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LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Critiques

VERDI ET MOI - Variations thématiques

Critiques

Critique parue dans L'éducation musicale(mai 2011)

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Haute et basse critique

Les oeuvres de l'action et de la pensée ont, de tout temps, suscité un besoin d'évaluation chez ceux qui en éprouvent les effets. Contempteurs et thuriféraires ont, ainsi, occupé le terrain de la critique, que celle-ci s'exprime en matière politique, philosophique, technique ou artistique. Dans ce dernier secteur, l'esthétique intègre la critique comme l'envers naturel du pouvoir créateur qui génère la réalité de l'art.
On pourrait penser que nombre d'opéras de Verdi, forts de leur "sincérité artisanale", restreignent le champ de l'herméneutique, tant le récepteur "subit" l'emprise du phénomène et l'impact d'une urgence théâtrale. C'est, à sa façon, ce qu'exprimait, au XIXe siècle, la princesse Metternich! Wagnérienne bon teint, elle faisait passer l'efficience de la musique de Verdi par l'image d'un quidam nous sautant à la gorge et ne nous laissant pas l'occasion d'apprécier l'odeur* de "l'assaillant"!Le rapprochement est brutal. Même si le critère choisi pourrait s'adapter à certaines pages du jeune maître, il annihile, bien sûr, tout discernement dès lors que le corpus verdien s'avère, dans sa diversité, plus complexe qu'il n'y paraît. De fait, les sortilèges de l'interprétation, la subtilité de la spéculation sont, seuls, aptes à rendre compte de pans entiers de l'invention du Maestro.
L'exégèse comporte ses exigences et vit, souvent, de la relativité de ses propos. Les caprices du goût, l'acuité de l'écoute, la disponibilité de...l'entendement entrent dans les constantes de la critique (musicale). La combinaison de ces éléments débouche sur des ressentis où s'impose, parfois, le choc des contrastes! Deux éclairages sur l'oeuvre verdien viendront en porter témoignage.
Prenons, pour commencer, un jugement récent émis par le baryton Thomas Hampson. Interrogé sur Verdi, dans un magazine spécialisé, cet interprète de Mozart, Wagner, Mahler et...Verdi éclaire la faveur qu'il accorde au maître de l'opéra italien. "Verdi est un événement majeur dans la musique occidentale. Il est, à mes yeux, le compositeur d'opéra le plus proche des émotions humaines. Chez lui, l'enveloppe métaphorique propre à l'opéra se déchire et la musique prend des droits nouveaux." La louange est appuyée, le propos argumenté! Notre homme poursuit dans la même veine:"...Macbeth marque un véritable mouvement tectonique dans l'histoire de la musique. Le rapport entre les mots et la musique change radicalement et l'impact émotionnel de leur alliance également."
La réflexion musicologique exprimée, ici, par une personnalité dont la destination première consiste à traduire des partitions m'a renvoyé, en creux, à un autre article de magazine. Son contenu, "oeuvre" d'un musicologue par vocation, m'avait, en son temps, atterré, en raison-même de son indigence de perspective.
Début 2001, un homme de plume autorisé (?), Jacques Drillon, troussait un brûlot anti-verdien selon une méthode où la malhonnêteté le disputait à la liberté d'opinion du critique. Dans le "sillage organique" de la princesse Metternich, monsieur Drillon intitulait son article: "Verdi, la musique à l'estomac"...(Le ton était donné!)
Après avoir énoncé, sans frémir, que les auditeurs intéressés par la musique méprisaient Verdi, que "le théâtre, Verdi l'ignore à fond", notre avocat général multipliait les saillies psycho-physiologiques de basse extraction. On apprenait ainsi que les verdiens convaincus pâtissaient "d'une tache sur les yeux" et souffraient d'une "nostalgie enfantine" à tendance anale! Pour finir, le zoïle assurait que, "bourgeois ou prolétaires", les verdiens se retrouvaient "unis dans une même érection"...
Dans la revue Etudes, Elizabeth Giuliani était l'une des seules voix à réagir contre cette "invective sans complexe" de Jacques Drillon. Elle n'hésitait pas à fustiger un véritable "racisme" utilisé par une certaine intelligentsia (française!) pour traiter de la création verdienne. Au cours du XXe siècle, cette attitude a pu trouver en Debussy et en Boulez des porte-voix influents.
En revanche, il est heureux qu'un Dukas et un Poulenc aient su conserver leur objectivité et donner à Verdi une juste place, hors des parti pris et autres aveuglements. Peut-être se souvenaient-ils de l'envolée d'un Bizet qui concluera utilement cette contribution.
"Quand un tempérament passionné, violent, brutal-même, quand un Verdi dote l'art d'une oeuvre vivante et forte, pétrie d'or, de boue, de fiel et de sang, n'allons pas lui dire froidement: "Mais, cher monsieur, cela manque de goût, cela n'est pas distingué!"
Est-ce que Michel-Ange, Homère, Dante, Shakespeare, Beethoven, Cervantes et Rabelais sont distingués? Nous faut-il donc du génie accomodé à la poudre de riz et à la pâte d'amandes douces?"

