon nos représentations, une activité consciente est une activité rendue tendanciellement machinale par le développement des aptitudes qui s'y rapportent.
C'est sous cet angle que nous disons que l'activité de la conscience est symétrique : sa fonction dans les migrations des stimulations/réponses entre les systèmes psychologiques revient à une fonction d'identification globale et conditionnée, des divers rapports de ces unités réactives ;
✒ page 196 (en conclusion du chapitre 6)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
l'élève qui prend conscience de ne pas savoir faire se rapporte à des connaissances passives et à lui-même ; l'élève qui prend conscience de réalités qui provoquent son étonnement se rapporte à des connaissances actives face à de l'inattendu ; structures de jugement et médiations du langage pour soi diffèrent entre l'un ou l'autre cas ;
● côté pratiques d'enseignement
séparer contenus à enseigner et manières de les penser conduit à des pratiques d'enseignement qui assignent l'exercice des fonctions langagières aux seules exigences de la communication, ce qui restreint l'éventail conjoncturel d'émergence d'actes de pensée productifs ;
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité des processus dynamiques entre enseignement collectif et surgissement d'apprentissage individuel, devra se révéler apte à une explication de la variété des possibles que des élèves tous différents et uniques, recevant un même enseignement, sont à même de réaliser effectivement, selon qu'en dernier ressort et en tendance, ils sont amenés à référer leur activité scolaire à eux-mêmes ou aux connaissances.
✒ pages 210 - 211 (au chapitre 7)
À la base, se reconnaît la symétrie du déroulement temporel, là où nous tentons de dire que l'expérience et l'activité collective engendrent un en devenir à propos duquel la variété intrinsèque des anticipations de possibles, plus ou moins probables, se réalise fonctionnellement ; 24 là où notre interprétation voit l'évolution de l'être connaissant lui organiser un futur inventif, sans fatalité aucune.
B. Des différences qui touchent à l'être connaissant en tant qu'être d'histoire(s)
Le mode d'intelligibilité que nous adoptons rétablit la flèche du temps là où les démarches explicatives habituelles admettent qu'à l'instar des diverses fonctions physiologiques, les fonctions intellectuelles sont complètement des données de nature, et, moyennant le respect de conditions scientifiquement discernables, elles conçoivent la reproductibilité de leurs résultats comme enjeu de recherche et comme preuve de leur exactitude25 ; cet attracteur commun aux constructions habituelles d'une intelligibilité de l'apprentissage, engage à des repérages multiples de corrélations et à des généralisations par abrègement contextuel qui instituent subrepticement ces rapports en caractéristiques fatidiques.
Par exemple, nous considérons que, au-delà de l'éthique sous-jacente qui n'est pas en cause, dans une proposition telle que
ces élèves motivés habitent une cité en banlieue classée zone sensible, il faut leur aménager un parcours de réussite par des dérogations,
les propriétés de l'élève motivé 26 et les propriétés de l'enseignement adapté aux meilleurs y sont supposées telles, qu'une marge de manuvre n'y est envisageable que sur les conditions de leur rencontre, les manières de les composer.
Selon la démarche dont nous nous prévalons, pour que l'élève emprunte les instruments psychologiques de sa croissance intellectuelle, ceux-ci doivent être évidemment présents dans son environnement, mais non pas tant comme objets-modèles arrangés à disposition, qu'à travers des opportunités d'expérience à la fois partagée collectivement et médiée par les offres de maîtrise à l'uvre, vers de l'anticipation d'accessibilité à soi, vers des perspectives d'entreprise volontaire et en autonomie de l'activité tout d'abord suivie, vers une imitation débordée.
● POUR L'ANALYSE TRADITIONNELLE UN ENSEIGNEMENT RÉUSSI MODIFIE UN ÉTAT DE CHOSES, ÉTAT IDENTIFIABLE DANS LA MESURE OÙ L'ON CONNAÎT CERTAINES DE SES COMPOSANTES.
● POUR NOS INTERPRÉTATIONS UN ENSEIGNEMENT EFFICIENT VAUT COMPLEXIFICATION/ BIFURCATION DE DÉVELOPPEMENT, PROCESSUS IDENTIFIABLE DANS LA MESURE OÙ L'ON A ACCÈS AUX REGISTRES LANGAGIERS QUI LE DYNAMISENT ; PROCESSUS DANS LEQUEL NOUS INCLUONS L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE. 27
Cet écart dans les positionnements opérationnels se reflète au niveau des degrés et formes d'historicité retenus à propos des notions enseignées.
D'une part, adjoindre éventuellement à ces notions des éléments de leur histoire, n'a pas le même sens que de les inscrire dans l'Histoire.
D'autre part présenter les notions mathématiques comme des réalités objectives 28 dont on s'est de mieux en mieux emparé au cours du temps, n'a pas le même impact sur les représentations, que de les présenter comme des manières de problématiser des réalités complexes, en les réduisant par abstraction - ces façons évoluant dans la confrontation aux objectifs assignés qui marquent les époques ; syncrétiquement on peut dire que :
❍ au plan de l'Histoire
● dans le premier cas, une force magique 29 est attribuée à la pensée, le progrès des connaissances vaut accumulation et prolongements critiques de découvertes ; le fil du temps scientifique est tiré par une pensée dominante qui dit vrai ;
● dans le deuxième, une évolution par génération de discordances réorganisées est attribuée à la pensée, le progrès des connaissances vaut intégrations systémiques, vérifications de cohérence théorique et tests concernant une variété démultipliée d'angles de vues ; le fil du temps scientifique est tiré par le dépassement de controverses qui resurgissent partiellement sans cesse, toute vérité recelant à l'infini du non encore problématisé.
❍ au plan des élèves ou étudiants
● dans le premier cas leurs savoirs s'additionnent, l'appris est quantifiable, ils peuvent légitimement être classés relativement à l'acquisition de ces quantités ; pour leur orientation, leur niveau est considéré comme le fruit d'un itinéraire balisable en suivant la flèche du temps à reculons, en étant adossé au futur : ils ont manqué de.., bénéficié de..., ils sont issus de..., etc. ; la marge de l'action éducative est définie comme un jardin à cultiver ; la formation revient à permettre de gravir des échelles de capacités socialement préétablies, c'est-à-dire à permettre l'acquisition d'aptitudes à la mise en uvre de résolutions de problèmes codifiées par l'expertise, en évitant le risque d'hésitations qui peuvent égarer ;
● dans le deuxième,...
✒ page 223 (en conclusion du chapitre 7)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre quant à la possible efficience du schéma d'intelligibilité élaboré ?
❍ côté élèves
➺ la scolarisation accélère et systématise le développement intellectuel personnel par la promotion de l'étude collective ;
➺ lorsque chez un élève en classe, l'activité de la conscience quitte le plan du rationnel mutuel pour celui de l'affectif individuel, ce sont des occurrences d'étonnement intellectuel qui virent en déstabilisation du discernement des liens à autrui, liens dont, sur le moment et pour cet élève, le maintien enclenche du répondant associatif en pensée par complexes ;
❍ côté pratiques d'enseignement
➺ l'échec scolaire n'est pas causé par l'école, mais certaines normes dans l'enseignement peuvent implicitement l'amorcer et l'entretenir ;
➺ l'efficacité de l'enseignement est dépendante de la mobilité et de la richesse langagières dans les leçons, de la variété construite des objets d'étude et de l'entraînement au débat d'idées ;
❍ côté difficultés et contradictions à résoudre
➺ la nouvelle intelligibilité permet une démarche explicative de la non réussite scolaire qui en même temps dessine des moyens de ne pas la laisser poindre ou de la contrecarrer ;
➺ elle permet d'expliquer l'inégalité de réussite scolaire sans impliquer d'abord des causes extérieures indépendantes de l'école, ce qui est susceptible d'accroître la liberté d'intervention collective des enseignants ;
➺ elle invite aux questionnements sur les modèles de l'apprentissage et à leur mise en relation avec les pratiques didactiques ;
➺ elle valorise le travail de l'enseignant(e) : il ne consiste pas à suivre des méthodes, à transmettre des produits manufacturés, c'est un travail en permanence créatif.
pages 254 - 255 (au chapitre 8)
(... dans ce cas)
● le papillonnement du langage pour soi ne peut médier des réorganisations du rapport entre mots et pensée,
● le principe d'équivalence des concepts, 30 et donc les recherches de cohérences, sont hors horizon.
Ici encore, il n'apparaît pas impertinent de se convaincre, en se plaçant du point de vue génétique, même à partir de locutions simples, en l'occurrence numération décimale et multiplication, que nombre de bifurcations incontrôlables affectent les voies de cheminement de la pensée des élèves, au gré des circulations langagières pendant les cours, c'est-à-dire en dernier ressort, au gré des représentations sociales qui tapissent l'ambiance générale d'étude.
AUTREMENT DIT LES MODÉLISATIONS DE L'APPRENTISSAGE QUI, PLUS OU MOINS IMPLICITEMENT, DIRIGENT LES DÉROULEMENTS DES SÉQUENCES D'ENSEIGNEMENT, INFLUENT SUR L'ASPECT FONCTIONNEL DES ACTES DE PENSÉE DES ÉLÈVES.
Répétons-nous.
Sachant qu'un enfant normalement scolarisé passe le plus clair de son enfance et de son adolescence en cours, cela n'inclinerait-il pas à rendre ces modélisations le plus explicites possible ?
NON PAS POUR LES CORRIGER SELON QUELQUE VÉRITÉ IDÉALE À PRESCRIRE, MAIS POUR QUE LEURS PERSONNALISATIONS INDIVIDUELLES SE CONSTRUISENT GRÂCE À DES CONFRONTATIONS THÉORIQUES RÉGULIÈRES, 31 À PROPOS DE LA FAçON DONT ELLES INSPIRENT, AU FUR ET À MESURE DE L'AVANCÉE DES PROGRAMMES, L'ANTICIPATION DES PROGRÈS CONCEPTUELS DES ÉLÈVES.
B. Les attracteurs sociaux du développement de l'élève sont reconfigurés scolairement sur fond de permanence d'idées traditionnelles concernant l'apprendre
Lorsque se constitue un impératif à propos des connaissances à dispenser, sont définis des accompagnements par prescriptions pédagogiques pour l'interprétation voulue des ajouts et substitutions auxquels il a été procédé.
Les décisions apparaissent comme motivées par l'expertise scientifique, économique, sociétale,... et les praticiens ne sont pas invités à donner leur avis ; cela affecte la manière dont ces praticiens organisent les contenus de leurs cours et voient les liens entre les notions à enseigner et cette sorte d'impératif politico-socio-culturel.
Des exemples.
❍ Entiers ➾ fractions ➾ décimaux non entiers : traces pérennes d'un zèle éclairé collectif
● A l'école l'écriture décimale s'est d'abord opposée à l'écriture fractionnaire pour les mesures non-entières,
... ce n'est qu'à la fin du XIXème siècle que des mathématiciens comme Cantor, repensant les fondements des mathématiques, élaborèrent une théorisation des décimaux, après que ces derniers eurent été longtemps réduits à un rôle pratique.32
Sur décision politique, les décimaux doivent être étudiés par les futurs ouvriers et artisans, afin qu'ils remplacent, pour la pratique quotidienne des mesurages dans le nouveau système d'unités, l'écriture fractionnaire des non entiers.
La tâche, ardue, fut dévolue à l'École, aux instituteurs ; elle a couvert tout un siècle et au-delà.
Progressivement n'a plus subsisté de l'opposition entre écriture fractionnaire et écriture décimale que le terme qu'il fallait faire prévaloir; et, au fur et à mesure, les fractions devenaient de moins en moins des nombres ordinaires, tandis que les décimaux les remplaçaient dans le fractionnement des unités.
Si aujourd'hui, dans le quotidien aussi bien que pour nos élèves, décimal s'oppose à entier, cela manifeste un glissement de sens au long d'un combat scolaire mené avec un zèle éclairé ; un abus de langage scolaire est devenu d'usage commun.
Les abus de langage sont fonctionnellement inévitables, mais s'ils ne peuvent pas redevenir conscients à volonté, ils sont susceptibles d'altérer les significations, de bloquer les mises en cohérence, et, par exemple,.... d'empêcher de reconnaître... 10... comme un décimal.
✒ page 280 (en conclusion du chapitre 8)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre quant à la possible efficience du schéma d'intelligibilité élaboré ?
