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Culture Eté 47 : un livre sur le Brest d'après-guerre

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Brest. "Été 47, les derniers jours du cargo Ocean Liberty" : un roman rattrapé par l'actualité

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"Été 47" : le Brest d'après-guerre comme décor du premier roman de Guy Berrou

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Brest. Guy Berrou publie son premier roman "Été 47"

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Le Breton entre terre et mer : le port de commerce de Brest Une chronologie du développement portuaire depuis 1860

Citation :
Institut universitaire européen de la mer : université d'été " Mer et éducation " 2017

Point singulier du littoral, le port est couramment défini comme un abri, également comme un lieu aménagé dans le but de faciliter l'embarquement et le débarquement du fret ou des passagers. Il se projette donc par destination au-delà des mers, par les liens maritimes qu'il souhaite tisser, et se situe par nature entre terre et mer, façonnant la géographie et créant parfois ex-nihilo des espaces nouveaux. C'est ce que nous pouvons voir au travers de l'exemple du port de commerce de Brest, de la chronologie aux ressorts de son développement. Le port civil de Brest, bâti hors Penfeld depuis 1865, offre en effet un bel exemple d'aménagement portuaire entièrement gagné sur la mer, puisqu'il occupe aujourd'hui un espace d'environ 3 km2 - à rapporter aux 48 km2 de la ville de Brest.

Fondée sur un principe classique de dragage des bassins et de mise en dépôt des produits de dragage, sa construction a offert au fil du temps un nouvel espace-quartier, véritable terrasse posée entre les falaises granitiques du plateau du Léon et la rade. Ces travaux, comme de nombreux grands projets restés lettre morte au cours du XXème siècle avaient bien pour vocation de projeter la pointe bretonne au-delà des océans, jusqu'à impliquer, comme en 1910, la région entière dans le concept de "Bretagne-Transatlantique". Limité cependant par un arrière-pays péninsulaire, son développement ultérieur tentera constamment de tirer parti d'une position géographique avancée, en frange de routes maritimes majeures.
1 Un espace gagné sur l'eau, par phases successives

Période 1 (1860-1879 : le port de Porstrein ou port Napoléon)





Brest n'est pas une place portuaire commerciale ancienne. Comme le souligne l'écrivain Auguste Dupouy en 1922," le Brest médiéval, c'est essentiellement un mouillage sous une forteresse". De nombreux ports d'estuaire : Lanildut, Le Conquet, Douarnenez, Goyen, Loctudy, Tréguier, Pont-l'Abbé, Quimper… et d'autres suffisent, même s'ils nécessitent l'échouage, à traiter le commerce de la péninsule bretonne et ses navires de modeste tonnage. La Penfeld est alors un fleuve côtier de quatre kilomètres aux rives abruptes, qui ne se prête guère à la communication routière et à l'acheminement routier de marchandises. Avec la création de l'arsenal en 1631, Brest sera donc avant toute chose un port militaire. Les aménagements réalisés pour la base navale et l'arsenal intègreront longtemps le port marchand et la fonction commerciale, c'est-à-dire l'acheminement de vivres et de matières premières. Deux quais, le quai Tourville côté Brest, et le quai Jean Bart côté Recouvrance accueilleront jusqu'en 1865 les navires de commerce dans l'embouchure de la Penfeld. L'activité de l'arsenal s'intensifiant, la situation n'est pas satisfaisante pour l'Amirauté, une superposition de fonctions étant rarement fonctionnelle en matière portuaire. Nous voyons donc apparaître, du côté des militaires avec un projet de l'ingénieur Blondeau en 1769, les premières esquisses pour la création d'un port de commerce distinct de la Penfeld. Elles s'échelonneront jusqu'au milieu du XIXème siècle, constituant la genèse du port de Porstrein, jusqu'à rencontrer la volonté d'hommes déterminés à créer à Brest, dans le grand mouvement d'aménagement du territoire que porte le second empire, un port non pas seulement fait pour décongestionner le port de guerre, mais qui porte déjà une véritable ambition corrélée au rail : la création d'une ligne de paquebots transatlantiques.
La brique initiale, le port de Porstrein ou port Napoléon, se crée hors Penfeld dans le contexte de la mondialisation des échanges du XIXème siècle et de la modernisation conséquente des ports durant le second Empire. Un port de commerce moderne en eau profonde se construit en effet de 1860 à 1879 dans l'anse naturelle de Porstrein. Sa réalisation mobilise les techniques les plus modernes du génie maritime, alors en pleine évolution : dragues à vapeur, blocs de quais préfabriqués. L'objectif de ses promoteurs : obtenir l'escale transatlantique sur la ligne Le Havre-New-York. L'escale existera bien entre 1865 et 1874, mais elle est perdue en 1874. Le "port de vitesse" ainsi créé - pour reprendre le terme alors en usage, va cependant entretenir longtemps le rêve d'un très grand port transatlantique européen.
Période 2 (le port du Tritschler et la zone de réparation navale : 1873…1960)