Notes :
* Cette rhétorique de l'odeur a des relents plutôt détestables et nous constaterons, par la suite, que ce recours au physiologique reste un refuge aisé pour "justifier" les reproches faits à Verdi...
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MARGINALITES ET REBELLIONS (quatrième partie)

3) L'art envers et contre tout
Eveilleur ou porte-parole de son temps, l'artiste espère et prétend être lu, vu ou entendu par ses semblables. Ses moyens d'expression lui appartiennent. Les contenus véhiculés, censés entrer dans le champ public, rencontrent les regards croisés du peuple, de la critique et, au préalable, de commissions autorisées à juger de la pertinence idéologique, éthique, voire formelle des oeuvres. La censure occupe alors la place que le pouvoirs lui confèrent. Il s'agit de peser, si nécessaire, sur la présentation et la diffusion des ouvrages d'art.
Les censeurs ont tranché (tranchent encore!) au nom d'usages et autres préventions, étrangers à la liberté de l'artiste mais soumis au "bon ordre" du réel. Combien de créations ont ainsi été bâillonnées ou dévoyées par les gardiens d'orthodoxies omnipotentes? Gagner sa pleine indépendance est resté, pour beaucoup d'artistes, un combat, souvent inégal, contre le conformisme et les peurs des responsables institutionnels.
Verdi a pris toute sa place dans cette légion de combattants. Lui, que Berlioz décrivait en "homme très fier, très inflexible" ne pouvait rester placide lorsqu'une intervention extérieure (quelle qu'elle soit) contrariait ses projets ou ses réalisations artistiques.
L'évolution en saccades du processus d'unité italienne n'a pas été étrangère à l'instauration de secteurs de surveillance (dont la censure) dans les territoires de la péninsule. De 1815 à 1861, la carte de l'Italie ressemble à une mosaïque de royaumes et de duchés. Les politiques appliquées vont d'un absolutisme obtus à un libéralisme suspicieux! Jusqu'à la naissance du royaume d'Italie, de multiples soulèvements, le plus souvent réprimés sans mollesse (!), secouent des régions et des villes du nord au sud de "la botte". ces bouffées d'insurrection accentuent la nervosité des décideurs et la susceptibilité des censeurs.
Rien d'étonnant à ce que les deux épisodes les plus denses mettant aux prises Verdi et les censeurs concernent les villes de Venise et de Naples. En 1850, Venise - occupée par les Autrichiens - est une terre effervescente, placée sous haute surveillance.*Dans ces mêmes années 50, Naples, capitale du Royaume des Deux-Siciles, est dirigée, d'une main de fer, par un Ferdinand II vieillissant. Le climat y est bouillonnant: pour preuve l'attentat à la baïonnette, fomenté, en 1856, contre le roi (Il Re bomba!). Deux ans plus tard, à la lecture du livret du futur Ballo in maschera, la censure n'aura pas oublié cette tentative de régicide...
Pour l'heure, revenons en 1850, dans la cité des doges où la Direction générale de l'Ordre Public examine, outrée, le livret intitulé La Maledizione.**Verdi est censé mettre ce texte en musique pour une création prévue à La Fenice. La censure déplore que poète et compositeur aient choisi "un sujet d'une immoralité aussi rebutante et d'une trivialité aussi obscène". Autant dire que "la maledizione"...frappe Verdi avant même d'atteindre le bouffon du drame! Le livret incrimoné est encore loin de se métamorphoser en Rigoletto. Les échanges épistolaires entre Piave (missionné sur place par Verdi), la direction de La Fenice et le Maestro ne manquent pas de pugnacité. Verdi ne ménage pas sa morgue, tout en soignant la pertinence de ses argumentations. Le but consiste, pour lui, à amener chacun dans son propre camp!
Peu avant Noël 1850, le président de La Fenice reconnaît "le caractère irréfutable" des réflexions de Verdi, mais le changement de lieu et d'époque est incontournable, pour les autorités. Un temps, le livret s'intitule Il duca di Vendôme, puis, de fil en aiguille (que de coups d'aiguille!), on arrive à Mantoue et de Triboulet, on invente...Rigoletto.
Par un entêtement toujours justifié, Verdi a évité que l'on dénature l'originalité des caractères et les rapports qu'ils entretiennent. Il a su imposer son exigence artistique à la face de fonctionnaires frileux et castrateurs. "Ma musique, bonne ou mauvaise, je ne l'écris pas au hasard et (...) j'essaie toujours de lui donner un certain caractère." En écartant son langage musical de la tentation du divertissement, en installant son oeuvre dans un contexte de nécessité, Verdi donne à son art ses lettres de noblesse. Du même coup, il s'arroge le droit de requérir la reconnaissance due à ses notes et, corrélativement, à lui-même.