❍ côté élèves
➺ la pulsation qui engage l'élève sur la voie d'un apprentissage répond à un mobile intellectuel intrinsèque ;
➺ concernant un thème donné, lorsqu'à l'instant où intervient une brisure spontanée de symétrie dans l'activité de sa conscience, la pensée de l'élève est déroutée vers une appréciation de ses qualités, c'est, pour cet élève, une amorce d'apprentissage sui generis qui s'évanouit ; ce processus englobe les phénomènes psychologiques entraînés par des motivations extrinsèques ;
❍ côté pratiques d'enseignement
➺ la mobilité langagière dans les cours reflète des orientations de la représentation de l'apprentissage chez les enseignants qui les dispensent ;
➺ les dynamiques langagières qui réalisent un cours influent sur les aspects structurel et fonctionnel de la façon dont on y réagit, ce de manière singulière pour chacun des élèves ;
➺ l'essor des significations des mots étant propre à chacun, l'activité de contextualisation susceptible d'être promue par un cours est liée à la variété de ses inscriptions contextuelles ; à contrario, l'exiguïté de son référentiel est une propriété identifiable d'un cours qui porte le risque d'un entraînement des élèves au mode de pensée par complexes dans la discipline dont il ressortit.
❍ côté difficultés et contradictions à résoudre
➺ la nouvelle intelligibilité des dynamiques entre cours collectifs et apprentissage individuel des élèves semble à même de dépasser les contradictions auxquelles conduisent des raisonnements qui à la fois
sont fondés sur l'idée que l'échec scolaire est en correspondance avec un milieu socioculturel dont la pauvreté handicape les aptitudes aux apprentissages abstraits,
et prônent, en guise de soutien à apporter à ces élèves handicapés, des programmes d'apprentissage édulcorés ;
➺ pour la nouvelle intelligibilité, personnalisation des représentations de l'apprentissage chez les enseignants par les moyens de la controverse, et capacité de questionnements collectifs des démarches d'enseignement vont de paire ; elles conditionnent
● vis à vis des élèves, l'anticipation au quotidien de la contribution des cours à leurs bougés intellectuels ;
● vis-à-vis des pratiques d'enseignement, la constance de la cohérence théorique dans les cours pour le maintien sur les registres langagiers propres à la discipline enseignée, et, réciproquement, la constance de l'identité disciplinaire du langage, pour le maintien des cohérences théoriques dans les cours ;
● au plan de la société, un meilleur discernement individuel des liens entre la transformation des contenus d'enseignement et celle des normes et besoins.
Notes :
1 BRUNER J. ; 1996, L'éducation, entrée dans la culture, page 85 ; RETZ. PARIS.
2 Aux deux sens du terme.
3 Dans l'action, pas préalable à l'action, pas comme un "patron de couturière" ; n'a pas ici la signification de "projet".
4 WALLON H. (1949), Les origines du caractère chez l'enfant, P.U.F., PARIS.
5 WALLON H., 1946; Le rôle de l'autre dans la conscience du moi, in Journal égyptien de Psychologie, 2-1; 1 959, in Enfance, 3-4; in JALLEY E., 1 981, Wallon lecteur de Freud et Piaget. EDITIONS SOCIALES / TERRAINS. PARIS.
6 VYGOTSKI L. S. (1934) 1985, Pensée et langage, page 344 ; EDITIONS SOCIALES, PARIS.
7 Annexe 1, Analyse de situations didactiques en mathématiques, p. 32 ; Stage IREM, Groupe Premier cycle ; PAF 2004-2005.
8 LEGRAND M., (rédigé par), Groupe ADIREM/INRP de l'IREM de Grenoble ; 2004, art. À la recherche d'une cohérence pour une véritable activité mathématique en classe, in COLOMB J., DOUAIRE J., NOIRFALISE R. (ouvrage coordonné par), FAIRE DES MATH. EN CLASSE? Didactique et analyse de pratiques enseignantes. INRP/ADIREM.
9 VYGOTSKI L. S., (1934) 1997, page 406 ; se référer à l'extrait de Pensée et langage, cité ci-dessus, dans la Présentation.
10 Idem note précédente.
11 Ce mot n'est pas pris dans l'acception que lui donne, par exemple, F. Varéla quand il dit : "Mais ceci n'équivaut pas à l'inexistence du monde, qui est la POSITION CONSTRUCTIVISTE" ; article "Le cerveau n'est pas un ordinateur.", LA RECHERCHE 308 - ARIL 1998 ; s'oppose ici à la représentation innéiste de l'intelligence.
12 Cf. ci-dessus, chapitre 5, point I.A. et chapitre 6, point IV.
13 VYGOTSKI ; 1985 ; Ibidem, page 226.
14 VYGOTSKI ; 1985 ; Ibidem, page 370.
15 Cf. point I. A. ci-dessus.
16 Cf. point IV. du chapitre 6.
17 S'il résiste, il est peut-être moins "en difficulté" qu'il n'y paraît.
18 Exemple, avec cette production d'une élève - en classe de cinquième et aux résultats "convenables" - qui rédige un texte dont la lecture doit permettre à quelqu'un qui ne voit pas la figure, de tracer celle-ci :...
19 Cela ressortit en quelque sorte d'un effet Pygmalion généralisé.
20 Allusion à la considération des émotions comme un intermédiaire nécessaire entre l'automatisme et la connaissance.
WALLON H. ; 1934 ; pages 259-264, in lecture d'Henri Wallon, 1976 page 62. 21 CLOT Y. ; 2003 ; page 41.
22 La symétrie, tout au moins lorsqu'elle est comprise comme une invariance, représente le dépassement dialectique de la contradiction relatif/objectif : est objectif ce qui est indépendant du choix du référentiel, ou plus précisément ce qui est invariant par changement de référentiel. (...) (Cette articulation du relatif et de l'absolu est mathématiquement prise en compte par un théorème) qui stipule qu'à chaque propriété de relativité sont associées d'une part une loi d'invariance par une certaine transformation et d'autre part une loi de conservation d'une certaine quantité. (...). Pour un système isolé (...) Physiquement, l'invariance par translation dans le temps, qui est équivalente à la conservation de l'énergie, se traduit par le fait que si, toutes choses égales par ailleurs, on fait une même expérience à deux moments différents, on doit obtenir le même résultat.
Extrait de la contribution de COHEN-TANNOUDJI G. ; in Sciences et dialectiques de la nature, 1998 ; La Dispute /Snédit, Paris.
23 Selon G. EDELMAN, la triade fondamentale des fonctions cérébrales supérieures est formée par la catégorisation perceptive, la mémoire et l'apprentissage.
Bien que ces fonctions soient souvent traitées séparément pour des raisons de commodité, nous devons garder à l'esprit qu'en fait, elles représentent des aspects indissociables d'une capacité mentale globale.
EDELMAN G. ; 1992 ; page 132.
24 Donne place à l'intention, à l'initiative ; participe à définir l'espace du langage pour soi et de la réapropriation de l'interpersonnel.
25 Ce qui peut permettre de définir une éventuelle bonne méthode en suivant l'idée que toutes choses égales par ailleurs, ça marche toujours pareillement : quel que soit l'instant, il s'agit d'un instant "t" quelconque ; le précepte telle cause, tel effet est alors extrapolé absolument.
26 Nous précisons nos interprétations de la notion de motivation au point III. B. du chapitre 8.
27 Cf. chapitre précédent.
28 On peut entendre au JT un enseignant enthousiasmé par un test de matériel pédagogique énoncer : les dés humanisent les nombres.
S'ils ne sont pas humains, les nombres, ils sont quoi ?
29 Expression empruntée au vocabulaire de Vygotski, cf. annexe 2, point 1.
30 Dont on se rappelle qu'il dit que
tout concept peut s'exprimer d'une infinité de façons par la médiation d'autres concepts, entre lui et la réalité qu'il convoque.
31 Notamment dans le cadre de la formation professionnelle continue.
32 BASSIS O. ; 1984, MATHÉMATIQUES, les enfants prennent le pouvoir ; page 75 ; NATHAN.
Odette Bassis souligne que
c'est un choix politique (...) qui a accéléré définitivement la pratique de l'écriture décimale.
Précisons que ce choix est celui du système métrique (facilitation du commerce ; devenu légal en 1840 seulement) système voulu décimal et dont il a été aussi voulu qu'il rattache les diverses sortes de grandeurs à l'unité de longueur, elle-même voulue, suivant l'esprit révolutionnaire d'après 1789 :
naturelle, invariable, dont la détermination ne renferme rien d'arbitraire, ni de particulier à la situation d'aucun peuple du globe.
Odette Bassis cite un discours de Laplace aux formateurs des instituteurs, en floréal de l'an VII (1799) :
... Il est permis d'espérer qu'un jour ce nouveau système sera généralement adopté, (...), il présentera beaucoup moins de difficultés à l'enfance. Vous en éprouverez à le faire entendre aux instituteurs, (...) ; car l'homme est naturellement porté à rejeter sur la complication des choses, la peine que ses préjugés et ses habitudes lui donnent à les concevoir : mais votre zèle éclairé surmontera ces obstacles...
Lire plus
✒ page 24 (dans la Présentation)
Parti a été pris de ne pas avoir recours à des protocoles expérimentaux exigeant un traitement des données,
pour ÉVITER d'avoir à agencer des données par de la technicité mathématique, avec abandon d'informations classées marginales.
Les procédés de combinaison de divers dénombrements de correspondances factuelles demandent des savoir-faire intellectuellement dispendieux. En outre, ils inclinent à soumettre d'entrée la méthodologie à l'élection préalable d'une technologie mettant en jeu des standards techniques réputés neutres, objectifs, mais dont pourtant les domaines de validité sont généralement très contraints.
Un exemple qui revisite le paradoxe de Condorcet
...
✒ pages 34 - 35 (au chapitre 1)
II. Repérages
A. Dans sa finalité,
ce travail voudrait mettre en perspective des questionnements qui en quelque sorte, détournent, diffractent ou inversent des éclairages coutumiers sur les situations d'enseignement/apprentissage, particulièrement sur des liens entre représentations de l'apprentissage et des propriétés langagières des cours.
Avec la perspective de faire apparaître qu'il ne serait pas très risqué d'admettre comme un axiome, que quelles qu'elles soient, les productions de nos élèves naissent d'efforts intellectuels, sont donc intelligentes et intelligibles. Qu'alors, dans ces conditions, leur analyse n'aurait pas à porter d'abord sur les résultats obtenus mais, en premier lieu, sur les modes de pensée possiblement/probablement mis en oeuvre, ainsi que sur leurs bifurcations ponctuelles perçues, traces de leur évolution d'ensemble.
Nous avons cherché à inscrire l'entreprise d'explication d'erreurs communes en mathématiques, dans une intelligibilité s'accordant avec l'idée que les connaissances individuelles s'acquièrent dans des transformations arythmiques de la personne et non dans une absorption de facultés soumise à éphéméride.
Nous tentons une approche des liens entre enseignement et apprentissage selon laquelle des processus dialectiques esquiveraient les dichotomies traditionnelles ; en accentuant leurs traits majeurs, nous formulons celles-ci de la manière suivante :
● d'un côté, mise en relief de ce qui peut être apporté à l'enfant de l'extérieur par des adultes, pour combler ses manques, de l'autre, l'auto-préparation de l'enfant à "l'installation" de ses apprentissages ;
● d'une part le "maître" considère l'enfant comme ferait un entomologiste examinant une colonie de fourmis ou avec le regard qu'un dresseur d'éléphants porte sur ses animaux ;1 d'autre part, on prête 2 à l'enfant des théories guides instinctives, pour l'organisation de ses apprentissages, du style programmations informatiques ;
● davantage familier, on a un enseignant, plus ou moins bon cuisinier, dont l'art réussit à faire avaler (plus ou moins agréablement) une nourriture "équilibrée" suivant divers rites d'administration, qui uvre auprès d'enfants cultivant et réalisant peu ou prou le potentiel qui leur a été alloué "naturellement".
La nouvelle approche mise en uvre conçoit l'activité d'apprentissage comme une dynamique des représentations en continuel devenir ; avec paliers d'équilibre, plus ou moins proches les uns des autres, plus ou moins durables et qui définissent un niveau de développement intellectuel momentané. Elle implique l'historicité des aptitudes intellectuelles.
Elle stipule une aptitude essentielle à l'anticipation fonctionnelle 3, à la création de "possible" et de "probable".
