
Fred Forest
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Descriptif auteur
Pionnier en France de l'art vidéo et de l'art sur Internet. Co-fondateur de l'art sociologique et de l'esthétique de la communication. L'ensemble de son oeuvre rentre au patrimoine national en 2004.
Structure professionnelle
:
7 rue Jean Arp 75013 Paris
Titre(s), Diplôme(s) : Doctorat d'Etat soutenu en Sorbonne
Fonction(s) actuelle(s) : Professeur émérite, Artiste multimédia
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AUTRES PARUTIONS
Julia Margaret Cameron (Z Editions Nice)
100 actions (Z Editions Nice)
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LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Les écoles de vie Un nouveau Bahaus ou le sens doit prédominer sur la forme Les enseignements de l'art en France
Je démarrerai ma communication, en affirmant qu'il n'y a jamais d'art sans formation préalable d'un récepteur ciblé, et sans partage de codes communs à un moment donné. Depuis Marcel Duchamp, on sait que c'est le "regardeur" qui fait l'uvre. C'est pourquoi, s'il est impossible de " former" des artistes, comme on forme par contre des ingénieurs informaticiens, des médecins ou des conducteurs de TGV, en dispensant un enseignement spécialisé, il sera toujours possible d'éduquer une population donnée d'étudiants et de publics, à la "réception" de l'art. Un segment d'individus, qui aura opté dans les écoles et à l'université pour une filière artistique, en fonction de motivations idéologiques et culturelles, plus ou moins vagues, et, souvent dans une parfaite ignorance de ce qui les attend. Mais c'est là, volontaire ou involontaire, un choix qui au final constitue, de nos jours, un luxe suprême. Un luxe, privilégiant les valeurs d'épanouissement, personnel et de la société, sur toutes les autres. Un luxe qui cadre mal avec la dureté des temps et la compétitivité féroce à laquelle sont soumis aujourd'hui les chercheurs d'emploi dans notre société. En ma qualité d'enseignant de l'art, j'ai vu défiler dans mes cours des centaines et des centaines d'étudiants. J'ai honte de devoir avouer, qu'au résultat, seuls trois d'entre eux sont aujourd'hui des artistes plus ou moins reconnus, et plus ou moins installés dans le marché de l'art. Les enseignements de l'art ne mènent à rien, économiquement parler, c'est de notoriété publique ! Attention, je dois préciser, ici, ne mènent à rien, en termes de production et de rendement, si c'est surtout un art qui ne rentre pas dans les critères marchands, ou de ce qu'on appelle communément les industries culturelles. Pour être bref, et vous livrer ici le fond de ma pensée, c'est qu'une véritable activité de création artistique ne peut jamais (je l'affirme avec force au risque d'être abrupt !) ne peut jamais, être assimilée à une activité professionnelle, C'est plus un mode d'être et un mode de vie. Si l'enseignement de l'art est l'apprentissage d'un mode d'être ou d'un mode de vie, alors, seulement l'enseignement de l'art peut se légitimer en tant que tel. Je ne pense pas que ce soit le cas aujourd'hui. Certains penseront que c'est placer, là, la barre très haut. A contrario, je pense en qualité d'artiste et d'enseignant, que c'est seulement placer la barre là où il faut bien la placer ! Bien sûr, on peut toujours objecter que les enseignements de l'art conduisent, il est vrai avec bien des aléas, des vicissitudes, des voies détournées, pas mal de galères, à des métiers disons annexes. Des métiers relevant de la publicité, de la décoration, du design, de l'animation culturelle, de l'ingineerie culturelle, voire du petit artisanat exotique et pour le meilleur des cas, de l'enseignement lui-même. ! C'est là où le serpent se mord la queue. Soyons lucides et tant soit peu honnêtes : quels sont les débouchés concrets qu'offre aujourd'hui la société à des étudiants qui auront suivi un cursus en art ? Combien d'artistes en France vivent entièrement, vivent exclusivement et confortablement de leur art ? Nous serons stupéfaits d'apprendre, avec Raymonde Moulins, qui fait autorité en ce domaine, que leur nombre se réduit à peine à quelques dizaines d'individus pour des milliers et des milliers de postulants
Comme préliminaire à ma communication, sur un sujet aussi vaste et complexe que constitue l'enseignement de l'art, il me semble utile de préciser, d'abord, le lieu d'où je parle moi-même. Je porte en effet plusieurs casquettes. Je suis à la fois, un artiste chercheur praticien, un enseignant ayant une expérience professionnelle dans le double cadre des Ecoles Supérieures des Beaux-arts et de l'université, un théoricien, co-fondateur de deux mouvements artistiques, (ceux de l'art sociologique (1974) et de l'esthétique de la communication (1983), et enfin, comme tout le monde un consommateur éclairé et cri
Signature :
Fred Forest, Docteur d'Etat de la Sorbonne, artiste plasticien et multimédia
Colloque enseigner l'art/Dijon/Festival Frictions, Mai 2004
Certains artistes et théoriciens, comme Jean-Pierre Balpe, Philippe Bootz, Philippe Castellin, et d'autres encore, ont déjà répondu à cette question, il y a bien longtemps.