Pour Verdi, l'artiste, avec sa part de marginalité, a vocation à s'ériger en rouage de la société. A cela, une condition: être compris, non comme un amuseur ou un provocateur, mais comme un moteur culturel, critiquable, certes, mais prioritairement respectable. Dès que les fourches caudines de la censure bafouent ce principe de sagacité allant de l'oeuvre à l'auteur, celui-ci doit réagir. Verdi n'entend pas concéder à des administrateurs une compétence artistique que, par fonction, ils ne possèdent pas. Au moment de "l'affaire Rigoletto", l'artiste-Verdi n'hésite pas à questionner: "pourquoi en sauraient-ils (...) plus que moi-même?". Puis, droit sur sa lyre (!) et sûr de son fait: "Qui peut se mettre à ma place?"
Avant de se mesurer avec les moralisateurs napolitains, Verdi connaîtra les ratiocinations des censeurs pontificaux lors de la création d'Il Trovatore à Rome. Pour La traviata, de nouveau à Venise, les costumes contemporains seront bannis au profit d'aberrants vêtements Louis XV... Malgré une farouche résistance, des concessions auront été le lot de ces tractations - qui, au nom du "bon goût", qui, en vertu de la vérité artistique!
En 1858, à Naples, l'empoignade va prendre une autre tournure et devant l'obstination du souverain, l'artiste ne perdra pas la face, loin s'en faut. Verdi arrive à Naples en janvier 1858, le jour même où Felice Orsini tente d'assassiner Napoléon III qui se rendait...à l'Opéra - fortuite mais insolite synchronicité! Verdi connaît naples (et son roi). Il y a séjà créé Luisa Miller, dix ans auparavant. N'a -t-il pas alors poussé la "politesse" jusqu'à écrire une mélodie édifiante intitulée La patria, en l'honneur de Ferdinand II? La partition a été retrouvée, assez récemment, dans les archives du Conservatoire de Naples. Chez Verdi, le discernement politique n'a jamais compté parmi ses aptitudes de peédilection.***Cette Patria apporte une illustration de sa naïveté en la matière, un gage de son opportunisme, pourraient prétendre des esprits mal (?) intentionnés!
Le livret du Ballo in maschera - adaptation du Bal masqué de Scribe - met notamment en scène un régicide, celui dont Gustave III de Suède fut victime au cours d'un bal costumé. Très tôt, la censure vida de son sens cette "impossible" Vendetta in domino, titre originel donné à l'ouvrage. On alla jusqu'à lui attribuer un nouveau titre, basé sur des scènes inédites...Ainsi "mutilé" (le qualificatif est de Verdi), le livret ne pouvait satisfaire notre musicien. Sa révolte devenait inéluctable. Pendant quatre mois, l'affrontement fut sans concessions et, in fine, le procès s'avéra inévitable. En fin de compte, Verdi fut autorisé à rompre le contrat, sans dommages et intérêts. Il alla créer l'oeuvre à Rome, l'année suivante en acceptant que l'action passe de Suède à Boston! Le succès de l'opéra, jamais démenti depuis, apportait une revanche (vendetta!) à son auteyr.
Parmi les observations écrites par Verdi au plus fort de la controverse avec l'administration napolitaine, figure une phrase où il affirme son autonomie d'artiste. "Un maestro qui respecte sonart et lui-même ne peut pas se déshonorer en acceptant de mettre en musique ces bizarreries qui sont conçues selon un plan tout à fait différent des principes évidents de la dramaturgie et qui outragent la conscience de l'artiste."
Sous d'autres formes, tout aussi contraignantes, Verdi a souffert d'atteintes à la liberté de créer: scènes coupées (pour de contingentes raisons de durée), ballets obligés (pour d'absurdes habitudes extra-dramaturgiques!). L'Opéra de Paris - la "Grande Boutique", aux dires de Verdi - fut la plaque tournante de telles pratiques et Don Carlos, l'une des victimes de cet état de fait.
Visage emblématique d'une Italie en quête d'autonomie, Verdi a expérimenté, dans son parcours esthétique, les entraves, indignations, frondes, rébellions et accomplissements du Risorgimento. A l'instar des artisans de l'unité politique, il a conféré à sa dimension d'artiste unhe coloration prométhéenne, cette manière de défendre la radicalité de son vouloir aux dépens des prépotences.
A cette fin, fallait-il posséder l'envergure et la nature pour défier les briseurs d'absolu. Verdi n'a pas failli à cette gageure, tant son génie a su exalter "la vie des marges" et braver le refoulé...