L'apprentissage individuel s'enracine dans et grâce à l'environnement social, il "pousse" vers des "attracteurs" socio-culturels.
Cependant ceux-ci ne sont jamais en "germe" préalable. Ils se "dessinent" sous un regard et un entendement individuels nécessairement uniques, dans une recherche permanente de domination sur la contingence.
B. L'autonomie de nos postures de recherche s'est affirmée avec
la progression de notre appropriation d'analyses convergentes, avancées initialement par Vygotski et par Wallon :
... la société est pour l'homme une nécessité, une réalité organique. 4
(Loin de constituer un système fermé, le nouveau-né) est un être dont toutes les réactions ont besoin d'être complétées, compensées, interprétées. Incapable de rien effectuer par lui-même, il est manipulé par autrui, et c'est dans les mouvements d'autrui que ses premières attitudes prendront forme. (...)
L'individu, s'il se saisit comme tel, est essentiellement social. Il l'est, non par suite de contingences extérieures, mais par suite d'une nécessité intime. Il l'est génétiquement (...).5
La voie principale du développement enfantin consiste non pas en une socialisation progressive apportée du dehors, mais en une individualisation progressive sur la base de l'essence sociale propre à l'enfant.6
Ces références théoriques induisent un double ensemble de démarcations de notre travail.
● D'UNE PART,
...
✒ première page du chapitre 2
chapitre 2
Des implicites-élèves semblent se développer
sous l'emprise d'implicites pédagogiques
Dans ce chapitre sont présentés d'abord des extraits audio-enregistrés de situations d'enseignement/apprentissage pris sur le vif, les perturbations dues aux conditions de l'observation étant inexistantes ou réduites au strict minimum : aucune préparation matérielle, aucun entretien ; choix des relevés opportunistes (laissés à la discrétion des personnes-relais, celles-ci n'étant nullement concernées ni par les résultats de l'observation, ni par ceux de la recherche ainsi alimentée). Ensuite, c'est un auto-vidéo enregistrement d'une séquence d'enseignement préparée par un collectif d'enseignants, qui sera questionné.
Les lectures de ces manières de biopsies (revues sous d'autres angles par la suite) veulent ici faire émerger les prémisses de la nouvelle intelligibilité des liens de subordination entre pratiques d'enseignement et apprentissages scolaires effectifs, puis ouvrir sur la définition du concept de mobilité langagière.
I. Écoutons quelques erreurs
A. L'origine des données étudiées
Quelque quatre-vingts exemplaires d'un questionnaire, joint en annexe7, renseignés spontanément par des élèves de troisième (dans quatre classes, années différentes, trois établissements non voisins), en temps limité (vingt/vingt-cinq minutes), sans calculatrice, avec brouillon éventuel au verso de la feuille.
LE "TEST" PEUT ÊTRE RENOUVELÉ AUTANT DE FOIS QUE L'ON VEUT. IL S'AGIT D'ERREURS RENCONTRÉES QUOTIDIENNEMENT PAR LES ENSEIGNANTS, INDÉPENDAMMENT DES PÉRIODES ET DE LEURS LIEUX D'EXERCICE ; CES ERREURS, QUE NOUS QUALIFIERONS DE CLASSIQUES, RESSEMBLENT TOUT À FAIT CELLES QUE CIBLENT LES BATAILLES DE S. BARUK.
✒ pages 70 - 71 (au chapitre 3)
(...) que les ambitions épistémologiques (mises) en avant dans faire véritablement des math. - ambitions qu'on peut considérer comme très utopiques dans une description ordinaire de la classe - associées aux valeurs démocratiques et humanistes (qu'il est proposé de mettre) en filigrane, en ligne d'horizon (dans l'organisation didactique) de la communauté scientifique classe ou amphi, sont ces fils conducteurs qui, en situation chaotique, permettent au professeur de repenser instantanément les situations (...).
... une chose est de tout vouloir contrôler par le menu pour qu'au moins les apparences soient sauves, une autre, à notre sens beaucoup plus difficile mais plus conforme à l'esprit des mathématiques, de la démocratie et de l'humanisme, est de faire en sorte qu'à chaque instant le plus possible d'élèves et d'étudiants pensent et agissent dans une certaine indépendance de pensée afin d'augmenter ainsi les chances d'atteindre, par moments au moins, une cohésion non factice au niveau du sens principal" 8.
Mais ces fondements éthiques, inaliénables en sciences humaines, semblent entrer en contradiction avec des orientations méthodologiques calquées sur celles des sciences de la nature.
Par exemple, si on établit un parallélisme strict entre les fonctions penser et respirer, cela occulte la spécificité de la première de ne pas exister au niveau de l'individu pris isolément, hors société.
Respirer est une donnée de nature ; cette fonction vitale peut être plus ou moins "efficace" suivant l'état de l'appareil respiratoire, mais elle ne change pas en elle-même, et, pour les scientifiques, ce qu'il y a à étudier c'est l'appareil respiratoire.
Par contre, pour ce qui est de la pensée, ses fonctions et ses structures changent inséparablement, phylogénétiquement et ontologiquement, en dépendance, mais au-delà, de ce que déterminent les changements aux mêmes échelles, affectant le cerveau.
Ceci contrevient à la perspective de dégager, notamment, des "lois" de l'échec scolaire, en analysant des "superstructures" comme le triangle didactique, composé des sous-structures considérées à un instant "t" quelconque, que sont un élève général, un type d'enseignement, un "contenu" de savoir anhistorique ; sans s'occuper de l'évolution des manières de penser induite par l'acquisition de nouveaux savoirs, ni, réciproquement, de la transformation des connaissances engendrée par de nouvelles façons de penser.
En définitive, selon ces présupposés, pensée et savoir n'ont aucune commune mesure suivant une formulation due à Vygotski.9
Cela dessine bien une contradiction essentielle, notamment pour des théoriciens constructivistes qui travaillent sur l'échec scolaire, puisque cela barre d'emblée la route à toute tentative de découvrir une relation entre apprentissage scolaire et développement 10.
De cette contradiction en naissent d'autres et c'est ce que nous allons aborder dans ce chapitre.
Nous avons choisi d'envisager de ce point de vue quelques éléments de propositions résolument constructivistes11 que leur influence sur des séquences de changements dans le quotidien scolaire ont rendues relativement familières et dont les auteurs font incontestablement autorité auprès de leurs pairs en sciences de l'éducation, en didactique ou en pédagogie.
✒ page 91 (en conclusion du chapitre 3)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
une représentation structuraliste de la pensée s'accorde à inférer qu'un apprentissage est efficient si l'élève verbalise sous une forme institutionnalisée ce qu'il doit savoir ;
● côté pratiques d'enseignement
les pratiques d'enseignement peuvent être distinguées selon qu'elles privilégient
➛ l'observation des comportements des élèves, et des questionnements de vérification de ce qu'ils savent réaliser,
ou bien
➛ la quête d'indices sur de possibles/probables cheminements de pensée des élèves, et la provocation de questions qui n'adviendraient pas spontanément ;
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité des processus dynamiques entre enseignement collectif et surgissement d'apprentissage individuel, devra se révéler apte à déceler divers aspects de la dichotomie fonctionnelle idées/pensée dans des situations d'enseignement/apprentissage, et à interpréter la variété de ce qu'ils sont susceptibles d'induire dans les façons de raisonner des élèves.
✒ page 105 (en conclusion du chapitre 4)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
les élèves réfléchissent différemment selon qu'ils cherchent à résoudre un problème qui ne leur est pas consacré (un problème en soi, un problème vrai), ou qu'ils répondent à un exercice de contrôle.
● côté pratiques d'enseignement
les enseignants renoncent éventuellement à des objectifs qu'ils jugeraient préférables à ce qu'ils visent en pratique, afin de se conformer aux attentes sociales reflétées par les orientations des diverses évaluations qui rythment le système scolaire.
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité devra se révéler apte à formuler une démarche explicative des compromis pratiques qui répondent tacitement à l'opposition entre apprendre à raisonner et apprendre à avoir de bonnes notes.
✒ pages 122 - 123 (au chapitre 5)
C. Des écarts essentiels
Si pour enseigné et enseignant (ou pour petit enfant et adulte, ou...) les significations se révélaient toujours en coïncidence, non seulement au niveau des mots, mais aussi au niveau des mouvements de la pensée, les savoirs seraient transmissibles prêts à l'emploi et chacun sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas.
Surtout il n'y aurait aucune évolution possible des capacités de penser qui seraient efficaces d'emblée et fixées une fois pour toutes.
En effet, par exemple, c'est parce que ses parents et lui se comprennent dès ses premiers mots que le petit enfant peut apprendre à parler, au fur et à mesure qu'il sera amené à emprunter non seulement les mots, mais aussi la façon et l'occasion de les dire, pour faire face à l'expérience du manque d'efficience de ses paroles.
Pour l'enfant scolarisé, ses expériences du manque d'efficience de ses manières de penser sont, en tendance, plus ou moins systématiquement dirigées. En fait, un tel écart fonctionnel satisfait à la définition par Vygotski d'une zone de proche développement.
Une remarque :
sous la locution zone de proche développement, est souvent entendu un aspect morphologique du développement intellectuel, voire quasi topologique ; ceci peut découler de sa traduction par "zone proximale de développement", formulation qui fait porter l'accent logique sur le mot "zone" (une étendue), plutôt que sur le mot "développement" (une dynamique) ; mais peut-être aussi, cette acception s'adapte-t-elle au flou qui entoure la notion d'âge mental. Ne pas différencier les deux expressions s'accorde en tout cas, aux habitudes déjà mises en cause, de ramener le développement à des étapes de renouvellement de l'outillage de la pensée, à ne prendre en compte que son aspect structurel.
D'après la lecture ici proposée, parler de zone de proche développement fait moins référence à un état général de développement qu'à un cinétisme local du système pensée-langage ; cinétisme dont la fonction serait d'assurer l'évolution vers davantage d'abstraction de la mesure de généralité d'un concept en voie de complexification systémique. 12
Vygotski y a insisté :
... du point de vue psychologique le développement des concepts et celui des significations des mots sont un seul et même processus qui ne diffèrent que par la dénomination. 13
Auparavant il avait affirmé :
Paulhan a rendu un grand service à l'analyse psychologique du langage en introduisant une distinction entre le sens d'un mot et sa signification. Le sens comme il l'a montré, représente l'ensemble de tous les faits psychologiques que le mot fait apparaître dans notre conscience. Le sens d'un mot est ainsi une formation toujours dynamique, fluctuante, complexe, qui comporte plusieurs zones de stabilité différentes. La signification n'est qu'une des zones du sens que le mot acquiert dans un certain contexte verbal, mais (c'est une zone) stable ( ).
La signification ( ) reste stable en dépit de toutes les modifications qui affectent selon le contexte le sens du mot.( ) Le mot pris isolément dans le dictionnaire (a une signification qui) n'est rien de plus qu'une potentialité qui se réalise dans le langage vivant, où elle n'est qu'une pierre dans l'édifice du sens. 14
Une zone de proche développement peut s'imaginer comme un champ de forces porté par le méridien d'appartenance 15 d'un concept ; concept dont elle lie le hier et le demain.
ELLE MANIFESTE LE PRÉSENT DES MODIFICATIONS QUI ADVIENNENT DANS LA NATURE DU POTENTIEL FONCTIONNEL DU CONCEPT : AUTRES RAPPORTS DE L'OBJET AU MOT, AUTRES RAPPORTS DE GÉNÉRALITÉ, AUTRES POSSIBILITÉS OPÉRATOIRES DE LA PENSÉE. 16
✒ pages 164 - 165 (au chapitre 6)
D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE LA RÉDACTION DE SOLUTION PARFAIT L'IDÉE, ELLE NE LA TRADUIT PAS.
LA RÉDACTION DONT LE BUT EST LA RÉSOLUTION D'UN PROBLÈME (Y COMPRIS AU SENS LARGE DE SOLLICITATION SOCIALE) ET LA RÉDACTION DE LA LISTE DES COMMISSIONS NE FONT PAS APPEL AUX MÊMES FONCTIONS DES MOTS.
DANS LE DEUXIÈME CAS ILS ÉVOQUENT DES OBJETS PAR ASSOCIATION IMMÉDIATE, DANS L'AUTRE, ILS SE FONT SIGNES MÉDIATEURS ENTRE LA PENSÉE ET L'IDÉE À LAQUELLE ILS PRÊTENT FORME, À LAQUELLE ILS CONFÈRENT EXISTENCE.