Le premier port de réparation (à l'échouage) de Joseph Tritschler créé en 1870 au-delà du port de Porstrein, et l'actuel giratoire "du Tritschler" qui, à peu près au même niveau en entrée de ville, donne aujourd'hui le premier accès au port. Le site va s'étendre jusqu'aux années 1960, période à laquelle la forme de radoub n°2 (1968), puis la forme n°3 (1980) donnent une dimension nouvelle aux installations de réparation navale civile.
Période 3 (1930-1939)





La jetée de l'est, ici figurée à gauche sur l'atlas des ports maritimes de 1879, se dote en 1917 d'un appontement réalisé par les ingénieurs de l'armée américaine, puis d'un quai en eau profonde dans les années 1930. La jetée s'épaissit, et devient progressivement le môle de l'est, une étape préparatoire à la poursuite de la poldérisation, après la seconde guerre mondiale.
Période 4 (1950-1962)






Au sortir de la 2ème guerre mondiale, avec la reconstruction et le lent rétablissement de l'économie, le port commence à regarder vers l'Est. La création d'un terminal d'éclatement charbonnier et la réinstallation de la base des navires câbliers justifieront dans un premier temps une extension modérée, sur environ 12 ha, de la poldérisation dans cette direction. La photo de gauche montre le terminal charbonnier en service vers 1963 ; lorsque nous passons aujourd'hui sur l'avenue de Kiel pour venir vers la ville, il faut l'imaginer sur notre gauche, sur la droite l'ancien "bassin du gaz" (ou "bassin des yachts") et le petit port de Poullic Al Lor, comblés lors de la poldérisation de 1976.
Période 5 (1962-1968)

Nous en venons aux grands travaux d'après-guerre : La zone industrielle portuaire de 58 ha, la 2ème forme de radoub conçue pour les grands pétroliers de la Shell. La première phase du port de plaisance du Moulin-Blanc est faite sur une partie de ces surfaces. En France à cette période, l'Etat promeut de telles zones, afin de renouveler le tissu industriel des secteurs de la métallurgie et de l'énergie notamment. A Brest le projet fait écho aux ambitions affichées en 1948 par Georges Lombard, président de la CCI : "Notre port devra être avant tout une zone industrielle, l'important n'étant pas de plaire aux yeux, mais de procurer du travail aux ouvriers, de rendre service aux usagers, en contribuant à la richesse de notre ville, de la région et du pays.". Ce faisant, l'anse et la plage urbaine de Saint-Marc sont sacrifiées dans le mouvement de poldérisation...
Période 5 (1976-1980)





La dernière grande extension, titanesque, se fait dans la perspective de l'entretien de pétroliers géants de 500 000 t, et dans le cadre d'un plan de relance de l'économie décidé par le président Pompidou. La forme de radoub n° 3, longue de 420 m est réalisée, et les sédiments de dragage composent un polder d'environ 100 ha devant la pointe de Kerangal. Ces surfaces vont permettre l'extension du port du Moulin-Blanc, l'installation d'Oceanopolis, et aujourd'hui la construction du terminal dédié aux énergies marines renouvelables.

2 De 1859 à nos jours : petit catalogue de grands projets…non réalisés
Le projet "Leroy de Keraniou" (1859)
Lors de l'enquête publique, l'emplacement du port de Porstrein est vivement discuté, notamment par rapport au projet de M. Leroy de Keraniou (ci-contre) qui veut créer un projet nettement plus ambitieux sur le fond de rade. Le capitaine Leroy de Keraniou vient en effet de publier en 1857 "l'avenir du commerce et des ports français" dans lequel il imagine un aménagement portuaire et industriel de grande ampleur pour Brest, destiné à devenir le Liverpool français. Même si son contre-projet est plus modeste, il envisage une connurbation portuaire allant de Lanninon au Relecq-Kerhuon, et de grands bassins dans l'anse de Kerhuon (le"port Sainte-Marie"). Son projet est soutenu par le conseil de l'Amirauté. Mais le résultat est favorable au projet de Porstrein, qui après une nouvelle révision, sert de base au décret de création du port de commerce en date du 24 août 1859. Le port doit coûter 15 millions de francs.