Notes :
* Le film de Visconti Senso rend compte, à sa manière, de cette situation.
** Il est curieux de noter qu'avant de porter un titre "à visage humain", Rigoletto et La traviata donnaient dans un titrage abstrait: La Maledizione, pour l'un, Amor e morte, pour l'autre!
*** Sa participation aux votes, à la chambre des députés, en a donné une image plutôt réjouissante: il se contentait de regarder Cavour et votait comme son "idole"...
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MARGINALITES ET REBELLIONS (troisième partie)

2) Des caractères à contre-courant
Dans la galerie des "personnages décalés" célébrés par Verdi, Rigoletto et Violetta représentent deux types de cette "marginalité intégrée" à laquelle j'ai déjà fait allusion. Le bouffon comme la courtisane appartiennent à un monde étranger à celui dans lequel ils se meuvent. Toutefois, ils s'y trouvent imbriqués. Leur fonction ne consiste-t-elle pas à apporter sens à une Cour décadente, dans un cas, à une bourgeoisie désoeuvrée, d'autre part? Ici, Rigoletto orchestre la distance qui édifie, là, Violetta dispense le plaisir qui abuse. L'un et l'autre participent du reflet que chaque société se donne d'elle-même. Le marginal est alors révélateur des travers d'un groupe dominant et du malaise d'une époque...
Cette intuition sociologique ne suffirait pas pour dessiner une icône dramatique digne de ce nom. Une fêlure, un dépassement venant perturber le profil attendu du personnage sont, seuls, à même de transformer un rôle en destin. C'est en transgressant leur propre marginalité, en se mesurant à une profonde mise en abyme que Rigoletto et Violetta vont se hisser au rang de caractères.
Pour Rigoletto, l'amuseur, faire valoir ses prérogatives paternelles, revendiquer l'honneur de sa fille auprès du puissant qu'il sert sont autant d'entorses à son statut de bouffon. D'histrion immoral (son état reconnu), il se change en parangon de vertu! L'écart devient rédhibitoire. Le personnage n'obéit plus, il se rebelle; il n'accepte plus, il condamne; il ne fonctionne plus, il existe! Piétinant le masque qui le faisait reconnaître, il se met en marge de lui-même et soulève, sans l'appréhender, les vannes d'un drame qui l'engloutira. (Devenir un mythe de la scène lyrique se paie au prix fort!)
Pour la traviata, la gageure est différente, mais tout aussi périlleuse. Elle qui oeuvre dans les "plaisirs tarifés", elle, dont l'existence s'exonère de toute attache, va espérerconstruire, en pleine sincérité, une relation...durable! a l'aune d'une dialectique mettant en balance hédonisme libertin ("Sempre libera...") etcontrat affectif ("...quell' amor ch'è palpito"), la "dévoyée" va donc s'attribuer le droit d'aimer. En conséquence, elle va convoiter unje respectabilité que sa fonction d'origine lui interdisait. Las! On ne franchit pas ainsi les limites du code bourgeois. Le père Germont sera l'inflexlble exécuteur de cette règle. Il se fera fort d'exiger le sacrifice de l'héroïne, au nom de la moralité familiale. N'y va-t-il pas du maintien d'une (sainte) politique de classe? Chacun à sa place et le pacte social évitera toute secousse risquant de bouleverser une stratification dûment élaborée... Certes, la mort de Violetta engendrera quelques regrets, mais la bourgeoisie aura fait montre de son hypocrisie: sachant jouir des charmes de la demi-mondaine, mais restant sourde à ses aspirations légitimes.
A ce stade, se fait jour une allégorie: celle du rôle de l'artiste dans la société? Dans les trois opéras de la "trilogie populaire", Rigoletto, Manrico (Il trovatore) et Violetta (La traviata) portent, chacun, témoigtnage de cette image. Ils sont marginaux dans leur environnement, leur fonction vise à distraire et à plaire, leur destin vire à la déchéance... On perçoit, là, trois strates typiques de la représentation de l'artiste au XIXe siècle. (Malgré des origines modestes, Verdi, après ses "années de galère", saura faire mentir cette "fatalité" et s'imposer comme artiste et citoyen-phare auprès de tous ses contemporains.)
De part et d'autre de la "trilogie populaire", nombre d'intrigues verdiennes ne sont pas avares en insoumis et rebelles de toute espèce. Tantôt, leur action correspond à un mouvement collectif, tantôt, elle répond à une contestation personnelle. Dans tous les cas, la sédition ou la protestation s'élève contre une autorité, qu'elle soit politique, religieuse, sociale ou familiale.
Dans le cadre politique, on a déjà croisé (cf Verdi et moi) ces pourfendeurs de tyrannie: les Zaccaria, Odabella, Macduff, Procida, Posa, sans oublier les peuples qui, de Nabucco à la scène du Conseil de Simon Boccanegra, veulent espérer en des jours meilleurs et se mobilisent, au risque de la déconvenue. A l'image de Verdi, dédaignant les redites superflues, j'éviterai sue ce sujet toute tentation de redondance et renverrai à mon livre (chapitre 3). Je remarquerai, simplement, l'empathie dispensée pour dessiner ces êtres en discordance avec une ligne dirigeante. Choeurs tendres ou pulsés par une glorieuse énergie, nobles arias où la conviction force l'émotion, cabalettes qui poussent à la "solution immédiate": autant de formes assurées du soutien de Verdi et portées par une teinte (tinta) orchestrale en connivence...
Contre l'autorité paternelle, les fils ont "beau jeu", chez Verdi. Le Rodolfo de Luisa Miller, Alfredo Germont et Don Carlos ont, eux aussi, été évoqués comme "fils rebelles" (Verdi et moi - chapitre 2). Chez eux - on s'en souvient - l'opposition est frontale et tout espoir d'accomodement, vain!
En revanche, l'accomodement concernerait bien le dernier des marginaux verdiens: sir John Falstaff. Lui, cultive sa différence en termes de représentativité. Même désargenté, il, sait mettre en avant son rang (noblesse oblige!) dans ce Windsor bourgeois où il s'est retiré. Ses prouesses "héroïques" sur certains champs de bataille ou ses dévergondages aux côtés d'un futur roi (Henri V) dissocient le Chevalier du commun de ses concitoyens. Pilier d'auberge, affublé de deux valets patibulaires, notre "gros joufflu à barbe grise"* entend damer le pion aux nouveaux riches. C'est en jouant auprès des commères, de ce qu'il croit être son aura de "décadent raffiné" qu'il compte parvenir à ses fins. En fieffé profiteur et en naïf qui s'ignore, il finira "récupéré" par ceux dont il voulait se démarquer. Epilogue peu surprenant dès lors que la marginalité du Pancione opère comme artifice au service de sa mégalomanie! Le temps des héros semble bien révolu. En guise de rébellion s'élaborent, là, des stratégies utilitaires, non dénuées d'égocentrisme et de fatuité. Comme personnage, Falstaff scelle la fin d'une époque. Comme opéra, Falstaff, comédie marginale d'un compositeur "sérieux", se conclut sous les auspices de la poésie et de la concorde - une manière de se déprendre de l'atmosphère du pays en cette fin de siècle.
Esthétiquement, les véhémences du vérisme se profilent. Socialement, se succèdent les vagues d'émigrants. Politiquement, sous l'égide d'un Giolitti, la corruption devient une alliée du libéralisme. Peu à peu, le fascisme pourra s'insinuer puis imposer sa violence et sa présomption.
Cela reste une autre histoire et il s'avérerait plus qu'aventureux de tenter un parallèle entre Falstaff et...Mussolini! Je m'en garderai bien...