Arrêtons-nous sur le brouillon
Le plus souvent, dans les représentations scolaires, le brouillon correspond à une précaution qui doit garantir la propreté du devoir que l'on va rendre ; il est donc à recopier.
Représentation renforcée par l'assimilation des énoncés d'exercices à des consignes qui, par définition sont à suivre.
L'absence de perception d'un problème qui l'engagerait dans un processus de résolution, contraint l'élève a une réaction immédiate : je sais ou je ne sais pas ; sans insistance expresse, il ne fera pas de brouillon, il n'en ressent pas le rôle ; et de fait, dans une telle configuration, le brouillon est réductible, si on sait, à la liste des jalons de la procédure associée aux consignes, si on ne sait pas, c'est le vide.
Si, dans les conditions que l'on vient de présenter, l'élève comprend qu'on attend de lui qu'il rédige, qu'il y consent,17 alors il associe des mots ou des locutions à l'énoncé, ou bien il reprend cet énoncé par morceaux, et propose dans un effort intellectuel des plus traumatisants, une juxtaposition de ces éléments, sans aucun fil conducteur ; dans ce brouhaha mental laborieux certaines significations de mots même familiers, s'estompent.18 Par suite, il n'y aura strictement aucune différence entre le brouillon et le propre : aucune marge de liberté ne peut se dégager des ornières d'une mise en mots vers rien.
B. Rédiger c'est actualiser une attention/sollicitation sociale toujours en arrière-plan de la pensée
Selon notre représentation
la rédaction est un processus nourri par une action réciproque entre la production d'un ajustement conceptuel et l'émergence d'un champ langagier avec à l'un des pôles la pensée, à l'autre le langage social dans lequel s'est généré le problème déterminant.
Au cours du processus l'auteur est en quelque sorte placé à chacun de ces pôles ; devenant son propre lecteur, il se trouve en mesure de contrôler ses idées alors qu'elles prennent forme dans le langage pour autrui.
La rédaction est une dynamique spécifiant en durée limitée
● une recatégorisation contextualisée de connaissances : remémorations de définitions, de procédures canoniques,... ;
● une évolution conceptuelle : résolution de problème ;
● une appartenance sociale : relecture auto-critique avec contrôle de cohérence et de lisibilité.
En définitive
LA RÉDACTION FORTIFIE LA FONCTION SYMBOLIQUE, ELLE EXERCE LA CAPACITÉ À S'AFFRANCHIR DE L'ORDRE DES CHOSES PRÉSENT ET IMMÉDIAT, AJOUTE AU POTENTIEL DE LA RAISON CONNAISSANTE.
C. Et si l'on confronte ce point de vue aux pratiques d'enseignement ?
Prenons l'exemple de la propriété des triangles rectangles dite relation de Pythagore.
Quel choix de démonstration en liaison avec l'avant et l'après de ce chapitre du cours ? Supposons que la cohérence du dossier fasse pencher vers une démonstration faisant intervenir les cosinus des angles aigus du triangle, quel engagement cela peut-il donner vers la classe ?
● La relation que l'on se propose de démontrer lie les mesures des côtés d'un triangle rectangle ;
● on a déjà des possibilités d'exprimer des relations numériques concernant les côtés d'un triangle rectangle : les cosinus de ses angles aigus ;
● ce n'est pas la valeur des angles qui va nous intéresser, la relation que l'on va mettre en évidence est vraie quelle que soit la forme du triangle rectangle : qu'il soit demi-carré ou moitié d'un rectangle très "allongé" n'y change rien.
Quelles dimensions privilégiées dans le référentiel langagier ? Privilégiées, c'est-à-dire...
✒ pages 192 - 193 (au chapitre 6)
SELON NOTRE APPROCHE, LA PRIMAUTÉ DU CLIMAT ENTRE ÉLÈVES AURAIT TENDANCE À CONFINER LEURS JUGEMENTS INTERPERSONNELS (EN TANT QU'ÉLÈVES), ET À STABILISER UNE HIÉRARCHIE SCOLAIRE DANS LA CLASSE; CECI DÉPERSONNALISERAIT L'ÉNERGIE QUE CHAQUE INDIVIDU EST TOUJOURS SUSCEPTIBLE D'Y PUISER, SES COMPORTEMENTS S'INSCRIVANT ALORS, NÉCESSAIREMENT,19 DANS L'EMPREINTE DESSINÉE PAR SON APPARTENANCE AU GROUPE, SOUS SCEAU CONFÉRÉ.
Ce sont ses savoir-faire bornés par l'appréciation collective, associés à des catégorisations perceptives spontanées, que l'élève est entraîné à voir avec les yeux des savoir-faire d'autres qui l'ont placé dans son rôle d'élève.
LES COURANTS ÉMOTIFS DE L'AMBIANCE INFLUENCENT LA SINGULARISATION DE L'ÉLÈVE PAR L'INTERMÉDIAIRE 20 DE SON IMAGE ARRÊTÉE, TELLE QU'IL LA REçOIT DU GROUPE.
ET NON PAS À TRAVERS UNE SUCCESSION DE PHASES D'ÉTONNEMENT, DÉSARROI, JUBILATION, ETC., AMENÉE PAR SON ACTION ET CELLE DES AUTRES, SUR UNE RÉALITÉ DÉSTABILISÉE ET DÉSTABILISANTE.
Sa projection dans ses devoirs a pour tremplin : que dois-je faire ? ou comment on fait ? ou je ne sais pas faire ! etc.
Si ses savoir-faire sont en adéquation avec la situation, il semble autonome et à jour de ses apprentissages ; or l'exécution des gestes attendus le laisse adhérent à la situation particulière de son activité consciente présente, sans requérir une élévation du degré de généralité conceptuelle, sans la nécessité d'une distanciation, d'une prise de conscience de l'origine de l'apparente efficacité des faire, sans une orientation vers un devenir de connaissance amplifiée.
On pourrait dire qu'une manière d'hypertrophie de l'affectif et la centration sur le présent de la relation à autrui
RESTREINT LA DIMENSION TEMPORELLE AU PRÉSENT CONTINU, ANNIHILE L'ATTENTION AUX DISSONANCES CONTEXTUELLES, ET DONC RESTREINT LES OCCURRENCES DE CHANGEMENTS DE POSITIONS PERMETTANT À CHACUN DE VOIR SON ACTIVITÉ AVEC LES YEUX DE L'ACTIVITÉ D'UN AUTRE, OU AVEC LES YEUX D'UNE AUTRE ACTIVITÉ.21
VI. Conscience et prise de conscience
Nous pouvons maintenant poser que la conscience actualise et médiatise la construction des systèmes d'appropriation du réel, indépendamment du domaine d'activité.
Donc nous pouvons dire aussi que son intervention est symétrique, si on entend la symétrie comme une invariance des propriétés d'une dynamique d'action sous l'effet des changements de(s) situation(s).
A. Nous dirons que la conscience évolue par ce qu'on appellera des brisures spontanées de symétrie 22
Pour le dire globalement, l'historicité des fonctions psychologiques a sa source dans des processus d'adaptation aux variations contextuelles de l'activité du sujet.
Son cap est l'intégration des propriétés fonctionnelles d'hier comme cas particuliers des capacités actuelles, et la reconduction de ces dépassements au gré des expériences déstabilisantes.
Elle signifie une succession de crises dynamiques au cours desquelles les ruptures déclenchent des anticipations de reprise du cours vital.
L'histoire effective est constituée par la suite des possibles qui ont rétabli les équilibres fonctionnels ; syncrétiquement elle se confond avec l'évolution des apprentissages. 23
Les anticipations non advenues à l'épreuve de réalisation, restent réactivables au gré de l'expérience, et structureraient, suivant notre approche, le potentiel de l'inconscient, indépendamment de leur degré de possible véritable.
Sous ces auspices, engager la conscience dans le développement intellectuel impose de ne pas amalgamer activité de la conscience et activité consciente.
Selon nos représentations, une activité consciente est une activité rendue tendanciellement machinale par le développement des aptitudes qui s'y rapportent.
C'est sous cet angle que nous disons que l'activité de la conscience est symétrique : sa fonction dans les migrations des stimulations/réponses entre les systèmes psychologiques revient à une fonction d'identification globale et conditionnée, des divers rapports de ces unités réactives ;
✒ page 196 (en conclusion du chapitre 6)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre dans la perspective du modèle d'intelligibilité annoncé ?
● côté élèves
l'élève qui prend conscience de ne pas savoir faire se rapporte à des connaissances passives et à lui-même ; l'élève qui prend conscience de réalités qui provoquent son étonnement se rapporte à des connaissances actives face à de l'inattendu ; structures de jugement et médiations du langage pour soi diffèrent entre l'un ou l'autre cas ;
● côté pratiques d'enseignement
séparer contenus à enseigner et manières de les penser conduit à des pratiques d'enseignement qui assignent l'exercice des fonctions langagières aux seules exigences de la communication, ce qui restreint l'éventail conjoncturel d'émergence d'actes de pensée productifs ;
● côté difficultés et contradictions à résoudre
la nouvelle intelligibilité des processus dynamiques entre enseignement collectif et surgissement d'apprentissage individuel, devra se révéler apte à une explication de la variété des possibles que des élèves tous différents et uniques, recevant un même enseignement, sont à même de réaliser effectivement, selon qu'en dernier ressort et en tendance, ils sont amenés à référer leur activité scolaire à eux-mêmes ou aux connaissances.
✒ pages 210 - 211 (au chapitre 7)
À la base, se reconnaît la symétrie du déroulement temporel, là où nous tentons de dire que l'expérience et l'activité collective engendrent un en devenir à propos duquel la variété intrinsèque des anticipations de possibles, plus ou moins probables, se réalise fonctionnellement ; 24 là où notre interprétation voit l'évolution de l'être connaissant lui organiser un futur inventif, sans fatalité aucune.
B. Des différences qui touchent à l'être connaissant en tant qu'être d'histoire(s)
Le mode d'intelligibilité que nous adoptons rétablit la flèche du temps là où les démarches explicatives habituelles admettent qu'à l'instar des diverses fonctions physiologiques, les fonctions intellectuelles sont complètement des données de nature, et, moyennant le respect de conditions scientifiquement discernables, elles conçoivent la reproductibilité de leurs résultats comme enjeu de recherche et comme preuve de leur exactitude25 ; cet attracteur commun aux constructions habituelles d'une intelligibilité de l'apprentissage, engage à des repérages multiples de corrélations et à des généralisations par abrègement contextuel qui instituent subrepticement ces rapports en caractéristiques fatidiques.
Par exemple, nous considérons que, au-delà de l'éthique sous-jacente qui n'est pas en cause, dans une proposition telle que
ces élèves motivés habitent une cité en banlieue classée zone sensible, il faut leur aménager un parcours de réussite par des dérogations,
les propriétés de l'élève motivé 26 et les propriétés de l'enseignement adapté aux meilleurs y sont supposées telles, qu'une marge de manuvre n'y est envisageable que sur les conditions de leur rencontre, les manières de les composer.
Selon la démarche dont nous nous prévalons, pour que l'élève emprunte les instruments psychologiques de sa croissance intellectuelle, ceux-ci doivent être évidemment présents dans son environnement, mais non pas tant comme objets-modèles arrangés à disposition, qu'à travers des opportunités d'expérience à la fois partagée collectivement et médiée par les offres de maîtrise à l'uvre, vers de l'anticipation d'accessibilité à soi, vers des perspectives d'entreprise volontaire et en autonomie de l'activité tout d'abord suivie, vers une imitation débordée.
● POUR L'ANALYSE TRADITIONNELLE UN ENSEIGNEMENT RÉUSSI MODIFIE UN ÉTAT DE CHOSES, ÉTAT IDENTIFIABLE DANS LA MESURE OÙ L'ON CONNAÎT CERTAINES DE SES COMPOSANTES.
● POUR NOS INTERPRÉTATIONS UN ENSEIGNEMENT EFFICIENT VAUT COMPLEXIFICATION/ BIFURCATION DE DÉVELOPPEMENT, PROCESSUS IDENTIFIABLE DANS LA MESURE OÙ L'ON A ACCÈS AUX REGISTRES LANGAGIERS QUI LE DYNAMISENT ; PROCESSUS DANS LEQUEL NOUS INCLUONS L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE. 27
Cet écart dans les positionnements opérationnels se reflète au niveau des degrés et formes d'historicité retenus à propos des notions enseignées.