Les comités "Brest-Transatlantique" (1907) et "Bretagne Transatlantique"(1910)
Dès la mise en service de Porstrein, les autorités pensent à reconquérir l'escale transatlantique perdue. On réfléchit à une forme de radoub de grande dimension, qui pourrait traiter les plus grands navires de l'époque, et donc être un atout en ce sens. La décision est officialisée en 1897, et la forme n°1 se construira à l'angle du 5ème bassin. Forts de cette décision, quelques personnalités, membres de la chambre de commerce ou de la section brestoise de la ligue maritime, constituent en 1907 le comité "Brest-Transatlantique. En 1911, la convention postale avec les transatlantiques sera en effet, renouvelée, et il importait de rappeler les avantages de Brest. La construction d'un quai à grande profondeur est suggérée le long de la jetée de l'Est, il ne sera réalisé nous l'avons vu que dans les années 1930. En 1909, l'économiste Yves-Marie Goblet, celtisant et régionaliste engagé fait paraître dans la revue économique internationale "Brest tête de ligne des courriers transatlantiques, qui prolonge le propos du comité Brest-Transatlantique, alors que des travaux majeurs de 86 millions de francs sont envisagés au Havre. Dans la foulée, en 1910, un comité d'études Bretagne-Transatlantique" est créé, dont l'objet est d'étudier les moyens propres à développer les relations entre les cinq départements bretons avec les Etats-Unis, par le port de Brest, et l'Amérique centrale par Nantes.
Le plan de Georges Milineau (1913)
En 1913, l'architecte de la ville Georges Milineau imagine l'esquisse d'un grand port transatlantique, dont l'extension se ferait à l'est du port de Porstrein. Nouvelle digue de protection, nouveaux bassins, gare maritime, installations de réparation, port de plaisance… la vision est saisissante et anticipe bien la réalisation future. Si le projet d'une grande gare maritime ne se fera pas, c'est bien là que s'établiront les grandes extensions du XXème siècle.



Le projet "grand port européen transatlantique" de Claude Casimir-Périer" (1914)
En 1914, un peu avant de début de la grande guerre, Claude Casimir-Perier, fils de l'éphémère président de la république Jean Casimir-Perier, fait paraître aux éditions Hachette un travail considérable consacré à la vocation maritime commerciale de Brest, intitulé :" Brest port transatlantique européen - projet de réorganisation des services maritimes et des chemins de fer français". Dans cette approche, Brest constitue cette porte d'entrée. Le projet consiste à créer une dizaine de bassins connectés au rail, à combler les anses de Saint-Marc et du Moulin-Blanc, à créer des ateliers et formes de radoub. Six voies de chemin de fer, pas moins, connectent le port au réseau ferré.
Le "plan des Américains" (1919)
Extrait de la "carte routière de Brest et de ses environs publiée en 1919 par J. Ogueur, officier de réserve des équipages de la flotte, qui figure un projet des plus ambitieux pour le port et la ville, dit "plan des Américains". Un "grand bassin du port océanique" est construit dans le chenal de l'Elorn, venant ainsi chercher des profondeurs de 20 m, tandis que la nouvelle ville s'appuie sur la digue Sud et la jetée est de la rade-abri. La cité ouvrière occupe l'anse de Saint-Marc. Un bassin à flot est créé à l'Est du port de Porstrein. C'est la vision maximale d'un grand port de commerce à Brest.
Le projet "Port pétrolier" (1926)
En 1926 émerge un projet notable, celui porté par la société d'études "Brest-Port pétrolier". La consommation de pétrole augmente dans le pays. Il s'agit d'installer sur les ports français des capacités de raffinage. La société, titulaire d'une autorisation d'importation de 225 000 tonnes, obtient le 23 mai 1926 l'autorisation d'installer un établissement de raffinage dans le secteur du Moulin-Blanc, et un parc de stockage sur les terre-pleins du port. Les bateaux-citernes de 10 000, 15 000 et même 20 000 tonnes arriveraient avec de la matière brute, qui serait pompée à la raffinerie du Moulin-Blanc ; Les chalands de haute-mer et "tous autres bateaux" viendraient enlever les produits raffinés. Le mouvement annuel prévu serait de 200 000 tonnes environ, soit un tonnage à peu près égal à celui du port à l'époque. Le projet ne se fera finalement pas. La société "Brest-port pétrolier trouvera bien un accord en 1931 avec la société alsacienne Pechelbronn, l'une des plus anciennes entités de raffinage au monde, mais leur filiale commune, la société Pechelbronn Ouest préférera s'installer sur le port pétrolier naissant de Donges, sur le port de Nantes Saint-Nazaire. Le projet brestois s'avère en effet trop onéreux.
Le projet "Terminal relais pétrolier" (1968)
La fermeture du canal de Suez associée aux progrès de la construction navale accélère la course au gigantisme des navires pétroliers. Mais les sites portuaires ne permettent pas tous l'accueil de navires dont les tirants d'eau atteignent 19 m pour un 200 000 t et 25 m, voire 30 m pour les futurs 500 000 t. En 1968 est mis en service le terminal de l'ïle Whiddy en Irlande, qui reçoit les pétroliers géants de la Gulf Oil Corp (312 000 t de port en lourd) et en redistribue la cargaison sur des tankers de 100 000 t à destination des raffineries européennes du groupe. A Brest, la rade, qui a déjà reçu des navires en avarie de 23 m de tirant d'eau, offre des qualités comparables. Mais le projet est coûteux : 500 millions au moins (600 avec le poste de Douarnenez) pour 150 millions de tonnes de pétrole. Cherbourg offre des fonds de 50 m, mais c'est Le Havre, qui après avoir créé l'île artificielle du Parfonds en baie de Seine, sera avec le terminal d'Antifer le lieu du grand terminal français en eau profonde.
Croquis intégrant l'option de la baie de Douarnenez pour le poste des superpétroliers. Un pipe-line rapatrie le brut vers Brest via une zone de stockage située à Plougastel (communication du 14 avril 1967 devant l'académie de Marine)
Le projet de raffinerie (1971)
Nous avons vu que Donges avait été préféré à Brest dans les années 1920, alors que se mettait en place l'industrie du raffinage. Dans les années 1960, l'industrie pétrolière n'envisage pas de scénario justifiant la création d'une raffinerie avant les années 1980. Si la consommation du Finistère croît de 8 à 10 % par an, le marché n'est au maximum que de 1,35 millions de tonnes, ne justifiant pas des équipements spécifiques de production. Le 8 octobre 1968 pourtant, le conseil des ministres décide de favoriser la mise en place à Brest d'un appontement pétrolier et d'une raffinerie, dans le but affiché de faire baisser le coût de l'énergie dans le Grand-Ouest. Le projet consiste à créer un terminal de déchargement en rade au droit de la pointe du Corbeau, un parc de stockage intermédiaire dans la presqu'île de Plougastel (anse du Caro), et une raffinerie sur le plateau du Léon, à Lanvian, entre Guipavas et St-Divy.