(à suivre)

Notes :
* Ce trait provient de la plume de Théophile Gautier.
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MARGINALITES ET REBELLIONS (deuxième partie)

1) L'indépendance à tout crin
"Le seul but de cette longue lettre, c'est de revendiquer ma liberté d'action comme chacun en a le droit et parce que mon tempérament se révolte à l'idée de me comporter comme les autres..." Dans cette conclusion de la missive, partie de Paris et adressée, en 1852, à son beau-père Antonio Barezzi, Verdi ne déroge pas à sa réputation! Il s'appuie, de concert, sur son droit et sa nature pour mieux afficher son besoin d'indépendance. La revendication se situe à une période où Verdi abrite, à Busseto, une femme non mariée, connue pour avoir eu une "vie antérieure" quelque peu agitée: Giuseppina Strepponi.* Ex-cantatrice, elle vit discrétement auprès de la célébrité locale et sa présence perturbe les convenances de la population. Face à cette pudibonderie non exempte de malveillance, Verdi éructe! Au coeur de sa lettre d'indignation, il questionne Barezzi - père respecté de sa première femme décédée alors depuis plus de dix ans. "Quel mal y a-t-il que je vive dans l'isolement? A ce que je m'arroge le droit de ne pas rendre visite aux gens titrés? A ce que je ne partage pas les festivités et les joies des autres?"
Ce rejet du mimétisme, cette proclamation d'insoumission renvoient l'image d'un Verdi, sinon sauvage, du moins intransigeant en matière d'auto-détermination. Ce, au risque de froisser les coutumes admises, de porter atteinte aux politesses et autres afféteries d'une petite société tenant à pérenniser ses codes.
Verdi ne se réfère à aucun calcul en requérant sa marginalité. Il se contente de réclamer, de manière un peu brusque, le respect dû à sa conduite, dès lors, précise t-il, que "cela ne fait de mal à personne." Certes,dans un bourg de province du XIXe siècle où le savoir-vivre passe par d'incontournables conformités, où "l'enfant du pays" est considéré comme appartenant à tous, tout écart de comportement ne laisse pas indifférent! Au regard de cette situation, Verdi, imperturbable, conservera son quant-à-soi: "Que voulez-vous? Ma tête n'est pas toujours d'accord avec celle d'autrui!"
Sans être outrancièrement scandaleuse, la vie privée de Verdi a connu quelques épisodes où la liberté d'aimer du Maestro a bousculé des usages et offusqué des confiances... C'est plus volontiers dans le cadre de son statut culturel que Verdi ne s'est guère fait faute de clamer ses idées au risque, assumé, de se placer en décalage avec le conformisme des attentes et des habitudes. Sa marginalité n'a rien d'iconoclaste, elle ne procède d'aucune doxa anarchisante, d'aucune posture mondaine ou de toute autre construction de façade. Ni théorique, ni cosmétique, sa différence se source et prospère au creux de loa nature de l'homme, des conflits qui l'animent et de la sincérité qui l'habite. Dans de nombreux cas, l'écart pris vis à vis de l'opinion commune exprime les contradictions inhérentes à une personnalité tourmentée. Comme si, en premier lieu, Verdi était le marginal de lui-même...Qu'on en juge!
Se référant souvent, au nom de ses racines familiales, à son fond paysan, il ne se comporte pas moins en grand bourgeois possédant et omnipotent en son domaine de Sant'Agata. Si sa notoriété musicale le place parmi les célébrités de son pays et lui laisse libre parole (artiste oblige!), sa fortune le positionne dans un establishment peu enclin aux contestations et autres dissidences...
Lorsque les autorités de Busseto aménagent un théâtre en son honneur et à son nom, Verdi tourne les talons et ne participe pas à la cérémonie d'inauguration!** Pour éclairer ce comportement, on pourrait, certes, arguer de vieilles rancunes à l'endroit de Bussétains qui n'ont guère ménégé "leur" musicien à l'époque de sa cohabitation avec la Strepponi. Baste! Le "Teatro Verdi" ouvre ses portes plus de quinze ans après ces événements, après la fameuse lettre à Barezzi. Raisonnablement, Verdi eut pu se montrer reconnaissant et considérer que l'initiative des édiles locaux portait valeur de pacification. Que nenni! La marge resta plus convaincante qu'une bienpensante indulgence ou même une courtoisie de circonstance...
Dans une démarche voisine, il rejeta des propositions: celles de diriger des institutions musicales et, plus tard, il déclina la possibilité d'être anobli. Pour justifier ce dernier refus, émanant de la famille royale, Verdi entonna une ritournelle éprouvée: "Io son un paesano!". Le recours à la plèbe au secours d'une indocilité majeure! L'allégation ne manque pas de rouerie lorsqu'on sait que le "paysan" passait tous ses quartiers d'hiver dans un somptueux palais génois!***
L'une de ses ultimes entorses à "l'ordre des choses" concerne...ses funérailles. Le grand homme demende une cérémonie des plus modestes. "Pas de musique ni de chants; aucun des rites habituels", mentionnent les volontés de celui qui fut l'emblème lyrique de la très catholique Italie!
Jusqu'au terme de son parcours, Verdi parasite ses "dehors seigneuriaux" par des touches de réserve semblant valider la (fausse?) modestie du personnage. La dialectique janusienne est à l'oeuvre, la gageure consistant à vivre authentiquement chaque visage et, in fine, à s'assurer la plus complète autonomie, hors de tout conformisme ou d'un semblant d'influence.
Rester soi avec ses complexités, à l'épreuve des conventions: voilà bien le subtil pari que Verdi mena à bien au fil de sa longue vie!