D'une part, adjoindre éventuellement à ces notions des éléments de leur histoire, n'a pas le même sens que de les inscrire dans l'Histoire.
D'autre part présenter les notions mathématiques comme des réalités objectives 28 dont on s'est de mieux en mieux emparé au cours du temps, n'a pas le même impact sur les représentations, que de les présenter comme des manières de problématiser des réalités complexes, en les réduisant par abstraction - ces façons évoluant dans la confrontation aux objectifs assignés qui marquent les époques ; syncrétiquement on peut dire que :
❍ au plan de l'Histoire
● dans le premier cas, une force magique 29 est attribuée à la pensée, le progrès des connaissances vaut accumulation et prolongements critiques de découvertes ; le fil du temps scientifique est tiré par une pensée dominante qui dit vrai ;
● dans le deuxième, une évolution par génération de discordances réorganisées est attribuée à la pensée, le progrès des connaissances vaut intégrations systémiques, vérifications de cohérence théorique et tests concernant une variété démultipliée d'angles de vues ; le fil du temps scientifique est tiré par le dépassement de controverses qui resurgissent partiellement sans cesse, toute vérité recelant à l'infini du non encore problématisé.
❍ au plan des élèves ou étudiants
● dans le premier cas leurs savoirs s'additionnent, l'appris est quantifiable, ils peuvent légitimement être classés relativement à l'acquisition de ces quantités ; pour leur orientation, leur niveau est considéré comme le fruit d'un itinéraire balisable en suivant la flèche du temps à reculons, en étant adossé au futur : ils ont manqué de.., bénéficié de..., ils sont issus de..., etc. ; la marge de l'action éducative est définie comme un jardin à cultiver ; la formation revient à permettre de gravir des échelles de capacités socialement préétablies, c'est-à-dire à permettre l'acquisition d'aptitudes à la mise en uvre de résolutions de problèmes codifiées par l'expertise, en évitant le risque d'hésitations qui peuvent égarer ;
● dans le deuxième,...
✒ page 223 (en conclusion du chapitre 7)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre quant à la possible efficience du schéma d'intelligibilité élaboré ?
❍ côté élèves
➺ la scolarisation accélère et systématise le développement intellectuel personnel par la promotion de l'étude collective ;
➺ lorsque chez un élève en classe, l'activité de la conscience quitte le plan du rationnel mutuel pour celui de l'affectif individuel, ce sont des occurrences d'étonnement intellectuel qui virent en déstabilisation du discernement des liens à autrui, liens dont, sur le moment et pour cet élève, le maintien enclenche du répondant associatif en pensée par complexes ;
❍ côté pratiques d'enseignement
➺ l'échec scolaire n'est pas causé par l'école, mais certaines normes dans l'enseignement peuvent implicitement l'amorcer et l'entretenir ;
➺ l'efficacité de l'enseignement est dépendante de la mobilité et de la richesse langagières dans les leçons, de la variété construite des objets d'étude et de l'entraînement au débat d'idées ;
❍ côté difficultés et contradictions à résoudre
➺ la nouvelle intelligibilité permet une démarche explicative de la non réussite scolaire qui en même temps dessine des moyens de ne pas la laisser poindre ou de la contrecarrer ;
➺ elle permet d'expliquer l'inégalité de réussite scolaire sans impliquer d'abord des causes extérieures indépendantes de l'école, ce qui est susceptible d'accroître la liberté d'intervention collective des enseignants ;
➺ elle invite aux questionnements sur les modèles de l'apprentissage et à leur mise en relation avec les pratiques didactiques ;
➺ elle valorise le travail de l'enseignant(e) : il ne consiste pas à suivre des méthodes, à transmettre des produits manufacturés, c'est un travail en permanence créatif.
pages 254 - 255 (au chapitre 8)
(... dans ce cas)
● le papillonnement du langage pour soi ne peut médier des réorganisations du rapport entre mots et pensée,
● le principe d'équivalence des concepts, 30 et donc les recherches de cohérences, sont hors horizon.
Ici encore, il n'apparaît pas impertinent de se convaincre, en se plaçant du point de vue génétique, même à partir de locutions simples, en l'occurrence numération décimale et multiplication, que nombre de bifurcations incontrôlables affectent les voies de cheminement de la pensée des élèves, au gré des circulations langagières pendant les cours, c'est-à-dire en dernier ressort, au gré des représentations sociales qui tapissent l'ambiance générale d'étude.
AUTREMENT DIT LES MODÉLISATIONS DE L'APPRENTISSAGE QUI, PLUS OU MOINS IMPLICITEMENT, DIRIGENT LES DÉROULEMENTS DES SÉQUENCES D'ENSEIGNEMENT, INFLUENT SUR L'ASPECT FONCTIONNEL DES ACTES DE PENSÉE DES ÉLÈVES.
Répétons-nous.
Sachant qu'un enfant normalement scolarisé passe le plus clair de son enfance et de son adolescence en cours, cela n'inclinerait-il pas à rendre ces modélisations le plus explicites possible ?
NON PAS POUR LES CORRIGER SELON QUELQUE VÉRITÉ IDÉALE À PRESCRIRE, MAIS POUR QUE LEURS PERSONNALISATIONS INDIVIDUELLES SE CONSTRUISENT GRÂCE À DES CONFRONTATIONS THÉORIQUES RÉGULIÈRES, 31 À PROPOS DE LA FAçON DONT ELLES INSPIRENT, AU FUR ET À MESURE DE L'AVANCÉE DES PROGRAMMES, L'ANTICIPATION DES PROGRÈS CONCEPTUELS DES ÉLÈVES.
B. Les attracteurs sociaux du développement de l'élève sont reconfigurés scolairement sur fond de permanence d'idées traditionnelles concernant l'apprendre
Lorsque se constitue un impératif à propos des connaissances à dispenser, sont définis des accompagnements par prescriptions pédagogiques pour l'interprétation voulue des ajouts et substitutions auxquels il a été procédé.
Les décisions apparaissent comme motivées par l'expertise scientifique, économique, sociétale,... et les praticiens ne sont pas invités à donner leur avis ; cela affecte la manière dont ces praticiens organisent les contenus de leurs cours et voient les liens entre les notions à enseigner et cette sorte d'impératif politico-socio-culturel.
Des exemples.
❍ Entiers ➾ fractions ➾ décimaux non entiers : traces pérennes d'un zèle éclairé collectif
● A l'école l'écriture décimale s'est d'abord opposée à l'écriture fractionnaire pour les mesures non-entières,
... ce n'est qu'à la fin du XIXème siècle que des mathématiciens comme Cantor, repensant les fondements des mathématiques, élaborèrent une théorisation des décimaux, après que ces derniers eurent été longtemps réduits à un rôle pratique.32
Sur décision politique, les décimaux doivent être étudiés par les futurs ouvriers et artisans, afin qu'ils remplacent, pour la pratique quotidienne des mesurages dans le nouveau système d'unités, l'écriture fractionnaire des non entiers.
La tâche, ardue, fut dévolue à l'École, aux instituteurs ; elle a couvert tout un siècle et au-delà.
Progressivement n'a plus subsisté de l'opposition entre écriture fractionnaire et écriture décimale que le terme qu'il fallait faire prévaloir; et, au fur et à mesure, les fractions devenaient de moins en moins des nombres ordinaires, tandis que les décimaux les remplaçaient dans le fractionnement des unités.
Si aujourd'hui, dans le quotidien aussi bien que pour nos élèves, décimal s'oppose à entier, cela manifeste un glissement de sens au long d'un combat scolaire mené avec un zèle éclairé ; un abus de langage scolaire est devenu d'usage commun.
Les abus de langage sont fonctionnellement inévitables, mais s'ils ne peuvent pas redevenir conscients à volonté, ils sont susceptibles d'altérer les significations, de bloquer les mises en cohérence, et, par exemple,.... d'empêcher de reconnaître... 10... comme un décimal.
✒ page 280 (en conclusion du chapitre 8)
Pour résumer,
que ressort-il de ce chapitre quant à la possible efficience du schéma d'intelligibilité élaboré ?
❍ côté élèves
➺ la pulsation qui engage l'élève sur la voie d'un apprentissage répond à un mobile intellectuel intrinsèque ;
➺ concernant un thème donné, lorsqu'à l'instant où intervient une brisure spontanée de symétrie dans l'activité de sa conscience, la pensée de l'élève est déroutée vers une appréciation de ses qualités, c'est, pour cet élève, une amorce d'apprentissage sui generis qui s'évanouit ; ce processus englobe les phénomènes psychologiques entraînés par des motivations extrinsèques ;
❍ côté pratiques d'enseignement
➺ la mobilité langagière dans les cours reflète des orientations de la représentation de l'apprentissage chez les enseignants qui les dispensent ;
➺ les dynamiques langagières qui réalisent un cours influent sur les aspects structurel et fonctionnel de la façon dont on y réagit, ce de manière singulière pour chacun des élèves ;
➺ l'essor des significations des mots étant propre à chacun, l'activité de contextualisation susceptible d'être promue par un cours est liée à la variété de ses inscriptions contextuelles ; à contrario, l'exiguïté de son référentiel est une propriété identifiable d'un cours qui porte le risque d'un entraînement des élèves au mode de pensée par complexes dans la discipline dont il ressortit.
❍ côté difficultés et contradictions à résoudre
➺ la nouvelle intelligibilité des dynamiques entre cours collectifs et apprentissage individuel des élèves semble à même de dépasser les contradictions auxquelles conduisent des raisonnements qui à la fois
sont fondés sur l'idée que l'échec scolaire est en correspondance avec un milieu socioculturel dont la pauvreté handicape les aptitudes aux apprentissages abstraits,
et prônent, en guise de soutien à apporter à ces élèves handicapés, des programmes d'apprentissage édulcorés ;
➺ pour la nouvelle intelligibilité, personnalisation des représentations de l'apprentissage chez les enseignants par les moyens de la controverse, et capacité de questionnements collectifs des démarches d'enseignement vont de paire ; elles conditionnent
● vis à vis des élèves, l'anticipation au quotidien de la contribution des cours à leurs bougés intellectuels ;
● vis-à-vis des pratiques d'enseignement, la constance de la cohérence théorique dans les cours pour le maintien sur les registres langagiers propres à la discipline enseignée, et, réciproquement, la constance de l'identité disciplinaire du langage, pour le maintien des cohérences théoriques dans les cours ;
● au plan de la société, un meilleur discernement individuel des liens entre la transformation des contenus d'enseignement et celle des normes et besoins.
Notes :
1 BRUNER J. ; 1996, L'éducation, entrée dans la culture, page 85 ; RETZ. PARIS.
2 Aux deux sens du terme.
3 Dans l'action, pas préalable à l'action, pas comme un "patron de couturière" ; n'a pas ici la signification de "projet".
4 WALLON H. (1949), Les origines du caractère chez l'enfant, P.U.F., PARIS.
5 WALLON H., 1946; Le rôle de l'autre dans la conscience du moi, in Journal égyptien de Psychologie, 2-1; 1 959, in Enfance, 3-4; in JALLEY E., 1 981, Wallon lecteur de Freud et Piaget. EDITIONS SOCIALES / TERRAINS. PARIS.
6 VYGOTSKI L. S. (1934) 1985, Pensée et langage, page 344 ; EDITIONS SOCIALES, PARIS.
7 Annexe 1, Analyse de situations didactiques en mathématiques, p. 32 ; Stage IREM, Groupe Premier cycle ; PAF 2004-2005.
8 LEGRAND M., (rédigé par), Groupe ADIREM/INRP de l'IREM de Grenoble ; 2004, art. À la recherche d'une cohérence pour une véritable activité mathématique en classe, in COLOMB J., DOUAIRE J., NOIRFALISE R. (ouvrage coordonné par), FAIRE DES MATH. EN CLASSE? Didactique et analyse de pratiques enseignantes. INRP/ADIREM.
9 VYGOTSKI L. S., (1934) 1997, page 406 ; se référer à l'extrait de Pensée et langage, cité ci-dessus, dans la Présentation.
10 Idem note précédente.
11 Ce mot n'est pas pris dans l'acception que lui donne, par exemple, F. Varéla quand il dit : "Mais ceci n'équivaut pas à l'inexistence du monde, qui est la POSITION CONSTRUCTIVISTE" ; article "Le cerveau n'est pas un ordinateur.", LA RECHERCHE 308 - ARIL 1998 ; s'oppose ici à la représentation innéiste de l'intelligence.