Que penser du fait qu'Abraham Moles qui a publié un livre, qui porte pour titre "Art et ordinateur ", il y déjà près d'un demi-siècle, soit un parfait inconnu pour nos étudiants d'art en cinquième année ? Par contre, ils connaîtront tout, et sur le bout des doigts, de Nicolas Bourriaud et de son esthétique relationnelle, qui n'est en fait qu'un " remake " de l'art sociologique et de l'esthétique de la communication ?. Et attention, il faut le souligner, trente années plus tard, et sans jamais citer ses sources
Qui, d'entre-vous, ici présent, connaît seulement le nom de Sophie Lavaud, une artiste pionnière, travaillant en réalité virtuelle depuis 1995, qui n'a pas d'existence pour les institutions, ni encore moins dans les réseaux influents du marché, tout simplement parce qu'elle n'a aucun objet à vendre ?
Tout cela pose tout de même, vous en conviendrez, le problème de ce qu'on propose, aujourd'hui, comme modèles de l'art et de la société, dans nos enseignements de l'art. Rassurez-vous, nos étudiants en question, qui ignorent tout d'Abraham Moles, n'en sauront guère plus sur le lettrisme, le situationnisme, l'art sociologique ou le war(z) à la sortie de nos Ecoles d'Art, même s'ils en savent, heureusement, légèrement plus à leur sortie de l'université.
Qu'en est-il au juste de l'écriture de nos jours sur Internet ? La poésie graphique se poursuit comme telle au XXe, dans le sillage de la peinture moderne et de la crise du langage : cubisme, collages de Kurt Schwitters, calligrammes d'Apollinaire, futurisme italien et russe. Le qualificatif concret est désormais dans l'air. Avec l'art moderne, et dans son sillage, on parle déja de musique concrète, d'art concret. La création prend appui sur le découpage, l'assemblage de la matière visuelle ou sonore, au lieu des signes et vocabulaires articulés par l'usage ou la tradition. Qui ne voit donc pas, déjà, là, du sampling au collage électronique, anticipation de tous les usages que le multimédia et l'art des réseaux peuvent réaliser pour en faire le prolongement logique ? Qui donc n'entrevoit pas encore, ici, la pertinence et l'opportunité pédagogique de montrer (de démontrer ) que le passé est toujours inclus quelque part dans le présent. Et que c'est toujours à travers le prisme du passé, sa lecture et son décryptage que nous avons une chance de mieux connaître, et en les articulant, de mieux comprendre ce qui se passe dans l'invention des formes émergentes, dans notre présent ? Mais que veut dire formes, quand les attitudes sont devenues formes, quand elles sont devenues relation, ou communication électronique dans un espace virtuel et planétaire ? Où en sont nos enseignements officiels de l'art pour réactuliser et réintégrer ces notions et ses concepts qui sont à l'égal de ceux que l'impressionnisme ou le cubisme imposaient à leur époque.