(à suivre)

Notes :
* Elle ne deviendra madame Verdi que sept ans après la rédaction de la lettre à Barezzi!
** Il fit pourtant un don pour aider à la réalisation du bâtiment!
*** Verdi occupa, d'abord, deux étages du Palazzo Sauli di Pallavicino, puis, dès 1877, la Villa del Principe où fut apposée, en 1901, une plaque en hommage au "prince des harmonies italiques".
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MARGINALITES ET REBELLIONS (première partie)

Citation :
"Il n'y a de vie que dans les marges"
(H. de Balzac)

Ce texte pourrait servir d'additif, de nouveau chapitre à une éventuelle édition augmentée de mon livre "Verdi et moi". Dans ce cas, (pour les possesseurs de l'ouvrage), il prendrait place après l'actuel chapitre 3. Pour des raisons techniques, cet ajout sera présenté, ici, en quatre parties distinctes

Assumer sa "socialité" tout en revendiquant pleinement sa singularité représente un enjeu où l'homme engage sa qualité de citoyen. De fait, ce double mouvement ouvre grand deux portails: la fraternité (être avec) et la liberté (être soi). Ces principes conjoints, gravés dans le marbre de nombre de nos démocraties modernes, n'ont pas toujours inspiré les sociétés humaines, loin s'en faut! (1) Dans certains contextes socio-politiques, faire valoir sa différence, avancer sa vision personnelle ont été (sont!) perçus comme autant de dérangements, voire de possibles offenses à l'égard des pouvoirs en place.
Au nom-même du pouvoir créateur qui les fonde et en vertu de "l'emprise vénusienne" dont leurs oeuvres se réclament, les artistes ont souvent entretenu la méfiance des puissants. Le "trop plein d'être" transmis par l'artiste peut devenir une menace au maintien de la docilité publique, une gêne pour une gouvernance par trop monolithique! Alberto Moravia a bien rappelé que "dans tous les cas, l'autonomie de l'art n'a jamais été donnée, mais conquise et parfois chèrement." (2)
Ce qui est vrai pour l'art peut toucher à d'autres activités humaines: philosophie ou sciences. De Socrate à...Chostakovitch, en passant par Galilée ou Baudelaire, que d'oeuvres et de recherches repoussées ou condamnées au nom d'un consensus social, d'une bienpensance faisant autorité! La complexité réside dans le fait qu'une marginalité consommée reste impensable sans une immersion dans le flux des idées de son temps.
Telle est bien, par exemple, la subtile problématique à résoudre par l'artiste. Pour être entendu (sinon reconnu), il ne peut faire fi des conditionnements de son époque et, afin de développer librement les expressions de sa fantaisie, il est souvent entraîné à se situer dans le hors champ des us et coutumes dominants. Dedans et dehors, parmi et à part, associé et solitaire, autant de paradoxes (voire d'apories) qui mènent l'artiste à progresser tel un funambule...
Dans cette posture, certains, ne pouvant supporter d'entraves à leur liberté de créer, se heurtent aux rigueurs de la censure, voire au rejet du corps social... D'autres, plus pondérés, plus conformes, conservent leur équilibre en s'adaptant aux contraintes de leur environnement ou en cherchant à plaire au plus grand nombre! Du jusqu'au boutisme d'un Villon ou d'un Jean Genêt aux sereins accomodements d'Haydn ou de Rossini se dessine une gamme d'attitudes, fruit du contact d'un tempérament avec un conditionnement historique.
En un XIXe siècle largement moralisateur, dans une Italie instable, aux susceptibilités politiques longtemps avivées, Verdi s'est confronté au dialogue complexe de la règle et de la marge. Homme, il s'est trouvé "en délicatesse" avec des jugements moraux visant à porter atteinte à sa liberté d'individu. Créateur, il a inclus, dans son oeuvre, des situations et/ou des personnages aptes à nourrir une thématique de la rébellion. Partant, certains censeurs sourcilleux se firent forts d'intervenir...
Les conflits d'autorité ne pouvaient alors être évités tant Verdi attribuait valeur morale à l'intransigeance de son tempérament. Lorsqu'acculé, non sans rugir, à concéder quelques changements, Verdi veilla toujours à ne pas sacrifier le "noyau dur" de son message musico-dramatique. Changer un nom ou un environnement, passe encore! Transformer un caractère et son destin, jamais! Peu dépendant du poids de l'Histoire et de la "psychologie du lieu", l'humanisme de Verdi se réfère toujours à la radicalité de l'Etre.
La propre exigence de vérité de l'homme-Verdi, à l'image de celle de ses créatures, laissera, une fois encore, apprécier, chez lui, l'évident enlacement de l'imaginaire et du vécu.
(à suivre...)