12 Cf. ci-dessus, chapitre 5, point I.A. et chapitre 6, point IV.
13 VYGOTSKI ; 1985 ; Ibidem, page 226.
14 VYGOTSKI ; 1985 ; Ibidem, page 370.
15 Cf. point I. A. ci-dessus.
16 Cf. point IV. du chapitre 6.
17 S'il résiste, il est peut-être moins "en difficulté" qu'il n'y paraît.
18 Exemple, avec cette production d'une élève - en classe de cinquième et aux résultats "convenables" - qui rédige un texte dont la lecture doit permettre à quelqu'un qui ne voit pas la figure, de tracer celle-ci :...
19 Cela ressortit en quelque sorte d'un effet Pygmalion généralisé.
20 Allusion à la considération des émotions comme un intermédiaire nécessaire entre l'automatisme et la connaissance.
WALLON H. ; 1934 ; pages 259-264, in lecture d'Henri Wallon, 1976 page 62. 21 CLOT Y. ; 2003 ; page 41.
22 La symétrie, tout au moins lorsqu'elle est comprise comme une invariance, représente le dépassement dialectique de la contradiction relatif/objectif : est objectif ce qui est indépendant du choix du référentiel, ou plus précisément ce qui est invariant par changement de référentiel. (...) (Cette articulation du relatif et de l'absolu est mathématiquement prise en compte par un théorème) qui stipule qu'à chaque propriété de relativité sont associées d'une part une loi d'invariance par une certaine transformation et d'autre part une loi de conservation d'une certaine quantité. (...). Pour un système isolé (...) Physiquement, l'invariance par translation dans le temps, qui est équivalente à la conservation de l'énergie, se traduit par le fait que si, toutes choses égales par ailleurs, on fait une même expérience à deux moments différents, on doit obtenir le même résultat.
Extrait de la contribution de COHEN-TANNOUDJI G. ; in Sciences et dialectiques de la nature, 1998 ; La Dispute /Snédit, Paris.
23 Selon G. EDELMAN, la triade fondamentale des fonctions cérébrales supérieures est formée par la catégorisation perceptive, la mémoire et l'apprentissage.
Bien que ces fonctions soient souvent traitées séparément pour des raisons de commodité, nous devons garder à l'esprit qu'en fait, elles représentent des aspects indissociables d'une capacité mentale globale.
EDELMAN G. ; 1992 ; page 132.
24 Donne place à l'intention, à l'initiative ; participe à définir l'espace du langage pour soi et de la réapropriation de l'interpersonnel.
25 Ce qui peut permettre de définir une éventuelle bonne méthode en suivant l'idée que toutes choses égales par ailleurs, ça marche toujours pareillement : quel que soit l'instant, il s'agit d'un instant "t" quelconque ; le précepte telle cause, tel effet est alors extrapolé absolument.
26 Nous précisons nos interprétations de la notion de motivation au point III. B. du chapitre 8.
27 Cf. chapitre précédent.
28 On peut entendre au JT un enseignant enthousiasmé par un test de matériel pédagogique énoncer : les dés humanisent les nombres.
S'ils ne sont pas humains, les nombres, ils sont quoi ?
29 Expression empruntée au vocabulaire de Vygotski, cf. annexe 2, point 1.
30 Dont on se rappelle qu'il dit que
tout concept peut s'exprimer d'une infinité de façons par la médiation d'autres concepts, entre lui et la réalité qu'il convoque.
31 Notamment dans le cadre de la formation professionnelle continue.
32 BASSIS O. ; 1984, MATHÉMATIQUES, les enfants prennent le pouvoir ; page 75 ; NATHAN.
Odette Bassis souligne que
c'est un choix politique (...) qui a accéléré définitivement la pratique de l'écriture décimale.
Précisons que ce choix est celui du système métrique (facilitation du commerce ; devenu légal en 1840 seulement) système voulu décimal et dont il a été aussi voulu qu'il rattache les diverses sortes de grandeurs à l'unité de longueur, elle-même voulue, suivant l'esprit révolutionnaire d'après 1789 :
naturelle, invariable, dont la détermination ne renferme rien d'arbitraire, ni de particulier à la situation d'aucun peuple du globe.
Odette Bassis cite un discours de Laplace aux formateurs des instituteurs, en floréal de l'an VII (1799) :
... Il est permis d'espérer qu'un jour ce nouveau système sera généralement adopté, (...), il présentera beaucoup moins de difficultés à l'enfance. Vous en éprouverez à le faire entendre aux instituteurs, (...) ; car l'homme est naturellement porté à rejeter sur la complication des choses, la peine que ses préjugés et ses habitudes lui donnent à les concevoir : mais votre zèle éclairé surmontera ces obstacles...
A propos de "L'ERREUR N'EST PAS UNE FAUTE" : une nouvelle intelligibilité des possibilités de stimulation scolaire du développement intellectuel.
Citation :
"Ne pas oublier que un million de milliards de synapses assurent la propagation de l'influx nerveux d'un neurone à l'autre, que leur plasticité repose sur des changements moléculaires et cellulaires, et donc est en liaisons indissolubles avec tout le corps, en incluant ses agissements et ses systèmes de stimuli-réponses proprioceptifs aussi bien que socioculturels."
L'ouvrage peut se lire sous plusieurs questionnements ; cet article privilégie trois axes inséparables en ce que d'une part, ils mettent en relief sa démarche historicosocioculturelle empruntée principalement à VYGOTSKI, avec une mise à distance de certaines postures de recherches habituelles, notamment celles référées plus ou moins implicitement à PIAGET, et, d'autre part, soulignent la volonté de vérifier que le nouveau type d'intelligibilité proposé n'est pas incompatible avec de nouveaux savoirs apportés par les neurosciences.
Le schéma d'intelligibilité du développement intellectuel individuel proposé dans cet ouvrage peut être regardé comme axé par trois sortes d'idées ; les deux premières ont leur source dans des affirmations relevées dans "Pensée et langage" (Vygotski) :
➛ l'une concerne le rapport individu/société,
➛ l'autre, le rapport structure/fonction de la pensée en développement.
➛ La troisième part de la volonté de ne pas oublier le cerveau ; sachant que, selon une formule popularisée par A. Jacquard : le cerveau s'use si on ne s'en sert pas.
➲ La première des affirmations de Vygotski, bien que peu évoquée par la littérature, est vue ici comme fondamentale :
"La voie principale du développement enfantin consiste non pas en une socialisation progressive apportée du dehors, mais en une individualisation progressive sur la base de l'essence sociale propre à l'enfant."
➛ Ce qui est, en résumé, interprété :
les comportements de l'enfant se singularisent progressivement selon les activités dans son entourage et selon la façon dont celles-ci convoquent son attention et engagent sa propre activité ; ceci dans une dépendance constituante et indécidable.
➛ interprétation référée aussi, explicitement, à Wallon :
(Loin de constituer un système fermé, le nouveau-né) est un être dont toutes les réactions ont besoin d'être complétées, compensées, interprétées. Incapable de rien effectuer par lui-même, il est manipulé par autrui, et c'est dans les mouvements d'autrui que ses premières attitudes prendront forme. (...)
L'individu s'il se saisit comme tel, est essentiellement social. Il l'est, non par suite de contingences extérieures, mais par suite d'une nécessité interne. Il l'est génétiquement (...).
➛ ou encore, toujours selon Wallon,
... la société est pour l'homme une nécessité, une réalité organique. (1)
Autrement dit, d'une certaine manière, l'apprentissage au sens large, a à voir avec un instinct de survie, et on peut dire que "l'individuation", la façon dont l'être humain se constitue comme individu, se réalise grâce à la multiplication des dépendances sociales et dans la complexification des liens culturels.
Ce qui fait aussi retrouver un autre auteur, contemporain, Ph. Van den Bosch de Aguilar, pour qui
L'indépendance de l'Homme par rapport à son milieu crée sa dépendance au groupe social qui devient alors détenteur de la mémoire humaine et acteur du processus d'hominisation.
➛ Dans ce cas
se développer en individu de plus en plus autonome ne revient pas tant à se délester de ses attaches originelles, qu'à "tricoter" plus finement de plus nombreux liens sociaux, de sources plus variées.
➲ La deuxième affirmation fondatrice de la nouvelle interprétation visée se voudrait appel à vigilance.
Vygotski polémique :
"L'uvre de Piaget est l'expression extrême de l'intérêt porté à la structure de la pensée pour elle-même. Comme toute la psychologie structurelle contemporaine, il a poussé à l'extrême cet intérêt unilatéral pour la structure, affirmant que de manière générale les fonctions ne changent pas au cours du développement ; ce sont les structures qui se modifient et de ce fait la fonction acquiert un caractère nouveau.
()
L'exclusion d'un aspect au profit de l'autre a pour conséquence inévitable que l'apprentissage scolaire ne peut plus être un objet de recherche psychologique.
Si le savoir est considéré à l'avance comme quelque chose qui n'a aucune commune mesure avec la pensée, par là même on barre d'emblée la route à toute tentative de découvrir une relation entre apprentissage scolaire et développement."
A plusieurs reprises, et notamment au chapitre trois de l'ouvrage dont parle cet article, se renouvelle une insistance : cette manière d'alerte n'a peut-être pas vraiment attiré l'attention des chercheurs,
➛ mais pourtant,
alors que respirer, par exemple, a une signification universelle qui concerne pareillement au moins tous les mammifères, affirmerait-on que c'est avec le même esprit, et suite à des apprentissages du même ordre, que l'on manifeste un besoin de manger, que l'on se figure la molécule d'eau, ou que l'on se déplace devant la Joconde en la fixant dans les yeux ?
➛ Répondre "non" à cette question revient à admettre que des changements dans les formes d'activité de la pensée signifient, dans le même temps, des modifications dans ses rôles, et réciproquement.
La notion de "fraction" est souvent sollicitée dans les vécus scolaires rapportés; on imagine bien que si elle est pensée morphologiquement en deux nombres l'un en dessous de l'autre, avec un petit trait horizontal entre les deux ou si elle arrive sous la forme quotient de deux entiers, les opérations possibles avec l'une ou l'autre structure, ne peuvent à l'évidence être du même ordre ; inversement, l'addition, structurée à une mesure de généralité suffisante pour qu'elle fonctionne à volonté - c'est-à-dire au-delà des situations scolaires à l'origine de sa conceptualisation - impose l'idée qu'un "même dénominateur" (une même unité de comptage) est nécessaire pour calculer une somme de fractions.
C'est en tentant toujours de conjuguer ces idées fondamentales empruntées à Vygotski, que le nouveau schéma d'intelligibilité du développement intellectuel proposé :
1. "stylise" le système pensée langage /conscience en organisateur de deux familles d'activités de la pensée, distinguées sous les appellations respectives de pensée noble et de pensée souterraine ; ces deux types d'activité de la pensée
➛ ➛ étant continuellement et inextricablement entremêlées,
➛ ➛ le régime de l'une prévalant toujours sur celui de l'autre, suivant le contexte, selon des successions intrinsèquement inatteignables et sans aucun rythme prévisible ;
➛ ➛ l'activité de la conscience différant selon que l'on ait affaire à des actes de pensée productifs ou à un instinct construit, avec les modalités du "papillonnement" du langage intérieur qui varient d'un cas à l'autre ;
2. avance un mode d'évolution par complexification, c'est-à-dire qu'à un contexte déséquilibrant, le système pensée langage /conscience tend à répondre en se produisant autre, dans une incessante suite de rétablissements d'une polyphonie à la fois amplifiée et à nouveau tenable, "jouable", de l'ensemble de tous les systèmes psychologiques de la personne.
➲ Avec le troisième axe, il s'agissait de ne pas oublier que un million de milliards de synapses assurent la propagation de l'influx nerveux d'un neurone à l'autre, que leur plasticité repose sur des changements moléculaires et cellulaires, et donc est en liaisons indissolubles avec tout le corps, en incluant ses agissements et ses systèmes de stimuli-réponses proprioceptifs aussi bien que socioculturels.
Se pose en effet la question de savoir si les facultés évolutives prêtées au système pensée-langage/conscience ne sont pas prises à contre pied (en tout cas pas déjà) par les acquis de la neurobiologie.