Le coût du projet est élevé. En 1970, l'enveloppe nécessaire s'élève à 400 millions de francs, dont 250 millions pour la raffinerie elle-même. Les agriculteurs, puis les ostréiculteurs de la presqu'île de Plougastel, qui redoutent une marée noire, alertent l'opinion publique. Un comité anti-pollution dénonce les risques. Les syndicats ouvriers, les milieux économiques eux-mêmes s'interrogent : les avantages attendus sont-ils à la mesure du coût et des risques d'un "Fos ou d'un Tarente breton" ? La campagne anti-raffinerie s'ouvre en 1972. Les arguments opposés au projet sont divers : peu de volonté industrielle, réserves supposées de la Marine, peu d'emplois crées au regard de l'envergure du projet, mais surtout le sacrifice de terres agricoles, et les risques écologiques pour la rade. La loi sur la protection de la nature ne sera votée qu'en 1976, mais le risque d'une aggravation de la pollution chronique de l'eau, et surtout d'une pollution accidentelle en rade sont avancées. La polémique s'installe, portée notamment par Edouard Leclerc. Après le choc pétrolier de novembre1973, le projet sera abandonné, au grand soulagement, comme pour le port-relais pétrolier, des défenseurs et amoureux de la rade.

3 Le port de Brest aujourd'hui : Le nouveau terminal EMR (Energies marines renouvelables) / colis lourds en cours de construction


En 2011 est décidée par le Conseil Régional, sur le site du polder réalisé en 1976-1980, la création d'un nouveau terminal dédié principalement à la transition énergétique et aux énergies marines renouvelables. Une enquête publique valide l'aménagement en 2014. 40 ha environ sont en cours d'aménagement sous forme de grandes parcelles industrielles adaptées à cette activité. Les sols compressibles doivent en particulier être préalablement consolidés. Le site doit également être doté d'un accès maritime inexistant aujourd'hui. Un quai de 330 m est donc envisagé, dont le dragage des accès, associé à l'approfondissement du chenal commerce actuel, génèrera une nouvelle surface poldérisée de 12 ha. Les travaux sont en cours et doivent se terminer en 2020.

Signature :
Guy BERROU (Ingénieur, Conseil Régional de Bretagne)

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