Notes :
(1) Au XXIe siècle, certaines communautés rechignent encore à admettre la compatibilité des exigences collectives et des expressions individuelles...
(2) L'homme, p. 156. Traduction C. Poncet, Ed. Flammarion (1965)
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Si on riait un peu...

Qu'Alma Mahler devienne source de drôlerie pourra paraître saugrenu à qui connaît la vie et les écrits de la "Grande veuve".(1) A priori, sa stature et sa personnalité ne prêtent guère à sourire, moins encore à rire, sauf, bien sûr, à caricaturer son attitude (ce que, par convenance, j'éviterai, ici!).
La raison pour laquelle Alma est venue m'inspirer un propos comique tient dans la lecture d'un de ses jugements, doctement asséné, dans sa biographie: Ma vie. Je présume que, passé l'effet de surprise, le lecteur saura partager mon amusement.
" Brahms et Verdi sont, en quelque sorte, les inventeurs involontaires du jazz. Tous deux utilisent le contretemps dans la musique, préfigurant ainsi les rythmes noirs. Chez Verdi, c'est particulièrement remarquable, car c'est l'opposé de l'art mélodique italien."
La prédilection d'Alma pour le Champagne et la Bénédictine est connue. Aurait-elle influer sur la perspective esthétique de Frau Mahler? Je ne trancherai pas mais soulignerai, non sans jubilation, qu'importe la coupe pourvu qu'on ait l'ivresse! Faut-il qu'Alma se prévale de sa célébrité pour déposer, sans sourciller, pareilles coquecigrues! Par ailleurs, la liberté (licence?) d'opinion flirte, ici, avec une curieuse incompétence - la syncope étant confondue avec le contretemps...
Au delà, la possible parenté de Brahms avec un Scott Joplin ou le rôle pionnier tenu par Il trovatore vis-à-vis du be- bop laissent...sans voix! Du coup, la pensée d'Alma entre (même involontairement...) dans l'univers des Marx Brothers. Imaginer le Requiem allemand ou les Quatre pièces sacrées comme annonciateurs du gospel ouvre à d'improbables représentations. Quand l'inouï rencontre le burlesque!
Que pouvait penser Franz Werfel, connaisseur avisé de Verdi (2), de la "perception jazzy" appliquée, par son épouse (3), à l'un de ses musiciens fétiches? J'espère qu'en l'espèce il pouvait compter, comme antidote, sur un inoxydable sens de l'humour...
En cette année du centenaire de la mort de Gustav Mahler, qui osera avancer que sa musique, loin de refléter la culture Mittel-Europa, annonce, par la souplesse de ses mélodies et la sensualité de sa forme, l'avénement...du reggae? Certes, Alma n'a pu envisager cette trajectoire stylistique mais nul doute que la prodigalité de son imaginaire n'aurait pas su résister à tel prodige!
Grande dame de l'hétérodoxie et de la transgression réunies, Alma aura su souvent tremper sa plume dans le curare et, parfois, (à son insu!) dans une liqueur bigrement hilarante.
Prosit, madame!

Notes :
(1) Appellation mi-admirative, mi-moqueuse donnée par Thomas Mann!
(2) Auteur du bel ouvrage Verdi, le roman de l'opéra et propagateur de la Verdi-Renaissance dans les années 1920.
(3) Franz Werfel fut le troisième mari d'Alma.
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VOIES D'OPERA

Citation :
"...cette envoûtante cohérence de l'irréel..."
K. Ringger

"L'opéra est peut-être le seul genre esthétique qui soit capable d'exprimer dans toute leur puissance, sauvage et compulsionnelle, les conflits, les fantasmes qui composent notre structure psychique." (1)
Ah! la fascinante impudeur du chant d'opéra! Au risque du "cri d'avant", là où les sortilèges de l'invraisemblance engagent dans les contrées du "ça"...
"Pour aimer l'opéra, il faudrait se faire une âme d'enfant."(2) Le lien opéra/enfant tient au sens du merveilleux propre au psychisme enfantin. Il n'est pas non plus étranger au rapport de l'enfant avec le chant comme composante de son vécu émotionnel. Cris, clameurs, libres vocalisations ont constitué ses (nos!) premières expériences vocales. L'avénement du langage ne parvient pas à bâillonner "l'action mélodique". Peu à peu (hélas!), la pesanteur sociale va induire la suprématie du logos parlé sur le pathos chanté!
La jouissance de l'opéra passe certainement par cette re-trouvaille, cette re-connaissance du couple perdu chant/paroles.
Par delà, considérons les thèmes opératiques, ces arguments "puérils" où se croisent des rois, des reines, des princesses, sorcières, gnomes, dragons... Oui, l'opéra, comme le conte, procède du merveilleux et, conjointement, de l'outrance.
"Tout opéra tend vers le mythe".(3) De fait, tant d'opéras se nourrissent de mythes, s'enivrent à la source des commencements. De ses origines (Orfeo) jusqu'à nos jours, l'art lyrique a quasi-systématiquement cherché ses sujets dans un obscur passé. Les noces de Figaro et La traviata représentent deux exceptions fameuses à ce rituel de la non-contemporainéité. L'Antiquité (la mythologie) et le Moyen-Age ont constitué des "temps perdus" maintes fois recherchés par librettistes et compositeurs. Comme si l'opéra, par le choix de ses arguments, ne s'identifiait pas directement avec les thématiques de son époque, mais allait à leur rencontre au terme d'une plongée dans un paradis perdu: l'Enfance de son Temps!
L'oeuvre de Wagner est, à ce titre, fort édifiante. La mise en scène de La Tétralogie par Patrice Chéreau ne (dé)montre-t-elle pas que Wagner a pu analyser sa société à travers un modèle métahistorique, issu de récits mythologiques élaborés sept siècles auparavant?
"...de L'Or du Rhin à l'éclat phallique du petit Hans, c'est une même quête du Graal qui met en mouvement le sujet, en quête de l'objet perdu de l'origine." (4)
Dès lors, l'opéra ne résonne-t-il pas tel l'en-chantement d'une trame lointaine et intime, ne panse (pense!)-t-il pas, pour nous envoûter, des blessures vaguement reconnues? Le chant lyrique (re)façonnerait ainsi une histoire secrète: la nôtre!