Il semble bien qu'évoquer une évolution par rétablissements d'équilibres et une activité psychique en pensée souterraine, cela est susceptible d'entrer en résonance avec la découverte récente, que le cerveau,
➛ non seulement consomme, relativement à sa masse, dix fois plus d'énergie que le reste de l'organisme,
➛ mais encore qu'il dépense cette énergie en permanence, notamment dans l'activité synaptique, et, pour la plus grande partie, autrement qu'en réaction à des sollicitations externes, c'est-à-dire que c'est dans ce que les chercheurs désignent par son activité fonctionnelle spontanée que le cerveau consomme le plus.
➛ Dans le même temps, il se trouve aussi que ces interprétations sont aussi susceptibles de n'être pas discordantes avec des hypothèses actuelles du genre de celle qui pose que
l'énorme activité fonctionnelle spontanée du cerveau facilite la réaction aux stimuli en équilibrant les informations excitatrices et inhibitrices que reçoivent en permanence les neurones.
C'est cet équilibre qui déterminerait leur activité.
Et l'auteur de l'article (La Recherche, juillet-août 2007) poursuit en affirmant qu'il s'agit d'une hypothèse justifiée par
l'existence de tels équilibres dynamiques dans des systèmes plus vastes que les neurobiologistes connaissent bien.
Une remarque.
➛ Jusque dans les années soixante du siècle dernier, la neurobiologie était "ancrée dans la certitude que le cerveau adulte était dépourvu de toute potentialité génératrice" et ce n'est que dans la dernière décennie du vingtième siècle, que s'est affirmée l'existence d'une neurogenèse chez l'adulte.
➛ La lecture de Vygotski ne doit donc pas se départir de l'idée que ces croyances étaient à son époque des certitudes scientifiques, et que ses formulations peuvent le plus souvent supporter, sans préjudice de sens, la substitution de "être humain" ou encore de "personne" au mot "enfant" et supporte ainsi l'instillation de nuances dans les notions de "maturation" et "d'âge mental".
En tout cas, il paraît qu'explorer les résultats, et surtout tenter de s'approprier la démarche explicative de Vygotski s'avèrent bien en non incompatibilité avec des prises en compte d'éclairages cherchant à s'alimenter aux progrès de la neurobiologie.
En définitive,
quels caractères particuliers
cette approche donne-t-elle à la conception du développement qui voudrait s'avancer ?
D'abord, on parle du développement de quoi ? Du système pensée-langage/conscience, système qui peut se dessiner grâce encore à un emprunt à Vygotski :
"(vers l'âge de deux ans) Les lignes de développement de la pensée et du langage, jusque-là séparées, se rejoignent, coïncident et donnent naissance à une forme nouvelle de comportement, si caractéristique de l'Homme.
(...) (...) (...)
... la pensée et le langage sont la clef pour comprendre la nature de la conscience humaine. (...) La conscience se reflète dans le mot comme le soleil dans une petite goutte d'eau. Le mot est à la conscience ce qu'est un petit monde à un grand, ce qu'est une cellule vivante à l'organisme, un atome au cosmos. C'est bien un petit monde de conscience. Le mot doué de sens est un microcosme de la conscience humaine."
Le schéma d'intelligibilité construit confère au système pensée-langage/conscience une évolution par auto-développement,
➛ ce mot valant alors pour auto-référence et auto-organisation,
➛ mais pas l'auto-organisation des automates cellulaires ou des "neurones" de l'intelligence artificielle, systèmes qui "marchent tout seuls", une fois lancés ;
➛ parce qu'ici on a affaire à un système ouvert, à la fois aux sollicitations/informations de l'extérieur et de l'intérieur : du monde, du corps et de leurs interactions.
Mais le préfixe auto arrive également, dans le même temps, en opposition
➛ bien sûr aux conceptions inspirées des modèles transmissifs ou comportementalistes selon lesquels la société apporte ce qu'il y a à apprendre, globalement prêt à l'emploi sous la condition d'une bonne qualité d'écoute, ou bien en unités capitalisables par conditionnement,
➛ mais aussi aux conceptions de type piagétien selon lesquelles,
l'apprentissage a lieu sous le bénéfice de contraintes sociales appropriées,
"... consistant à corriger sans cesse les erreurs systématiques de départ ou celles qui surgissent en cours de route" (2) contraintes qui mènent à un développement par adaptation,
L'adaptation étant un équilibre entre une assimilation des objets aux structures de l'action propre (structures soit héréditaires, soit en voie de construction par l'action, soit déjà construites par organisation progressive des actions), et l'accommodation de ces structures aux objets, il se peut toujours que cet équilibre entre l'assimilation et l'accommodation prenne des formes non entièrement adéquates et que l'effort d'adaptation conduise ainsi à des erreurs systématiques. (même texte, même page.)
On peut souligner en passant, à partir de ces citations d'un texte de Piaget écrit en 1962, près de trente ans après la disparition de Vygotski,
➛ on retrouve bien chez le Piaget de 1962
"l'intérêt unilatéral pour la structure" remarqué par Vygotski vers 1934
➛ les citations vont bien dans le sens de l'interprétation selon laquelle, pour Piaget
"ce sont les structures qui se modifient et de ce fait la fonction acquiert un caractère nouveau."
D'autre part, l'équilibre dont il est question chez Piaget
est un équilibre que l'on pourrait dire d'après "mises au point" élémentaires ; il entre en résonance avec les propositions de Giordan (dont quelques-unes sont approchées aussi au chapitre 3 du livre) comme par exemple celle-ci :
Appréhender un nouveau savoir, c'est donc l'intégrer dans une structure de pensée déjà "en place" formée de savoirs propres, antérieurs à la situation éducative. Cette intégration relève d'un processus d'organisation (réorganisation) et de régulation d'éléments préalables en interaction avec des données nouvelles qui aboutira à leur métamorphose éventuelle.
➛ Cette notion d'équilibre est littéralement "débordée" par la notion de même nom sollicitée par la démarche à l'oeuvre dans L'erreur n'est pas une faute, avec laquelle il est question d'un équilibre dynamique, affectant l'activité collective de populations innombrables - en dernière instance : populations de synapses ; un équilibre dont les renaissances incessantes seraient le moteur des réorganisations évolutives de tout l'ensemble du système dynamique, du système pensée-langage/conscience dans une "croissance" unitaire structurelle et fonctionnelle.
D'une certaine manière la remarque sur le rapport entre conception du développement psychique, et représentation du cerveau n'évoluant plus à l'âge adulte concerne davantage encore Piaget que Vygotski : pour Piaget les concepts scientifiques ne se développent pas au niveau ontologique ; d'origine sociale, ils se substituent par assimilation/équilibration aux concepts enfantins ou quotidiens dont l'expérience modifie les schèmes jusqu'au stade où ils seront complètement "évincés".
Selon cette optique, l'apprentissage scolaire est dans la dépendance de l'état de maturité intellectuelle de l'élève, il suit le développement.
Pour les conceptions piagétiennes la question du rapport scolarisation / développement ne se pose pas : l'enfant se développe et l'élève peut apprendre dans la mesure où l'enfant s'est développé. Sous ce jour, la problématique du rapport entre enseignement collectif et apprentissage individuel qui se voudrait inscrite dans une perspective de type piagétien se heurterait à l'obstacle d'une pensée dépourvue d'historicité fonctionnelle, sans commune mesure avec les savoirs et revêtue par les mots.
Se dégage notamment du mode d'intelligibilité proposé, une idée à "double face" :
➛ il conduit à agir sur les conditions d'étude de l'élève par des sollicitations scolaires caractérisées par leur variété construite et leur richesse langagière, sans que cela autorise des prévisions quant à la vérité des processus élémentaires dont la multitude désordonnée réalise ses apprentissages ;
➛ il promeut dans les pratiques d'enseignement un potentiel d'approches admissibles de cheminements de pensée possibles/probables chez les élèves, provoquant des anticipations influentes de futurs utopiques qui participent pleinement, à distance et de façon incontrôlable, aux développements individuels des élèves au moyen de l'enseignement collectif.
Signature :
Françoise Savioz
Que les lecteurs de ces lignes, comme de l'ouvrage de référence, sachent que les expressions de critiques seront toujours bien accueillies par l'auteur qui se fera un plaisir d'y réagir en enseignante toujours passionnée, bien que retraitée.
Notes :
(1) Cette convergence stimule d'autant plus la réflexion que les deux auteurs ne se sont pas consultés ; il en va de même pour les rencontres entre les analyses de Vygotski et de Bakthine (et il va sans dire que si des idées se rencontrent, c'est qu'elles sont sur des chemins différents et qu'elles peuvent alors probablement approcher du vrai universel.
(2) Piaget (1962) en manière de réponse à des remarques de Vygotski; texte reproduit en annexe à PENSEE ET LANGAGE (1985) ; il s'agit alors d'une publication pour la première fois dans sa langue d'origine : le français.
Lire plus
"Ne pas oublier que un million de milliards de synapses assurent la propagation de l'influx nerveux d'un neurone à l'autre, que leur plasticité repose sur des changements moléculaires et cellulaires, et donc est en liaisons indissolubles avec tout le corps, en incluant ses agissements et ses systèmes de stimuli-réponses proprioceptifs aussi bien que socioculturels."
L'ouvrage peut se lire sous plusieurs questionnements ; cet article privilégie trois axes inséparables en ce que d'une part, ils mettent en relief sa démarche historicosocioculturelle empruntée principalement à VYGOTSKI, avec une mise à distance de certaines postures de recherches habituelles, notamment celles référées plus ou moins implicitement à PIAGET, et, d'autre part, soulignent la volonté de vérifier que le nouveau type d'intelligibilité proposé n'est pas incompatible avec de nouveaux savoirs apportés par les neurosciences.
Le schéma d'intelligibilité du développement intellectuel individuel proposé dans cet ouvrage peut être regardé comme axé par trois sortes d'idées ; les deux premières ont leur source dans des affirmations relevées dans "Pensée et langage" (Vygotski) :
➛ l'une concerne le rapport individu/société,
➛ l'autre, le rapport structure/fonction de la pensée en développement.
➛ La troisième part de la volonté de ne pas oublier le cerveau ; sachant que, selon une formule popularisée par A. Jacquard : le cerveau s'use si on ne s'en sert pas.
➲ La première des affirmations de Vygotski, bien que peu évoquée par la littérature, est vue ici comme fondamentale :
"La voie principale du développement enfantin consiste non pas en une socialisation progressive apportée du dehors, mais en une individualisation progressive sur la base de l'essence sociale propre à l'enfant."
➛ Ce qui est, en résumé, interprété :
les comportements de l'enfant se singularisent progressivement selon les activités dans son entourage et selon la façon dont celles-ci convoquent son attention et engagent sa propre activité ; ceci dans une dépendance constituante et indécidable.
➛ interprétation référée aussi, explicitement, à Wallon :
(Loin de constituer un système fermé, le nouveau-né) est un être dont toutes les réactions ont besoin d'être complétées, compensées, interprétées. Incapable de rien effectuer par lui-même, il est manipulé par autrui, et c'est dans les mouvements d'autrui que ses premières attitudes prendront forme. (...)
L'individu s'il se saisit comme tel, est essentiellement social. Il l'est, non par suite de contingences extérieures, mais par suite d'une nécessité interne. Il l'est génétiquement (...).
➛ ou encore, toujours selon Wallon,
... la société est pour l'homme une nécessité, une réalité organique. (1)
Autrement dit, d'une certaine manière, l'apprentissage au sens large, a à voir avec un instinct de survie, et on peut dire que "l'individuation", la façon dont l'être humain se constitue comme individu, se réalise grâce à la multiplication des dépendances sociales et dans la complexification des liens culturels.
Ce qui fait aussi retrouver un autre auteur, contemporain, Ph. Van den Bosch de Aguilar, pour qui
L'indépendance de l'Homme par rapport à son milieu crée sa dépendance au groupe social qui devient alors détenteur de la mémoire humaine et acteur du processus d'hominisation.
➛ Dans ce cas
se développer en individu de plus en plus autonome ne revient pas tant à se délester de ses attaches originelles, qu'à "tricoter" plus finement de plus nombreux liens sociaux, de sources plus variées.
➲ La deuxième affirmation fondatrice de la nouvelle interprétation visée se voudrait appel à vigilance.
Vygotski polémique :
"L'uvre de Piaget est l'expression extrême de l'intérêt porté à la structure de la pensée pour elle-même. Comme toute la psychologie structurelle contemporaine, il a poussé à l'extrême cet intérêt unilatéral pour la structure, affirmant que de manière générale les fonctions ne changent pas au cours du développement ; ce sont les structures qui se modifient et de ce fait la fonction acquiert un caractère nouveau.