Il est tout à fait évident que l'enseignement de l'art (ce qui n'est nullement le cas à l'heure actuelle !) doive entièrement se repenser en fonction des nouveaux paramètres qui se mettent en place. Quand on sait que la technique de l'hypertexte peut, avec la numérisation des informations, s'appliquer aussi bien aux images qu'au son, on imagine alors aisément le parti pris qui peut en être tiré, pour élaborer des formes d'expression inédites. C'est la façon même de penser et de créer de l'artiste qui peut s'en trouver affectée. C'est donc, en toute logique et conséquence, tous les enseignements de l'art qui doivent être revus. Toutes les conditions concourent, non seulement à la création de nouvelles formes, mais surtout à la création de formes d'art hybrides entièrement originales. Certes, comme pour tout " honnête homme ", ces savoirs seront utiles à votre connaissance de l'art, mais ils ne seront jamais en mesure de déterminer chez qui que ce soit une vocation
Notes :
1. " Le marché de l'art est malade. Mais les deux premiers jours de la semaine consacrés aux ventes d'art contemporain ne permettent pas encore d'établir un diagnostic, simple rhume ou contamination à l'anthrax ? " "L'art contemporain se vend mal à New York", Le Monde, vendredi 16 novembre 2001.
2. Rien d'étonnant à ces engouements pour un art (minimal art), importé à grands frais d'Outre-Atlantique et imposé par le marché, quand on connaît le soutien qu'il a reçu de conservateurs français, occupant depuis plus de vingt ans des postes de responsabilité nationale. Des responsables qui, par ailleurs, ont tout ignoré, systématiquement, de ce qui en matière d'art se faisait de plus novateur dans leur propre pays.
3. La Biennale de Lyon 2001 a consacré une section à ce produit sous la direction d'un jeune commissaire, Laurence Dreyfus.
4. L'artiste Roland Baladi avait exposé, il y a près de trente ans déjà, en 1973, au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, une sorte de stylo lumineux qui permettait sur la surface sensible d'un grand écran d'obtenir des signes en mouvement par effets de rémanence. Titre de l'uvre : Murs à graffiti éphémères (Technique élaborée par l'artiste : projecteurs articulés, lampes à vapeur de mercure et optique originale permettant de projeter un point de 1 cm de diamètre sur un écran phosphorescent).
5. Théorie de l'art sociologique Hervé Fisher, Castermann, Paris 1977
L'art sociologique, Fred Forest, 10/18 UGE, Paris 1977
6. Mario Costa et Fred Forest, " L'esthétique de la communication "1974 et Jean-Louis Boissier " La relation comme forme" 2004
7. En vérité, un certain nombre de personnes achètent encore des uvres d'art en fonction de la couleur de leur papier peint et du standing social qu'elles veulent se voir attribuer.
8. Selon une enquête sur la répartition des anciens élèves des écoles d'art par domaine d'activité (enquête d'insertion 1985-1996), l'on constate que 30 % exercent une fonction d'enseignement dans les arts plastiques et appliqués, 10 % dans l'animation culturelle, 7 % dans la communication et l'édition. (Sources DAP, février 2001 : "Eléments sur le fonctionnement des écoles d'art"). Combien sont-ils d'artistes vivant de leur art ?
9. Cette regrettable situation est gravissime. Ces effets néfastes se traduisent par la façon même dont l'histoire de l'art s'écrit aujourd'hui, la circulation de l'information, avec ses lacunes, contribuant à occulter des artistes qui ont joué un rôle important et à donner, en contrepartie, à des artistes mineurs, une place qu'ils ne méritent pas toujours.
10. L'absentéisme est la plaie à laquelle sont confrontés d'une façon endémique les directeurs de toutes les écoles d'art, sans avoir jamais pu trouver les moyens de l'endiguer. Un absentéisme permanent qui, dans certaines écoles, prend des allures inquiétantes, proches, certains jours ou à certaines périodes de l'année scolaire, d'une véritable désertification, avec la disparition quasi-totale des effectifs. Cette question, si elle leur est posée, embarrasse toujours les responsables, qui tenteront de l'éluder, bien sûr, et d'y répondre soit à côté, soit en avançant des arguments très peu convaincants.
11. Les enfants du verseau, Marilyne Fergusson, Calmann-Lévy, Paris 1991.
12. L'intelligence collective, Pierre Lévy, Éditions La Découverte, Paris 1994.
13. La réalité virtuelle, Howard Rheingold, Dunod, Paris 1993.
14. La technologie dans l'art, Edmond Couchot, Éditions Jacqueline Chambon, Nîmes 1998.
15. Repenser l'art et son enseignement, Fred Forest, l'Harmattan, Paris 2000