(1) Dominique Fernandez, Le promeneur amoureux, Plon, 1980, p. 101.
(2) D. Fernandez, op. cit., p.99
(3) René Leibowitz,Les fantômes de l'opéra, NRF Gallimard, 1972, p. 34.
(4) P-L. Assoun, Corps écrit, PUF, 1986, p. 76.

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De la parole au chant <em>L'intime de la voix</em>

Ce texte est le fragment d'un article paru dans le n° 53 de la revue associative "Archipel"

La voix, image de soi
Notre voix se réfère, le plus souvent, à deux fonctions essentielles. L'une plaide pour la rationalité: la parole. L'autre fait entrer dans la musicalité: le chant. Dans un cas comme dans l'autre une constante prévaut: la couleur, le timbre de la voix émettrice, ce qui lui donne son caractère, ce qui, en somme, la rend reconnaissable - propre à l'intériorité de l'individu. Cette "identité vibratoire" est à même de traduire nos ressorts intimes. En proximité d'un être connu, mais privé de sa vue, nous n'hésitons guère à avancer: "J'ai reconnu ta voix!"* Autrement dit: "Le son de ta voix m'a assuré de ton intime présence". A l'inverse, mais dans la même logique, Proust écrivait à sa mère: "Tu n'as pas été la même hier au téléphone. Ce n'est plus ta voix?" De fait, la voix nous révèle. Par son rythme, ses accents, son grain, elle expose, pour qui sait écouter, la vérité du locuteur, son unicité. Les imitateurs, par la seule pertinence de leur simulation vocale, ne réussissent-ils pas à donner corps à leurs modèles? Dominique Bertrand n'hésite pas à fonder la voix comme "union intime du corps, du coeur et de la spiritualité".

Un interprète profond: le chant
Si parler entre dans la norme de la communication rationnalisée, chanter se situe à un autre niveau. Dans un cas, la voix porte sens, dans l'autre, elle se fait son. Ici, elle se lie aux codes sociaux, là, elle exprime notre part dionysiaque. Du langage de raison, l'on pénètre dans la langue du désir... Pour parler, il suffirait de le vouloir. Pour chanter, il faudra l'oser, oser se dévoiler, oser offrir son "intime vibration". (Que de prétextes n'entend-on pas pour éviter de "se laisser aller" à chanter?)
Chanter "parle" de nos pulsions (parfois) enfouies, renoue avec ce temps d'enfance où vocaliser était "naturel", accompagnait les rêveries, intimait des envies! Dans l'imaginaire, le chant ne se contente guère de représentations tempérées. Il se réfère, sans transition, aux créatures éthérées (les anges) ou aux êtres séducteurs et maléfiques (le chant des Sirènes). Le chant s'entend selon un axe vertical alors que la voix parlée assurait l'horizontalité...
Populaire ou lyrique, avec ou sans micro, le chant, venu du dedans se projette au dehors. L'intime promis à "l'extime"; le chant comme offrande et don d'une secrète résonance. Pas de hasard à ce qu'André Tubeuf distingue dans le chant "l'âme en acte - l'âme prise sur le fait". Le plaisir du chant nous transporte bien vers une spiritualité intimement humaine, là où le souffle se fait mélodie, où le corps s'enivre du plus bel alcool: l'Art!

Notes :
*Alors même que, parfois, l'on rencontre difficulté à reconnaître sa propre voix enregistrée! Apparent paradoxe indiquant que la connaissance de soi reste une quête de tous les instants...
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Précision et complément

"Verdi et moi" tel qu'en lui-même

L'ouvrage "Verdi et moi", tel que publié (avec mon accord) par L'Harmattan ne correspond pas, tout à fait, à la mouture originelle que j'ai mise au point. De fait, celle-ci incluait une centaine d'exemples musicaux venant expliciter mon propos et treize planches illustrées propres à apporter quelque apport coloré au "dialogue du noir et blanc" de l'écrit!
Des raisons techniques et des considérations de droit m'ont amené à opter pour la version a minima telle qu'elle figure dans le livre édité.
Si des curieux désiraient, toutefois, prendre connaissance de ce manuscrit (en version Word), ils peuvent me contacter. Je pourrai alors leur adresser, à titre personnel, et selon des modalités restant à définir, copie (de prêt) de ce corpus intégral.

Signature :
G. Royer

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