()
L'exclusion d'un aspect au profit de l'autre a pour conséquence inévitable que l'apprentissage scolaire ne peut plus être un objet de recherche psychologique.
Si le savoir est considéré à l'avance comme quelque chose qui n'a aucune commune mesure avec la pensée, par là même on barre d'emblée la route à toute tentative de découvrir une relation entre apprentissage scolaire et développement."
A plusieurs reprises, et notamment au chapitre trois de l'ouvrage dont parle cet article, se renouvelle une insistance : cette manière d'alerte n'a peut-être pas vraiment attiré l'attention des chercheurs,
➛ mais pourtant,
alors que respirer, par exemple, a une signification universelle qui concerne pareillement au moins tous les mammifères, affirmerait-on que c'est avec le même esprit, et suite à des apprentissages du même ordre, que l'on manifeste un besoin de manger, que l'on se figure la molécule d'eau, ou que l'on se déplace devant la Joconde en la fixant dans les yeux ?
➛ Répondre "non" à cette question revient à admettre que des changements dans les formes d'activité de la pensée signifient, dans le même temps, des modifications dans ses rôles, et réciproquement.
La notion de "fraction" est souvent sollicitée dans les vécus scolaires rapportés; on imagine bien que si elle est pensée morphologiquement en deux nombres l'un en dessous de l'autre, avec un petit trait horizontal entre les deux ou si elle arrive sous la forme quotient de deux entiers, les opérations possibles avec l'une ou l'autre structure, ne peuvent à l'évidence être du même ordre ; inversement, l'addition, structurée à une mesure de généralité suffisante pour qu'elle fonctionne à volonté - c'est-à-dire au-delà des situations scolaires à l'origine de sa conceptualisation - impose l'idée qu'un "même dénominateur" (une même unité de comptage) est nécessaire pour calculer une somme de fractions.
C'est en tentant toujours de conjuguer ces idées fondamentales empruntées à Vygotski, que le nouveau schéma d'intelligibilité du développement intellectuel proposé :
1. "stylise" le système pensée langage /conscience en organisateur de deux familles d'activités de la pensée, distinguées sous les appellations respectives de pensée noble et de pensée souterraine ; ces deux types d'activité de la pensée
➛ ➛ étant continuellement et inextricablement entremêlées,
➛ ➛ le régime de l'une prévalant toujours sur celui de l'autre, suivant le contexte, selon des successions intrinsèquement inatteignables et sans aucun rythme prévisible ;
➛ ➛ l'activité de la conscience différant selon que l'on ait affaire à des actes de pensée productifs ou à un instinct construit, avec les modalités du "papillonnement" du langage intérieur qui varient d'un cas à l'autre ;
2. avance un mode d'évolution par complexification, c'est-à-dire qu'à un contexte déséquilibrant, le système pensée langage /conscience tend à répondre en se produisant autre, dans une incessante suite de rétablissements d'une polyphonie à la fois amplifiée et à nouveau tenable, "jouable", de l'ensemble de tous les systèmes psychologiques de la personne.
➲ Avec le troisième axe, il s'agissait de ne pas oublier que un million de milliards de synapses assurent la propagation de l'influx nerveux d'un neurone à l'autre, que leur plasticité repose sur des changements moléculaires et cellulaires, et donc est en liaisons indissolubles avec tout le corps, en incluant ses agissements et ses systèmes de stimuli-réponses proprioceptifs aussi bien que socioculturels.
Se pose en effet la question de savoir si les facultés évolutives prêtées au système pensée-langage/conscience ne sont pas prises à contre pied (en tout cas pas déjà) par les acquis de la neurobiologie.
Il semble bien qu'évoquer une évolution par rétablissements d'équilibres et une activité psychique en pensée souterraine, cela est susceptible d'entrer en résonance avec la découverte récente, que le cerveau,
➛ non seulement consomme, relativement à sa masse, dix fois plus d'énergie que le reste de l'organisme,
➛ mais encore qu'il dépense cette énergie en permanence, notamment dans l'activité synaptique, et, pour la plus grande partie, autrement qu'en réaction à des sollicitations externes, c'est-à-dire que c'est dans ce que les chercheurs désignent par son activité fonctionnelle spontanée que le cerveau consomme le plus.
➛ Dans le même temps, il se trouve aussi que ces interprétations sont aussi susceptibles de n'être pas discordantes avec des hypothèses actuelles du genre de celle qui pose que
l'énorme activité fonctionnelle spontanée du cerveau facilite la réaction aux stimuli en équilibrant les informations excitatrices et inhibitrices que reçoivent en permanence les neurones.
C'est cet équilibre qui déterminerait leur activité.
Et l'auteur de l'article (La Recherche, juillet-août 2007) poursuit en affirmant qu'il s'agit d'une hypothèse justifiée par
l'existence de tels équilibres dynamiques dans des systèmes plus vastes que les neurobiologistes connaissent bien.
Une remarque.
➛ Jusque dans les années soixante du siècle dernier, la neurobiologie était "ancrée dans la certitude que le cerveau adulte était dépourvu de toute potentialité génératrice" et ce n'est que dans la dernière décennie du vingtième siècle, que s'est affirmée l'existence d'une neurogenèse chez l'adulte.
➛ La lecture de Vygotski ne doit donc pas se départir de l'idée que ces croyances étaient à son époque des certitudes scientifiques, et que ses formulations peuvent le plus souvent supporter, sans préjudice de sens, la substitution de "être humain" ou encore de "personne" au mot "enfant" et supporte ainsi l'instillation de nuances dans les notions de "maturation" et "d'âge mental".
En tout cas, il paraît qu'explorer les résultats, et surtout tenter de s'approprier la démarche explicative de Vygotski s'avèrent bien en non incompatibilité avec des prises en compte d'éclairages cherchant à s'alimenter aux progrès de la neurobiologie.
En définitive,
quels caractères particuliers
cette approche donne-t-elle à la conception du développement qui voudrait s'avancer ?
D'abord, on parle du développement de quoi ? Du système pensée-langage/conscience, système qui peut se dessiner grâce encore à un emprunt à Vygotski :
"(vers l'âge de deux ans) Les lignes de développement de la pensée et du langage, jusque-là séparées, se rejoignent, coïncident et donnent naissance à une forme nouvelle de comportement, si caractéristique de l'Homme.
(...) (...) (...)
... la pensée et le langage sont la clef pour comprendre la nature de la conscience humaine. (...) La conscience se reflète dans le mot comme le soleil dans une petite goutte d'eau. Le mot est à la conscience ce qu'est un petit monde à un grand, ce qu'est une cellule vivante à l'organisme, un atome au cosmos. C'est bien un petit monde de conscience. Le mot doué de sens est un microcosme de la conscience humaine."
Le schéma d'intelligibilité construit confère au système pensée-langage/conscience une évolution par auto-développement,
➛ ce mot valant alors pour auto-référence et auto-organisation,
➛ mais pas l'auto-organisation des automates cellulaires ou des "neurones" de l'intelligence artificielle, systèmes qui "marchent tout seuls", une fois lancés ;
➛ parce qu'ici on a affaire à un système ouvert, à la fois aux sollicitations/informations de l'extérieur et de l'intérieur : du monde, du corps et de leurs interactions.
Mais le préfixe auto arrive également, dans le même temps, en opposition
➛ bien sûr aux conceptions inspirées des modèles transmissifs ou comportementalistes selon lesquels la société apporte ce qu'il y a à apprendre, globalement prêt à l'emploi sous la condition d'une bonne qualité d'écoute, ou bien en unités capitalisables par conditionnement,
➛ mais aussi aux conceptions de type piagétien selon lesquelles,
l'apprentissage a lieu sous le bénéfice de contraintes sociales appropriées,
"... consistant à corriger sans cesse les erreurs systématiques de départ ou celles qui surgissent en cours de route" (2) contraintes qui mènent à un développement par adaptation,
L'adaptation étant un équilibre entre une assimilation des objets aux structures de l'action propre (structures soit héréditaires, soit en voie de construction par l'action, soit déjà construites par organisation progressive des actions), et l'accommodation de ces structures aux objets, il se peut toujours que cet équilibre entre l'assimilation et l'accommodation prenne des formes non entièrement adéquates et que l'effort d'adaptation conduise ainsi à des erreurs systématiques. (même texte, même page.)
On peut souligner en passant, à partir de ces citations d'un texte de Piaget écrit en 1962, près de trente ans après la disparition de Vygotski,
➛ on retrouve bien chez le Piaget de 1962
"l'intérêt unilatéral pour la structure" remarqué par Vygotski vers 1934
➛ les citations vont bien dans le sens de l'interprétation selon laquelle, pour Piaget
"ce sont les structures qui se modifient et de ce fait la fonction acquiert un caractère nouveau."
D'autre part, l'équilibre dont il est question chez Piaget
est un équilibre que l'on pourrait dire d'après "mises au point" élémentaires ; il entre en résonance avec les propositions de Giordan (dont quelques-unes sont approchées aussi au chapitre 3 du livre) comme par exemple celle-ci :
Appréhender un nouveau savoir, c'est donc l'intégrer dans une structure de pensée déjà "en place" formée de savoirs propres, antérieurs à la situation éducative. Cette intégration relève d'un processus d'organisation (réorganisation) et de régulation d'éléments préalables en interaction avec des données nouvelles qui aboutira à leur métamorphose éventuelle.
➛ Cette notion d'équilibre est littéralement "débordée" par la notion de même nom sollicitée par la démarche à l'oeuvre dans L'erreur n'est pas une faute, avec laquelle il est question d'un équilibre dynamique, affectant l'activité collective de populations innombrables - en dernière instance : populations de synapses ; un équilibre dont les renaissances incessantes seraient le moteur des réorganisations évolutives de tout l'ensemble du système dynamique, du système pensée-langage/conscience dans une "croissance" unitaire structurelle et fonctionnelle.
D'une certaine manière la remarque sur le rapport entre conception du développement psychique, et représentation du cerveau n'évoluant plus à l'âge adulte concerne davantage encore Piaget que Vygotski : pour Piaget les concepts scientifiques ne se développent pas au niveau ontologique ; d'origine sociale, ils se substituent par assimilation/équilibration aux concepts enfantins ou quotidiens dont l'expérience modifie les schèmes jusqu'au stade où ils seront complètement "évincés".
Selon cette optique, l'apprentissage scolaire est dans la dépendance de l'état de maturité intellectuelle de l'élève, il suit le développement.
Pour les conceptions piagétiennes la question du rapport scolarisation / développement ne se pose pas : l'enfant se développe et l'élève peut apprendre dans la mesure où l'enfant s'est développé. Sous ce jour, la problématique du rapport entre enseignement collectif et apprentissage individuel qui se voudrait inscrite dans une perspective de type piagétien se heurterait à l'obstacle d'une pensée dépourvue d'historicité fonctionnelle, sans commune mesure avec les savoirs et revêtue par les mots.
Se dégage notamment du mode d'intelligibilité proposé, une idée à "double face" :
➛ il conduit à agir sur les conditions d'étude de l'élève par des sollicitations scolaires caractérisées par leur variété construite et leur richesse langagière, sans que cela autorise des prévisions quant à la vérité des processus élémentaires dont la multitude désordonnée réalise ses apprentissages ;
➛ il promeut dans les pratiques d'enseignement un potentiel d'approches admissibles de cheminements de pensée possibles/probables chez les élèves, provoquant des anticipations influentes de futurs utopiques qui participent pleinement, à distance et de façon incontrôlable, aux développements individuels des élèves au moyen de l'enseignement collectif.
Signature :
Françoise Savioz
Que les lecteurs de ces lignes, comme de l'ouvrage de référence, sachent que les expressions de critiques seront toujours bien accueillies par l'auteur qui se fera un plaisir d'y réagir en enseignante toujours passionnée, bien que retraitée.
Notes :
(1) Cette convergence stimule d'autant plus la réflexion que les deux auteurs ne se sont pas consultés ; il en va de même pour les rencontres entre les analyses de Vygotski et de Bakthine (et il va sans dire que si des idées se rencontrent, c'est qu'elles sont sur des chemins différents et qu'elles peuvent alors probablement approcher du vrai universel.
(2) Piaget (1962) en manière de réponse à des remarques de Vygotski; texte reproduit en annexe à PENSEE ET LANGAGE (1985) ; il s'agit alors d'une publication pour la première fois dans sa langue d'origine : le français.